dimanche 5 avril 2009

Wikipédistes et Lumières


Planche sur le Coutelier, réalisée par Diderot
qui était fils de coutelier
En octobre 2009, Microsoft referma Encarta, lancé en 1993. Wikipedia, encyclopédie en ligne, collaborative, libre, gratuite (mais payée par qui, quelles donations ?) a mis hors service l'encylopédie sur DVD, payante. Fin d'un monde, d'un mode de distribution, d'un modèle économique. Après le papier, le dernier support matériel grand public rend les armes. Le monde des supports "infinis" commence.

Par-delà les transformations matérielles, c'est la victoire de l'encyclopédie, de son "enchaînement de connaissances" (Diderot, dans l'article "Encyclopédie" de l'Encyclopédie). La notion d'enchaînement est au coeur de l'entreprise, comme une sorte de loi de Metcalfe pour un réseau de mots : "Un article omis dans un Dictionnaire commun le rend seulement imparfait. Dans une encyclopédie, il rompt l'enchaînement" (D'Alembert, Discours préliminaire de l'Encyclopédie). "Changer la façon commune de penser" (Diderot) s'accomplit au moyen d'une révolution dans l'ergonomie de la consultation des savoirs, de la recherche et du penser (cf. notre post sur les effets de Google, Res Googlans). Le média, pas seulement le message (M. McLuhan).

L'idée de rassembler, organiser, relier des savoirs de tous ordres, qui prit son essor au XVIIIème siècle est vivante, Diderot, D'Alembert et les encyclopédistes salueraient Wikipedia, eux qui avaient ouvert la voie avec les renvois, les planches pour illustrer toutes les techniques ("arts"), tous les métiers ; eux qui avaient collecté les mots des savants, des artisans, des commerçants, des paysans. Ils admireraient certainement le plurilinguisme de l'entreprise wikipédique, le nombre des contributeurs (mais leur sélection ?), les incessantes mises à jour, l'accès simple aux photos, à la vidéo, aux schémas. Gages de continuité, endémiques au modèle, certains problèmes demeurent : plagiats, contrôle des informations, neutralité des contributions... Mais il manquerait aux Encyclopédistes des Lumières ce qui était pour Diderot l'essentiel : l'enchaînement des connaissances, leur raison d'être...

Désormais, pour la plupart des étudiants, dès le collège, et même avant, il n'est d'ouvrage de référence que sur le Web. Rien ne résiste à la commodité, au nouvel habitus acquis avec Internet et les hyperliens, avec les moteurs de recherche, les copier-coller... Feuilleter un dictionnaire alphabétique en papier semble d'un autre âge. L'encyclopédie d'aujourd'hui est partout chez elle "dans les nuages", accessible partout, dès lors qu'il y a une connexion Internet. 
Quant à la Grande Encyclopédie, elle est au musée ; on peut la voir à Langres, pays de Diderot, à la bibliothèque Marcel Arland. Encarta va sûrement l'y rejoindre.

Emmanuelle Tisserand bibliothécaire à Langres, présente son trésor au grand public (notre photo) 

1 commentaire:

stéphane a dit…

Après le marché du disque, celui du DVD c'est au tour de celui de la culture. En effet, Internet et les nouveaux "business models" qui en découlent mettent fin aux anciens schémas ou le consommateur paye sa consommation.
Avec l'exemple gratuit de wikipédia ou google qui se finance par la publicité, internet n'est-il pas synonyme de consommation gratuite?