dimanche 26 juin 2011

L'éducation à l'heure d'Internet

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Internet donne l'heure. Point de repère absolu du progrès des activités économiques. "Les vaches à l'heure d'Internet" interroge à la une La Voix de l'Ain, hebdomadaire d'actualité d'une région agricole. Excellent titre, que l'on peut décliner. Par exemple, en cette période d'examens et de concours, de passages de classe et d'orientation, de fêtes de fin d'année scolaire : l'éducation.
  • L'école primaire à l'heure d'Internet. Ecole première sur laquelle TOUT repose. Ces petites écoles sont les seules, les véritables "grandes écoles", les seules à être justement, exactement, centrales, polytechniques, normales, nationales et supérieures, les seules dont nous sommes, toutes et tous, anciens élèves. Internet et le numérique ne changent pas grand chose pour cette école, ses élèves, ses instituteurs et institutrices, sauf d'accroître infiniment le besoin de lire bien, vite, de comprendre vite, de raisonner juste, de calculer, de penser, de communiquer... Apprendre à lire, écrire, comprendre sa langue maternelle, et, si ce n'est pas la même, urgemment, la langue de son pays d'accueil. Savoir comparer, douter, savoir que l'on sait et savoir que l'on ne sait pas, pouvoir distinguer croire et savoir, juste et faux, exact et à peu près. Apprendre à communiquer, donc à écrire ; améliorer l'expression orale, corporelle, esthétique. Accroître l'envie d'apprendre, le goût de l'étude. A tous ces objectifs fondamentaux, Internet ne change rien, sauf d'agir en formidable multiplicateur et accélérateur d'investissement éducatif. Internet accroît immensément le besoin d'école primaire. Nos labos, notre économie, notre culture, notre morale, tout repose sur elle. C'est pourquoi j'ai gardé, sciemment, le beau mot d'"instituteur" plutôt que celui restrictif de "professeur" ; l'école primaire n'est pas une garderie : elle institue la République. Quand l'une va mal, l'autre, sombre, périclite. L'école primaire est un humanisme.
  • L'université à l'heure d'Internet. Si Internet et le numérique ne changent pas grand chose pour les objectifs, universels et éternels, de l'école primaire, il en va tout autrement de l'université aux objectifs plus restreints, presque conjoncturels. Qu'est-ce qu'une université à l'heure d'Internet ?
    • A quoi riment les grands amphis, à quoi correspond la forme même du "cours", qu'est-ce qu'un campus ? L'université doit-elle avoir des "murs" (M. McLuhan) ? Qu'est-ce qu'apprendre à l'heure d'Internet ? Qu'est-ce qu'un examen ? Que faut-il savoir par coeur et que faut-il savoir trouver ? 
    • Nul n'entre ici s'il n'est géomètre ! L'antique adage a du bon : pas de formation universitaire sans culture, sans composante scientifique. Question d'hygiène intellectuelle.
    • Quelle culture minimum de programmation (programming literacy) faut-il maîtriser, que l'on soit en médecine ou en chimie, en gestion ou en journalisme, ou simple citoyen interanute ?
    • L'université doit moins enseigner directement qu'apprendre à apprendre : Internet et les outils didactiques numérisés peuvent remplir beaucoup des tâches d'enseignement
    • L'université doit vérifier et certifier les savoirs et savoir faire. Fonction indispensable au marché de l'emploi que guettent, sinon, les erreurs coûteuses, le chômage, sans compter le népotisme, le copinage et autre réseautage qui démoralisent, favorisent les "sociétés de cour" et les privilèges
    • Rechercher, innover, inventer. L'université doit préparer, inciter à la recherche, accompagner les chercheurs. La fonction d'incubation est primordiale, donc la relation aux entreprises qui est tout sauf de fournir de la main d'oeuvre au rabais. 
    • On classe et déclasse les universités et les diplômes. Sur quels critères ? Quels sont les diplômes de Steve Jobs ? D'ailleurs, quels sont les diplômes, les inventions, les créations de ceux qui classent les universités ? Ni Brin et ni Page, créateurs de Google, n'ont terminé leur thèse. Schmidt, si. Beau sujet de thèse en sciences de gestion ! Quant à Gates ou Zuckerberg, l'université les a laissé filer sans les diplômer pour qu'ils développent Microsoft et Facebook. Echecs ou réussites de ces universités ? Réussites. Thèses sur travaux ? "Quelques études que l'on fasse, elles doivent être faites rapidement. Il y a très peu de choses à apprendre d'un professeur". J'emprunte cet aphorisme à Pierre Boulez. L'université n'est ni un parking ni une salle d'attente

4 commentaires:

Timothée V a dit…

Internet est le nouveau vecteur des idées et des savoirs. Peut-on alors opposer université et internet ? Au contraire, internet et l'université sont deux outils formidables pour apprendre, rechercher et innover, et doivent se concevoir conjointement.

Sébastien a dit…
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Sébastien a dit…

Si Gates et Zuckerberg n'étaient pas encore diplomés quand ils se consacrèrent à plein-temps à leur projets, leur passage par l'université leur avait permis de se forger un socle de compétences extrêmement solide en informatique: cette dernière conserve donc un rôle crucial dans la formation de ces entrepreneurs. Plus important encore, des films comme "The Social Network" montrent bien l'émulation intellectuelle que l'on trouve dans une université comme Harvard, et que beaucoup de projets comme Facebook sont nés d'échanges entre étudiants. Marc Zuckerberg n'aurait jamais pu créer son site en restant isolé dans sa chambre à concevoir des programmes... Cette indispensable mise en relation entre étudiants, futurs entrepreneurs et chercheurs si prompte à l'éclosion de projets féconds rend l'université incontournable

CélineBUNIFR a dit…

Il est vrai que les “succes stories” de certains ayant réussi à se faire un nom et surtout à imposer leur invention/idée sans avoir terminé leurs études nous amène à remettre en question l’importance d’un passage à l’Université. Pour accéder à certains postes, à certaines fonctions voir même pour “ouvrir certaines portes”, un diplôme universitaire est toutefois certes indispensable. Aujourd’hui peut-on imaginer un CEO d’une multinationale par exemple, n’ayant aucune formation universitaire? A réfléchir. Effectivement, l’université nous “apprend à apprendre”, nous apporte des connaissances solides dans un domaine de notre choix, nous permet de nouer des relations et surtout nous donne une légitimité dans un certain domaine, voir un certain “respect académique”. Mais, et heureusement, la voie universitaire n’est pas la seule pour “réussir professionnellement”. Il existe en effet des gens qui sont entrepreneurs dans l’âme, qui ont un bon sens, une logique, de la créativité, que l’université ne peut pas toujours apporter.
A ce titre on peut mentionner un article intéressant paru dans Le Temps en juin 2012, “La Suisse manque d’apprentis”, dans lequel la journaliste relève que “trop de faux intellectuels encombrent le marché alors que de bons praticiens seraient nécessaires, sans oublier la fonction intégratrice de l’apprentissage dans une société toujours plus multiculturelle” (voir l’intégralité de l’article:http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/b9e28dd4-bbd0-11e1-b62f-d3e9d21eae49/La_Suisse_manque_dapprentis). Il est vrai que l'on entend trop souvent qu’il faut aller à l’université pour s’assurer un futur professionnel certain. Et justement, les entreprises sont désormais en constante évolution et les employés (diplômés ou non) sont constamment confrontés au besoin de se former, d’être flexible (on peut mentionner les nombreuses délocalisations qui forcent les gens diplômés et “highly qualified” à changer de pays s’ils veulent conserver leur emploi). On peut aussi mentionner ces vagues de diplômés universitaires qui sont prêts, après de longues années d'études, à entrer dans le monde professionnel mais ne trouvent pas d'emploi et sont alors souvent "forcés" d'accepter un emploi ne correspondant pas à leur formation. Dés lors la formation académique n’assure pas un avenir aussi certain que prétendu et “à trop prétendre qu’il n’y a pas de salut hors des formations académiques, on dévalorise la formation professionnelle” (“La Suisse manque d’apprentis”, Le Temps, 22 juin 2012) qui forme des jeunes souvent très entreprenants.
Il y a des savoirs que l’université ne transmet pas, alors ne vaudrait-il pas cesser de valoriser une voie plutôt qu’un autre, mais aider les jeunes à trouver la voie leur permettant de s’épanouir au mieux et où leurs intérêts/prédispositions peuvent s’exprimer, ce qui ne peut qu’assurer une vie professionnelle épanouie.