mardi 28 juin 2011

Publicité commerciale et propagande politique

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2012, année d'élection présidentielle aux Etats-Unis, sera une bonne année pour les recettes publicitaires des médias ("Election Day" est le 6 novembre 2012). Moody prévoit une augmentation de 10 à 20% des recettes pour la télévision terrestre grand public, notamment au niveau local (stations). Plus la bataille électorale locale sera serrée, meilleur ce sera pour les recettes locales des stations.
En 2010, la télévision grand public avait bien profité des élections, en captant 75% des dépenses de publicité électorale, les chaînes thématiques n'en collectant que 8% et le Web, 4 % (Source : PQ Media). Cette répartition reflète l'importance du local selon les médias : la publicité sur les chaînes thématiques (spot cable) est encore peu localisée. Quant au Web, mobile ou non, devenant de plus en plus local, il devrait bénéficier de cette évolution tout comme de son affinité élective avec les plus jeunes générations d'électeurs (réseaux sociaux, mobile, etc.).
Pour tout arranger, dans le meilleur des mondes médiatiques possible, une décision récente de la Cour Suprême américaine (janvier 2010) laisse toute liberté aux entreprises de financer la propagande électorale, sans limite, sans obligation de consulter leurs actionnaires. Place aux plus riches, au nom du Premier Amendement ("freedom of speech").

En France, la publicité politique est interdite à la télévision et à la radio (loi ° 90-55 du 15 janvier 1990) ; de plus, dans les trois mois précédant l'élection, la publicité commerciale à fin de propagande électorale, même gratuite, est interdite sur tous les médias (L.52-1 du Code électoral).
Si, comme aux Etats-Unis, partis et candidats en France devaient payer leur passage sur les télévisions et les radios, quelles en seraient les conséquences ? Tout en améliorant le financement de ces médias, cela limiterait la présence des messages politiques sur les chaînes ; au moyen de leur politique des prix, elles devraient arbitrer entre publicité commerciale et publicité politique. Les conditions spécifiques faites à la communication audiovisuelle lors des campgnes électorales (Loi N°86-1067 du 30 septembre 1986, article 16) sont-elles encore nécessaires ?
En ce qui concerne le Web, la complexité - chaque jour croissante et renouvelée - des moyens qu'il offre à la communication politique, rend de plus en plus délicate l'application des textes actuels. Comment peuvent-ils prendre en compte et démêler cet écheveau d'innombrables innovations. Cf. à titre d'illustrations : Internet et communication électorale, 17 octobre 2006) et un exemple d'interprétation par le ministère de l'intérieur de décisions du Conseil d'Etat, à propos des mots-clés et liens commerciaux en période électorale.

La France connaîtra bientôt une année électorale majeure. Quelle place y tiendront les médias numériques ? Il n'y a plus de rareté des moyens de communication : cela plaide en faveur de la liberté totale de la communication politique dans le cadre d'un financement rigoureusement contrôlé des candidats et des partis (à la différence de qu'autorise la Cour Suprême américaine), conformément à l'esprit de la démocratie.
Reste la question du cens politique : qui peut-être candidat, qui peut produire de l'opinion politique ? Le Web avec les blogs, Twitter, Facebook, les mots clés et tant d'autres moyens donnent à imaginer de nouvelles manières d'émettre des opinions, de candidater et de représenter des citoyens. Comme beaucoup parmi nos institutions, nos procédures électorales ont été conçues à l'époque des linotypes, du télégraphe, de la locomotive à vapeur et de la télévision d'Etat. Elles ont leur âge et leur rides. Anachroniques. Le Web peut être un facteur de démocratisation du financement électoral, ainsi que l'a laissé entrevoir la campagne d'Obama en 2008.
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4 commentaires:

Sébastien a dit…

Vous dites que "dans les trois mois précédant l'élection, la publicité commerciale à fin de propagande électorale, même gratuite, est interdite sur tous les médias". mais lors de la capagne présidentielle 2007, il me semble que plusieurs candidats avaient eu recours spots de 2-3 minutes chacun à la télévision pour vanter leur programme?
D'autre part, je pense que la règle actuelle qui décompte le temps de parole de chaque candidat déclaré permet de maintenir une certaine équité entre les petits et les gros partis. Si on devait se rapprocher du modèle américain avec des apparitions télévisées payées par les partis, cela favoriserait outrageusement les deux partis dominants et accentuerait encore la tendance au bipartisme de notre vie politique.

stephanie P a dit…

Les nouveaux médias peuvent également être au service des citoyens lorsque ceux-ci doivent se prononcer lors d’une élection. En Suisse, le site smartvote.ch a pour but d’aider les citoyens à s’orienter lors des élections et à trouver les candidats qui partagent leur vision politique. En répondant à une série de question, le citoyen peut créer un profil politique que le site va « matcher » avec les profils des différents candidats.
J’ai assisté la semaine dernière à une présentation très intéressante sur le sujet (à l’université de Fribourg) qui dévoilait les nouvelles fonctionnalités à l’étude pour ce site. Ainsi, il devrait être possible dans quelque temps que les citoyens « matchent » leur profil entre eux afin de rencontrer d’autres électeurs aux mêmes opinions politiques. De même, il serait possible de comparer le profil « théorique » des candidats politiques avec un profil de leurs actions quelques années plus tard et voir dans quelle mesure le tout s’avère cohérent.
Dans un pays où les citoyens sont souvent appelés aux urnes et doivent se décider parmi une série de candidats peu connus du grand public (par exemple pour les élections au conseil national), smartvote.ch est un bon exemple de comment les nouveaux médias peuvent nous faciliter la vie et permettre aux gens de mieux exercer leur citoyenneté. Qui sait, ces outils influenceront peut être les taux de participation dans les années à venir, avec des décisions facilitées.

Noémie Rossier a dit…

Lors des campagnes, les politiciens trouvent d'autres moyens de faire leur pub que ceux qui sont proprement interdits comme la télévision ou la radio. Ceci dit, je pense que ces nouveaux moyens sont bien plus efficaces pour toucher les publics. Un site internet bien présenté et interactif est un très bon exemple. Les publics cherchent maintenant les informations qu'ils souhaitent sur internet, et un bon site internet relève directement l'opinion que l'on peut avoir sur un candidat. Selon moi, l'image et la présentation sont des mots clés en politique. C'est pourquoi il est important pour un candidat d'y prêter attention. Au jour où toutes les informations sont répertoriées sur internet (qu'elles aient été diffusées sur un autre média avant ou pas), il est important de contrôler et d'exploiter ce système. De plus, les publics apprécient avoir un moyen de communication qui ne soit pas "unisens", ils n'ont plus l'impression d'être passif et de subir l'influence des discours. De plus, avec internet, les coûts peuvent être réduits, ce qui évite certains scandales liés aux dépenses électorales...
Noémie (UNIFR)

Dani unifr a dit…

Now, one week after the French election, I think it is a good time to look back on the relationship between politics and (social) media.

Once again, social media proved its power during these elections. Different to other years, social media allowed voters to see the tendency about who is gonna make it to the second round and finally, who would become new president. This was a premiere, because an ancient law inhibited the publication of latest results just until 8pm. But social media is not social media if id would have found a way to bypass this problem. Reminiscent of WW2, RadioLondres had a huge comeback in the internet community. Using "Codes" such as Fromage (Hollande) or Rolex (Sarkozy) Twitter user released the latest trends. So it was actually possible for everybody in French territory to see and write who is gonna be the next president. This is just another example to show that the new media have a huge influence and that ancient laws, which were circumvented in earlier days (via Switzerland and Belgium) anyway, should be abandoned...