vendredi 24 octobre 2014

Presse magazine et crowdsourcing


Guide pratique de la science participative en astronomie, hors-série de Ciel & Espace, octobre 2014, 100 p., 7, 5 €, distribué par Presstalis. Disponible aussi en version numérique.

Ce guide pratique est destiné aux astronomes amateurs. Le rédacteur en chef donne le ton d'emblée : "tous astronomes !" Le premier article titre sur "le grand retour des amateurs" et propose en une double page un tableau du "boom des sciences participatives en astronomie", historique remontant jusqu'à 1973. La participation de nombreux amateurs - la fameuse et mystérieuse "multitude" - à la science astronomique, c'est une des dimensions du crowdsourcing.

La presse magazine joue un rôle primordial dans l'activité de ceux que l'on appelle "amateurs – professionnels" (Pro-Ams).  Elle leur donne la parole, célèbre et partage leurs inventions, leurs créations et fait valoir leurs exploits les plus modestes. On s'en convaincra en parcourant les titres, nombreux relevant des "loisirs créatifs", qu'il s'agisse de couture, de crochet, de jardinage, de tuning ou de cuisine... Et les amateurs ne sont jamais très loin dès lors qu'il s'agit de sport ou de musique.
Grâce à Internet, ces pratiques d'amateurs, autrefois  isolées, peuvent communiquer instantanément, partager, coopérer. Elles prennent ainsi une nouvelle dimension ; c'est le cas avec l'astronomie : "la multitude des citoyens de ce monde interconnecté est une ressource pour analyser les millions d'images et de spectres qui sortent des grands téléscopes" affirme le rédacteur en chef, qui va jusqu'à parler à ce propos de "bol d'air démocratique pour l'astronomie". C'est ce qu'illustre de manière convaincante ce hors série dont le sommaire est organisé selon la difficulté des projets à la portée des astronomes amateurs.

Discipline scientifique souvent vulgarisée (cf. les cours d'astronomie populaire d'Arago, publiés en 4 volumes en 1864 puis L'astronomie populaire de Camille Flammarion, publié en 1880), elle trouve dans la presse magazine un soutien et un outil de diffusion : "Débuter en astronomie", "Je montre le ciel à mes enfants" (hors-série de Ciel & Espace), des guides d'achat ("Lunettes et téléscopes"), des conseils pratiques ("photographier le ciel"). D'ailleurs, on retrouve des "images d'amateur" sur le site de Ciel & Espace qui organise des compétitions d'astrophotographie entre amateurs.

Ce hors-série permet d'observer en œuvre le recours au crowdsourcing et la contribution des amateurs à la recherche professionnelle. S'agit-il d'une simple association - intéressée - de "grosses têtes" et de "petites mains" ou bien s'agit-il plus largement d'une relation nouvelle des loisirs et de la culture scientifique ? Le cas de Zooniverse, "portail de projets participatifs", illustre cette discussion sur "l'univers en expansion des sciences participatives". C'est aussi, par exemple, dans cet esprit que les astronomes citoyens peuvent contribuer à l'étude la "pollution lumineuse" (pp. 32-35).
Peut-on imaginer une évolution semblable pour la data, ou encore pour la médecine (cf. par exemple le site foldit) ?
Au-delà de l'astronomie, ce hors-série invite également à reconsidérer le statut de la vulgarisation scientifique et de sa relation à la formation scolaire et universitaire : l'étymologie du mot "école" n'est-elle pas le mot grec signifiant aussi "loisir" ! Dans quelles conditions pourrait-on imaginer une reconnaissance des acquis du crowdsourcing par les institutions éducatives ?


* Ciel & Espace : magazine mensuel, développé dans l'après-guerre, le magazine a donné naissance en 2006 à Ciel & Espace Radio avec des émissions podcastées et, en 2008, à Ciel & Espace Photos. Abonnement papier + online, tarif étudiant.

5 commentaires:

Marie-Sixtine226 a dit…

Le crowsourcing ne serait finalement qu'une variante non monétaire du crowfunding facilité par les nouvelles technologies.

Iris226 a dit…

Il me semble que le crowdsourcing est une bonne chose pour 3 choses: le fait de faire participer des amateurs renforce le contenu tant dans sa qualité puisque ce sont des passionnés qui parlent de leur sujet, que dans sa quantité, étant donné que les amateurs pourront parler de multiples sujets bien précis auxquels les journalistes n'auraient pas pensés.

Enfin, le fait de faire participer les amateurs, cela peut redonner une dynamique économique à la presse magazine puisqu'ils ont participés, ils voudront acheter le numéro pour voir comment l'article qu'ils ont écrit ressort.
Donc c'est une bonne chose, après se pose juste la question de la fiabilité des sources. #Iris226

Alejandro226 a dit…

Le crowdsourcing est surtout, à mon avis, une forme numérique du fanzine, encore présent aujourd'hui, mais dont la quantité était considérable il y a une vingtaine d'années.
D'ailleurs, l'évolution logique du fanzine fut le webzine, notamment dans les secteurs de la musique et des cultures alternatives.

Unknown a dit…

L'avantage du crowdsourcing est d'accélerer le processus de recherche et à un moindre coût. En effet, 500 000 cerveaux qui réfléchissent ensemble à la même chose sont plus efficace qu'une équipe de communication. Hélàs, des entreprises se sont retrouvées dans l'embarras avec de gros "bad buzz". On se souvient de la campagne Macdo "Créer ton prochain hamburger" (un petit malin avait trouvé rigolo de faire un sandwich que de pain...cela avait remporté un franc succès par les internautes". L'équilibre du corwdsourcing est encore à trouver ! #marion226

Morgane226 a dit…

Alors que le monde scientifique est, par principe, construit autour de réseaux d'experts surexpérimentés, ce type de projets permet à des amateurs de contribuer à la recherche et, comme l’a dit Marion, d’accélérer le processus.
En effet, plusieurs projets ont fonctionné sur ce principe, le jeu en ligne Foldit a ainsi permis de trouver la structure tridimensionnelle d’une enzyme liée au sida du singe au bout de quelques semaines alors que cette énigme occupait des scientifiques depuis une dizaine d'années.
Dans le secteur de l’astronomie, une initiative lancée en 2007 a également remporté un grand succès, il s’agit de Galaxy zoo qui donnait l’opportunité aux amateurs d’aider les astronomes à identifier les photos du Télescope Hubble.