vendredi 31 août 2012

PhotoPhone : SmartPhoto et phonéographie

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SmartPhoto se positionne comme "le magazine de la photographie et de l'image avec un smartphone". Le même éditeur publie aussi "images. Le magazine de la photographie et des auteurs contemporains".  
Lancé en juillet 2012, bimestriel, 68 p., 3,9 € (abonnement 4 numéros, 15 €), le premier numéro compte une huitaine de pages de publicité captive. Annonceurs : opérateur de téléphonie (SFR, Orange), imprimantes (Brother, HP, Samsung), Expos (Salon de la Photo, Dupon les Expos) et SanDisk.

Voici assurément une bonne idée de magazine car le smartphone devient l'équipement courant, banalisé, pour toutes les générations, utilisé pour les loisirs, la pédagogie mais aussi, de plus en plus, pour le travail (enquête, reportage, prise de notes en photographiant un tableau de salle de réunion, etc.). D'où cette innovation lexicale, le "photophone" (d'après le grec, ce qui est quand même plus cool que l'anglais !).
Les photos que l'on prend avec un smartphone, on les imprime rarement, on les montre plutôt sur un support numérique (tablette) ou on les envoie directement sur un site de partage. Le magazine couvre la double vocation du smartphone : outil de célébration et de mémorisation domestiques (phtos de familles, vacances, voyages...), outil de  socialisation : de Facebook à Pinterest, de Foursquare à Instagram, le réseau social devient de plus en plus un réseau photographique. Les histoires se racontent en photos et en vidéo. Le magazine Chasseur d'images de novembre consacre un dossierà la "phonéographie" : "Créatif avec un téléphone".

Chaque nouveau modèle, chaque nouvelle version d'0S et d'appli améliore les performances photographiques des appareils étendant les utilisations des photophones. D'où la question, légitime, que pose le rédacteur en chef dans son édito : "Sous-photo ou photo de demain ?". Le smartphone, selon lui, ouvre le monde de la photo de demain, ce qui justifie l'existence de ce nouveau titre.

Encore un magazine de papier qui assure la promotion d'appareils numériques. Comme pour Facebook,  etc. la presse magazine remplit son rôle d'éducation à la consommation.

Le magazine couvre et illustre toutes les facettes de la photophonie, techniques et artistiques.
  • Artistiques, esthétiques
    • Les photos prises par des photographes confirmés avec un photophone sont convaincantes.
  • Pratiques, techniques 
    • Le stockage. Sur ce point, le lecteur reste sur sa faim (rien sur iPhoto, sur Aperture, peu sur iCloud, sur Picasa, Flickr...). Dans les numéros suivants, on attendra des approfondissements et des analyses sur les logiciels et les applis de classement, etc. La question n'est pas triviale, il s'en faut.
    • Les filtres, les réglages, les retouches, les applis, les réseaux sociaux (Instagram, Pinterest). Des guides d'utilisation : luminosité et mises au point pour l'iPhone, sur l'élaguage d'une vidéo.
    • Des articles sur la vidéo, sur un long métrage tourné avec un smartphone, "Olive", sorti en 2011.
Les pratiques sociales et esthétiques nouvelles qu'engendrent les smartphones invitent à remettre en chantier le  classique de la sociologie de la photographie qu'est "Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie (Paris, Editions de Minuit, 1965, 361 p., Index). Ce travail de recherche, dédié à Raymond Aron, fut financé il y a cinquante ans par Kodak : tout un symbole alors que l'entreprise a déposé son bilan cette année. Il y eut le "Kodak Moment" (slogan de la marque), pour désigner un moment mémorable, digne d'être photographié ; il y a désormais le "Smartphone Moment"... La différence entre ces deux "moments" constituerait certainement sans doute une illustration frappante des changements sociaux et culturels qui séparent deux technologies.

Dossier de Chasseur d'images, novembre 2012
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lundi 27 août 2012

La révolution mobile de l'économie du Web

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Soit quelques hypothèses, à vérifier
  • Tout d'abord, l'usage du Web tend vers les usages mobiles ; les smartphones équipent de mieux en mieux les internautes, la couverture Wi-Fi s'étend, les tablettes se généralisent. La Chine a déjà basculé majoritairement vers le mobile, l'Afrique aussi ; le reste du monde suivra.
  • Avec un smartphone ou une tablette, il semble que l'on utilise davantage des applis que la combinaison usuelle navigateur / moteur de recherche. C'est plus commode, plus pratique. Le "portail" du numérique, sa "homepage", est un écran avec des applis. 
  • L'accès aux réseaux sociaux s'effectue de plus en plus via des applis : un visiteur de Facebook sur deux se connecte avec son mobile et il se connecte plus souvent. Le e-commerce transite de plus en plus par le smartphone ou la tablette, le paiement mobile arrive : le smartphone sera le média de la consommation courante et de la grande distribution
L'ère du Web search centric s'achève-t-elle ?
Là où une entreprise, une école, une collectivité locale, une organisation, un commerce développaient un site Web que découvrait plus ou moins un moteur de recherche lexicale, ils développent aussi une appli autonome, isolée, téléchargeable sur un ou plusieurs supports mobiles.

La localisation géographique du mobinaute par rapport aux services et commerces voisins est automatiquement activée par les smartphones (cflocation services), si toutefois le mobinaute l'accepte.

Si cette série d'hypothèses est vérifiée, l'économie du Web, son économie publicitaire en tout cas, risque d'être à terme affectée, voire bouleversée par l'hégémonie du mobile, au profit du mobile que la vidéo et le rich media dynamisent.
Pour l'instant, la publicité sur mobile n'a pas trouvé son expression la plus efficace. Cela ne cesse d'inquiéter des entreprises comme Facebook ou Renren (人人网) qui doivent suivre sans délai la mutation du Web vers le mobile et les applis : comment monétiser une appli ?
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lundi 20 août 2012

Vendre la presse papier avec des écrans

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Le point de vente presse reste un difficile problème de marketing. Comment faire valoir, faire trouver le bon magazine, au bon moment.
L'encombrement des points de vente est notoire (il n'est d'ailleurs pas sans charme, celui de la serendipity). Le développement et la généralisation des moteurs recherche a inculqué chez les acheteurs de nouvelles attentes, impatiences (commodité, rapidité, pertinence de l'organisation des linéaires). Beaucoup sont habiles (tech-savvy) avec les outils numériques.
Un danger menace la distribution de la presse comme celle de tout produit culturel dont la description statistique est celle d'une longue traîne (livres, applis, musique, etc.) ; si l'on n'y prend garde, toute optimisation commerciale de l'assortiment risque de réduire l'étendue de l'offre, sa diversité, pour s'en tenir aux items les plus achetés, à des hit-parades, etc. L'inverse de la serendipity.

Le recours à des écrans, généraux ou personnels, apporte au point de vente l'exhaustivité de la présentation de l'offre, celle qu'a permis en France l'application de la loi Bichet (1947).
  • Ecran généraux. Visibles par tous, qui affichent des titres, assurant leur visibilité et leur promotion dans le point de vente (PLV). Ecrans vitrines, écrans dans les vitrines, qui peuvent devenir supports de publicité nationale ou régionale pour la presse et s'auto-financer (effet de réseau). Ces écrans "généraux" peuvent être interactifs (gestes ou claviers) et disposer d'un outil d'information et de sélection personnel, de type borne interactive. La borne présente plusieurs inconvénients : d'abord, son écran est visible par tous, mais, surtout, et c'est rhédibitoire, elle encombre le point de vente (coût d'opportunité très élevé).
  • Ecrans personnels, smartphone ou tablette avec appli du point de vente (ou du réseau). Le smartphone présente des atouts sérieux pour le marketing, avantages déjà testés et éprouvés par la grande distribution (cf. Digital Grocery Shopping: all you need is an app). Exemples :
    • C'est un équipement en voie de banalisation que les consommateurs ont toujours à portée de la main. Il assure la discrétion parfaite des transactions : sélection de titres, paiement (fonction d'isoloir)
    • Il ne prend pas de place dans le point de vente
    • Il peut fonctionner avec une application associée à un ou plusieurs points de vente (réseau), téléchargeable par le client dans un point de vente presse, permettant la recherche de titres à partir de thèmes, de sommaires, de journalistes, etc. Une telle application permet l'extension de la vente à la demande,  dépassant le marketing de l'offre ; elle permet aussi des propositions promotionnelles ciblées (avec coupons, etc.).
    • L'application une fois installée sur un smartphone permet au client de s'identifier quand il entre dans le magasin (comme procède Starbucks)
    • L'appli, personnalisable, peut intégrer une carte de fidélité associée au réseau
    • Elle peut fonctionner avec un plan du magasin (disponibilité, localisation des titres : on clique sur l'icône d'un titre pour le localiser dans le point de vente)
    •  Le smartphone devient terminal de paiement mobile (NFC, cf. Starbucks encore) et permet de faire retenir un magazine (drive), payé et mis de côté dans le point de vente, d'acheter un ancien numéro, de s'abonner sur le point de vente (associant et coordonnant ainsi abonnement et vente au numéro), etc.
    • Production d'informations marketing (data) précieuses pour la gestion du point de vente et des éditeurs : analytics en temps réel, continus (rythmes de fréquentation, horaires d'achat, paniers, modélisation pour la gestion de l'assortiment presse -GAP, etc.)
    • Mobilisation des réseaux sociaux (pour des alertes, des recommandations, etc.)
    • Conciliation, intégration de certaines fonctionalités avec le e-commerce (analytics synthétiques, fidélité, paiement, recommandations, etc.)
L'avenir du point de vente presse est sans doute à imaginer dans cette perspective globale coordonnant équipement Wi-Fi, linéaires, applis et écrans interactivables, tous éléments multiplicateurs du plaisir de fréquenter un point de vente. Facteurs aussi de valorisation du métier de kiosquier et de l'image du kiosque. Sur un sujet voisin : "L'information est dans la rue".
Sans doute, n'ya-t-il pas de solutions techniques isolées : ce n'est pas une question d'écrans, de linéaire, d'optimisation de l'assortiment (data, CRM) mais un problème global de service public dans la ville donc de marketing total, à traiter en partant du point de vue du client.


Les trois illustrations pour ce post proviennent de l'imposant magasin de presse de la gare de Stuttgart (Konrad Wittwer GmbH, Pressecentrum). Chaque écran délimite une portion physique de l'offre de magazines présentés clairement au-dessous (photos fm).

Sur la notion d'assortiment :

Video : pas de Mega-Mediathek online en Allemagne

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Le tribunal de Düsseldorf (Oberlandesgericht) rejette le projet de plateforme online (Mega-Mediathek) envisagé conjointement par les deux groupes de télévision commerciale privés allemands, RTL et ProSiebenSat.1. Le modèle économique prévu pour cette plateforme était de type publicitaire.
On en a rapproché le principe de Hulu qui, aux Etats-Unis, associe plusieurs groupes de télévision commerciale pour réaliser un service mixte (gratuit et payant), diffusé sur le Web (Hulu est contrôlé par News Corp, Disney et Comcast/NBC Universal ; son modèle économique est fragile). Le projet prévoyait d'ouvrir la plateforme aux concurrents de langue allemande, privés ou publics, de RTL et ProSiebenSat.1.
Le tribunal confirme une décision précédente prise par le "Conseil de la concurrence" (Bundeskartellamt, mars 2011) pour limiter la concentration du marché publicitaire allemand ; le président de ce Conseil déclare qu'il s'agit de donner un signal important en matière de concurrence publicitaire dans le secteur des nouveaux médias ("wichtiges Signal für den Wettbewerbsschutz im Bereich der neuen Medien") en limitant leur part du marché publicitaire dans la vidéo.
  • Cet arrêt jette un doute sur la capacité laissée à des groupes européens d'atteindre une taille leur permettant de résister à des concurrents non européens puissants et d'intervenir sur les marchés internationaux. Un tel arrêt, pris pour maintenir la concurrence entre groupes allemands, ne facilite-t-il pas la concurrence de groupes vidéo étrangers (Google-YouTube, Amazon, Netflix, iTunes, etc.) ?
  • Quel périmètre du marché publicitaire prendre en compte pour juger de la concentration (par exemple, quid des revenus Web du display, du search) ?
  • A quoi riment encore, dans ces domaines, des décisions nationales, calculées sur des revenus publicitaires nationaux, alors que tous les grands acteurs en sont internationaux ? La question primordiale n'est-elle pas plutôt celle du maintien et du développement d'une industrie de programmes européenne de puissance mondiale ?
N.B.
  • Les deux groupes de radio-télévision publique (ARD, ZDF) ont soumis un projet équivalent ("Germany's Gold") à l'examen du conseil de la concurrence.
  • En Chine, Youku (优酷) et Tudou (土豆), les deux plus importantes entreprises de video fusionnent ; ensemble, leur part de marché est de 35,5% du chiffre d'affaires total de la vidéo en Chine. L'objectif déclaré est la réduction des coûts (Source : Analysys International). Les deux sociétés sont cotées à New York.
  • Des projets du même type que Hulu se mettent en place en Belgique, tel Rumble avec VRT, VMMa et SBS Belgium.

mercredi 15 août 2012

Visibilité : réseaux sociaux et gonflette

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0 Sancta Visibilitas ! 
L'économie des médias est une économie de la visibilité (cf. Visibilité et énergie médiatique) ? Il faut être visible. Faut-il ? Visible de qui ?
Faut-il faire croire aux autres (voire à soi-même !) que l'on est visible ?

Le nombre de fans comptabilisés par les réseaux sociaux est souvent fallacieux. Certains fans sont produits par des robots. De plus, nombres de fans sont inactifs... Fans d'un jour, d'une heure !

Gonflette ! On peut aussi bien sûr acheter des followers sur Twitter : c'est ce que proposent Buy Twitter Followers, FanMeNow, etc. Pour une poignée de dollars, on peut s'acheter quelques milliers de followers, des likes sur Facebook ou Instagram, des views sur YouTube. Manœuvres de RP.

Il y a une app pour évaluer le taux d'inflation global des scores de visibilité : StatusPeople permet d'approcher le taux de faux followers et de followers inactifs parmi les followers d'une marque, d'un politicien, d'une chanteuse ou d'un footballeur. Ce faker score constitue un indicateur pertinent de performance sociale : il a sa place sur le tableau de bord d'une marque. Ci-dessous : le score de Media Mediorum pour Twitter.

  • Désinflation ou taux de gonflette (selon des données citées par Fast Company) : 
    • - 84% Cristiano Ronaldo (12 millions de followers) : 52% faux, 32% inactifs
    • - 77% Lady Gaga (28 millions de followers) : 43% faux, 34% inactifs 
    • - 64% Justin Bieber (27 millions de followers): 31% faux, 33% inactifs

lundi 13 août 2012

A Chinese company in American theaters

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Most American moviegoers do not realize that 大连万达集团 bought AMC Entertainment Holdings. This summer many of them will watch a movie in a theater owned by the Chinese Dalian Wanda Group (大连万达集团), which operates in the fields of tourism, department stores, cultural industries and... Chinese calligraphy.
For millions of Americans, "the theater near you" is now Chinese.

The theater chain was previously owned by JPMorgan Partners, Apollo Investment Fund and Bain Capital Investors. The transaction should be completed by the end of August.  The $2.6 billion deal will mostly cover AMC's debt (cf. Press Release).

AMC (18,500 employees) owns 346 theaters in North America (5,034 screens). It was founded in 1920 in Kansas City, MO. Advertising in AMC's theaters is sold by NCM (National CineMedia).
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Marché TV américain. Upfront 2012-2013

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Comme chaque année, aux Etats-Unis, 20 à 25 milliards de dollars d'investissements publicitaires TV sont programmés entre avril et juillet, pour la saison télévisuelle suivante.
Difficile de s'y retrouver dans le marché upfront, marché TV où les décisions sont prises plusieurs mois  à l'avance (vente d'espace avec garantie des coûts GRP / cible ; pas de tarifs publics). Pas de données publiques interprofessionnelles, beaucoup de bruits courent, de on-dit, de déclarations étalées sur trois mois.

Marché 2012-2013. Que sait-on ?
  • L'augmentation des CPM par rapport à la saison 2011-2012 est de l'ordre de 6 à 9%, selon les chaînes, CBS obtenant les meilleures progressions. On a dit que Netflix a beaucoup investi dans CBS et CW et que la pression à la baisse exercée par General Motors a été vaine (GM a quitté la négociation et a refusé de participer au Super Bowl) .
  • Le volume vendu représente un peu plus des trois quarts de l'inventaire total ; il reste donc en moyenne un quart pour le scatter market (trimestre par trimestre). Ce sont des ratios courants mais il semble que les networks ont restreint leur offre pour maintenir des prix en hausse. 
  • Le marché publicitaire hispanophone confirme sa croissance. Le nouveau network MundoFox (News Corp.) a fait son entrée, encore modeste, sur le marché publicitaire. Le bilinguisme des Etats-Unis est une donnée marketing / média essentielle.
  • Signe de temps qui changent, comScore a publié un rapport intitulé "Surviving the Upfronts in a Cross-Media World" pour vanter l'efficacité et la couverture de la publicité online, comparables à celle de la télévision traditionnelle (GRP). 
    • Ce plaidoyer pour la publicité vidéo semble relever d'une offensive concertée, internationale, à l'avantage de Google/YouTube d'abord, et, dans une moindre mesure de  Yahoo!, Facebook et AOL. Les régies numériques de la télévision traditionnelle sont encore loin derrière (Viacom, NBC Universal, etc.) mais elles progressent. 
    • comScore plaide pour des ventes upfront mixtes (multiscreen, TV+ video online), comScore plaide également pour des formats plus courts que le 30 s, traditionnel en TV network.
Que peut-on retenir ?
  • La télévision des grandes chaînes généralistes nationales (networks) se porte bien. Les grandes chaînes thématiques (diffusées par le câble, le satellite et les télécoms) aussi.
  • Le principe de la vente en deux temps, upfront / scatter, inauguré il y a une cinquantaine d'années par les networks est régulièrement décrié : certains annonceurs réclament un marché continu, ouvert toute l'année. Toutefois le marché upfront / scatter gagne du terrain puisque, après le câble, les chaînes hispanophones et la vidéo, la syndication, Facebook et YouTube, le cinéma à son tour a effectué une présentation upfront (NCM Media Network a exposé les performances de sa régie : 18 000 écrans, répartis dans tous les Etats du pays, 65 070 millions de spectateurs par mois). 
  • On parle d'un Digital Upfront (cf. supra, le rapport de comScore) mais, pour l'instant, cela reste surtout de l'ordre de la discussion. 
  • On a parlé aussi d'un marché upfront de la social TV. Première avancée : les annonceurs se voient proposer des données de social TV pour optimiser leurs plans média (cf. l'offre de Networked Insights).

dimanche 12 août 2012

Famille numérique, famille en miettes ?

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N°33, 9 août 2012.    3,5 €
La production industrielle des "temps modernes" mit "le travail en miettes". La consommation numérique actuelle met-elle la famille en miettes ? Décomposée, recomposée, la vie familiale, déjà malmenée par les évolutions démographiques et les emplois du temps, est-elle en plus réduite à une simple coexistence numérique (une même adresse IP !). La télévision analogique réunissait, le numérique disperse et sépare : audiences disjointes.
L'hebdomadaire allemand Stern (Gruner + Jahr / Bertelsmann Media Group), 8 millions de lecteurs pour 800 000 exemplaires vendus (Sources : IVW, MA) s'empare d'un sujet populaire et qui ne dérange pas trop - toutes les opinions s'y valent. Marronnier des vacances d'été, avec un beau titre : iSolation et un graphisme qui cite Apple.
Chaque membre de la famille mène une double vie numérique, "toujours connecté mais pourtant sans parole" ("Immer online, aber sprachlos"), même le chien, qui, sans doute, fait des cauchemars de collier électronique, que le loup, cynique, ne lui enviera pas ! Fable*.

Les journalistes de l'hebdomadaire sont partis au front des batailles familiales observer le quotidien numérique des enfants et des parents, recueillir leurs déclarations. Le tout est couronné de conseils provenant d'une socio-pédagogue des médias ("Sozial- und Medienpädagogin"). La spécialiste délivre doctement des règles et une posologie  : tant de minutes pour le jeu vidéo à tel âge, pas d'ordinateur dans la chambre avant 10 ou 11 ans, Facebook, pas avant, etc.

En fait, parents et enfants font de leur mieux pour maximiser sous contraintes de résultats scolaires et de socialisation et de communication réussies. Dans certaines familles, la négociation est permanente, dans d'autres, une charte est octroyée... Le numérique s'inscrit et se moule dans la vie familiale pré-existante.
Pour beaucoup de familles, le numérique est facteur de stress et de tension : l'adolescence numérique sécrétera encore beaucoup de titres comme ceux-ci, sans doute vendeurs.

Certaines questions triviales ne sont guère évoquées, questions qui divisent et gâteraient l'été :
  • Quel est le budget d'équipement et de fonctionnement de la vie numérique ?
  • Quelle est la qualité intellectuelle de cette culture réduite à un art de consommation et de socialisation, loin des apprentissages techniques et informatiques (voire scientifique) que l'institution scolaire pourrait revendiquer (à la place de quoi) ?
  • L'école est souvent désemparée... On a pu dire qu'elle se comportait depuis l'arrivée de la télévision comme une entreprise de résistance au changement technologique (M. McLuhan). Pourquoi ? Les parents ne sont pas en meilleure posture. Difficile pour les institutions d'avouer qu'elles n'y comprennent rien, qu'elles cherchent, tâtonnent...
  • Dans quels cas est-ce la famille qui est tranformée ("verändert") par le numérique ? Dans quels cas, au contraire, est-ce la famille qui digère le numérique pour s'en nourrir à sa façon et accroître son capital culturel initial ?
*Les germanophones penseront aussi au poème d'Erich Kästner, "Ein Hund hält Reden"

mercredi 8 août 2012

Censure sur le Web ?

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La une de l'hebdomadaire allemand Die Zeit est souvent un événement politique en Europe. Qu'elle titre sur la censure du Web par quatre oligopoles culturels américains (Amazon, Apple, Facebook et Google) retient l'attention.
Le succès américain puis inégalement mondial de ces quatre entreprises déclenche des vagues de critiques et d'inquiétudes, plus ou moins honnêtes, plus ou moins intéressées, mais indéniables. L'idée d'impérialisme culturel revient dans l'air du temps.

La dialectique classique de l'argent et de la morale, de la gestion et de l'innovation s'est penchée sur le Web dès sa naissance. Des entreprises promettaient le bien universel, le partage de toutes les informations, l'accès libre à la culture pour tous. Avant d'entrer en bourse, elles prétendaient savoir concilier vertu et profit : "You can make money without doing evil", proclamait le Google des débuts ; "We don’t build services to make money; we make money to build better services" déclare Mark Zuckerberg à ses futurs actionnaires).

Amazon, Apple, Facebook et Google, devenues politiquement et économiquement très puissantes (cf. leur lobbying) et pluri-nationales, sont soupçonnées d'interventions dans la culture quotidienne. On pourrait d'ailleurs ajouter Twitter et Yahoo! à la liste, et bien d'autres encore.
  • L'accusation de censure est à prendre au sérieux. Ces entreprises contrôlent de diverses manières l'accès à l'information politique et à la culture (gate keepers). Le dossier évoque plusieurs cas de censure : photos d'hommes ou de femmes bloquées par Facebook, y compris dans un article de Die Zeit (cf. l'article du rédacteur en chef, "Auf einmal weg"), censure effectuée au nom de Community Standards discutables, chansons censurées, applis politiques censurées sous prétextes de diffamation, oeuvres d'art masquées, filtrage politique des recherches en fonction des exigences des régimes politique en place mais, plus encore, filtrage par les moteurs de recherche en fonction de l'activité passée de l'internaute, de sa situation actuelle (dont géographique). Moteurs de recherche qui au lieu de bouleverser, de provoquer tendent un miroir conservateur à celle / celui qui cherche : moteurs de conformisme. Compromissions politiques, pruderie, exploitation des données collectées sur le Web sans que les utilisateurs en aient connaissance et aient donné, sciemment, leur accord : la réputation de ces grandes société est altérée, entraînant dans leur sillage l'image et la réputation du Web.
Die Zeit. Copies d'écran de sa version iPad
Notons quand même que les médias traditionnels qui dénoncent les quatre sheriffs n'ont pas manqué de s'illustrer à l'occasion dans la censure et la connivence avec les pouvoirs, politiques, financiers et religieux. Et ils continuent.
Notons également que Die Zeit est client des entreprises dénoncées, que l'hebdomadaire est distribué par Amazon (Kindle Edition) et par Apple, que Die Zeit est également présent sur Facebook. Incohérence ? C'est que cela n'est pas si simple : le Web et le numérique constituent une formidable possibilité d'expansion des libertés de penser auquel un média ne peut renoncer ; la censure constitue un "dommage collatéral" qui, si elles n'y prennent garde, peut à terme ruiner ces entreprises et compromettre le Web tout entier.

Le Web, rappelle un journaliste, devait être un lieu de liberté. La censure semble y prendre pied ; parfois même, elle règne déjà risquant de transformer le Web en un "Disneyland autoritaire". Real Politik ? A moins que ne se lève un mouvement de protestation, qui semble tarder : "pourquoi ne protestez-vous pas ?" ("Warum protestiert ihr nicht?"), demande le romancier Benjamin Stein redoutant que les citoyens abdiquent leurs responsabilités et se laissent aller, naïfs, au totalitarisme. Comment résister aux sirènes des oligopoles de la pensée, s'interroge-t-il ? De l'Etat, dit-il, on peut attendre les Lumières (Aufklärung) : l'éducation et la publicité de l'information (accès public à l'information. cf. Espace public et publicité) ; pour le reste, cela relève plus de la responsabilité individuelle que des lois.


mardi 7 août 2012

La découverte de la musique par les Américains

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Les américains découvrent des musiques grâce à la radio (43%). Les recommandations d'amis comptent pour 13%, les réseaux sociaux (c'est à dire Facebook ?) pour 10%, YouTube pour 8% : ce sont les données résultant d'une enquête par questionnaires en ligne (3 000 répondants, Nielsen Music 360 Study).
Préférences d'écoute des Américains pour la musique.
"Radio" inclut la radio par satellite (SiriusXM).
Source : Nielsen Music 360
Pour écouter la musique, YouTube est utilisé par les moins de 18 ans tandis que les adultes utilisent encore majoritairement les CD, voire les cassettes. Globalement, l'écoute provient, dans l'ordre de préférence, de la radio, des CD, de YouTube et de Pandora (cf. Tableau ci-dessous) : c'est iTunes (Apple) qui sépare le plus les 13-17 ans des plus de 18 ans. Mais, la division est-elle placée à l'âge le plus pertinent ; est-ce la variable la plus discriminante : quid du diplôme ? Dans le prochain iPhone, l'appli YouTube ne sera plus présente par défaut.

Les possesseurs de smartphone disposent d'une appli pour la musique (53%), d'une appli pour la radio (44%) et d'une appli pour une boutique vendant de la musique (28%).
Ce sont les 18-34 ans qui fréquentent les concerts ; les plus jeunes d'entre eux y achètent des T-shirts et des posters.

Ces informations rapportées par la presse américaine (USAToday, The Wall Street Journal), ne distinguent pas selon les genres musicaux (variétés, jazz, classique) et selon les formats d'antenne. Par ailleurs, à la différence des enquêtes menées, en France, par le Ministère de la culture (Pratiques culturelles des français à l'ère numérique), on s'en tient à la consommation musicale, à l'écoute, à l'achat. La pratique musicale (instruments, chant), l'éducation musicale sont-elles trop rares pour être appréhendables par un échantillon si petit ? L'interrogation réduit la musique au commerce, à "la société du spectacle". Evidemment, on ne peut compter sur une enquête déclarative pour évaluer l'importance des pratiques dites "illégales" de téléchargement ; ainsi, beaucoup d'internautes écoutent de la musique sur YouTube pour l'enregister et l'utiliser ensuite avec iTunes (iPod, iPhone, iPad) : à quelle catégorie affecter cette pratique ?

Les enquêtes contribuent par la structure et les termes de leur questionnement à l'inculcation de l'image des phénomènes qu'elles étudient. L'enquête quanti est facteur de simplification.
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mercredi 1 août 2012

Facebook pratique

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Social Life Magazine, été 2012 (trimestriel ?), 10,8 €, 116 pages

Quand il faut donner le mode d'emploi, exposer "le guide pratique" des médias, rien n'égale encore un magazine et le papier. Cela vaut pour les programmes de la télévision, les appareils (smartphones, tablettes, ordinateurs), les applis, les logiciels... Le papier est l'instituteur et l'instigateur du numérique.

Ce guide pratique explique aux utilisateurs débutants, comme à ceux qui veulent en savoir plus, le fonctionnement de Facebook ; il incite aussi, de facto, à pratiquer Facebook de façon plus approfondie, plus complête et plus lucide (la vie privée fait l'objet d'une partie entière). Travail pédagogique bien conduit. Sommaire détaillé, copies d'écran claires, tutoriels : il ne manque qu'un index pour s'y retrouver encore mieux.

Le plan est logique. D'abord, comment exister, se faire connaître sur Facebook. Puis, comment y gérer ses amis (invitations, recrutement, hiérarchisation), créer et gérer un groupe, une page ; comment y assurer son autopromotion, suivre son audience.
Une partie est consacrée aux versions mobiles de Facebook (tablettes, smartphones) et à leurs ergonomies ; à l'avenir, il faudra développer cette partie puisque le nombre d'utilisateurs exclusifs de Facebook sur mobile (appli ou site) est croissant (102 millions en juillet 2012). Facebook, l'un des premiers médias de masse sur mobile (cf. histogramme ci-dessous) est confronté à un défi pédagogique sans précédent.

L'ambition d'un tel magazine, délibérément didactique et exhaustif, pose le problème de sa propre obsolescence et de sa mise à jour au gré des évolutions de Facebook.
  • Les changements sur Facebook sont fréquents. Leur rythme pose-t-il un problème aux utilisateurs, contraints d'apprendre sans cesse à se servir de Facebook ? Comment d'ailleurs s'effectue l'apprentissage de Facebook par les internautes ? Par fréquentation, par essais et erreurs ("learning by doing") ?
  • Quelle est la part de ce qui est utilisé parmi toutes les fonctionnalités proposées par Facebook ? Question classique suscitées également par les logiciels de bureautique, les smartphones, les téléviseurs, les robots ménagers ou les fameux couteaux suisses dont beaucoup de fonctionnalités sont vite perdues de vue, voire même jamais testées par les acheteurs ? .
Source : Facebook, SEC, Form 10-Q, juillet 2012.