dimanche 31 mai 2009

Le Canard enchaîné, modèle économique sans Web


Le Canard enchaîné, bientôt un siècle et toutes ses plumes, trempées dans l'encre - d'imprimerie, bien sûr. Du papier journal et des points de vente, des abonnements. Canard sans lequel le mercredi ne serait qu'un jour comme les autres.

Canard absent d'Internet. Sauf une page pour expliquer qu'il n'est pas près d'y patauger, mais aussi, quand même, pour montrer sa une à tous les passants.

Pas de pub, pas de petites annonces, pas de photos, pas d'Internet.
Rien que l'argent de ses lecteurs (hors subventions et aides banales à la presse). Payant, mais pas cher : 1,2 € de pur jus rédactionnel chaque semaine.
Un modèle de vertu gestionnaire, d'indépendance, et, en prime, un résultat positif. Enfin une "exception française" dont on peut être fier (sur ce modèle, au Sénégal, Le Canard Enchaîné a inspiré Le cafard libéré).

Et s'il y avait là un modèle économique pour la presse ?

Rappel : 500 000 exemplaires diffusés payés par semaine, 6,2 millions € de résultat (2007). Notons aussi des fans et plusieurs groupes sur Facebook (dont un réclamant sa présence en ligne).

dimanche 24 mai 2009

Magazines Play "Catch" with French Kids

A shelf with "catch" magazines in Librairie du Parc,
Boulogne (France), close to a major elementary school.

In French, "catch" stands for wrestling.
There is a new trend among young boys (10 +): "catch". The media take advantage of this trend and obviously accelerate it. There is even a magazine for kids 6-12 : CatchGame.
July 2 : 18 new magazines dedicated to catch have been launched during the last eight months in France (monthly or bimonthly), plus many special issues (hors série). These magazines often offer posters and tattoos. Source : Base MM (June 2009). 

There are TV programs about catch on many channels (Canal Plus Sport, NT1, RTL9, W9) and of course collector cards for trading card games. Cards are sold by newspaper stores (and, on the net, by the WWEuroshop which also sells WWE figurines, T-shirts and posters). They mostly show American wrestlers (Triple H, The Undertaker, John Cena, etc.). Cf. infra, Slam Attax Cards.
Yesterday, "catch" finally made the front page of the largest Parisian paper (Le Parisien) and its national issue (Aujourd'hui). 
What role does the media play? Does it just mirror something which started among kids during recess (cours de récré)? Is it simply something launched in Europe by the American WWE (World Wrestling Entertainment) and amplified by the media?
How can this phenomenon be reconciled with what is announced as the end of print? What is the Internet's role in all this? Wasn't it supposed to "kill" the printed press, especially for the so-called "digital generation"?
Once again what seems simple is but a simplification.

"They're All Crazy About Catch".


vendredi 22 mai 2009

Gran Torino makes our day


Il s'agit du film Gran Torino (sorti en décembre 2008 aux Etats-Unis, fin février 2009 en France), tourné à Detroit, au coeur de l'industrie automobile américaine (l'Etat de Michigan a mis en place des incitations fiscales pour les tournages).
Que voit l'Amérique d'aujourd'hui dans ce film qui parle de celle d'hier, de son Histoire. Que voient les spectateurs français ? Un film réduit à une histoire ? Un film n'est que ce l'on "reçoit". Tout ici invite l'étranger au contre-sens. La banlieue américaine n'est pas la "banlieue" française, etc. Ce film est tellement américain que la plupart des Français ont dû voir (et aimer) un autre film. Lequel ? Quel film ont-ils construit à partir de leur propre expérience, de leur propre Histoire ?
  • La fin d'un monde. Le personnage principal est un ouvrier, d'origine polonaise, ancien combattant de la guere de Corée, retraité de l'industrie automobile américaine (Ford). Américain du Midwest, de ceux qui ont "fait" les Etats-Unis (les guerres plus ou moins coloniales, les "belles américaines", etc.) et que l'Amérique a faits (patriotisme commercial -"Buy American Act" - christianisme, petite maison de banlieue avec pelouse, pick-up, etc.). Ses rituels mis en scène : la bière sur le porch, le cooler où l'on puise, la pelouse que tond son propriétaire, la rhétorique ritelle d'agression jouée, politiquement très incorrecte, forme euphémisée, acceptable, de l'acceptation du melting pot. Du sport à la télé. Lecture désabusée et sceptique du quotidien, partagée avec son chien. Téléphone qui sépare.
  • Tout métier fait un homme et ses vertus. L'usine et la société de services ne font pas les mêmes hommes. Habileté manuelle d'un côté, carnet d'adresses et téléphone de l'autre. Un fossé culturel sépare ces générations en conflit. Les nouvelles générations de la famille sont intéressées, sans intérêt pour lui, à la recherche d'un avantage pécuniaire. Le personnage négatif est une adolescente, téléphone portable greffé aux doigts, mâchonnante, toute à sa suffisance entretenue par les parents.
  • A la fin de sa vie, la grâce touche ce retraité sous la forme de voisins venus d'Asie. Cette famille traditionnelle "étrangère" vit selon les vertus américaines d'autrefois, neighborliness. Voisin à qui il peut fièrement transmettre ses outils et ses tours de main. Son héritage, son capital (humain). C'est à eux que reviendra l'automobile, la Gran Torino Sport (sortie en 1972), exposée et astiquée sur le driveway, chef d'oeuvre de sa carrière mécanique. La Ford Torino, muscle car, qui donne son titre au film a été beaucoup vue aux compétitions automobiles NASCAR mais aussi dans la série Starsky & Hutch. C'est un véhicule populaire, une légende américaine aussi. Inconnue en France.
  • Ce film monte et montre en 116 minutes les éléments d'une ethnographie du changement social. Film du déclin de l'industrie automobile américaine, de la fin de la culture ouvrière. Suite de clichés, révélateurs d'un environnement culturel qui se défait (Cf. M. McLuhan, From Cliché to Archetype). Le film montre aussi, de manière juste, le réseau des interactions entre voisins et le réglage progressif de l'économie non marchande qui s'institue entre eux (don, contre-don).
  • Pour se convaincre de l'irréductible américanité de ces images, essayez de traduire en français : "Sitting on his porch, he pulls a beer out of the cooler".

mardi 19 mai 2009

Principe d'incertitudes

A titre expérimental, dans le cadre d'un travail scolaire, un étudiant a inventé une citation de Maurice Jarre et l'a placée dans un article de Wikipedia consacré au musicien. Son objectif était d'évaluer la propagation d'un tel faux, et ses limites. Le faux s'est retrouvé dans de nombreux articles de journalistes couvrant le décès de l'artiste (BBC Music Magazine, The Guardian, Daily Mail, etc.). Ce qu'il fallait démontrer.
Limites du crowd sourcing. Wikipedia, beau joueur, a rectifié rapidement, admettant la pertinence de l'expérimentation.
Parmi les sources exploitées sans précaution, les communiqués de presse, par lesquels entreprises et administrations s'auto-célèbrent, sont en bonne place. Wall Street Journal rapporte les conclusions d'une étude effectuée par un chercheur sur les communiqués de presse des centres de recherche académique en médecine (étude publiée dans Annals of Internal Medicine, 5 May 2009). Les communiqués pèchent souvent par omission : oublis de mentionner les tailles d'échantillon, de préciser les limites de la méthodologie... 
Comment interpréter ces anecdotes (que je n'ai pas vérifiées !) ? Les journalistes recourent à des sources qu'ils ne peuvent pas toujours contrôler : faute de temps, de moyens, de formation. Rendement et délais obligent. L'information critiquée, vérifiée, contrôlée est lente, difficile à produire, donc très chère. Et incompatible avec le culte du scoop. Qui est prêt à la payer à son juste prix ? L'éditeur ? Le lecteur ? Que l'on ne s'étonne pas de la prolifération de l'opinion, du rapportage, du n'importe quoi et de l'à peu près. 
Contre cette culture quotidienne d'imprécision, un seul antidote : ne pas croire ce que l'on lit. Stratégie cynique développée par les lecteurs : croire pour ne pas gâter son plaisir, mais sans y croire vraiment. Complémentarité. Richard Hoggart dans son ouvrage The Uses of Literacy, évoque la manière "oblique" de consommer les médias dans les classes populaires ("oblique way"). Equilibre du marché de l'information et double contrat de lecture. Figaro déjà avait repéré l'utilité d'un "journal inutile".
Qu'attendons-nous des médias, hypocrites lecteurs ? La vérité ? Ce n'est pas certain. Plutôt le vraisemblable, "qui touche", que le vrai ! La citation de cet étudiant sur Maurice Jarre était vraisemblable.

dimanche 17 mai 2009

Université numérique


L'université numérique fait son chemin. Le livre électronique et l'iPhone laissent entrevoir des outils didactiques plus efficaces, moins chers et une nouvelle économie de l'éducation. 

Avec le Kindle grand format (Kindle DX), sa formidable capacité de stockage (3 500 livres), son accès à Wikipedia et aux documents PDF, Amazon vise le marché universitaire : un programme pilote est prévu pour la rentrée prochaine avec plusieurs universités américaines, dont Princeton. Quelques centaines d'étudiants (chimie, gestion, comptabilité, informatique) participeront au test. 
Un livre électronique comme le Kindle DX peut rassembler sur un seul support tout ce dont un étudiant a besoin : manuels, exercices et corrigés, ouvrages de référence... tout cela en plusieurs langues, avec des outils de traduction, des liens, etc. De plus, le moteur de recherche interne désenclave et rapproche les disciplines scolaires. Le manuel numérique est pluri-disciplinaire par construction. Toutefois, le livre électronique manque encore de couleurs (c'est pour bientôt).

Le iPhone pénêtre également le marché unversitaire en proposant des applis didactiques et pratiques (en sciences et en langues principalement). Regardez, par exemple, l'une des applis consacrées à la classification périodique de Mendeleiev. 
L'aspect opérationnel et portable de l'iPhone est déterminant : l'école de journalisme de l'université du Missouri l'a mis sur la liste du matériel nécessaire pour la rentrée 2009 des étudiants de première année (pour ré-écouter, revoir et apprendre les cours). 
A Tokyo, Aoyama Gakuin University recourt à l'iPhone 3G pour tester les connaissances, communiquer les travaux à effectuer pour les cours, transmettre des vidéos de révision mais aussi pour suivre les présences sur le campus.

Les décideurs politiques s'intéressent aux possibilités éducatives du numérique. En Californie, dès la rentrée 2009, les établissements scolaires proposeront des manuels gratuits open source sur support numérique. Objectif : réduction des coûts de l'éducation.
Le projet précédent, en 2002 (California Open Source Textbook Project), avait échoué sur des obstacles de nature "ethniques": comment refléter les différentes composantes "culturelles" de la société, représenter les diverses religions, etc. 
Pour éviter ces réactions et prétextes, le projet 2009 attaque le problème par des disciplines scientiques et techniques (maths, physique, chimie, biologie, technologie, etc.) qui laissent peu de prise aux élucubrations idéologiques. 
L'open source conjugué au support numérique présente des avantages importants :
  • Mises à jour régulières, continues
  • Insertion d'outils d'autodidaxie, d'auto-évaluation
  • Recherchabilité (searchability)
Avec la numérisation des outils de transmission des savoirs universitaires, la mondialisation est inévitable (économies d'échelles). Dans une telle perspective, quelle place, quel rôle pour les éditeurs nationaux (cf. l'enquête conduite par l'éditeur scientifique Springer auprès d'institutions de recherches) ? Pour les auteurs de manuels ? Le modèle du manuel à venir, inévitablement collaboratif, est sans doute à rechercher du côté de Wikipedia. 
 

vendredi 15 mai 2009

PME mises en réseau


Google met en place un outil de lobbying auprès du Congrès américain, au service des PME (SMB, Small and Middle Businesses) : Small Business Network.
L'objectif déclaré est la protection des PME et de leur capacité d'utiliser Internet. Donc, premiers sujets de préoccupation, l'augmentation des débits et la neutralité d'Internet. En question aussi, les aspects fiscaux (taxes locales sur le commerce en ligne, etc.).
Il s'agit aussi de mobiliser les PME pour qu'elles ne soient pas oubliées dans l'allocation des fonds publics d'aides aux entreprises ("stimulus package" : American Recovery and Reinvestment Act). 
Google a deux bonnes raisons de jouer ce rôle. Pour être intéressée, cette philanthropie n'en est pas moins intéressante.
  • Les PME et les SoHo (Small Offices / Home Offices) constituent une grande partie de sa clientèle (outils de cloud computing, publicité). Cete long traîne constitue un allié politique naturel pour Google. 
  • Google se met en avant comme porte-drapeau des PME et des startups, se donnant une image de "bon géant" désintéressé, aidant les plus petits. Google enrichit son slogan : de "Don't Be Evil" à "Be Good"!
Un tel groupe de pression pour mettre davantage Internet au service des petites, des micro entreprises et des startups trouverait toute son utilité en France. A qui de jouer ?

vendredi 8 mai 2009

Vivre en pannes


Il y a peu, Gmail est tombé en panne ("a glitch") ; à son tour, Hotmail tomba en panne quelques jours plus tard, puis Gmail à nouveau. Le 9 mai, dans le Sud Est, Orange a dû interrompre ses services pendant plusieurs heures (mobile, TV, Internet : triple play !). Pour les adeptes du cloud computing, c'est préoccupant. Comme Gmail et Hotmail sont gratuits pour le grand public, on leur pardonne plus facilement, d'autant qu'avec le travail off-line et le "flaky connection mode", ce fut supportable pour les usagers de Gmail.

Les fournisseurs d'accès interrompent leur service de temps en temps : ils expliquent, quand ils daignent expliquer, que c'est "la faute à France Telecom", au dégroupage partiel, total... Impossible de s'y retrouver : c'est la faute à personne. Il n'est pas surprenant qu'Internet devance de peu la téléphonie dans l'Observatoire des plaines de l'Afutt et tienne bien sa place dans le Baromètre des réclamations de la DGCCRF. Voir le commentaire mesuré de la revue Que Choisir ? et le baromètre d'insatisfaction des consommateurs prisonniers de "l'enfer des hot lines" : pour eux "la galère reste en ligne" : tous les FAI sont au-dessous de la moyenne, sauf Darty.

A propos, avez-vous déjà entendu parler de pannes de facturation ? Non ? Bizarre...

Quant aux pannes des ordinateurs, aux bugs divers, aux courriers erratiques, c'est là monnaie courante. Blogs et forums regorgent d'astuces et de trucs pour survivre dans la jungle bureautique : aidez-vous les uns les autres. Et ne comptez surtout pas sur les modes d'emploi ou les aides en ligne : ils répondent à toutes les questions que vous ne vous posez pas. Appeler un service après vente, un service client ? N'y pensez même pas ! Les opérateurs, les fabricants comptent désormais sur les clients pour venir en aide aux consommateurs qu'ils ont naufragés. Ils ont "crowd sourcé" leur SAV.

Même s'ils perdent quelques batailles, fabricants, opérateurs et consorts ont gagné cette guerre d'usure. Le consommateur, accablé, ne se plaint plus trop, il se débrouille. Triomphe du bricolage. Le nombre de réclamations, indicateur commode, sous-estime la réalité des mécontentements ; il ne prend en compte que le plus vérifiable, le plus indéniable (facturation excessive, etc.). D'autant qu'il faut du temps et du savoir-faire pour se plaindre : les plus vulnérables ne savent pas ; Que Choisir ? publie des lettres-types pour faciliter le dépôt de réclamations et aider les victimes. Le consommateur vit désormais les pannes comme un destin. Minuscule pot de terre contre tentaculaires pots de fer, il se méfie. Il sent bien que les méchantes Parques qui filent nos vies numériques, et les coupent, se réjouissent des incompatibilités entre logiciels qui nous frappent à chaque nouvelle version, à chaque mise à jour, qu'elles se réjouissent aussi des tarifs et CGV ésotériques de la téléphonie portable, des anti-virus pré-installés, des assurances, des garanties... A chaque jour suffit sa panne !

Coûts de transaction
Le temps que fait perdre cette gigantesque accumulation de pannes, de bugs, de fausses promesses, de déceptions, de dissuasion, de démoralisation a un coût, qu'il faudrait évaluer, pour revoir à la baisse les déclarations de satisfaction tonitruantes... et, à la hausse, la facture numérique réelle des consommateurs et des entreprises. A imputer aux coûts de transaction !

mardi 5 mai 2009

Ethnographie armée


Le Center for Research Excellence (CRE) publie les résultats d'une étude sur l'audience des médias à écrans (TV, ordinateur, téléphone et parfois du digital signage hors du domicile) : Video Consumer Mapping Study. Le CRE, financé par Nielsen, est piloté par des chercheurs (tous ont plus de 35 ans, bizarre !) représentant ses principaux clients : entreprises de télévision (chaînes de télévision, câblo-opérateurs et leurs régies), agences média (médiaplanning et achat d'espace), annonceurs (P&G, Unilever, Kraft, Kimberly Clark). Le Media Rating Council (MRC), qui audite les études de référence aux Etats-Unis, est également représenté. 
Le terrain est réalisé par le Center for Media Design de Ball State University : 476 enquêtés sélectionnés parmi d'anciens panélistes de l'audimétrie individuelle de Nielsen (quel biais ce recrutement induit-il ?) répartis dans six agglomérations américaines (DMA) suivis pendant deux jours chacun. 

D'emblée, l'objectif polémique de l'enquête est avoué, remettre en question ce qui pourrait remettre en question les investissements télé : non, les jeunes adultes ne désertent pas la télévision pour quelque streaming sur l'ordinateur ; non, le standard publicitaire TV du 30 secondes n'est pas mort ; non, la consommation de télévision n'est pas différée. Dans la ligne de mire :  TiVo et les enregistreurs numériques (DVR), le streaming, et la publicité sur Internet aux formats innovants. 

Les conclusions sont celles que recherchaient les promoteurs de l'étude.
  • La télévision en direct représente l'essentiel de la consommation média (durée et audience cumulée), la télévision est, plus fréquemment que tous les autres médias, le média primaire, voire même le média unique.
  • La valeur de l'audimétrie individuelle (people meter) est confirmée puisque les résultats obtenus par l'observation recoupent presque parfaitement ceux des people meters. A moins que les deux ne soient faux.
  • Le temps passé avec l'ordinateur (computing time) dépasse en durée de consommation, la radio et de la presse. Mais le temps passé avec l'ordinateur, qui reste inférieur à celui passé avec la télévision, est souvent associé à un autre média ou à une autre activité.
  • Les méthodes recourant aux déclarations par l'enquêté (self report data : questionnaire auto-administré, carnet d'écoute) induisent une sur-estimation de la vidéo en ligne, entre autres, tandis que la télévision, au contraire, semble sous-déclarée. 
Donc tout va bien pour la télévision et son audimétrie. Nielsen dixit.

PUF, Paris, 2009, 335 p., 15 €
Une partie de l'étude est consacrée à  l' "Acceleration Process", qui permet d'observer l'effet d'un changement d'équipement dans le foyer. Pour cela, l'étude subventionne à hauteur de 50% les nouveaux équipements, choisis dans un catalogue, de 100 enquêtés. Les enquêtés concernés en ont profité pour acheter des téléviseurs HD (79), des consoles Wii (41), des PS3 (31), des ordinateurs (21), des iPods (16), etc. Qu'apprenons nous ? L'acquisition d'un téléviseur HD provoque une augmentation, souvent temporaire, de la consommation TV, et, plus durable, un accroissement de la durée de consommation consacrée au sport.

Au-delà de ces résultats, qui remplissent leur fonction confirmatoire et encombrent Internet de l'habituel tintamarre de communiqués de presse, interrogeons plutôt la méthodologie et le "métier d'ethnographe" des médias (sur ce "métier", voir le Manuel de l'ethngraphe de Florence Weber, et, plus ancien (1953), le Guide d'étude directe des comportements culturels de Marcel Maget).

Que peut-on attendre d'une telle méthodologie d'étude directe (selon l'expression classique de Marcel Maget) ? On a certes l'habitude de l'enregistrement des entretiens dans les enquêtes de terrain, donc de la présence de magnétophones, d'appareils photographiques, de caméras. 
Mais, avec le numérique, "l'observation armée" et ses protocoles prennent une nouvelle dimension. Budgétaire d'abord : 3,5 millions de dollars. Technologique ensuite : l'enquête recourt à l'Observation Assistée par Ordinateur (Computer Assisted Observation) : un PC portable adapté muni d'un logiciel (Media Collector Program) conçu pour la saisie rigoureuse, homogène des informations et facilitant ensuite l'analyse de contenu (précodage).

Difficile de ne pas se méfier des artéfacts produits par cette méthode pour le moins intrusive. Imaginez-vous suivi(e) chez vous, à chaque pas, toute la journée durant, par un(e) enquêteur(trice) notant vos comportements sur un ordinateur portable : votre comportement média n'en serait pas affecté ? Allons donc ! Comment oublier un tel déploiement ? Car on n'est pas dans la situation ethnographique traditionnelle où l'enquête dure si longtemps - des mois - que l'enquêteur/trice est adopté(e) et oublié(e) comme tel(le) par son terrain et ses informateurs. Quel est le statut du savoir acquis selon cette méthodologie ? Les enquêteurs tout à leur ordinateur ont-ils également effectué des observations ethnographiques ?

Dommage que nous n'ayons pas accès, s'il y en eut, aux auto-analyses des enquêteurs, à leurs impressions au contact du terrain (journal d'enquête, etc.). 
Dommage que nous n'ayons les réactions des enquêtés, et de ceux qui ont refusé d'être observés. Quel est le taux de refus de particper à l'enquête ? Puisque le Media Rating Council (MRC) a suivi cette enquête, peut-être disposerons nous de ces données élémentaires d'audit. 
Dommage, pour résumer, qu'une enquête aussi ambitieuse, et aussi chère, et qui a suscité de telles innovations méthodologiques (matériel, logiciel, "accélération") soit si peu prolixe sur les aspects épistémologiques (effets de la méthdologie sur les résultats).

dimanche 3 mai 2009

Local, local, local


Des études diverses convergent pour affirmer le développement du marketing local en ligne. 
La part de marché de la recherche pour des petites entreprises et des commerces locaux s'accroît ; dans une étude effectuée pour Yellow Pages Association, ComScore situe cette part à 12% sur les grands portails. 
L'étude indique aussi que 72% des mots clés utilisés pour les recherches effectuées sur les sites de Yellow Pages n'indiquent pas de nom de marque. En conséquence, la géographie et les mots dans le médiaplanning visant le local prennent une importance déterminante. La géographie, ce sont des mots aussi (toponymes), et ces mots, "noms de pays" (cf. M. Proust, Du côté de chez Swann, 3), sont en quelque sorte des marques. Le géo-marketing, par défaut, propose à toute recherche la réponse géographique la plus proche (à la manière de Google Suggest) : tout médiaplanning devient ainsi marketing de l'affinité géographique.

Commerces et entreprises américains (PME-PMI) accroissent leurs investissements en publicité, et notamment en publicité locale sur Internet selon l'étude publiée par Borrell Associates, Main Street Goes Interactive: How Small Businesses are spending their online dollars. Ce qui représenterait 11% de leurs dépenses publicitaire totale (4% trois ans aupraravant) et ce n'est sans doute qu'un début.
Cette longue traine des milliers de petits annonceurs est mal servie par les grandes agences et cherche ses partenaires, médias méticuleux du local (66x3, SpaceFoot, etc.). 

Le géo-marketing est à la pointe de ces développements, sur ordinateur mais aussi sur téléphone. Les applis locales pour iPhone, par exemple multiplient les occasions de localiser les PME-PMI au plus près des besoins personnels ou B2B des clients (cf. par exemple, l'appli de l'annuaire Superpages, disponible dans la boutique iTunes).

Toutes ces tendances tiennent à l'organisation de la vie quotidienne : elles devraient s'exprimer bientôt en France.