mardi 8 novembre 2011

Consommateur marketeur

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Dans un monde où le marketing est partout visible, où la publicité fait autant sa publicité que celle des produits, les consommateurs se mettent à calculer et parler comme des "spécialistes" de marketing. Ils se savent visés, repèrent les erreurs de ciblage et s'en moquent (cf. "Online ad targeting run aground" par Dave Zinman), se gargarisent d'images de marques, repèrent les marques distributeurs (MDD) et le couponnage dans les hypermarchés et le retargeting sur leur ordinateur, ils suivent les audiences des émissions de télévision, tour à tour directeurs d'antenne et médiaplanners... Les cookies aussi envahissent la koiné commerciale : 84% des internautes américains en sont conscients ("aware"; source : eMarketer, juillet 2011).

Métier de consommateur. Les difficultés économiques aiguisent l'intelligence des consommateurs. "What we've learned through this whole recession is just how incredibly resourceful and smart our customers are", observe S. Quinn qui dirige le marketing de Walmart USA ("Walmart's Makeover"). "Guide anti-crise. 50 trucs et astuces pour réduire la facture" propose à la une le Hors Série du magazine Dossier familial (janvier 2012 ; slogan : "Acheter mieux. Dépenser moins").


Jouant le jeu - qu'il connaît de mieux en mieux - sans y croire (sans illusion, c'est à dire, selon l'étymologie, sans être pris par le jeu, illusio), le consommateur qui se sait chassé, sait aussi qu'il doit se méfier ; mais il comme est aussi intéressé, il joue. Plus marketeurs que les marketeurs, les consommateurs apprennent les arcanes de la politique des prix avec les opérateurs de téléphonie, avec les linéaires du supermarché, les promotions, les variations du prix des carburants, les "faux avis de consommateurs", etc. (sur nombre de ces points, voir le site de la DGCCRF).
Le self-service (publicité, édition, etc.) développé par Google, Twitter, Amazon, la gestion d'image, systématisée à tous par Facebook et Klout, les astuces du commerce (eBay, leboncoin), les guides d'achat omniprésents dans la presse magazine, tout approfondit le savoir faire marketing de ces amateurs presque professionnels (Pro-ams).

De même que la clinique est altérée par les pseudo connaissances médicales des malades, le marketing est altéré par le savoir (ou pseudo savoir) des consommateurs. Cette stérilisation sous forme de langue de bois affecte la connaissance des comportements : le consommateur interrogé déclare ce qu'il croit que l'on attend qu'il dise, compte tenu de ce qu'il sait ou croit savoir du marketing, donc des attentes de l'enquêteur.  Sincérité calculée.

Consommateurs, classe parlée de la "société du spectacle" ? Pas si sûr ! Derrière les conversations que l'on tente de lui extorquer (verbatim), il y a une sous-conversation inaudible aux enquêteurs, ignorée de la doxa, qui ne se déclare pas. Résistance tacite qui se lit dans la difficulté à recruter des panels représentatifs de la population, dans la dégringolade des taux de réponse. Anticipation rationnelle et rusée des consommateurs ("gibier de panel").

"Foule sentimentale" des consommateurs, est-elle plus vulnérable aux réseaux sociaux ? Pour combien de temps ? Réseaux sociaux qui sont la continuation du marketing par d'autres moyens.

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2 commentaires:

Raluca Mocanu a dit…

L'acquisition des informations illimitées par les consommateurs est vraiment possible avec l'essor des nouvelles technologies et surtout avec l’accès à l'Internet qui est devenu un instrument collectif et habituel. Le comportement d'achat des consommateurs a changé radicalement et les stratégies de marketing semblent insuffisantes, car elles sont débordées par les 'pro-ams'.
Cet article montre véritablement la manière actuel du marketing qui a évolué de la théorie proposée par P&G dans laquelle il y avait un ''premier moment de la vérité'' en ce qui concerne la décision d'achat des consommateurs vers la théorie récente du ZMOT, ''le moment zéro de la vérité''. Celle-ci a été proposée par le Managing Director du Google et résume précisément la réalité actuelle du monde de marketing. La prise de décision du consommateur a lieu dans l'espace virtuel.
Les gens cherchent avant d'acheter un produit ou un service toutes les caractéristiques et les inconvénients, partagent des opinions avec des amis en-ligne, qu'ont déjà acheté/consumé ces produits, ou même avec des inconnus sur des forums spécialisés.
Pour le monde du marketing il y a un changement qui est toujours en évolution et les marketeurs doivent à la suite adapter leurs tactiques à ce paysage et de pénétrer les réseaux sociaux, car c'est là où leurs clients s'informent et ce qu'il confient.

Stéphanie Micheloud a dit…

C’est qu’Internet a favorisé l’accumulation d’informations des consommateurs au sujet des stratégies des marques comme le soulève Raluka. Mais il y a aussi par exemple des émissions télévisées qui évoquent régulièrement ces phénomènes (« Capital » en France ou « A bon entendeur » en Suisse) ou encore le livre et film «99 francs ».

Je pense que nous avons tous constaté que nous achetons plus quand nous sommes confrontés à une offre plus grande et que nous payons souvent un produit plus cher qu’un autre à cause de la marque et/ou du packaging. Nous avons donc conscience que le marketing joue un rôle dans ce phénomène et nous comprenons qu’il existe pour créer des différences entres les produits alors que souvent celles-ci sont quasi inexistantes (voire complètement inexistantes). Je pense que nous essayons donc de nous raisonner en démantelant les stratégies des marques pour éviter les dépenses excessives. Par contre il est certain qu’un consommateur ne peut s’exprimer comme les professionnels du marketing (je les soupçonne d’ailleurs de se perdre eux-mêmes dans leur jargon) mais il est capable d’en repérer des stratégies pour les contrecarrer.