mercredi 17 octobre 2012

L'audience TV s'effiloche en différés

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Par rapport à l'année télévisuelle passée, l'audience des grandes chaînes américaines de télévision (networks) présente en ce début de saison deux mouvements distincts.
  • Une érosion des taux d'audience pour les cibles favorite de la publicité (18-49 ans)
  • Une augmentation de la consommation en différé (sept jours après la diffusion en direct - Live + Seven days), l'émission ayant été enregistrée (DVR, TiVo, etc.) et regardée au cours des sept jours suivants (Live+7). Le gain peut dépasser 60% ("Glee"), et atteindre 80% ("Grimm"), par exemple. 
L'audience de la télévision ne baisse pas, elle se dilue dans la durée, sans doute au-delà de la semaine, durée arbitraire issue d'un compromis entre les annonceurs et les chaînes. Du coup, la notion de prime time, de tranche horaire premium, tend à s'effilocher. On retrouve une situation déjà courante dans la diffusion des émissions de syndication nationale.
  • Qu'est-ce que cela change pour la perception des messages publicitaires ? Davantage d'engagement ? Une probabilité plus élevée d'évitement (zipping, ad skiping) ? Ou, tout simplement : rien. Comment savoir ? 
  • Quels rôles jouent, a posteriori, les sites Web et les applis de "social TV" dans la réception à retardement des séries ? Ils en modifient certainement "l'horizon d'attente"("Erwartungshorizont"), affectant à terme le régime global de narrativité (storytelling).
  • Direct ou différé ? On peut poser à propos des séries les questions que l'on pose pour un événement sportif ou politique. Certains préfèrent le suspense du direct, d'autres y sont indifférents et privilégient la commodité du temps choisi.
Pourquoi regretter l'époque de l'événement télévisuel unique, le même pour tous, partout, à la même heure ? Ne peut-on considérer qu'une consommation reportée manifeste un intérêt accru des téléspectateurs pour les émissions, le signe d'un "engagement" ? Nous sommes en présence de télévision choisie plus que de télévision subie. Ces changements sociaux, fruits de changements technologiques, affectent le marketing de l'audience publicitaire (courbe de cumulation, audience de la veille, etc.).

Sources : Nielsen, ABC Networks et Media Life.
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16 commentaires:

Chechevre a dit…

Ces chiffres sont cohérents avec l'émergence des 2nd voir 3ème écran lorsque nous sommes devant notre TV.
Loin de représenter une menace pour la publicité TV, la catch-up est plutôt une réelle opportunité, notamment pour les publicitaires: http://mashable.com/2012/07/15/connected-tv-infographic/
Non seulement le caractère digital de la catch-up permet de réaliser un targeting beaucoup plus fin, presque sur-mesure mais en plus, il est certain que l'engagement du "catch-up-spectateur" est beaucoup plus fort puisqu'il a choisi son programme.
A mon sens, tout le monde y gagne/va y gagner

@MarieGuehennec a dit…

Je rejoins Chechevre sur le fait que cela constitue pour les marques, non pas une menace, mais une réelle opportunité.

Le consommateur d'aujourd'hui est multi-écran : sur son smartphone dès le réveil et dans les transports pour se rendre sur son lieu de travail, devant un ordinateur au bureau, et sur sa tablette en fin de journée, assis dans le canapé devant une télé allumée. "Cliché" me direz vous... Mais le quotidien des early adopters d'aujourd'hui n'est-il pas celui des suiveurs demain ? L'objectif d'une marque n'est-il pas - entre autres - "d'anticiper" le comportement de sa cible pour être capable de répondre à ses attentes à l'instant T ?

Selon Médiamétrie, on compte aujourd'hui environ 6 écrans pour une famille standard. Un type d'écran, un lieu, une heure, une attention et une manière de consommée l'information à chaque fois différente.

Selon moi, cette dispersion de l'audience est synonyme de précision. Elle permet de mieux qualifier l'audience et donc un ciblage plus efficace. La compréhension du contexte permet à la marque de proposer une expérience unique et adaptée au support.

Tout l'enjeu reste d'avoir une vision globale de sa stratégie de communication et de pouvoir quantifier et qualifier les interactions avec les différents écrans.

@MarieGUEHENNEC

Unknown a dit…

Je pense qu'il y a d'autres attractions pour les gens, c'est la raison d'érosion des taux d'audience pour les cibles publicitaires, personnellement, je préfère utiliser mon ordinateur pour regarder des films, des nouvelles,etc. c'est plus rapide et plus ciblé, il est souvent fait la mise à jour.

Anonyme a dit…

La TV "choisie" est une opportunité pour les marques (au grand dam des téléspectateurs les plus impatients) : en s'appuyant sur une fidélité et donc un lien fort entre les personnes et un programme, elles peuvent mieux s'installer et être suivie beaucoup moins passivement qu'à l'accoutumé.

Au delà de ces considérations mercantiles, cet éclatement de consommation TV met en exergue l'utilité des nouvelles techniques/technologies, le goût toujours présent des gens pour les programmes TV et l'opportunité d'aller encore plus loin dans la relation entre une chaîne donnée et un téléspectateur (comment lier le téléspectateur à la chaîne au delà du programme lui-même ?).

Christian Y

TessGirard a dit…

Il est clair que les personnes qui regardent des émissions en replay, montrent un signe d'engagement envers ces dernières. Aussi, les publicitaires peuvent y voir une opportunité grâce à un ciblage beaucoup plus précis et une cible plus active que devant sa télé puisqu'elle ne tombe plus sur une émission par défaut mais elle la choisit.

Néanmoins, l'intégralité des téléspectateurs de tf1, France 2... ne regardent pas les émissions en replay, il s'agit d'une partie seulement, et une partie bien spécifique (personnes plus jeunes..). Ce qui obligerait les publicitaires à fournir deux copy différentes s'ils voulaient véritablement toucher l'intégralité de leur cible. D'autant plus qu'il n'y a pas autant de place en replay qu'en télé.

Malgré cela, je pense que les publicitaires s'adapteront car les nouvelles habitudes des téléspectateurs ne reviendront pas en arrière. A fortiori, les téléspectateurs ne deviendront-ils pas une cible de plus en plus fine et les spectateurs de replay une cible de plus en plus large ?

Mazuroo (Roseline Mazur) a dit…

Je suis d'accord sur le fait qu'il s'agit d'un programme choisie, entrainant une plus grande implication.
Cependant, inonder la catch up TV de publicité n'est, selon moi pas une stratégie pérenne.
Premièrement, je pense que le succès de ce type de visualisation en différé est notamment dû au manque de publicité, ce qui permet de suivre un programme sans être interrompu en permanance.
Deuxièmement, on peut se baser sur l'exemple de Youtube, qui impose dorénavant la visualisation d'une publicité avant d'avoir accès à la vidéo choisie. Ce système a d'ors et déjà montrer ces limites car bon nombres d'utilisateurs "passent" la pub et n'attendent pas la fn de celle ci.

Certes, la question "business" se pose et il est récevable de penser qu'il faudrait s'adapter à cette nouvelle audience "différée", mais attention a ne pas aller trop loin!

@RomainSalzman a dit…

Tout à fait d'accord avec Chechevre + Marie.

Par ailleurs, si comme le fait remarquer Roseline, les utilisateurs avaient jusqu'à présent la possibilité de passer la pub ou de faire autre chose sur leur ordinateur ou tablette en attendant la fin de celle-ci, les médias ont trouvé la parade.

Exemple sur le site de TF1 (http://videos.tf1.fr/jt-13h/ils-collectionnenent-les-bus-7609102.html) ou non seulement vous ne pouvez pas passer la pub, mais vous ne pouvez pas faire autre chose sur votre ordi (genre surfer sur un autre onglet), sans quoi la pub se met automatiquement en pause.

Ca donne la désagréable impression de vraiment être "du temps de cerveau disponible" mais c'est efficace.

Ne reste plus comme seule solution que la bonne vieille tradition d'aller uriner le temps de la pub.

Unknown a dit…

Vous l'abordez peu dans votre post mais l'un des principaux enjeux est ici le calcul du prix du spot de pub. Si l'audience s'effiloche en "live" en se reportant sur le différé alors il devient de plus en plus difficile de calculer le prix du spot. Les chaînes doivent alors jongler avec toutes ces nouvelles formes de diffusion et de comportement. Le spectateur n'est plus celui d'hier à qui on imposait un programme et une heure de diffusion. Aujourd'hui il choisit l'heure et dispose d'un choix de programme beaucoup plus large.
La catch up TV sur internet présente un avantage pour l'annonceur. En effet, il est désormais impossible de zapper la page de pub.
Et comme dit Marie, le ciblage s'en retrouve également plus affiné.

Manel BH a dit…

En effet, comme précisé dans l'ensemble des commentaires précédents, la catch up tv offre des opportunités considérables en termes de ciblage et d'engagement du spectateur.
La question à se poser à présent est celle de l'importance à accorder aux audiences de la catch up tv.

Un show peut avoir des audiences plutôt faibles en live mais présenter des audiences importantes en catch up. Cela pose donc la question des tarifs évoquée par Jimmy mais aussi pour les chaînes des problématiques de rémunération des animateurs, de reconduction des shows.

Anonyme a dit…

C'est particulièrement sur la cible 15-34 ans que la consommation TV s'épuise. L'objet TV est un écran plutôt familial devant lequel, on a une attitude passive, adoptant le statut de receveur de contenu. Si en face de ce constat on oppose le comportement d'ultra-zappeurs et multi-taskeurs de la cible citée, il n'est pas étonnant que leur utilisation de la télévision s'apparente à celle d'un jukebox grâce auquel ils consomment uniquement les programmes qui les intéressent. En ce sens, je rejoins tout le monde : ciblage plus efficace.

A termes, les producteurs seront-ils amenés à prendre le pouvoir sur les diffuseurs ? Pourront-ils vraiment reprendre le rôle d'agrégateur des chaînes TV traditionnelles ?

Jean-Louis Missika, sociologue des médias, pose cette question de fragmentation de l'espace télévisuel en d'autres termes, affirmant que la multiplication des chaînes thématisées et les multiples possibilités qu'offre internet désynchronisent le débat et menacent le lien social. Le manque d'exposition à des contenus communs favoriserait-il le rejet du consensus ? A mon niveau, difficile d'affirmer quoi que ce soit là dessus...

Mais revenons aux possibilités publicitaires : la catch up TV favorise l'impact et la mémorisation, mais à noter, comme l'a dit Tess, que les messages, pour qu'ils soient vraiment pertinents, doivent s'adapter au support (TV/internet) et donc à la cible.

@Helferclaire

Anonyme a dit…

A mon sens, pour rebondir sur le dernier commentaire, les considérations sur le délitement du lien social de Jean Louis Missika sont à mettre en perspective avec d’autres débats du même type récurrents dans le domaine des nouvelles technologies. Je pense particulièrement à celui entre Robert Putnam dans Bowling Alone et Nonna Mayer. Chaque nouvelle technologie apporte son lot d’optimisme et de pessimisme que seule une longue appréhension sociologique peut permettre de démystifier.

AnnaRivoal a dit…

La catch up TV se transforme progressivement en véritable manne financière pour les régies publicitaires qui offrent à leurs annonceurs une présence idéale et puissante sur les sites de replay, le spot publicitaire pouvant être fixe durant toute la durée de l'émission. Cette présence digitale sur la catch up tv est cependant fortement demandée pour les émissions populaires-de divertissement des chaînes, tous les programmes ne bénéficiant pas du même intérêt et nombre de vues en replay. La catch up TV est donc une réelle opportunité pour les téléspectateurs qui choisissent leurs programmes et la période, opportunité dont profitent les annonceurs avec des écrans publicitaires puissant et ciblés.

Anonyme a dit…

je suis tout à fait d'accord sur les grandes idées qui ont été évoquées: la TV en replay permet à une régie de pouvoir vendre des programmes TV spécifiques (des séries US, des programmes d'infos, du divertissement...) et donc de cibler sa communication.

Ce qu'on peut aussi très bien savoir c'est le nombre de vidéos vues et donc de spots pub visionnés.
Cependant, un problème qui se pose encore c'est mais qui à vraiment vu la pub ? On ne sait pas encore définir l'audience exacte, mais qui est ce ? La personne avec son boîtier comme pour médiametrie n'existe pas pour internet...

Marie de Lignac

Nastassja a dit…

Les statistiques de l'article montrent bien qu'il y a un changement dans l'usage de la télévision par les consommateurs. En effet, je pense que la télévision choisie pourrait même remplacer la télévision classique. Il y a, par exemple en Suisse, le modèle de Swisscom TV qui propose des films à la demande. Le consommateur paye moins de 5 CHF par film et peut visionner le film durant 3 jours. De plus, certaines personnes, comme moi, préfèrent regarder du streaming en reliant l'ordinateur à la télévision par un câble, plutôt que de subir une émission. Ainsi, les publicitaires doivent tenir compte de ces nouveaux usages et réussir à s'y faire une place.

Kim a dit…

Avec Internet, la télévision tend elle aussi à changer. Beaucoup plus de monde regardent la télévision sur leur ordinateurs ou Ipads. On n'attend souvent plus un émission, mais choisit le contenu qu'on veut regarder, en streaming par exemple.

Il est donc plus difficile pour les publicitaires de viser leur audience. En effet, les consommateurs peuvent maintenant décider ce qu'ils veulent regarder et quand il veulent le regarder. Avec internet, plus besoin d'attendre son émission ou de subir les publicités. Tout ce fait en un simple clic.

Toutefois, je pense qu'il y a une différence entre les Etats-Unis et la Suisse par exemple. Aux USA les publicités sont extrêmement longues et récurrentes. Je dirais presque qu'elle prennent plus de temps que le programme tv en lui-même, ce qui n'est pas encore le cas en Suisse. Une autre différence est que quand on veut regarder des émissions, au moment où elles apparaissent, on peut le faire que sur internet ou attendre qu'elles soient diffusées par les chaines de notre pays.

Avec Internet les publicitaires risquent donc de perde une part de l'audience TV qu'ils avaient, surtout chez les jeunes. Il faudrait voir comment cibler l'audience restante.

Soufiane226 a dit…

Ces interrogations sont de plus en plus d'actualité. Cette individualisation de la consommation remet en cause le modèle historique la télévision mais ouvre la voie à de nouveaux modèles économiques et à une nouvelle phase de croissance. Elle représente en effet une double opportunité : transformer un marché de foyers en marché d’individus (qui consomment aujourd'hui beaucoup en différé), et bénéficier de la mutation de la publicité de masse vers une publicité ciblée, plus pertinente.
L’expérience télévisuelle se veut ainsi de plus en plus individuelle. Un enjeu clé dans la manière dont les diffuseurs et annonceurs vont mobiliser leurs publics.
Encore une fois, le Big Data aura sans doute un rôle majeur à jouer là-dedans !