dimanche 26 février 2012

Radio à lire, magalivre à écouter

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france culture papiers, 14,9 €, trimestriel, 196 p. Abonnement annuel, 59,6 €

Depuis longtemps, les médias audio-visuels ont trouvé dans la presse des compléments sous la forme d'outils pour la consommation : guides d'achats, guides de programmes. Web et téléphonie suivent la même voie. Recherche de visibilité, de légitimité et de pérennité aussi qu'apporte toujours le papier. Puissant support de publicité surtout.

Ce que réalise france culture papiers est différent, plus complexe : le magazine exploite la mine de contenus sonores qu'accumule la station. Le magazine est réalisé et distribué par le groupe Bayard qui publie déjà Muze, magalivre remarquable pour son innovation numérique. Pas de publicité : le lecteur paie tout. Le magazine assure, de facto, la promotion de la station. Les amateurs de casuistique stérile ne manqueront pas de demander s'il appartient au secteur public de la radio de publier un magazine. Passons.

Le transfert radio-presse énonce la vérité de ce qu'est aujourd'hui une station de radio, ce à quoi elle se résume, sa différence spécifique : des contenus éditoriaux, des émissions. Ces contenus peuvent être consommés en direct, archivés et redéployés (repurposing), consommés à la demande, adaptés pour d'autres médias. Ceci vaut d'abord et surtout lorsque la grille radio comporte des émissions originales avec script ("scripted original programming", comme l'on dit en télévision).

Un tel magazine déborde donc la catégorie des "Magalivres", plutôt confuse, même si certains aspects (distribution mixte, réseau presse et librairies, taux de TVA, périodicité, pagination) ont une importance significative.
Car il ne s'agit pas simplement de changer de support comme l'on passe d'une émission au CD ou au podcast. Passer d'un média à un autre, "de l'écoute à l'écrit", de "la spontanéité de l'oral, (à) la force de l'écrit" est beaucoup plus compliqué. On perd les voix, les silences, les hésitations et les lapsus, les virgules, toute la "mise en ondes" ; on gagne un texte, des illustrations, des précisions, réduisant d'autant le terrain de l'imaginaire. On change de média qui est une part importante du message, mais ce sont l'un et l'autre des "médias chauds" (M.McLuhan). Pour être publiées, les émissions de radio doivent être adaptées au papier, "retranscrites, éditorialisées, illustrées et enrichies". Pourquoi pas, à terme, l'accès sur une tablette qui permettrait au lecteur auditeur de jouer de toutes les dimensions ?

On peut imaginer, en retour, que le magazine imprimé influence la radio qui, à son tour, anticiperait l'exploitation papier (réalisation de photos voire de vidéo). Cercle vertueux. En fait, un tel mouvement de diversification pourrait être l'amorce d'un nouveau modèle économique de la radio devenant média mixte, livre certes mais aussi magazine. Un pas dans l'évolution des médias, un pas qui souligne que le contenu est premier. Désormais, l'auditeur sait qu'il peut ré-écouter l'émission (streaming sur le site, podcast) mais aussi lire et voir son émission.

* Voir aussi, par exemple, le cas de Pierre Boulez à voix nue, livre et CD issus d'entretiens sur France Culture.

3 commentaires:

Arslan Kadir Unifribourg a dit…

Je trouve très intéressant l'approche de retranscrire à l'écrit la radio. Une tâche pas facile, mais donnant une dimension de plus de ce qui a été dit sur les ondes. Le magazine est intéressant car dépourvu de publicités, ce qui est très rare, mais beaucoup plus plaisant à feuilleter à mon avis. Espérons que cela va se poursuivre en faisant face au ce monde de plus en plus numériques.

Guyonne Mazeau a dit…

En effet, un tel modèle économique pourrait s'ériger en norme. Cette mixité me parait positive puisqu'elle met entièrement l'accent sur le contenu.
Peut-être le media télévision pourrait bénéficier aussi d'un tel traitement? En effet, si la presse magazine autour de la télévision est importante, il est très rare qu'elle mette l'accent sur le contenu. Surtout, c'est un type de presse "antérieur". Il serait intéressant de développer une presse s'intéressant aux émissions a posteriori. Le système de retranscription pourrait aussi être exploité. Toutefois, il faut maintenant s'interroger sur un point crucial, à savoir s'il y a une place pour cela, ou si l'immense majorité du public ne préfère pas la facilité qu'il y a à se laisser bercer par l'image et le son.
Guyonne Mazeau.

Antoine Bailly a dit…

Bel exemple de monétisation des contenus. Auditeur rompu de France Inter, je suis heureux que ses chroniques puissent renaître sous forme papier tout en faisant gagner de l'argent au service public!