jeudi 5 avril 2012

La presse et le marché de l'éducation

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Les produits para-scolaires prennent place sur le marché français de la presse. L'édition scolaire en avait jusqu'à présent le monopole avec les cahiers de devoirs de vacances et les annales du bac. La presse élargit cette offre. Elle tire profit de son réseau de distribution (30 000 points de vente) et de sa légitimité culturelle auprès d'une partie de la population (pour certains titres, du moins). Beaucoup de ses lecteurs, les enseignants notamment, sont prescripteurs (les publications du Monde, cf. infra, sont d'ailleurs parrainées par la MAIF, compagnie d'assurance des enseignants).
Marché de la "bonne volonté culturelle" aussi : beaucoup d'adultes en profitent pour tenter de boucher des trous creusés par l'oubli et le manque de pratique, voire pour se mettre au niveau de leurs enfants ("Auriez vous le bac aujourd'hui", demandera ironiquement Le Monde).
Les produits para-scolaires publiés par la presse font appel à plusieurs genres didactiques et les mélange : quizz, jeux, résumés, tests, exercices corrigés, fiches. La proximité des contenus avec les programmes des examens (bac) et des concours (culture générale) le principal argument de vente. Toutes les classes, du CP au baccalauréat (et à certaines classes préparatoires) sont touchées. Le Monde fut précurseur en 1973 avec ses Dossiers & documents suivis plus tard des Dossiers & documents littéraires.
  • Exemples de Hors-séries ou numéros spéciaux consacrés à des tests, quiz et autres interros
Le Point : la philo,
Le Monde : la psychologie, la géographie de la France, du monde
L'Expanion : l'économie
L'Express : le français, la France et ses régions (spécial jeux)
Le Figaro : la géographie de la France, la littérature française, Histoire de France (questions et jeux)
Beaux Arts Magazine : l'art
L'Etudiant : Cahier de vacances de culture générale pour les adultes, quizz de culture générale
ça m'intéresse : Cahier de jeux & d'exercice
Le Nouvel Observateur / Challenge : Réussir son Bac S. Révisions Maths 2012 (DVD)
Actualité de l'Histoire, 250 questions pour tester vos connaissances historiques
  • Pour l'école primaire
Champions du CP, du CE1, etc. magazines qui publient également des cahiers de vacances ("pour réussir l'entrée au CM1", etc.), Mon cahier après l'école (classe par classe), Tout pour réussir le CP, Mon magazine du CP... Sans compter "les bons sites d'Internet pour faire mes exposés" (Images DOC)
  • Ton bac d'abord. Le marché des examens
Avec plus de 650 000 candidats (2011), des épreuves réparties sur deux ans, le bac représente en France une clientèle potentielle importante. Même si sa valeur universitaire s'érode, cet examen vieux de plus de deux siècles (1808) reste un rite de passage capital (cf. le film de Pialat, 1978). En parcourant le magazine pour le Français 1ère, candidats et professurs auront une pensée pour Zola, recalé deux fois au bac, jamais reçu mais qui se rattrape par une présence imposante dans les textes proposés à l'examen.

Source : Presstalis
Le Monde lance en avril les révisions du bac et publie six hors séries : tout ce qu'il faut pour réussir, dans plusieurs disciplines (manquent les maths, la physique et les langues). Sur le même segment, le Magazine Littéraire s'attaque à "L'épreuve anticipée de français" offrant "les clés de la réussite" (5,9 €). Citons encore le "Guide de survie au bac philo" publié par le magazine Philosophie (5,9 €), ou Lire traitant des "écrivains du bac". La presse magazine occupe depuis longtemps déjà le segment de l'apprentissage des langues étrangères (I love English, Vocable, etc.). Le Monde ajoute aux contenus didactiques des articles déjà publiés par le quotidien ; ce recyclage de documents journalistiques actuels semble risqué, surtout pour les futurs candidats. Dans ce premier numéro (mais je n'ai lu que le Français), il n' y a pas de publicité : les éditeurs d'ouvrages classiques y auraient pourtant leur place.

Entre les questions d'orientation et la préparation des examens, le marché de l'éducation est déjà très important et compte de nombreux titres et hors séries. Pour l'instant, ce marché est saisonnier, épousant le rythme des vacances, des rentrées et des examens. La pression pour la réussite scolaire s'accroît sous l'effet du marché de l'emploi, de la détérioration de l'enseignement gratuit et laïque, de la généralisation du lycée : la presse devrait y trouver une occasion de développement et de diversification, surtout si elle sait jouer de la dynamique papier / Web. Il faudra suivre l'initiative d'accompagnement scolaire payant de Ouest France proposée, pour l'instant, sur le Web uniquement : meilleurenclasse. N.B. : le site meillerenclasse et les magazine de préparation au bac publiés par le Monde sont, l'un et l'autre, produits par un même éditeur, rue des écoles (dont la MAIF est "partenaire").
Sur ce marché, la presse aura des concurrents média :
  • CanalSat a lancé en mai - juin, une chaîne conjoncturelle, Campus Bac pour la préparation de l'écrit ! 
  • France 2 diffusa en mai 2012 un quizz "La grande révision pour le brevet des collèges"(émission ouverte au parrainage). 
Voilà qui réconciliera les enseignants avec la télévision.
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10 commentaires:

Bird_face a dit…

Le creuset de la République devient de plus en plus objet de commercialisation et non de rassemblement de la nation. La chose publique idée a t-elle été remplacée par la chose publique monnaie?

Unknown a dit…

La presse ne cherche à atteindre que les parents. Ce ne sont pas les futurs bacheliers qui achèteront volontairement ces hors-séries. Il ne s'agit que de l'utilisation de l'anxiété des parents. Si ceux ci sont prêts à dépenser 6 euros pour acheter ces ouvrages la presse écrite a raison de profiter de cette manne.

AnneSoBB a dit…

Ayant travaillé au Salon de l'Etudiant, les jeunes sont de plus en plus perdus dans leur orientation. Les magazines ont très bien compris et tentent de combler le manquement de l'éducation nationale. Triste France !

Patrick P. a dit…

Si la presse avait traditionnellement (en France en tout cas) le monopole du parascolaire et de l’éducation, elle risque désormais de venir se faire concurrencer dans ce domaine par les gros groupes de nouvelles technologies et nouveaux médias (comme Google par exemple). Apple a d’ailleurs annoncé dernièrement son entrée sur le marché de l’éducation. Ce qui n’est évidemment pas du goût de tout le monde… http://leplus.nouvelobs.com/contribution/310726-apple-l-education-a-bon-dos-pour-se-creer-un-nouveau-marche.html

Johanne Cantin Fribourg a dit…

Que la presse, la télé ou encore les nouveaux médias s’attaquent sérieusement au marché de l’éducation est une excellente nouvelle. J’élargis un peu la thématique à l’éducation, la formation professionnelle ou encore les perfectionnements en général. Aujourd’hui, on termine un apprentissage ou un bac, ensuite on se perfectionne dans une haute école et, après avoir collectionné quelques expériences professionnelles, on termine sa formation à l’université ou on se spécialise dans un domaine. Le système actuel permet de se remettre en question à chaque étape de sa vie. Ces nouvelles plateformes sont nécessaires et utiles pour quiconque décide de reprendre la voie académique.

Quentin de Laclos a dit…

L'anxiété des parents me semblent en effet une incroyable source de revenu pour les acteurs de ce marché. Il n'y a qu'à voir le prix que coûte les cours particuliers type Acadomia et le succès qu'ils rencontrent.


Cette nouvelle tendance soulève à mon avis de nombreuses interrogations.

Quelle est réellement la qualité de ces offres? Certains ne profitent-ils pas de cette anxiété pour vendre des services ou des produits de piètre qualité à des parents souhaitant à tout prix être rassurées?

Une autre conséquence d'ordre plus sociale et éthique concerne l'égalité des chances. Comment éviter que les inégalités entre les élèves se creusent, si ce genre de produits se multiplient?

Enfin comment peut-on éviter que la compétition entre les élèves augmentent, au détriment de tous? Pour se convaincre de la nocivité de cette compétition, il suffit d'observer le système éducatif de pays tels que le Japon ou la Corée du Sud. Dans ces pays les élèves sont sélectionnés très durement dés leur plus jeune âge. Il en résulte que de nombreux enfants suivent des cours du soir jusque tard dans la soirée et sont soumis à d'importants niveaux de stress.

Guyonne Mazeau a dit…

Il me semble au travers de ces divers commentaires que la « question de l’anxiété des parents » soit légèrement caricaturée. Les lycéens sont demandeurs de ces suppléments (très bien faits, cela dit en passant). Le vrai problème est plutôt là : la façon d’enseigner et le niveau actuel des lycées en France sont tels qu’une vraie et forte demande de produits para scolaires existe. Le problème sous-jacent qui se pose est donc celui du déclin d’une éducation républicaine, où chaque élève aurait les mêmes chances.

D’autre part, ce nouveau marché est une manne pour la presse écrite, qu’elle exploite à raison. Son développement conjoint avec les medias et le Web ne peut être que salué, de part la dynamique qui est ainsi introduite. La cible première (les lycéens) peut être élargie à un plus grand public, au bénéfice de tous. On peut imaginer des discussions familiales relancées sur des sujets historiques, littéraires ou philosophiques, favorisant l’interaction intergénérationnelle, plutôt que des débats stériles concernant les intrigues de « Secret Story ».

Quitte à aller à contre courant des opinions majoritairement exprimées ici, je vous conseille fortement la lecture des suppléments gratuits du Monde, dès le 11 mai et pendant 6 semaines : « Réviser son bac avec le Monde ». Chaque année, celui consacré à la géographie est particulièrement bien fait : concis et clair, il est instructif pour tout lecteur de (1)7 à 77 ans !

Raluca Mocanu a dit…

La presse française est considérée avoir un rôle informatif et formatif en s'adressant à toutes catégories sociales. Par conséquent, je ne le trouve pas inadéquat qu'elle publie des produits para-scolaires. Ceux-ci ont un contenu thématique qui coïncide avec les programmes scolaires, examens de Bac, concours de culture générale, etc. Il est incontestable que le Bac est l'examen le plus important et qu'il touche un public cible remarquable de la population. Ainsi, la presse publie des sujets type, des clés de réussite.
Désormais, les chaînes TV proposent des émissions thématiques, dont le but est de préparer les candidats pour les examens à soutenir. Donc, des concurrents média surviennent dans le milieu média-éducationnel.

Antoine Bailly a dit…

Ayant moi-aussi postulé à un travail à un salon de l'Etudiant, j'ai eu la surprise de constater lors de mon passage au siège du groupe de magazine de l'Etudiant (le même que celui de l'Express) et au cours de ma discussion avec une personne du bureau RH que l'Etudiant se voit autant comme une aide au étudiants que comme un "vendeur" de solutions aux étudiants, cette deuxième partie ayant presque pris le pas sur la première. Toutefois si cette offre correspond bien avec une demande exprimée, je n'y vois pas de problèmes.

dan a dit…

Les médias ont toujours tenté de devenir un vecteur important de la connaissance et de l'apprentissage pour la population et tout particulièrement pour les jeunes. Le premier exemple le plus révélateur de cette volonté d'éducation par les médias est encore la radio, qui déjà dès les années 1935-1940 pour ce qui est de la Suisse, diffusait des émissions éducatives. La presse aujourd'hui, le fait toujours de manière plus ciblée. Il est vrai qu'il faut tenir compte d'une certaine approche commerciale de la part des médias, mais ils montrent néanmoins un dynamisme non négligeable et appréciable dans le domaine.
Cependant, un autre élément doit être mis en exergue concernant cet apprentissage au travers des médias et les nouveaux médias: les professeurs. A l'heure actuelle le web propose également son lot de solutions d'apprentissage, notamment depuis l'arrivée des nouveaux supports comme la tablette électronique. Toutes ces solutions éducatives sont désormais entrées dans les salles de classe, tout comme autrefois avec la radio. Néanmoins, ces nouveaux supports sont que partiellement ou mal intégré au cursus d'apprentissage et ceci malgré leur bonne présentation et leur bonne pédagogie. De ce fait, il reste ainsi un travaille de fond afin de trouver un lien efficace entre l'apprenant et la matière. Le 30 avril 2012 dans l'émission Médialogue de la RSR , la problématique a été évoqué dans le cadre d'un projet d'apprentissage par le web. Si ces supports éducatifs complémentaires demandent encore une meilleure intégration au système éducatif que nous connaissons, ils restent tout de même une alternative probantes d'apprentissage pour un future proche.