dimanche 20 juin 2010

La TV américaine et son marché publicitaire

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Aux Etats-Unis, les ventes de l'espace à l'avance pour l'année TV 2010-2011 (upfront market) sont presque achevées (quelques chaînes cabsat et des networks hispanophones sont encore en négociation). Tout va bien : 18 milliards de dollars d'espace sont attribués par les annonceurs au prime-time TV.
Les annonceurs des secteurs sinistrés en 2009 sont revenus en TV : automobile, grande distribution, services financiers. Le cinéma et les télécoms continuent d'investir massivement la télévision.
Les networks ont augmenté leurs prix de 8 à 10% (CPM), les chaînes thématiques de 5 à 10%. Certes, les ventes n'ont pas rattrapé les niveaux de 2008 ou 2007, mais, comme les chaînes thématiques accroissent leur part de marché, les transferts des networks généralistes vers les chaînes thématiques sont indolores pour les grands groupes multi-plateforme : leur part de marché (généralistes plus thématiques) est constante.

L'interprétation de ces premières données doit être prudente : l'upfront market est suivi d'un scatter market trimestriel dont on ne saura rien avant plusieurs mois. On dit : "hot upfront, cool scatter"... L'an passé (cool upfront), la hausse des prix du scatter market par rapport à l'upfront atteignit parfois 30%. De plus, les "networks" vendent upfront les trois quarts de leur inventaire, les thématiques deux tiers.

Après l'alerte de 2009, la télévision classique apparaît sauvée. Mais de quoi parle-t-on ?
De publicité ? Oui, le média télévision reste indispensable aux annonceurs des grandes marques.
De l'audience ? C'est une autre histoire. L'audience des networks généralistes nationaux (ABC, CBS, NBC, Fox, CW) s'érode ; l'audience de nombreuses grandes chaînes thématiques semble également touchée (ESPN, etc.). Pour les autres, le reste, la longue traîne des chaînes spécialisées, dont on ne sait rien, faute de mesure, on peut estimer qu'elle est en hausse. Pour l'instant, ces chaînes difficiles à acheter, sauf pour leurs annonceurs captifs, ne risquent pas de menacer les grandes chaînes mesurées (il n'y a pas d'adnetworks en télévision). Leur économie est liée à la vente en bouquets (bundling) dont le modèle est fragile et le principe de moins en moins populaire (cord-cutting).

Le marché télévisuel américain, en ce moment faste, manifeste deux problèmes qui sautent aux yeux lorsque l'on confronte au  marché publicitaire télévision le marché publicitaire Internet.
  1. La mécanique du marché TV semble rudimentaire comparée aux places de marché programmatiques que met en place Internet (Demand-Side PlatformsReal Time Bidding, creative optimization, Ad Exchange, Adserving, etc.). La télévision est loin d'un marché efficient !
  2. La mesure d'audience TV est limitée, comparée à ce que pratique Internet où se développent la mesure du Coût Par Action, l'évaluation stricte de l'efficacité, le tout fondé sur des pratiques de ciblage vérifiables (ciblage comportemental, reciblage, etc.). Une telle organisation de marché peut-elle perdurer alors que la télévision est en voie de numérisation, que des données rigoureuses dorment, inexploitées, dans les set-top boxes (return path data) ? 
Une analogie subsiste néanmoins entre ces deux marchés américains, le rôle des panels de mesure, qui confèrent un privilège étonnant à certains supports qui peuvent se targuer d'une "puissance" pas toujours bien acquise.
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1 commentaire:

YannC a dit…

Bonjour François. Juste un petit commentaire pour exprimer une opinion discordante sur la prétendue non efficience du marché TV vs l'internet, ses places de marché et son reciblage comportemental.
Revenons sur quelques fondamentaux.
Quelles la fonction et la qualité première du média TV au delà du fameux couple image-son ? Sa puissance instantanée et sa capacité à faire savoir vite et auprès de tous (ou presque). Cette qualité reste aujourd'hui encore unique et inégalée et je vois mal internet, son inventaire infini et son hyper-fragmentation, réussir à détrôner la TV sur ce plan.
Autre qualité du média, sa souplesse qui permet tout à la fois de toucher tout le monde au même moment (cf les audiences de la CDM de foot) mais également de rentrer en contact avec des niches de populations socio-démo et/ou centres d'intérêt (tranches horaires, programmes, thématiques).
Bien entendu l'introduction d'une bonne dose de numérique sur ce média lui apportera encore d'avantage d'efficacité (enrichissement de la dimension communautaire par exemple), mais quel intérêt réel y a t'il a vouloir segmenter d'avantage l'audience ? Qu'une campagne pour un modèle automobile haut de gamme ou un parfum luxueux ne soit pas vue que par des CSP+ susceptibles d'acheter rapidement le produit est-il véritablement un handicap pour l'annonceur ? Cette prétendue "déperdition" d'audience est-elle en réalité si inutile pour la construction de l'image de sa marque ? Avant de vouloir imposer des contraintes de capping aux spots TV, est-on bien sûr de savoir quel est le nombre de contacts optimal nécessaire pour que le message soit bien compris et agisse sur l'individu ? Au delà du baratin, en a t'on d'ailleurs la moindre idée sur le web (les sensations de traçage "big brotherien" et de saturation publicitaire que me suscitent les campagnes en retargeting auxquelles je suis exposé en sont à mon avis une bonne illustration) ? N'oublions pas que la publicité est aussi là pour véhiculer une bonne part de rêve et de fantasme. N'oublions pas non plus que le téléspectateur-internaute-consommateur n'est certainement pas un homo-oeconomicus rationnel décérébré.
A+
Yann