samedi 16 juillet 2011

Naming : convention et acceptation

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Le nom du nouveau stade de Nanterre (nom de code actuel : Arena 92) est à vendre pour 10 millions d'euros par an, sur 15 ans. Comment évalue-t-on les retours sur investissement d'une telle opération tout au long de sa longue durée ? Comment apprécier la qualité du nom choisi, son adéquation, son efficacité ? Comment la pré-tester ?
La question est celle que pose toute création de marque, de titre, de site Web : une marque aussi est un nom créé pour longtemps, alors que l'efficacité des actions publicitaires est d'habitude évaluée dans le court terme.

Le naming redonne une nouvelle jeunesse à un texte classique, que lisent toujours les linguistes, le Cratyle. Platon évoque dans ce dialogue un "poseur des noms", véritable "législateur" (νομοθέτης) chargé de "la rectitude du nom" ou "juste dénomination" ("ὀρθότης ὀνόματος", 384d). "Le nom, déclare Socrate, est vraiment un instrument pour instruire" (Ὄνομα ἄρα διδασκαλικόν τί ἐστιν ὄργανον", 388c). De quoi instruit donc le naming ? De la marque qui l'achète. A quelle condition une dénomination est-elle "juste" ? La convention - un nom est posé sur une chose - doit être acceptée par la communauté. C'est donc la limite de la convention qu'il faut évaluer dans le naming : l'acceptation pratique du nom par la communauté, le transfert à la marque de propriétés valorisantes et l'apport de notoriété spontanée par l'object nommé.

Comment évaluer le choix d'un nom, son efficacité pour une marque, sur une aussi longue durée, sur tout son cycle de vie ? On peut bien sûr imaginer des études ponctuelles répétées (du genre déclaratif), un panel... Mieux vaut recourir à une méthodologie constante et à une mesure continue telles que l'observation régulière de la fréquence de la recherche du nom sur l'ensemble des moteurs de recherche (comme le propose, par exemple, LeLab de Weborama) ? Plus la fréquence des requêtes associant le nom du stade à une activité positive s'y déroulant sera élevée, plus le naming aura été et sera encore efficace. Ces naming analytics pourront alors prendre en compte la contribution des résultats des équipes, de leur popularité, de tel match, de tel concert à la fréquence observée pendant une durée donnée (régressions multiples), les corréler aux nombres de places occupées, aux places vendues, au chiffre d'affaires global, etc. Petit à petit, on saura ainsi ce qu'il y a vraiment dans le nom ("What's in a name?") et comment cela évolue...

Références
Sur papier : Platon, Cratyle. Sur la justesse des noms, traduction Louis Méridier, in Platon, Oeuvres complètes, Tome V, 2e partie, Paris, Les Belles Lettres, bilingue, 1961.
Sur la Web : Cratyle, traduction de Victor Cousin, bilingue, Oeuvres de Platon, 1846. http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/cratyle.htm
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2 commentaires:

cmpassot a dit…

les grands annonceurs choisissent ils les noms en interne ou font appel à une agence? il me semble qu'il y a des modes dans le naming, quid de la période actuelle?

Arthur Virapin CMI Dauphine a dit…

Sujet très interessant qu'est le naming... Cette pratique s'est desormais démocratisée dans beaucoup de pays et la France semble un peu en retard ( MMA Arena au Mans, Matmut Stadium pour le rugby à Lyon...). Le Naming est pourtant une vraie alternative credible au sponsoring traditionnel, et ceci meme si l'investissement peut paraitre conséquent ( ex: Emirates Stadium 147 M € sur 15 ans). Le naming permet de créer un lien fort et direct avec la cible à travers multiples manifestations culturelles ou sportives. Cet outil semble ainsi offrir plus d'opportunités pour une marque de vraiment capitaliser sur cette association d'image, à priori plus impactante qu'un énième contrat de sponsoring. Tout l'enjeu serait donc pour les marques de pouvoir mesurer et évaluer le retour sur investissement d'ou l'intérêt de l'apparition d'outils d'analyses propres au naming comme LeLab de Weborama que vous évoquez.