mercredi 5 août 2015

Homeshopping : du télé-achat au e-commerce, un écran de plus


Le e-commerce n'a pas tué le télé-achat. Leur coexistence pacifique pourrait même devenir féconde, élargissant leur public et leur clientèle.
La fin des années 1980 a connu le développement de chaînes de télévision consacrées au télé-achat. HSN (Home Shopping Network) fut la première à diffuser aux Etats-Unis, en 1985, suivie de QVC en 1986. Trente ans après, le télé-achat est toujours là.
HSN et QVC sont présents dans presque tous les foyers TV américains. QVC Group détient 38% du capital de HSN, 100% de QVC, 18% de Expedia (cf. Liberty Interactive Corporation Investment Summary, juin 2015).

Un grand écran de plus
La seule différence entre un groupe de télé-achat comme QVC ou HSN, d'une part, et un pur acteur de e-commerce Amazon, d'autre part, c'est le mode d'exposition des produits. D'une certaine manière, on peut considérer que le télé-achat dispose d'un écran de plus que le e-commerce classique.
HSN se définit ainsi justement comme distributeur interactif multiplateforme ("interactive multichannel retailer") recourant à la télévision (câble, satellite, ADSL) et au Web.

Avec la télévision, le télé-achat dispose de linéaires et de points de vente spectaculaires : les émissions. L'enjeu stratégique pour le télé-achat consiste à maintenir son avantage télévisuel historique tout en l'intégrant dans le e-commerce, désormais pour plus de moitié le fait du mobile. Le téléspectateur demande au télé-achat un grand écran, une mise en scène des produits, une histoire à raconter, des présentateurs ; comme sur le Web, bien sûr, l'acheteur attend des produits, des prix bas en permanence (Every Day Low Price, EDLP), des délais de livraison...
Mise à jour : mai 2017  En mai 2017, Amazon stoppe son émission de type télé-achat, "Style Code live", qui avait été lancée pour samrtphone en mars 2016.

La logistique et les données, clés de voûte du modèle économique du télé-achat
La clé de voûte commune à ces entreprises est la logistique. Leur modèle économique leur impose de développer l'automatisation de la distribution. Le recours ostentatoire aux robots par Amazon est symbolique.
L'expertise dans la logistique et la prise de commandes, la recherche et la découverte de produits - sont communes au e-commerce et au télé-achat ; elles peuvent déboucher sur des économies d'échelle au plan européen.
Le télé-achat rassemble et traite des données riches, multiplateforme, au croisement de la télévision et du Web, du mobile et de l'interaction TV. Synergies. Nul doute qu'une DMP tirera le meilleur profit de ces données massives pour la partie éditoriale : choix des produits, recommandation, personnalisation, retargeting... La publicité n'est pas essentielle dans cette partie.

Déjà présent en Allemagne et en Grande-Bretagne (300 millions de foyers dans le monde, réalisant 8,8 milliards de $ de chiffre d'affaires en 2014), QVC se lance en France (Liberty Media) simultanément sur le câble, le satellite et le Web. On prévoit une initialisation d'un foyer français sur deux sur ce marché où TF1 (Téléshopping) et M6 sont actifs dans le télé-achat (M6Boutique & Co,  Best of Shopping, ex. Canal Plus repris à 51% par M6). QVC annonce déjà le recrutement de 250 personnes, sans doute prioritairement pour les plateformes logistiques. Pour l'instant nul ne saurait prétendre connaître la réaction des publics français à ce nouveau canal commercial.
QVC est présent dans le e-commerce en Chine (j.v.), au Japon et en Italie. Près de la moitié de son chiffre d'affaires global provient du Web, dont la moitié à partir du mobile.

En 2016, le modèle du télé-achat a inspiré à Packagd (incubée par Kleiner Perkins) une application permettant d'acheter des produits vendus par un présentateur sur une chaîne YouTube (cfUnboxed, lancée en juin 2017).

Copie d'écran du site de QVC effectuée le 4 août 2015 à 17 heures
Références

Mindy Grossman, "HSN’s CEO on Fixing the Shopping Network’s Culture", Harvard Business Review, December 2011

QVC, Investor Fact Sheet FY 2014

François Mariet, "Télé-achat", chapitre 8 de La télévision américaine. Média marketing et publicité, Economica, pp. 398-411

2 commentaires:

Camille Morel a dit…

Suite à la lecture de cet article, j’aimerais vous donner mon point de vue sur la corrélation entre e-commerce et téléachat.

La France est un pays qui a sous-développé l’activité de téléachat si on compare avec les USA. En effet, nous ne possédons pas de chaine dédiée à cette activité.
Pourtant, le téléachat, grâce à la captivité des auditeurs, permet de retenir l’attention du public. Les présentateurs, par leur éloquence et leur discours, rassurent le téléspectateur qui voit en eux des experts et se fie à leur jugement concernant le produit présenté. La fenêtre de temps pour effectuer l’achat étant réduite, la personne doit être rapide dans son processus de décision et se fiera d’autant plus aux présentateurs, seuls experts à sa disposition pour avoir un avis.

Néanmoins, à l’ère du numérique, les consommateurs sont de plus en plus habitués à comparer, à recevoir des offres personnalisées et surtout à pouvoir acheter quand ils veulent. C’est pour cela que le développement du e-commerce est si important.
En effet, ce dernier permet davantage de flexibilité à l’acheteur qui a la possibilité de revoir le produit s’il le souhaite, de bénéficier de promotions en faisant jouer le chrono et même de choisir son mode de réception : à domicile ou en boutique via le click and collect.
Par ailleurs le retargeting permet de suivre les abandonnistes au fur et à mesure de leur navigation, les incitant à valider leur panier. On note également que la data cumulée permet aux annonceurs de personnaliser leurs offres en fonction du profil du consommateur, ce qui n’est pas possible sur un média de masse comme la TV.

Cependant, la confiance d’un utilisateur envers un site web marchand est souvent relative. Cela prend du temps pour un site d’instaurer une confiance, n’importe qui pouvant créer un site, à l’inverse de la TV à laquelle peut d’annonceurs ont accès.

C’est pourquoi la convergence entre la TV et le web comme le font désormais les émissions de téléachat me semble être une bonne solution. Nous avons une réelle complémentarité des canaux puisque, d’un côté on a capté l’attention d’un consommateur sur un produit qui se fie à l’avis d’un expert TV, et d’un autre côté ce dernier a la possibilité non seulement de retrouver la même offre plus tard sur le net, mais aussi où il le souhaite grâce au développement d’applis sur d’autres devices que la TV, comme l’appli pour tablette lancée par HSN en 2010.

Camille Morel a dit…

Suite à la lecture de cet article, je souhaite vous donner mon opinion sur le téléachat et le e commerce.

Le téléachat est très peu développé en France, à l’inverse des USA où des chaines entièrement dédiées à cette activité existent. Ces émissions diffusées à la TV ont l’avantage d’avoir une audience passive et captive à l’inverse du net où les internautes sont actifs. Par ailleurs, les téléspectateurs, font confiance au présentateur sur la qualité du produit, il leur sert de référence, d’expert. On a tendance à se dire que le fait d’être vu à la TV confère au produit un certain degré de qualité intrinsèque. Le consommateur se fiera d’autant plus à l’avis du présentateur que la fenêtre pour effectuer son achat est réduite, il n’a pas le temps de se renseigner par lui même, bien que la démultiplication des écrans lui permette aujourd’hui de se renseigner sur son ordinateur ou mobile tout en regardant son poste de télévision.

A l’inverse, le problème du e commerce est justement d’instaurer cette confiance étant donné la facilité à vendre sur le web. Les utilisateurs ont tendance à comparer les prix sur différents sites, à aller sur des forums de consommateurs etc. Beaucoup abandonnent également leur panier avant de l’avoir validé. Il est désormais possible, via le retargeting, de « poursuivre » l’internaute au fil de sa navigation pour l’inciter à passer sa commande. Grâce aux cookies dispersés sur les différents sites, on peut déterminer les intérêts du consommateur et ainsi personnaliser la manière dont on s’adresse à lui en mettant en avant une promo sur un produit particulier par exemple. A l’inverse, la TV étant un média de masse, cette personnalisation est impossible et le téléspectateur peut devoir attendre un certain temps avant de voir un produit qu’il apprécie.

Ainsi la convergence du téléachat vers le web me semble être une bonne solution pour consolider les avantages de cette activité et du e-commerce. En effet, on constate par exemple que HSN a décliné son émission sur tablettes afin d’être accessible à n’importe quel moment, n’importe où. Il est aussi possible de retrouver des applications ou des sites des émissions TV sur Internet, ce qui permet au consommateur d’avoir d’avantage de temps pour prendre sa décision d’achat et de revoir les objets présentés pendant le show. Le téléachat n’est pas mort, il a su s’adapter à l’arrivée du web en l’utilisant pour compléter ses faiblesses.