mercredi 30 mars 2011

La loi Bichet

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Cette loi, issue de la Résistance (2 avril 1947), doit son nom à un député MRP (parti démocrate chétien). Elle constitue l'un des piliers de l'économie de la presse française. Elle stipule d'abord que la diffusion de la presse est libre (art. 1). Les éditeurs sont égaux en droit, qu'ils soient grands ou petits," puissants ou misérables". L'accès au réseau de distribution est libre. Hors abonnements, tout groupement pour la distribution doit prendre une forme coopérative (art. 2).
La France compte de nombreux titres de presse, il s'en crée des centaines chaque année (plus de 660, selon nous, en 2010, et deux fois plus de hors série. Souce : Base MM). Diversité exemplaire, dynamique que connaissent peu de médias. La loi Bichet y est pour beaucoup. Pas seulement cette loi : les diverses aides de l'Etat à la presse, directes et indirectes, contribuent largement aussi à cette diversité de genres, d'opinions, d'engagements, de styles, de goûts, de prix.
Diversité inévitablement méconnue par les grandes agences média qui investissent surtout dans les plus grands titres, ceux qui sont pris en compte par les études de lectorat et les logiciels de mediaplanning. La contrainte politique sur la distribution équilibre en quelque sorte la puissance publicitaire.

La loi Bichet est remise en question par les grands éditeurs et par des représentants des distributeurs. S'il  y avait moins de titres dans les points de vente, on les trouverait mieux, il y aurait plus de place, disent-ils. Les titres distribués seraient plus visibles, la mise en place plus commode et plus rapide. La loi Bichet plaçait la presse au-delà d'une logique exclusivment commerciale (marketing), l'offre ne devant pas être déterminée par la demande.
La contestation de la loi Bichet concerne ce que l'on appelle la réforme de l'assortiment. Elle touche la charge de travail des diffuseurs (points de vente), le marketing des titres et la diversité et le dynamisme de la presse française. Cela fait beaucoup. Observatoire remarquable de l'économie des médias, le débat sur la Loi Bichet secoue en cascade bien des traditions françaises qui font "l'exception culturelle". La législation française considère que la presse n'est pas un produit comme les autres : supprimer la Loi Bichet reviendrait sur ce principe directeur. Mais, dès lors qu'elle deviendrait un produit comme les autres, pourquoi maintenir les aides directes et indirectes sans lesquelles beaucoup de titres ne survivraient pas ? Comment concilier rigueur de gestion et respect des principes politiques ? Comment l'offre d'information et de divertissement présente et accessible sur le Web affecte-elle les moyens de satisfaire à cet impératif de diversité ?
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Canal 20, un média à inventer

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Canal+ lancera en fin d'année une chaîne nationale grand public. Si l'on n'en sait pas beaucoup plus, au moins peut-on que se réjouir d'un surcroît de diversité médiatique. Si Canal+ crée une chaîne originale, de qualité, les annonceurs seront présents : ils n'attendent que cela. Pour peu que l'on porte le regard au-delà des bizarreries du petit microcosme télévisuel français ("canal bonus", etc.), on peut escompter des effets positifs de ce lancement. Canal Plus a déjà prouvé qu'il savait réveiller un marché.

Tout le secteur télévisuel pourra bénéficier d'une véritable innovation. L'image de la télévision en a besoin car elle pâtit de la concurrence du Web. A quelques exceptions près, les entreprises de média, et notamment de télévision, n'ont pas encore pu tirer profit du Web, traité simultanément en média "de complément" et en gadget technologique. Or Canal 20 sera lancée à un moment favorable : la couverture numérique du territoire s'achève tandis que la télévision connectée à Internet voit le jour, menée par des acteurs entreprenants et puissants : Google TV, Apple TV, HbbTV (dont Canal+ Group est partenaire), Amazon VOD. Canal 20 ou pas, le marché télévisuel n'échappera pas au défi de ces forces de conquête, porteuses d'innovations dans les programmes mais aussi dans la publicité. Une partie de la population s'éloigne de la télévision, les plus diplômés, les plus jeunes des plus actifs : Canal 20 peut les y ramener.

Canal+ a maintenu, depuis plus de 20 ans, contre vents et marées, une fenêtre en clair avec publicité. Cette fenêtre promotionnelle a constitué un laboratoire publicitaire, parfois anticonformiste, souvent brillant. Canal 20 pourra profiter de cette expérience pour dynamiser le marché publicitaire, en secouer les pratiques un peu désuètes et stimuler les agences média. Touchant deux moments de la chronologie des médias, au début et à la fin, Canal+ pourra exploiter la synergie entre télévision payante et télévision gratuite, atout exclusif. Mais, surtout, Canal 20 pourrait inventer le nouveau média, né de la convergence sur un même écran, du Web et de la télé, et qui ne sera ni l'un ni l'autre. Un potentiel d'audience existe pour ce média différent, qu'il faut imaginer social comme Facebook, pratique comme Google et passionnant comme toute bonne télévision avec, toujours, en prime, la douce passivité, qu'un peu de culpabilité pimente.
Cette fois, il ne s'agit plus pour Canal+ d'imiter HBO, dette des origines, revendiquée. C'est à Canal+ d'inventer car HBO, qui perd des abonnés, n'a pas encore imaginé la télévision de l'époque numérique.
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lundi 28 mars 2011

Remote controls

Screenshot of  Google TV remote
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In a TV household, the power is at the end of the remote control. The closest person to the remote is the TV boss. Google TV has published an app which transforms your smartphone into a remote control. It is available for your android phone as well as for your iPhone. Nice app. Backlight, voice command, etc. And everyone in the family can have his or her own. Another family war can start, the one who shoots first wins...

Remotes are outdated: too many buttons. Confusing. Level zero when it comes to ergonomy. And there are also too many remotes for the same screen: for the TV set, the VCR, the DVR and the set-top box, (not to mention, for the panelists, a remote controlling the "people meter"). They are not always synced, contradict each other. It is a mess. Today's remote is a lost cause.

To win what is described as the "living room battle", Netflix has managed to have a Netflix button installed on remotes operating Blue-ray disc players , Internet-connected TVs (Sharp, Sony, Toshiba), Boxee or Roku set-top boxes, etc. Netflix claims to have 250 "Netflix ready" devices. Comcast has released an iPad app and one for android devices. Subscribers can customize their TV listing (synchronized with the website).

Demand side TV instead of supply side. In fact, the remote control as we know it cannot handle a TV market with hundreds of channels, VOD, teletext, DVD player, PVR, all kinds of consoles and, now, the Web. The so-called connected TV sets with Google TV, Apple TV or HbbTV interfaces are like a media marketplace; they need a browser, a search engine. Tablets and smartphones are the best solution, providing remotes and TV guides all at once. The viewers are getting used to this new kind of ergonomy. Nowadays, TV viewers are trained by the Web : they want to click, to personalize their homepage with apps, fling a file, save and share their favorites, they want to be localized, recognized (cookies !), they want to subscribe, unsubscribe... In 2008 Apple already published an app called "Remote", working via Wi-Fi, which uses iTunes to control music stored on a computer.
From the Web to TV, we observe the progressive transfer of habits, of know-how, of habitus. In the mechanism of digital media inheritance, the Web seems to become the dominant gene, TV the recessive one (for the purist, think "allele" instead of "gene"). This approximative metaphor suggests that the Web is now the form in which TV appears.
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samedi 19 mars 2011

Copieurs ? Même pas...

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Linéaire presse en région parisienne, vendredi 18 mars.
Non, même pas copieurs ! Mais, s'abreuvant aux mêmes sources, disposant des mêmes réflexes professionnels, obéissant aux mêmes exigences, appliquant les mêmes règles de l'art journalistique, ils produisent le même produit. L'étonnant est que cela se produise si peu souvent.
Le linéaire exhibe involontairement une sociologie en acte du journalisme (on pourrait allonger la liste : cf. Le Pélerin, etc.). Un travail socio-linguistique sur le discours journalistique, à un moment donné, montrerait-il les mêmes effets ? Sans doute.
Voici de quoi débattre dans les écoles de journalisme, dont on fait comme si l'on pouvait en attendait qu'elles forment des journalismes innovants, originaux, insoumis, impertinents. Impossible. Les écoles de journalisme, comme toutes les écoles de pensée (écoles d'ingénieurs, écoles de commerce, de médecine, etc.), produisent surtout des pensées d'écoles, des disciples conformes. Journalisme Montessori ?
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vendredi 18 mars 2011

Politique des prix d'un quotidien : le NYT et son paywall

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Mise en place d'une nouvelle politique des prix pour la lecture du New York Times (NYT) en ligne (tests en cours au Canada). Le quotidien offrira désormais 20 articles gratuits par mois, par lecteur. Au-delà, il faudra payer ou ne plus lire le NYT et aller chercher son information ailleurs (paywall). Lorsqu'ils atteindront la limite des 20 articles (un compteur est mis en place), les lecteurs seront invités à s'orienter dans une politique des prix compliquée, selon qu'ils sont abonnés par portage à l'édition papier, qu'ils sont abonnés sur e-reader (Kindle, Nook), qu'ils utilisent un smartphone, une tablette, etc. (cf. le FAQ du NYT)

Comment interpréter cette politique des prix du point de vue des lecteurs ? Il leur faut gérer ce potentiel de 20 articles gratuits avec parcimonie, au compte-gouttes. Et, sur le Web, ne plus s'adresser au NYT pour glaner ou survoler n'importe quelle information banale, courante, qu'ils pourraient trouver ailleurs, partout. Il leur faut réserver ce potentiel aux articles exclusifs, originaux, indispensables.

De facto, chaque lecteur est ainsi invité à se construire son NYT premium, sur mesure. La lecture du quotidien devient geste calculé. Finie la lecture en passant, "oisive" que stigmatisait Nietzsche. La politique des prix du quotidien en ligne engage une lecture gérée, voire pré-méditée. Pourquoi pas ? Elle induit un journalisme à deux vitesses et un nouveau type de contrat de lecture en ligne. D'un côté, un journalisme de papotage, de PR, de rapportage, financé par le contexte publicitaire ; de l'autre, un journalisme d'investigation et d'analyse, payé directement par le lecteur. Les deux lectures n'ont en commun que de compter, pour leur modèle économique, sur l'exploitation des cookies.
Puis vient la lecture du troisième genre, au gré de twitts, de liens sur Facebook et de flux RSS. Celle-ci ne sera pas comptabilisée (sauf pour les moteurs de recherche). Cette lecture est donc encouragée et elle privilège les réseaux sociaux par rapport aux moteurs de recherche.
Ensuite, il y a la lecture de la "Une", vitrine publique toujours libre d'accès sur la plupart des supports numériques. Et, enfin, la lecture des articles archivés (1923-1986).

La nouvelle politique des prix du NYT s'avère, en acte, une théorie de la pratique de lecture à l'époque des supports  numériques. Cette théorie s'organise à première vue en couples de notions :
  • lecture choisie, délibérée / lecture de rencontre, du tout-venant (non trié, sans curation) ; 
  • articles exclusifs à valeur journalistique ajoutée / articles courants, banal (banalisé) ; 
  • lecture recommandée (par des pairs, des "amis", etc.)  / lecture trouvée au terme d'une recherche par mots clefs.
Chaque lecture a son prix, son coût de transaction ; chacune aura son coût de production (feuille de temps pour les journalistes ?), son chiffre d'affaires, son taux de marge. Cette politique des prix précipite une comptabilité analytique de la lecture (au sens fort d'analytique, puisqu'elle provoque chez les lecteurs une décomposition des actes de lecture). Premiers pas pour une gestion non intuitive de la production et de la distribution de l'information.


N.B. Parce que cela n'est pas neutre, épistémologiquement, mentionnons le cas de ceux (professionnels des médias, personnel politique, "patrons", chefs d'entreprise, etc.) qui ne paient pas leur information ("services de presse", notes de frais, abonnements gérés par des secrétaires etc.) : ils n'entreverront rien des effets de la politique des prix (gestes, coût, ergonomie), car, pour eux, tout information payante a l'air gratuite. Comme ils sont souvent ceux qui opinent à tout-va, mieux vaut être lucide quant à leur cécité structurelle.
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dimanche 13 mars 2011

Utilisation d'Internet au domicile : typologie pratique

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L'INSEE publie des données issues d'une enquête d'avril 2010 en France (7 011 ménages) auprès des 15 ans et plus (Vincent Gombault, INSEE Première, N°1430, mars 2011). Nous nous en tiendrons pour l'exploitation secondaire de cette publication à la statistique d'utilisation d'Internet "tous les jours ou presque" et aux variables socio-démo qui la décrivent.
Compte tenu des effectifs de l'enquête et des inévitables approximations dans les définitions qui président aux modalités de classement des réponses (actifs / inactifs, CSP, diplôme, etc.), nous proposons les conclusions suivantes :
  • les écarts hommes / femmes sont peu significatifs (81,5 %/ 75,7 %)
  • les écarts 15-59 ans sont peu significatifs (83,3%/ 75,1 %)
  • pour les emplois actifs (attention, beaucoup d'enquêtes classent les retraités dans leur dernière activité, les chômeurs dans le domaine où ils recherchent un emploi, etc.), 3 groupes peuvent être distingués
    • les "cadres et professions libérales" (91,9 %)
    • les professions intermédiaires (84,5 %)
    • les autres : artisans et commerçants, les employés et les ouvriers (entre 76 et 72,9 %)
  • La variable actif / inactif est discriminante (80,2 % pour les actifs, 76 % pour les chômeurs, 71,1 % pour les retraités)
  • la variable la plus discriminante est le diplôme qui recoupe et surdétermine la variable PCS (cf. supra) :
    • 65,4 % pour les sans diplôme
    • 74,6 % pour les études sans bac
    • 81,2 % pour le bac
    • 87,5 % pour un diplôme d'enseignement supérieur
En pratique 
  • distinguer d'abord les actifs des inactifs, les usages des actifs étant accentués par la pratique professionnelle
  • toutes choses égales par ailleurs, rien ne discrimine mieux le diplôme, que dilate son extension, non mesurée, au "capital culturel"
  • pour les CSP 
    • 3 groupes se distinguent encore (les notions de CSP+ et de CSP++ sont-elles encore utiles?), la pratique professionnelle entérinant et accroissant sans doute les écarts observés au foyer entre chacun des groupes
    • classer les agriculteurs comme ouvriers, technicens, professions intermédiaires, cadres...
  • la pratique des "étudiants" doit être revalorisée par la prise en compte, ignorée par tant d'études, des usages sur le lieu de formation (formations initiale et continue, pendant la formation et pendant les pauses, etc.)
  • ignorer les usages des médias avant 15 ans est sans pertinence marketing pour les médias, et a fortiori pour le Web. Prendre en compte la population des usagers dès 12 ans, au moins, est indispensable du point de vue des annonceurs (on rougit pour la profession publicitaire d'avoir à rabâcher cette évidence) ; l'idéal, au stade du principe, est sans doute de se caler sur la norme européenne en télévision (4 ans et plus).
Comme le note l'auteur de cette étude, Vincent Gombault, la "fracture numérique" s'estompe. En s'estompant, elle ne laisse au "socio-démo" qu'un pouvoir de discrimation et de ciblage limité mais déterminant. Dans ces conditions, passées deux ou trois variables structurantes, les modalités de ciblage issues de l'observation continue des comportements sont les plus raisonnables. 

mercredi 9 mars 2011

Audience TV et longue traîne en France

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Couverture cumulée 4 semaines. Définition pour le "Médiamat Thematik" (Médiamétrie, France). Proportion de personnes de 4 ans et plus recevant la TV par câble, satellite direct ou ADSL ayant regardé une chaîne donnée au moins 10 secondes consécutives en direct (hors différé) en moyenne au cours de quatre semaines consécutives.
Panel de 2 301 foyers (6 091 personnes). 107 chaînes étudiées. Population de référence : 33 millions de personnes recevant cette offre (58% de la population résidant en France métropolitaine). Période d'étude : 30 août 2010 -13 février 2011.
Source : Médiamétrie, mars 2011. Traitement MM.
Chaque bâton de l'histogramme représente une chaîne. La première est TF1.

N.B. Cet univers ne prend pas en compte la totalité du marché TV reçu en France : manquent les chaînes en langues étrangères, les chaînes frontalières, France 24, les stations régionales, etc. Ceci représente sans doute au moins une autre centaine de chaînes et prolongerait d'autant cette déjà longue traîne.

Malgré toutes les différences de méthodologie, peut-on estimer qu'avec respectivement 23 et 16 millions de visiteurs uniques (Source : comScore Video Metrix, France, Visiteurs Uniques, 15 ans et plus, septembre 2009), YouTube et Dailymotion se situeraient désormais parmi les toutes premières chaînes d'un tel univers télévisuel ? Facebook avec près de 10 millions de V.U. ne ferait pas mauvaise figure non plus. Voilà qui laisse présager de ce que donnerait un GRP unique, TV et Internet. D'autant que comScore ne prend pas en compte l'audience la plus jeune (4+ pour la TV / 15+ pour Internet) et que cette statistique date de 18 mois  pour Internet (septembre 2009).
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mardi 8 mars 2011

Innovations presse : formats poche

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Linéaire presse féminine et présentoir Madame Figaro
La presse fait évoluer ses formats. Un  rétrécissement s'observe depuis plusieurs années. Recherche d'économie, réduction de l'encombrement. Exigence de portabilité surtout dont le numérique n'a pas le monopole. The Independant, le quotidien anglais, publie une édition concentrée sur l'essentiel, dont a été émondé l'inutile people ("no celeb gossip nonsense") : "I, the essential daily briefing". Journal bon marché, dense (20 pages), maniable : "concise quality newspaper". Et si le changement de format constituait une innovation décisive ?
  • Une soixantaine de magazines français, principalement des féminins, proposent déjà deux formats sur les linéaires : un format traditionnel et un format "poche". Format sac à main ?
  • La presse quotidenne aussi passe à des formats plus restreints (berlinois, tabloïd), plus commodes pour des lectures mobiles (transports), moins chers aussi que les grands formats (broadsheet). 
Cette semaine, dans les points de vente français, deux innovations en termes de formats :
  • L'Express Grand format, à longue périodicité (trimestriel) déclare couvrir l'histoire au présent avec des "images" (6,5 €). 
  • Madame Figaro met en vente une version "pocket" avec dos carré. Double évolution du titre qui, en même temps qu'il propose un nouveau format, s'évade du package de fin de semaine (4 titres) : ce nouveau magazine sera mis en vente toute la semaine (sortie le vendredi, 1 € au lancement, 1,3 € ensuite). Pour cette cible et ce contenu, une telle innovation est peut être plus décisive qu'un site Internet. A suivre. Commodité, portabilité. Un titre qui se range plus facilement et dont l'espérance de vie sera sans doute étendue au délà de son rythme hebdomadaire. Qu'en disent les annonceurs ?

lundi 7 mars 2011

Tournoi d'émissions sur Hulu

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 "What is the best show on TV?". Pour la deuxième année, Hulu, le service de VOD américain, organise un tournoi des séries qui se déroulera sur cinq semaines : "Best in Show". Au départ, 32 séries sélectionnées, la moitié d'entre elles seront éliminées à chaque tour. Finale le 1er avril.
En 2010, la finale opposa "Lost" aux "Simpsons". "Lost" l'emporta avec 66% des suffrages.

Propagation de la culture "sportive" avec éliminatoires et "kick off", statistiques et commentateurs, comme format d'émissions : du sport à la chanson, du cinéma à la musique ("Victoires" !), de l'orthographe ("spelling bees", cf. le film "Sepllbound", 2002) aux chiens (cf. justement, le film, "Best in Show", 2000) puis aux people, au jeu vidéo, jusqu'où ? Et tout cela se dispute et s'achève dans des votes sur les goûts et les couleurs... La contamination de la vie politique par ce cirque ne rassure pas.
Dans la foulée, ce traitement des produits culturels génère et inculque des catégorisations "populaires" que reprennent les classements de l'offre (folksonomies / taxonomies de la VOD), les itinéraires (algos) de choix...
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samedi 5 mars 2011

Wikileaks : malaise dans l'information

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Wikileaks est un des événements majeurs de l'information et de la vie politique. Passé le scandale, la presse finalement s'est emparée des "révélations" de ce qui était caché par des gouvernements pour en publier de "bonnes feuilles".
La question qu'impose Wikileaks aux médias d'information n'est pas tant celle de la "révélation" que celle de ce qui est caché, tant celle des contenus que de la pratique politique et administrative. Nous nous sommes habitués à vivre les Républiques et la démocratie sur le mode de la monarchie et du secret. People et vie de cour d'un côté, secrets de l'autre, deux faces d'une même pièce. L'une montre pour mieux détourner l'attention de ce qu'il faut cacher.
Wikileaks révèle que la presse assure mal le travail ordinaire de dévoilement (l'un des noms de la vérité), se satisfaisant trop souvent de publier, et gloser, au mieux, ce qu'on lui demande de "communiquer" (on, c'est à dire une entreprise, une administration, un éditeur, un parti, un Etat, etc.).
Le communiqué de presse nourrit les médias, souvent repris sans critique, il s'apparente au people en tant qu'exhibition et leurre, selon le principe de la prestidigitation : distraire, atirer l'attention ailleurs. Rappelons qu'en France les dépenses des entreprises en relations publiques s'élèvent au double de celles réalisées en radio et la moitié de celles effectuées en télévision (Source : France Pub / IREP pour 2009). La fuite (leak) est le contraire de l'information et de la transparence, le symptôme inespéré d'une maladie politique.
La réaction à la révélation de dossiers par un fonctionnaire d'une collectivité locale (Bouches-du-Rhône, Marseille) en dit long sur le fonctionnement a priori secret de nos administrations et le prétexte d'un "devoir de réserve" dévoyé) pour maintenir des secrets qui n'ont rien à voir ni avec ceux des affaires, ni avec la sécurité. La démocratie impose au contraire un devoir de transparence à la chose publique (res publica) qui par définition n'est justement pas la chose privée de gouvernements ou d'administration.

N.B. La bataille livrée en Egypte pour les achives de la police d'Etat (SSI) est une illustration récente de la relation entre transparence et démocratie (cf. l'accès difficle des historiens aux archives dans les pays de l'ex. boc soviétique).
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jeudi 3 mars 2011

Digital GRP : contact et capping

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La vidéo généralise sa présence sur le Web. Le haut débit le permet, les détenteurs de programme y distribuent de plus en plus d'émissions : des marques vidéo nouvelles se constituent sur Internet (Boxee, Hulu,Vudu, Netflix, Amazon, YouTube, etc.). La mobilité va dynamiser ce marché : ainsi, par exemple, Cablevision, opérateur du câble à New York, propose toute son offre TV sur iPad.
Partout, le marché publicitaire s'interroge (Facebook, Procter and Gamble, Starcom, par exemple) : faut-il comme en télévision produire et utiliser un GRP numérique (digital GRP) comparable au GRP TV et ainsi faciliter l'utilisation cohérente de l'un et l'autre support pour établir sans difficulté des plans mixtes ? Avant d'en arriver là, objectif raisonnable, il faudra résoudre, de manière consensuelle, plusieurs problèmes d'uniformisation des méthodes de mesure. En effet, il importe que le comptage sur Internet s’effectue selon des principes aussi  équivalents que possible à ceux, plus ou moins arbitraires, que suit le comptage des GRP en télévision. Il faut notamment que les principes de calcul retenus pour le GRP numérique ne produisent pas moins ou plus de GRP que la télévision, toutes choses égales par ailleurs. Evoquons, pour commencer, deux de ces problèmes.
  1. Premier problème : la définition du contact. En télévision, elle est plutôt laxiste ; un contact est égal à une Occasion De Voir (ODV) : être présent dans la pièce où se trouve le téléviseur quand le message est diffusé, déclaration de panéliste, non vérifiable. Quel sera l'équivalent qui ne pénalisera pas le Web ? Que le visionnement du message ait été déclenché, qu'il soit diffusé dans la partie visible de l'écran ? Cette définition du contact, plus stricte, génère moins de GRP mais elle est aussi plus rassurante pour l'annonceur.
  2. Second problème : le capping. 
    1. Sur le Web, le capping est la limitation stricte, via le serveur, du nombre de contacts d'un internaute avec un message publicitaire donné (i.e. répétition), pour une durée de campagne donnée ; ce nombre maximum de contacts est défini par l'annonceur et peut être ajusté, en cours de campagne, sur des critères d'efficacité observée (taux de transformation, par exemple).  
    2. La télévision ne pratique pas le capping ; toutefois, l’optimisation (ex ante), qui tend à resserrer l’histogramme de distribution des contacts autour de la classe de contacts considérée comme efficace (répétition =3, par exemple) s'y apparente. Les contacts TV les plus dispersés sont moins utiles, soit insuffisants (<<3), soit redondants (>>3). La répétition est constatée (ex post). Par construction, le Web "manque" donc tous ces contacts moins "utiles", notamment réalisés au-delà du capping. Le capping réduit la répétition, donc le GRP, ne gardant que la « répétition utile » (« effective frequency »).
    3. Le capping recourt à des cookies. Si l'internaute refuse ou détruit les cookies, s'il utilise plusieurs navigateurs, plusieurs plateformes, il altère le comptage des GRP, convertissant de la répétition en couverture, réduisant la première et augmentant indûment la seconde (Cf. comScore en Australie d’une part et l’audit de Mediamind par le MRC, d’autre part).
Le GRP que pratique la télévision commerciale est un indicateur reconnu d'audience et d'accumulation de capital de marque (branding). Que peut-il apporter à la vidéo et au rich média distribués sur le Web, qui déjà apportent une évaluation, qu'ignore le GRP, des actions déclenchées par une campagne (lead, transfo, etc.) ? Ou s'agit-il seulement de réaliser une monnaie commune favorisant  la coopération TV / Internet pour la vidéo ? Dans l'hypothèse d'une campagne mixte, l'annonceur peut espérer disposer, en plus d'un bilan global GRP, un bilan en termes d'actions que seul le Web peut proposer.

Suiveur de regards et "eye tracking"

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Lenovo présente, avec Tobii Technology, un ordinateur qui se commande du regard, qui obéit à l'oeil. Le public visé serait en priorité celui de personnes handicapées qui ne peuvent utiliser le clavier ou la souris, outils qui obéissent au doigt. Au-delà de ce public premier, c'est sans doute le grand public qui est visé. N'oublions pas que la télécommande et la souris, déjà, ont été mises au point pour résoudre les problèmes d'usage du téléviseur et de l'ordinateur par des publics handicapés.
Et comme la technologie mise en oeuvre est du type suiveur de regard (seguimiento de la mirada, expressions tout de même plus romantiques que celle de "eye tracking"), des applications ou produits dérivés pour la compréhension des comportements de consommation visuelle (perception) des médias ne sont pas improbables... L'analyse automatique des mouvements oculaires (saccade, vergence, fixation, amorçage sémantique, empan perceptif, etc.) est peut-être la prochaine direction de l'évaluation des comportements de consommation des médias (lecture, etc.), surtout si, comme on le croit, la relation entre gestes visuels et opérations cognitives est forte.
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Journalisme, Maghreb et Proche Orient

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De tous les médias, celui qui l'emporte dans la couverture des révoltes populaires, c'est la chaîne arabophone Al-Jazeerah. Elle l'a emporté en notoriété, en réputation. Grâce à ce succès, la chaîne peut négocier sa distribution par les principaux câblo-opérateurs américains, Comcast, Time Warner Cable, Cablevision. Elle  n'était jusqu'à présent reprise que par le petit réseau de Burlington (Vermont) où sa présence était contestée parce qu'anti-américaine et anti-isreaélienne. La chaîne a également lancé deux chaînes sur YouTube, en arabe et en anglais.
Al-Jazeerah tire profit de sa meilleure connaissance du terrain : ses journalistes parlent arabe, connaissent les cultures politiques des pays concernés. En fait, ce n'est pas tant la présence extra-ordinaire dans les pays en crise - à quoi revoie l'image romantique du correspondant de guerre (Hemingway, etc.), déguisé en soldat, "parachuté", sautant sur l'événement - que la présence ordinaire qui permet de comprendre et d'expliquer.
Les médias traditionnels occidentaux paient leur complicité avec les gouvernements, leur méconnaissance des terrains, des langues, des cultures, journalisme d'envoyé spécial, journalisme d'événement. Al-Jazeerah rappelle que la star, c'est la population pas le journaliste. Quant aux réseaux sociaux, leur rôle dans l'information ne doit pas être confondu avec leur rôle éventuel dans l'agitation politique. Ils attirent l'attention, animent des groupes comme l'ont fait autrefois les tracts, les affiches, la presse militante. L'information résulte d'une vérification des faits et de leur interprétation. Al-Jazeerah n'échappe pas à cette interrogation en établissant un tableau de bord de l'acitivité sur Twitter.
Le journalisme doit s'inspirer aussi de l'Ecole des Annales, associer le temps long à l'événement, mais aussi de l'épistémologie sociologique pour interroger les "faits" dont on ne dira jamais assez qu'ils sont "faits" (comment, par qui). Ce qui pose la question du métier de journaliste, de la formation de journaliste et surtout de sa fonction, pédagogique ou démagogique, expliquer ou plaire. Voyez Montaigne : "Et les bons historiens fuient comme une eau dormante ou une mer morte les narrations étales, pour retourner aux séditions, aux gueres où ils savent que nous les appelons" (Essais, III, 12).
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