mardi 12 février 2008

Internet sort vainqueur du conflit studios / scénaristes

Internet ne veut plus faire média à part

Une élection discrète mais qui concerne indirectement tous les Américains, et, mondialement, tous les téléspectateurs, a réuni 10 500 électeurs aux Etats-Unis. Le scrutin concernait de la poursuite ou de l’arrêt de la grève des scénaristes syndiqués (Writers Guild of America), entamée il y presque 4 mois contre les studios (Alliance of Motion Picture and Television Producers). L'arrêt de la grève après 100 jours a été décidé par 92,5% des votants : les scénaristes retournent au bureau écrire la suite des aventures de "Grey's Anatomy", "House" et autres "Uggly Betty".

La raison de la grève : la rémunération des scénaristes lorsque leur travail est diffusé, streamé, téléchargé sur Internet (fixe ou mobile). La règle est qu’ils reçoivent une rémunération pour les scenarii exploités par les chaînes et stations de télévision, à quoi s’ajoutent des droits résiduels (residuals) pour les marchés secondaires (ancillary markets), VHS, DVD notamment mais pas Internet. Les scénaristes s’étaient déjà fait gruger par les studios dans le cas des cassettes puis des DVD. Cela ne devait pas passer avec Internet. Rappelons que en 1988, sur une question de residuals déjà (diffusion à l'étranger notamment), la grève des scénaristes avait duré plus de 5 mois !

Les grévistes ont obtenu 2% sur les revenus encaissés par les studios pour toute exploitation de leur travail sur Internet (et non un montant forfaitaire comme l’escomptaient les studios), 1,2% des paiements effectués par les internautes pour les téléchargements (et inversement lorsqu’une série réalisée pour Internet est diffusée en télévision). Ils ont obtenu les mêmes conditions (assurance santé, retraite) pour les scénaristes travaillant pour Internet que celles des scénaristes travaillant pour la TV traditionnelle. Ils accèdent aussi aux données financières de l’exploitation des séries (pour vérifier leur dû). Enfin, ils obtiennent une augmentation de 3,5% des salaires (3% seulement pour le travail distribué en prime time).

Une nouvelle négociation est prévue en 2011 : rythme triennal inadéquat à un univers médiatique qui change si vite. Auparavant, sur le même sujet, une autre négociation est à venir pour les studios : avec les acteurs (Screen Actors Guild) dont le contrat expire le 30 juin 2008.

A long terme, l’enjeu apparaît formidable, si l’on admet que la distribution des émissions (scripted shows) via Internet deviendra significative. La notion de "droits résiduels" et de "média ancillaire" est surannée, tout comme le fut en France, en télévision, celle de "chaînes de complément". Internet est devenu un média stratégique.

Qu'importe le mode de distribution, ce qui compte c'est l'émission. Il faut désormais mettre en en oeuvre une comptabilisation complète des audiences d'une émission, tout mode de distribution inclus. Et peut-être concevoir aussi des modalités d'intervention publicitaire transversales, également indépendantes des supports.

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