vendredi 12 février 2010

Faire payer

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Cela pourrait, en moins bien, plagier un titre à la Jean Yann, sur le mode de "Moi y'en a vouloir faire payer". Enonçons, en vrac, quelques directions de discussions.
Le problème du "faire payer" a émergé pour la presse quotidienne dès qu'Internet a mis en réseau tous les savoirs déjà gratuits (1995-2000). Chacun autrefois accédait parfois gratuitement à la presse quotidienne, mais à petites doses, dans quelques circonstances limitées, plus ou moins incommodes : dans les bibliothèques, les cabinets de lecture, dans la rue, affichée au mur, au bureau, chez le marchand, au bistro... Internet a généralisé tout cela : tout le monde, tout le temps, accède à tout, après avoir payé son accès ; et encore y a-t-il des lieux, nombreux, où  l'accès est "gratuit" : entreprises, institutions d'éducation, administrations... (affleurent ici de nombreuses difficultés de la mesure des audiences liées au lieu : provenance pour le papier, fréquentation au bureau ou à l'université pour Internet).
La presse n'est pas seule dans cette situation difficile qu'elle partage, entre autres, avec les encyclopédies, les livres non récents, les annuaires...
  • Faire payer, pourquoi pas, mais payer pour quoi ? Que fait payer la presse traditionnelle, "papier / messageries / points de vente" ? Distinguons accès et contenus. 
    • Avec Internet, l'accès ne "vaut" plus rien. D'ailleurs, la presse quotidiene gratuite doit son succès d'avoir rendu gratuit l'accès à la presse pour les voyageurs du métro. Dans la perspective de l'accès, la commodité, si décisive, est désormais banalisée : alertes, flux RSS, twitts etc. (on pourrait interroger la proximité des termes français et anglais commodity  / commodité)
    • Des contenus exclusifs ? Ils sont rares dans la presse nationale. La presse régionale en propose :  plus elle est locale, plus elle est exclusive.
    • Des services ? La plupart des services importants sont déjà gratuits : recherche, alertes, tendances, réseaux, commentaires, publication (blogs), archives, etc. 
  • La presse quotidienne a-t-elle trouvé ce qui mérite d'être payé ? Que produit-elle d'exclusif et d'indispensable, hors agrégation de contenus produits par d'autres ? C'est la production de cet exclusif qu'il faut encourager, stimuler, et subventionner, plutôt la production élémentaire, primaire que l'agrégation.
  • Internet n'a pas inventé la gratuité : beaucoup de contenus furent accessibles "gratuitement" bien avant Internet, grâce à la radio puis la télévision (financées par la taxe et la publicité). D'ailleurs, la presse a tenté autrefois de limiter la diffusion de l'information par la radio (accords de 1937) ! Les premiers concurrents "gratuits" de la presse, bien avant Internet, sont la radio et la télévision.
  • Réserver certains contenus à ceux qui paient ? Charger de cens la lecture ? Un régime "lectoral" censitaire est-il, dans son esprit, compatible avec celui du droit des aides publiques à la presse ? 
  • Le journaliste dont l'article est réservé à l'accès payant perd de facto une partie importante de sa rémunération : sa notoriété, monnayable sous forme de publications diverses, ou de "ménages", et tout simplement d'évolution de carrière et de liberté.
  • Avez-vous noté que les plus ardents militants du "faire payer" sont souvent ceux qui ne paient rien, grâce à un service de presse, une Newsletter ou  un abonnement professionnels ? Google et quelques autres ont aboli ces privilèges.
  • La presse magazine est dans une situation différente : de nombreux titres produisent des contenus exclusifs, utiles. Ainsi s'explique sa fécondité : plus de 600 titres nouveaux en 2009, année de crise (Source : Base MMM, janvier 2009).
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