vendredi 27 juin 2008

La loi d’airain de l’automatisation

Google vient de rappeler, en 3 actes, à ceux qui voudraient les ignorer encore, les principes de l’économie numérique, tout ce qui fonde son métier, son modèle : la transaction automatisée, payée sous forme de troc indolore pour les internautes (des données individuelles contre un service individuel, moyennant des cookies), la mise aux enchères de l’accès à cette audience immense vendue au détail. Tout instrument ou service de Google se paie en information capable de qualifier des audiences (refusez les cookies : plus de service !).
  • Premier acte. On avait les Google Analytics, AdSense, AdWords (dans ses versions Internet, radio, presse, TV), voici maintenant un Google Ad Planner, autrement dit une mesure opérationnelle des audiences et des comportements à fin de médiaplanning (Google Ad Planner peut renvoyer, entre autres, sur MediaVisor, l’outil média de DoubleClick, qui appartient à Google).
  • Deuxième acte. Voici Google Trends pour comparer l’audience des sites : c’est encore rudimentaire, mais ne le restera certainement pas.
  • Troisième acte. QDQ, les PagesJaunes espagnoles passent un accord avec Google pour le développement de la publicité locale. Illustration d’une composante majeure de la stratégie Google, qui consiste à "encercler" les grands acteurs de la publicité et des médias à partir de ce que l’on a jusqu’à présent confiné dans le non-être publicitaire : dit hors média (below the line). Longue Marche à la Google, logique de Go.

  • En résumé : long tail (des dizaines, des centaines de milliers d’annonceurs), gratuité des outils média pour tous (petits et grands annonceurs, amateurs et professionnels), mobilisation du local.

    Tout se passe, de plus en plus, comme si Google fournissait un service public, indispensable comme les transports ou l’électricité, gratuit comme l’école publique ou la voirie (c’est une lecture de l'essai de Nicholas Carr dans The Big Switch. Rewiring the World, from Edison to Google, W.W. Norton, 2008). Le monopole n’est pas loin... (Google aurait plus ou moins 90% de part des recherches en France). Si l’on accepte ce type de métaphore pour penser cette situation, deux ensembles de questions s’en déduisent.


    • Question 1, de gestion. Que reste-t-il aux agences média, et à leurs fournisseurs de données d’audience ? Où est désormais pour elles le métier média, sa valeur ajoutée ? La réflexion stratégique, sans doute, d’où l’importance à terme des outils issus du 360°, indispensables à cette réflexion. Mais aussi l’articulation stratégique puis tactique des différents média mis en œuvre (comment enchaîner les médias, dans quel ordre, pour optimiser le retour sur investissement). Contre l’industrialisation (désintermédiation), l’artisanat média, contre le prêt à penser et dépenser les médias, le sur mesure et la haute couture des plans ?
    • Question 2, de droit. Comment maintenir la neutralité et l’impartialité de l’Etat vis-à-vis de tous les acteurs de l’économie numérique ? Comment assurer l’égalité des chances entre Google, les entreprises audiovisuelles, ou la presse, par exemple ? Quel pouvoir politique peut imposer en Europe quoi que ce soit à Google ? Que deviennent sur Internet les fameuses "exception" ou "expression" françaises ? Si l’on ne peut imposer à Google l’équivalent des contraintes que connaissent les plus anciennes entreprises de média, faut-il aligner ces dernières sur l’absence de réglementation dont profite Google ? La question relève des parlements (la Chambre des Lords l'évoque dans un rapport du Communications Committee, 27 juin 2008).

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