vendredi 3 juillet 2015

Dé-bloquer le marché publicitaire


L'involontaire est ce à quoi l'on consent, disait-on.
La publicité a été mise sur notre chemin, un message a été rendu public : nous le voyons, l'entendons. Involontairement, nous y consentons. De là, parfois, nous en venons à le regarder, à l'écouter. Le premier geste est involontaire, le second est volontaire : curiosité, attention, intérêt, intention, etc. C'est le territoire de la publicité.

Les outils pour éviter la publicité involontaire sont nés d'un détournement de technologies des médias : pour la TV, la télécommande a inventé zapping et ad-skipping...
Le technologie du Web, à son tour, inventa son zapping, fin 2009, c'est AdBlock. AdBlock, extension des navigateurs, filtre et bloque la publicité. Il y a un an, on évaluait le nombre d'adbloqueurs actifs à 144 millions (Adblocking goes mainstream). La pénétration aujourd'hui concernerait plus de 30% des internautes : les plus jeunes étant les plus bloqueurs, les joueurs de jeux vidéo, les utilisateurs de sites techno, etc. AdBlock touche également le mobile, Facebook (Facebook Cleaner), etc.
C'est une culture qui se généralise
Devant la menace, on a imaginé des procès, des interdictions. Réaction agressive, vaine.

Pourquoi les internautes bloquent-ils les messages publicitaires ?
Parce que ces messages sont inadéquats : mal ciblés, mal personnalisés, mal faits. La solution serait donc de les améliorer. D'abord la création : on l'a dit depuis longtemps, Jacques Séguéla (Havas) l'a répété : si la création est bonne, plus n'est besoin de tant de répétition. Etant donnée la couverture de la cible, une bonne créa devrait suffire. Investir dans la créa plutôt que multiplier les contacts ou les occasions de contacts. Ceci vaut également pour les contenus éditoriaux.

Le numérique a compliqué la situation du consommateur en permettant la collecte de ses données par les médias et les annonceurs. Au dés-agrément suscité par la publicité, cette collecte involontaire ajoute la méfiance. Qui veut donner ses données ? Pour protéger le consommateur, ses données et sa vie privée, la loi s'en mêle, la déontologie. CNIL, ARPP...

Pour nous éclairer, nous disposons d'une enquête de YouGov pour l'IAB UK publiée début juillet (cf. infra). Première raison de bloquer les messages publicitaires ? Ils gênent, interrompent, dérangent, ralentissent la navigation (un adblocker économise 25 à 40% de bande passante, d'près une étude de SFU). Deuxième raison : ils sont souvent sans intérêt, sans pertinence. Et pour finir, une inquiétude quant au respect de la vie privée. Tout est dit, que l'on ne peut guère contester.


Il ne s'agit donc pas pour les internautes usagers d'AdBlock de bloquer toute publicité, mais, en simplifiant, de bloquer la mauvaise publicité, mauvaise pour les diverses raisons citées ci-dessus.
Pour échapper au blocage, il faut de la bonne publicité. Celle-ci ne sera pas de si tôt automatique, planifiée par des algorithmes ; pour l'instant, il faut des messages conçus et planifiés par beaucoup d'intelligence naturelle, aidée par beaucoup d'intelligence artificielle et de données.
Les données collectables, tant par la publicité que par les contenus éditoriaux, doivent permettre d'améliorer ces contenus (DMP), dont la publicité. Ne perdons pas de vue que, dans l'appréciation de l'impact d'une communication, intervient le plaisir de la publicité (agrément / likeability).

A qui appartiennent les données ?
Les données sont désormais les moyens essentiels de la communication. A leur propos, Maurice Lévy (Publicis) pose, en toute rigueur et lucidité, des questions décisives aux acteurs des médias et de la publicité, aux législateurs aussi. A qui appartiennent les données ? Qui peut autoriser leur utilisation ? Qui est en droit d'être rémunéré pour cette utilisation ?

On n'échappera pas à ces questions explosives ; elles ne manqueront pas, à terme, de bousculer les modèles économiques de la communication.

3 commentaires:

Soline C a dit…

Pour échapper au blocage, il faut faire certes de la bonne publicité mais selon moi, celle-ci ne passe pas forcément par des algorithmes, l’intelligence artificielle ou encore le travail sur les données. Aujourd’hui, il est possible de faire une publicité créative, innovante et appréciée de l’internaute sans avoir recours à ces dispositifs artificiels.

La dernière campagne du constructeur Mini en partenariat avec l’agence Kinetic en est un bon exemple. Quoi de plus fédérateur que le jeu pour réconcilier internautes et annonceurs ? L’idée est de rendre l’attente des 5 secondes sur Youtube moins pénible et ennuyante pour l’internaute en détournant le bouton « Skip Ad ». Dans ce mini-jeu, l’internaute devra cliquer au bon moment avant que la Mini John Cooper Works « la plus puissante de la gamme », ne franchisse l’écran. Un bon moyen de détourner les mécanismes de Youtube, tout en vantant les spécificités du modèle et en proposant aux consommateurs une expérience interactive et ludique.

Camille Morel a dit…

La publicité digitale a bouleversé la logique publicitaire en permettant via la data de personnaliser le contenu en fonction de l’internaute. Si l’on en croit cet article, ce ne serait pas si efficace étant donné que les gens ont de plus en plus recours à un ad block. Selon moi, ce n’est pas forcément parce que la publicité est mal ciblée, mais plutôt parce que les internautes veulent avoir accès directement au contenu, sans prendre la peine d’attendre. On est dans la même logique que le zapping à la TV lors de la coupure publicitaire.

En effet les cookies semés sur les sites permettent de créer des profils selon notre navigation et donc d’avoir une idée de nos préférences en terme de consommation. Des entreprises ont d’ailleurs pour mission de créer ces profils et peuvent le faire de façon éthique à l’instar de Weborama qui préserve l’anonymat des utilisateurs figurant dans sa base de données. Le fait est qu’aujourd’hui, la plupart des sites nous demande d’activer nos cookies pour avoir accès à leur contenu. Certains, dans une logique de « guerre à l’adblock », vont même plus loin comme Yahoo qui a empêché certains utilisateurs ayant un adblock d’avoir accès à leurs mails.

Selon moi, pour que la publicité soit d’avantage acceptée il faut, au delà des algorithmes, une bonne dose de créativité. C’est là que le web peut devenir un outil intéressant car il permet de faire des campagnes interactives auxquelles l’internaute va pouvoir participer volontairement ce qui créer d’avantage d’engagement (exemple : le microsite I remember de la fondation contre l’Alzheimer où les gens sont invités à partager des souvenirs via des photos afin d’alimenter régulièrement le site, sans quoi il disparait). Les marques doivent également jouer sur le storytelling à travers des dispositifs esthétiques et originaux comme des vidéos (la websérie « L’effet Papayon »créée par Oasis), des jeux etc.

Carole Boyer 226 a dit…

Concernant les AdBlocks :

De plus en plus d'acteurs tentent de lutter contre le phénomène des Ad-blockers puisque la publicité fait partie intégrante de leur business Models. Je pense par exemple à la plateforme Twitch qui repose sur une offre gratuite où l'utilisateur doit accepter que le contenu soit interrompu par de la publicité. En contrepartie, la plateforme propose une offre payante permettant d'y échapper.

Cette plateforme a mis en place un système permettant de lutter contre les Adblocks susceptibles de remettre en cause tout leur modèle. Ainsi, l'utilisateur disposant de AdBlock voit tout de même son programme interrompu : une fenêtre s'affiche devant le contenu le temps de la publicité. Les utilisateurs n'ont donc pas la possibilité d'échapper aux contraintes développées dans votre article (fluidité, interruption, ralentissement). Cette démarche pédagogique est également pratiquée par des sites comme celui du Monde ou du Figaro.

Concernant la nécessité de proposer aux individus une publicité plus ciblée et plus efficace :

Le service de publicité lancé en Septembre dernier par Eyeo GmbH, la compagnie de Adblock Plus est assez symptomatique de cette nécessité. Le AdBlocker agit ici comme un passoire, laissant passer uniquement la publicité "acceptable". Le paradoxe c'est que cette publicité "acceptable" nécessite de mieux cerner l'individu et donc de récolter plus de données pour affiner le ciblage.

Concernant, la propriété des données, le géants du numérique comme les GAFA ne doivent pas être considérés comme possédant les données, elles sont l'unique propriété des individus. Ce sont de simples agrégateurs de données, ultra puissant certes, mais de simples agrégateurs quand même. Pour autant, elles sont au coeur de l'économie de demain et les Etats doivent parvenir à trouver le juste équilibre entre la protection des individus et les opportunités économiques qu'elles génèrent.

Si la data est un sujet important sur le marché publicitaire, il ne faut pas pour autant réduire le marché de la publicité de demain à cette seule composante, d'autant plus que les experts sont encore sceptiques quant à l'efficacité réelle des campagnes en ligne. Une campagne virale, efficace, originale et un slogan repris dans les cours de récréation seront toujours de formidables vecteurs pour les marques.

CaroleBoyer 226