dimanche 28 août 2011

Mad Men, le paradigme publicitaire d'avant

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C'est la mi-août, dimanche télé sans "Mad Men". Il faudra attendre la fin de l'hiver pour que commence la cinquième saison sur la chaîne AMC (American Movie Classics). La production a repris le 8 août 2011 et c'est Don Draper, l'acteur, qui est le producteur du 53ème épisode de la série. En attendant le 25 mars 2012, les fans de "Mad Men" se perdent en conjectures sur le mariage, inattendu, du personnage central et sur l'avenir de l'agence qui, ayant perdu son plus gros budget, les cigarettes Lucky Strike, prend tous les risques et se lance dans les campagnes anti-tabac ; elle vient aussi de gagner un petit budget de lingerie, interrompant une suite de compétitions perdues... La suite en 2012.

Rue de New York, été 2010
Lancée en 2007, la série "Mad Men", produite par les studios Lionsgate, met en scène une agence de publicité new-yorkaise située sur Madison Avenue (polysémie du titre : mad men, admen, Madison Men...) ; le cadre général de la série est la vie ordinaire des employés d'une agence créative des années 1960. Plutôt que de regarder la société américaine à travers le prisme des hôpitaux ("E-R", "Gray's Anatomy", "House"), "Mad Men" la scrute à travers le prisme d'une agence de publicité, prisme précieux entre tous puisque la publicité prétend refléter la société (cf. "The Mirror Makers"). Les années 2010 s'éprennent des années 1950-60. D'autres émissions exploitent ce filon pour la rentrée : "The Playboy Club" sur NBC (déjà controversé), "Pan Am" sur ABC, "The Hour" (qualifié parfois de "British Mad Men") qui s'achève sur BBC America (cf. la critique comparée dans The Atlantic). Nostalgie et esthétisme : les décors et costumes de "Mad Men" s'inspirent minutieusement des magazines de mode et des films des années 1960. Banana Republic a d'ailleurs lancé une collection "Mad Men" comptant 65 pièces, conçue avec Janie Bryant, costume designer de l'émission. Finalement, viennent les recettes de coktails et les livres de cuisine.

Entre l'histoire culturelle et la publicité s'établit une osmose continue Laquelle est le miroir de laquelle ? Comme de vraies campagnes sont évoquées, on voit la publicité à l'oeuvre, travaillant avec la réalité socio-culturelle, sa matière première ("It's toasted / toasty") pour les cigarettes Lucky Strike, "Think small" pour la Beetle de Volkswagen, des éléments de la campagne électorale Nixon/Kennedy, Dr Scholl, Samsonite, Honda, Dove...). Contribution à l'histoire de la publicité américaine et de son univers et de ses idées (Ernest Dichter exploitant la psychanalyse, Freud est évoqué dès le premier épisode), contribution à l'histoire des  transformations sociales : statut des femmes, divorce, sexualité, télévision et psychologie des enfants ("go watch TV", disent Don et Betty à leurs enfants), voyages en avion, et les Beatles à Shea Stadium (1965)...
En quatre années de la série, on perçoit les changements dans la vie quotidienne. Les cigarettes allumées en tout lieu, à tout moment, tandis que monte la sensibilité à la santé ; la contraception et l'avortement interdits, indicibles, tandis que le féminisme se propage (The Feminine Mystique, 1963, enquêtant déjà sur des "desperate housewives"). On perçoit les échos de l'histoire militaire aussi, du Japon au Viet-Nam en passant par la Corée. Histoire encore mal digérée : difficulté pour les publicitaires qui ont fait la guerre dans le Pacifique ou en Corée à travailler pour des marques japonaises. Histoire et civilisation entretissées, à la Braudel.

Ethnologie d'une profession
La publicité est mal connue, toujours dénoncée aveuglément, jamais, même simplement, énoncée. Vouée aux clichés et aux célébrations par ses propres acteurs. Exceptions : les ouvrages de M. McLuhan sur la culture publicitaire, de "The Mechanical Bride" (1951) à "Culture is our business" (1970), qui seront ignorés ou détestés par la plupart des sociologues universitaires.
"Mad Men" met franchement en scène un univers où les hommes sont cadres, associés parfois, et les femmes vouées au subalterne, voire à l'ancillaire et au "repos du guerrier", malgré des apparences de "gynocracy", comme dit un personnage (anglais). L'émission, parfaitement documentée, traite les sujets qui fâchent, les négociations de salaire, le mépris pour les petites mains, le culte apparemment flatteur du "commercial", l'appropriation du travail intellectuel et créatif par les actionnaires, les stratégies constantes d'accumulation de capital social (invitations, cadeaux, etc.), les relations entretenues dans l'espoir de budgets publicitaires, les compétitions impromptues et les "charrettes", les licenciements lorsqu'un gros budget est perdu (non unionised)... On pressent la difficulté pour les cadres de l'agence de vivre en permanence entre risque et urgence, une "fatigue d'être soi" mal dissimulée. Stress et déprime alimentent le tragique de la série.
La fiction dit parfois mieux le réel que l'information et le document (cf. Tolstoi, Balzac, Fellini, etc.). La vie de Don Draper, héros dont l'éducation sentimentale tient à la fois de Rastignac et de Bel Ami, révèle un beau travail d'ethnologues.
Vitrine de Banana Republic, Collins Avenue, Miami, août 2011

AMC comme HBO ?
L'émission beaucoup discutée, imitée déjà, croule sous les récompenses, témoignages de l'intérêt de la profession publicitaire pour une émission miroir. HBO et Showtime ont refusé la série et la chaîne AMC l'a acceptée, tout comme autrefois HBO accepta des émissions refusées par les networks ; d'ailleurs l'auteur, Matthew Weiner, a travaillé pour "The Sopranos" (HBO). Mais AMC suit un modèle économique différent à la fois de HBO (chaîne payante) et des networks très grand public (gratuits à financement publicitaire). Positionnement inconfortable et peut être impossible pour une pareille émission. La série gagne mal sa vie. La publicité rapporte mal car l'audience est trop peu nombreuse (3,3 millions de personnes par épisode) et les CPM pratiqués sont ceux des émissions grand public sur les networks, trop bas. TiVo prétend même que 90% des spectateurs évitent (skip) la publicité : un comble pour une émission sur la publicité ! Pourtant les anonceurs sont là : BMW ( ("presenting sponsor"), Bridgestone (pneumatiques), Dove Bodywatch (Unilever), iPhone 4, Lipitor (médicament), Xfinity (HD de Comcast), Smirnoff (vodka), eSurance.com, hotels.com, Fresh Step (litière pour chats), Chase Sapphire (carte de crédit), Clorox, Toyota, Lexus, Freescore.com (crédit), etc.
AMC paie à Lionsgate 3 millions de $ par épisode, le studio recevant en plus 2 millions pour les droits étrangers et les DVD. L'équilibre est difficile ; la majeure partie des revenus provient des bouquets (câble, satellite) qui reprennent la chaîne, puis de la syndication, de la VOD (Netflix paie 8 à 900 000 $ l'épisode), etc. Pour attiser le débat, on reproche au réalisateur de "Mad Men" de réclamer trop d'argent, compromettant le budget des autres productions de la chaîne comme "Breaking Bad", "The Walking Dead".
Ainsi, une fiction de qualité pose la question du financement et de la distribution par la télévision. La chaîne s'affirme sous-évaluée par les opérateurs du câble qui ne lui versent que 30 à 40 cents par abonné par mois, tarif qu'il faudrait doubler selon la chaîne (ESPN reçoit en moyenne 4,7 $ par abonné /mois). Cette fiction pose aussi la question du tarif publicitaire, manifestement trop bas, donc la question de la mesure actuelle, trop floue, des audiences, mesure pour laquelle un contact de fiction originale ne vaut pas plus qu'un contact d'émission de plateau sur un network. Quelles solutions ? Que la publicité n'aligne pas une telle émission sur les CPM des chaînes grand public ? VOD et streaming d'abord ? Passage dans les salles de cinéma ?

L'exportation télévisuelle des allusions perdues
La série est achetée par les chaînes étrangères. Mais que reste-t-il d'une telle série pour un téléspectateur étranger ? Son extrême finesse, ses allusions continues à la vie quotidienne américaine et à son histoire, sorte de "sous-conversation" mêlant des signes de toutes sortes (musiques, lexique, décors, accents, etc.), toute cette ethnologie est subtile. Les Européens ne voient pas tout à fait la même série que les Américains. Bien sûr, la vie d'une agence de publicité n'était pas si différente en Europe, en revanche, manquera aux Européens la compréhension fine des situations que portent les dialogues et que ne saisissent que des native speakers. L'Amérique donne aux Européens l'illusion d'une parfaite lisibilité, illusion que ne produisent pas les émissions historiques "éloignées" comme "The Tudors" (Showtime) ou "Rome" (HBO). De la culture américaine, la plupart des Européens ne connaissent qu'un spectacle plus ou moins touristifié, et, pour les professionnels, le monde ritualisé et tellement dissymétrique des réunions. Ne restent donc, pour les séries, que l'intrigue et ses retournements, le squelette de la fiction. Mais cette incompréhension est banale : que comprenons-nous aujourd'hui de F. Scott Fitzgerald, de Molière ou même d'Antonioni sans un immense effort didactique de décentrement ?

Le paradigme d'avant ?
On a opposé les "math men" de la publicité numérique et des data aux Mad Men de la publicité créative. "Mad Men" montre une agence sans technologie autre que le téléphone (on voit arriver la photocopieuse puis l'ordinateur), où le travail est manuel. Les "math men" (et women) d'aujourd'hui, celles et ceux de Google, de Facebook ou des start-ups, non seulement automatisent des tâches effectuées manuellement pour les médias traditionnels et qui relèvent du travail média (planning, ciblage, achat, monitoring), ils traitent de nouveaux objets mathématiquement, "sans prévention". La connaissance des consommateurs, de leurs mots, de leurs tournures d'esprit, de leurs "sentiments" envers des produits (propagation de la réputation d'une marque), tout cela relève désormais de statistiques lexicales, de machine learning et supplante l'intuition que l'on voit à l'oeuvre dans "Mad Men". Mais si les mots-clés et les algorithmes prédictifs optimisent la diffusion de l'image d'une marque et de ses slogans, ils ne les inventent pas.
D'un paradigme à l'autre, ce qui persiste, c'est le talent créatif.

Indications bibliographiques
Stephen Fox, The Mirror Makers.  A History of American Advertising and its Creators, New York, 1984, 383 p. Index.
Natasha Vargas-Cooper, Madmen Unbuttoned. A romp through 1960s America, Collins Design, 2010, 234 p., Index, $16.99

samedi 27 août 2011

TV, Web : beau temps pour la météo

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Les problèmes météo des Etats-Unis (tremblement de terre puis ouragan Irene, etc.) devraient valoir aux chaînes météo de belles audiences. Donc de bons revenus publicitaires. Mauvais météo pour la population, beau temps pour la météo. Touchant la côte Est, l'ouragan et ses conséquences (destructions, inondations) affectent toutes les activités d'une région comptant plus de 65 millions de personnes, des événements sportifs (les Yankees joueront-ils à Baltimore ?) aux équipements média (antennes, panneaux d'affichage, câble aérien, etc.).
Des packages publicitaires spécifiques ont été conçus : "Severe Weather Packages". Les agences peuvent acheter pour les annonceurs de l'espace publicitaire placé dans le calendrier avant ou après les dégâts produits par l'ouragan. Avant, c'est pour la préparation, après, c'est pour la réparation. Les clients, captifs : compagnies d'assurance, grande distribution spécialisée, société de nettoyages, vendeurs ou loueurs de générateurs, organisations caritatives, etc.
The Weather Channel (TWC, groupe Comcast NBC) commercialise également auprès de ses "affiliées" (stations ou réseaux câblés) des alertes géo-localisées. De plus, le web social entre en jeu et localise aussi son information partagée : l'ouragan selon les tweets de votre région ("conversation in your area").
Jeudi, TWC a multiplié l'audience TV de son quart d'heure moyen par quatre (total journée, 25-54 ans), dépassant celle de toutes les chaînes d'information (Fox News, CNN et MSNBC). Son site weather.com a connu sa plus forte audience pour un ouragan (hurricane) soit 99 millions de pages vues.
Google Maps a fait récemment son entrée dans le domaine de la météo : après la circulation et les transports publics, Google Maps donne la météo, rendant sa cartographie encore plus indispensable. Les données sont fournies par weather.com (TWC). Sur l'ouragan Google Maps fournit aussi une carte zoomable de la situation. Travail systématique d'agrégation de Google.

Comme dit la chanson (Brassens), "rendez-vous au prochain orage".... En attendant, tout le travail consiste, pour la chaîne, à fidéliser l'audience irrégulière que lui a apportée le mauvais temps.
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Selon Comscore, selon DoubleClik : la société du spectacle statistique

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C'est l'histoire bien connue du nombre de participants à une manifestation : 2n selon les organisateurs, n selon la police. Version adaptée aux Web analytics, en plus énorme.
Il s'agit des pages vues attribuées à Facebook en juin 2011 :
  • 1 000 milliards selon DoubleClick AdPlanner de Google qui utilise essentiellement un outil de mesure sur site (Google Analytics).
  • 467 milliards selon ComScore qui recourt à un panel mondial d'internautes.
Bien sûr, on sait imaginer des explications à l'écart publié, plus de 500 milliards ! Bien sûr, nous saurions vous et moi spéculer : sur les méthodologies, les artefacts, la représentativité, le site centric et le user centric, les cookies... Nous saurions aussi discuter la notion d'internaute, disputer du nombre de pages vues par visiteur, et même, sur tout cela, faire une présentation clients voire donner un cours. Là n'est pas le problème.

Quel est le principal effet d'un tel débat, d'un tel déballage donné en spectacle à la une, comme un "événement" people ? Il compromet, auprès du grand public des annonceurs, la crédibilité des comptages Web. Ni la presse ni la télévision, ni l'affichage, ni la radio, aucune interprofession média ne s'est jamais permise de tels écarts. Des débats méthodologiques, certes, il n'en manque pas, et il sont nécessaires à la santé du média. Un tel différend, de telles différences, non. Ils sont strictement impensables et ne relèvent pas, à ce stade, du débat technique. Le Web doit faire le ménage dans ses statistiques au lieu de participer à la société du spectacle statistique. Un outillage de mesures média pour un marché publicitaire doit construire un consensus et la confiance des investisseurs.
Quel audit - interprofessionnel - va départager ces mesures qui concernent tous les pays ?
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dimanche 21 août 2011

Google, encore plus connecté à la télévision

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Google a racheté Motorola Mobility Holdings (sauf désaccord de la FTC). Après coup, les explications et les rationalisations de ce mouvement ne manquent pas : brevets d'abord (la bataille fait rage), téléphonie ensuite. Mais il est aussi un autre aspect de cette fusion que les opérateurs de la télévision payante américaine observent avec méfiance et, peut-être, avec intérêt : Google devient le second fournisseur de set-top boxes aux Etats-Unis (derrière Pace et Cisco), set-top boxes qui commandent l'accès (conditional access system) aux téléviseurs installés dans les foyers. Motorola détiendrait près d'un tiers de ce marché (MediaCipher). Principaux clients : les deux principaux opérateurs du câble, Comcast et Time Warner Cable (MSO).

Avec cette acquisition, Google sera un partenaire régulier des opérateurs de télévision. Cela favorisera-t-il  l'acceptation et le développement de Google TV que ces opérateurs de télévision ont, dans l'ensemble, mal accueillie, et qui piétine ?
  • Coopérant avec les opérateurs (MSO), Android pourrait, par exemple, enrichir les set-top boxes (interfaces utilisateurs, fonction de recherche, fonction d'analytiques) et rendre les téléviseurs un peu plus "smart". L'achat récent de SageTV par Google est un signe de la détermination de Google à réussir Google TV. En mars 2010, Google a entamé des tests d'utilisation de Android sur des set-top boxes avec Dish Network. De plus, Google propose désormais aux développeurs de réaliser des applis Android pour la télévision.
  • L'entrée de Google en télévision n'est pas récente. Les incursions discrètes de Google TV Ads dans le marché de l'espace publicitaire TV ne doivent pas être sous-estimées. Google TV Ads touche plus déjà de 35 millions de foyers américains en collaboration avec les opérateurs satellites (Dish Network, DirecTV) et télécom (Verizon) : le tout concerne plus d'une centaine de chaînes.
  • Google pourrait mettre les chaînes de YouTube au programme de la distribution par les opérateurs (avec les conséquences économiques que cela implique pour les partenaires).
  • A terme, l'enjeu le plus formidable est celui des données (data) collectées par les set-top boxes, s'ajoutant et se mêlant à celles du Web et de la mobilité. Autrement dit de la mesure des audiences.
Google inquiète le monde de la télévision : aux bonnes raisons (protection de la vie privée, puissance et technique publicitaires, etc.) s'ajoutent des procès d'intention (à usage politique). Quelles réactions peut-on attendre des acteurs traditionnels de la télévision, studios et networks, distributeurs ?
  • Cette acquisition peut inciter à des fusions défensives, renforçant les opérateurs de télévision traditionnelle, sur le modèle de la récente acquisition du network NBC Universal par le câblo-opérateur Comcast.
  • Tout accroissement de la concurrence dans la distribution augmente la valeur des contenus : les studios et leurs networks ne peuvent pas voir cette intervention de Google d'un mauvais oeil.
  • Dans le sillage de Google, Apple, Amazon vont entrer en piste . Des sociétés sont sans doute à l'horizon des appétits de ces géants : TiVo, Netflix, Hulu...
Google dans la télé confirmera la fin d'un modèle pour les médias audio-visuels, l'épuisement d'un paradigme né avec la radio, il y a près d'un siècle.
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jeudi 18 août 2011

Catalogues de catalogues

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Google met en place une appli permettant d'utiliser des catalogues sur une tablette iPad (appli gratuite via iTunes Store). Google reprend Google Catalog Search, lancé en 2002 pour le Web, (scans de catalogues imprimés puis OCR), fermé en 2009. Entre temps, d'autres applications pour catalogues sur iPad ont été publiées : Catalog Spree et TheFind Catalogue, notamment. Dans son principe, cette dernière appli présente beaucoup de points communs avec Google catalogs qui semble toutefois plus achevée.
Google catalogs présente plusieurs caractéristiques :
  • C'est un catalogue de catalogues, une sorte de syndication : des dizaines de catalogues peuvent être consultés et confrontés sur le même support. Pratique pour comparer les produits et leurs prix. 
  • C'est aussi un catalogue de toutes les actions commerciales possibles, pour un consommateur, sur le Web : feuilleter, comparer les prix, partager, créer un "collage" personnalisé des produits retenus, souhaités, zoomer, rechercher, trouver la boutique la plus proche, acheter (grâce à des liens vers le site du marchand), etc. 
  • Pour certains équipements, le catalogue va jusqu'aux conseils et aux démonstrations (cf. pour le catalogue de Williams-Sonoma, ci dessous, une vidéo montrant l'utilisation de la machine faire des glaces - ice cream maker - de Cuisinart).
Une telle appli, qui recrée sur écran l'expérience du centre commercial (le mall et ses mêmes enseignes), donne une vie nouvelle aux catalogues dont le modèle économique est compromis : prix du papier et de la fabrication, difficultés de la distribution et attentes des consommateurs (mises à jour fréquentes).
Une arborescence simple et intuitive, une ergonomie courante (c'est celle de l'Ipad), tout facilite la consultation. L'iPad s'adapte parfaitement à la logique d'organisation des catalogues. Affinité plus forte que celle de la presse avec l'iPad, plus convaincante aussi que celle du catalogue avec le Web. Grâce à cette appli, la concurrence catalogue/site Web devient une collaboration, le consommateur pouvant jouer à sa guise de leur correspondance. Enfin le catalogue autorise des développements promotionnels, des coupons de réductions, par exemple. En mars 2012, iTunes Store ouvre une catégorie "Catalogs" (cf. notre post).
La presse magazine et les catalogues ont une grande proximité éditoriale. Or la plupart des magazines thématiques comportent une dimension guide d'achat : il y a là une voie à tester pour le développement de ces magazines en ligne.

Choix de catalogues (copie d'écran)
Copie d'écran du catalogue Williams-Sonoma
C'est un joli mot catalogue, ancien : on dressait déjà le catalogue des bateaux dans L'Iliade. Du grec "liste complète".
Mot parfaitement domestiqué, depuis des décennies : les catalogues de Manufrance (1885), de Sears (1888-1993), de La Redoute (1922), des 3 Suisses (1949) installent la vente par correspondance (VPC) et les sociétés de consommation au coeur des foyers, à domicile où que l'on habite, grâce à la poste. Sortes d'encyclopédies, inventaires complets des objets et outils à vivre que l'on peut acheter. Fascination des enfants pour les catalogues et notamment les catalogues de jouets : Sears édita un catalogue pour les fêtes de fin d'année, "Sears Wishbook", dès 1933.
Le catalogue sera perçu comme un média de la modernité du XXe siècle naissant : Apollinaire, "Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent" ("Zone" dans Alcools).
Enfin, comment ne pas imaginer une allusion au "catálogo de catálogos" de La Biblioteca de Babel (Jorge Luis Borges) ou encore, espièglerie à la Doodle, une allusion au paradoxe russelien du catalogue des catalogues qui n'appartient pas à ce catalogue... D'ailleurs, Borges aura l'honneur d'un Doodle le 24 août !
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jeudi 11 août 2011

Kindle Singles : Amazon éditeur

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Mise à jour 15 novembre 2011
Amazon a déclaré vendre plus de livres numériques que de livres en papier. Difficile à croire. Communiqué de presse repris, paresseusement, photo comprise, par les médias, y compris ceux qui prétendent le plus au sérieux professionnel. Exemples, dans la presse économique italienne et américaine : Il Sole 24 HoreThe Wall Street Journal, etc.
Evidemment, plus que d'autres, je n'ai pas les moyens de vérifier ces données. Il faudrait disposer d'audits interprofessionnels, comme en fait effectuer une grande partie de la presse, rare exemple, dont elle ne se vante pas assez (allez donc chercher des données fiables concernant les divers abonnements en télévision, les membres des réseaux sociaux, les équipements divers, etc.). Bien sûr, un panel distributeur, du type GfK ou IPSOS, ne peut remplir ce rôle pour la distribution de produits numériques sur le Web. Faute d'audit, la statistique publiée par Amazon est sans valeur autre que d'être le symptôme de préoccupations de l'entreprise qui les fait circuler, gratuitement - avec la complicité de nombreux médias, dont cela n'arrange pas l'image. Quelles préoccupations ? L'avis d'analystes financiers, l'image de la marque, la concurrence...

Les données propagées par le service de presse d'Amazon portent sur le nombre de livres vendus et non sur le chiffre d'affaires. Que dit le nombre de livres ?
  • Notons d'abord que, Amazon, comme d'autres distributeurs numériques, donne ou vend à très bas prix nombre d'ouvrages classiques en version numérique Kindle (que l'on peut lire sur plusieurs plateformes, iPad, android, iPhone, Mac, PC, etc.). Initiative louable qui augmente le nombre d'exemplaires distribués et peut s'apparenter, comptablement, à un investissement promotionnel.
  • Comment sont pris en compte les livres prêtés (Kindle Book Lending program) ou les ouvrages de promotion (exemplaires de passe) ?
  • Enfin, et surtout, parmi les livres vendus par Amazon, en exclusivité, il faut désormais compter les Kindle Singles.
Les Kindle Singles
Lancés en janvier 2011, les Kindle Singles sont définis comme des oeuvres brèves, un peu plus longues qu'un article de magazine (long-form journalism), un peu plus courtes que des petits livres. Beaucoup des essais publiés actuellement dans la collection semblent écrits par des journalistes ou apparentés. Le genre, difficile à délimiter, inclut des essais, des mémoires, des reportages, des nouvelles. Définition liminaire : "Compelling Ideas Expressed at Their Natural Length". Le genre est dit "naturel" alors que, comme tous les genres littéraires, il est construit (longueur, forme, sujet), objectivé par le cahier des charges et le contrat d'édition (digital self-publication and distribution program). Notons qu'il s'agit d'un format court, comme le Web semble les favoriser dans d'autres domaines (vidéo) ; ceci abaisse la barrière à l'entrée dans le "livre".
  • Longueur : 5 000 à 30 000 mots, soit 30 à 50 pages
  • Prix de vente :1 à 5 $
  • Oeuvre absolument originale (ni presse, ni Web). Le risque de plagiat et de spam existe : la stratégie d'Amazon pouvant s'apparenter à celle de certains collecteurs de contenus ("content farms") 
  • Pas d'ouvrages de conseil (how-to) : cuisine, tourisme, loisirs créatifs, bricolage, etc. Pas de livres d'enfants, etc. Sans doute parce que ces ouvrages requièrent schémas, photo et couleur.
  • Droits d'auteur : 70% pour les ouvrages vendus 2,99$ et moins. Participation de l'auteur aux frais de distribution. Paiement à la fin de chaque mois (pour plus de précision, voir l'"expérience" d'auteur relatée par Larry Dignan dans ZDNeT ou encore celle de Edward Jay Epstein dans the Atlantic wire)
  • Exemple de Kindle Single, recension de Media Makeover.
On ne peut exclure que ce petit format, bien que récent, explique en partie le nombre d'ouvrages vendus par Amazon. Dommage que l'on ne dispose pas d'une statistique selon le prix de vente. Secret des affaires ? Une statistique publiée pour rien ? Besoin de notoriété ?

Nous retiendrons surtout que
  • le numérique est peut-être en train d'"inventer" un genre littéraire. Ce n'est que la première d'innovations littéraires qui, partant des contraintes des supports numériques, affectent voir définissent la forme des contenus publiés. Les tablettes, les rouleaux de papyrus et l'imprimerie aussi, en leur temps, ont produit des formes littéraires, dont nous avons hérité. Apple se met à son tour aux e-singles et vend des "Quick Reads" numériques à partir de 0,99$ (non-fiction) ; toutefois, Apple n'est pas (encore ?) éditeur.  Penguin lance Penguin Shorts en Grande-Bretagne, fin 2011 (1,99 £).
  • Amazon, de distributeur, devient éditeur. Les éditeurs papier lui imposent leurs prix, pour l'instant. Un jour, les éditeurs de livres papier pourraient bien venir acheter leurs droits chez Amazon.

N.B.
Sur le format dit "long-form journalism" voir :http://longform.org
Sur l'édition numérique de tels ouvrages : The Atavist, plateforme de publication d'ouvrages du genre "original nonfiction storytelling", qui sont repris en Kindle Singles.
Voir aussi, par exemple : la collection One Shot de StoryLabEdition ("shots littéraires de 30 à 40 minutes de lecture" pour 0,99€)
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lundi 8 août 2011

Soldes, promotions et saisonnalité


Les soldes, jusqu'à présent, contribuaient à définir la saisonnalité commerciale et aussi sociale. On en a parlé comme d'une fête, d'un événement. L'évolution législative récente en matière de calendrier commercial leur confère un statut plus banal. La saisonnalité s'estompe, les achats de vêtements s'effectuant toute l'année, au gré des soldes et des promotions. En termes de médiaplanning, cette évolution évoque le "continuity planning". Devenus flottants, les soldes défont la saisonnalité.
Rappelons les faits établis par des travaux du CREDOC et de l'Institut de la Mode. Un article de Yvon Merlière, qui publie régulièrement sur ce sujet et dirige désormais le CREDOC, dresse un bilan des soldes en France. Il confronte les comportements des consommateurs envers les soldes et envers les promotions. Clair, précis, concis :
  • Yvon Merlière, "Vers la fin des soldes", Consommation et modes de vie, CREDOC, N°241, juillet 2011, 4 p.
Voici quelques unes des conclusions de cet article, utiles sinon indispensables pour le médiaplanning et le ciblage publicitaires, surtout si l'on travaille pour des marques de vêtement ou des marques de grande distribution concernées par les vêtements.
  • Pour plus de la moitié des Français, les soldes sont primordiales dans la gestion du budget familial, plus encore pour les couples avec enfants et les familles monoparentales. 
  • L'habillement représente 3/4 du chiffre d'affaires total des soldes.
  • Les chiffres d'affaires des promotion et des soldes se situent à peu près au même niveau, mais les promotions semblent prendre le pas sur les soldes.
  • La recherche de prix les plus bas est orientée aussi bien vers les soldes off-line que on-line.
  • Les achats d'habillement se désaisonnalisent sous le coup des "soldes flottants" (cf. Loi de modernisation de économique, 4 août 2008, 2008-776, Art. 98) et de la multiplication des collections au cours de l'année : la nouveauté est continue. Cette désaisonnalisation, liée à une nouvelle gestion des stocks, diminue la pertinence des ciblages temporels (calendrier) au profit des ciblages comportementaux. Elle renforce le besoin d'actions publicitaires continues, épousant immédiatement les comportements observés, plutôt que d'une marketing ponctuel à partir de quelques grands événements publicitaires.
  • La désaisonnalisation commerciale constitue-t-elle un symptôme de ce que Zygmunt Bauman décrit comme avènement d'un temps "liquide" ("liquid times") ?
Attendons une suite à ces travaux (cf. biblio, ci-dessous) et une confrontation approfondie, juste évoquée ici, des comportements en magasins avec les comportements sur le Web. Quels seront les effets sur les calendriers commerciaux des pratiques d'achats groupés à la Groupon ?
Comment évoluera la recherche des prix bas par les familles les plus modestes si leur maîtrise du Web n'est pas suffisante, à moins que le Web mobile ne leur permette cette maîtrise (deux hypothèses raisonnablement construites, à tester scrupuleusement).

L'approche globale des comportements de consommation on et off-line est indispensable pour les comprendre rigoureusement et ne pas tomber dans le piège d'une célébration désociologisée à laquelle se laissent souvent aller les tenants du Web et du e-commerce. Méthodologiquement, une telle analyse, diachronique, on et off-line, n'est assurément pas commode... Plus facile, comme je le fais ici, de la réclamer que de la mettre en oeuvre !

N.B. Le mot "solde" est effectivement un nom commun masculin, souvent utilisé, abusivement, au féminin.

Biblio :
  • Yvon Merlière, Dominique Jacomet, Evelyne Chabalier, "Limpact du commerce électronique en matière de soldes et promotions", CREDOC, Institut de la Mode, avril 2011 (en PDF sur le Web).
  • Sur la "Mission soldes flottants", voir le rapport de Yvon Merlière, Dominique Jacomet et Evelyne Chabalier, en PDF sur le Web.
  • Sur  le "continuity planning", voir les travaux de John Philip Jones et al., par exemple : When ads work. New proof that advertising triggers sales, 1998, second edition, 2007..

vendredi 5 août 2011

Cloudy travel thoughts

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When we travel, now, the first thing we expect from a hotel or vacation rental is an excellent Internet connection.
I just had an experience in Germany with an erratic, extremely slow connection. All of a sudden, Kaputt! No mail, no Facebook, no Google+, no Twitter, no Foursquare, no Dropbox. Goodbye cloud!
Then iTunes asks for a new iPhone software version update. “Would you like to download it and update your iPhone now?” Are you crazy?! 19 hours… At home, it took 7 minutes…
  • Use the smartphone and your 3G connection instead? In a foreign country, don’t even think about it. It would cost you a fortune… And remember: for European phone operators, there is no such a thing as Europe : they only know European "foreign" nations. 
  • Talk to a manager in the hotel? Good luck, they do not understand anything about Wi-fi, connections... For them it is secondary. It is not in their training, not in the list of urgent priorities: they care about your minibar, but Internet, they have no idea! 
A breakdown is always a revealing experience for judging the importance of a service, a product. When everything works you don't pay attention. No TV, no problem. No newspaper, who cares.
No Internet connection? I want to go home. For travelers, Internet is now taken for granted. They all want their Web connection.
Hotels and rentals have to reconsider their priorities. Wi-Fi should not only be free: it should work.
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mardi 2 août 2011

Your Pad Magazine : pour acheter une tablette


Sur le marché des tablettes, l'iPad semble avoir pris toute la place. Sa part de notoriété, sa part de voix au sens global de l'expression semblent proches de 100%, au point que l'on en oublierait que l'offre de tablettes est déjà large. Ce nouveau magazine donne à voir l'offre de tablettes (pad) dans toute sa diversité et toute sa complexité.
  • Publié par Oracom, éditeur spécialisé dans les télécoms et l'informatique (Mobiles magazine, Micro Portable, Ecrans Home Technologie, Web Design, Your Phone, 3D Magetc.). Voir http://shop.oracom.fr/.
  • Bimestriel, dos carré, 6,9€, distribution MLP. Sans publicité ou presque. 84 pages.
Si plusieurs magazines et hors série ont traité de l'iPad depuis son lancement, sans compter les magazines traitant ensemble de l'iPad et de l'iPhone, Your Pad est, me semble-t-il, le premier à traiter de toutes les tablettes présentes à la rentrée sur le marché.

Rappel de quelques magazines sur l'iPad
    • iPad. Le guide ultime : Pratiques, usages, applis et astuces, publié en juin (9,5 €)
    • "Le manuel incontournable pour tout connaître de l'iPad", HS de T3, Tendances, Technologies et Tentations (septembre 2010, 7,9€)
    • "Tous les secrets, trucs et astuces pour iPad", HS de Internet Pratique (12,9€)
    • Lifepad, décembre 2010, 5,95€
    • "Apple iPad la révélation", février 2010, 5,9€ (HS de Stuff)
Your Pad est d'abord un guide d'achat avec un comparatif fondé sur des tests. Positionnement pertinent alors que la question du choix d'une tablette devient difficile avec l'extension de l'offre. 
Dix tablettes sont testées et notées sur 100 (HP, Blackberry, Asus, 2 Acer, iPad, Del, Packard Bell, Motorola, HTVC). L'iPad se situe en milieu de classe avec 81/100 ; en tête, se trouvent la tablette EEE Pad Transformers TF101 de Asus (88/100) suivie de la Playbook de RIM Blackberry (85/10). La note la plus faible est 70.
Les tablettes de Archos et de Sony, évoquées ailleurs dans le magazine, ne sont pas (encore) notées.
Ue revue d'applications diponibles, de tutoriels dont un pour un scrapbook (loisir créatif, photo...), des revues d'accessoires (tests) complètent ce premier numéro.

Ce nouveau titre confirme la prééminence de deux tendances majeures de la presse magazine.
  • D'abord, son rôle dans l'exposition et l'explication des nouveaux produits (modes d'emploi, modes d'usages), qu'il s'agisse d'équipements de la maison, de numérique, d'hygiène ou de sport. Presse utile, indispensable parfois, qui peut pratiquer des prix élevés. 
  • Ensuite, son rôle comme guide d'achats.
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