dimanche 13 septembre 2015

Fous de cuisines : éloges de la folie culinaire


fou de cuisine, bimestriel 5€. 124 pages. Dos carré. Editions Pressmaker. Distribution Presstalis.

Le titre désigne, sans ambiguïté, les lecteurs que vise ce magazine : les fous et folles de cuisine. Le sous-titre donne d'emblée une idée du sommaire type : "Tendances. Inspirations. Pas à pas. Fiches techniques. Recettes."

Commençons par la fin du magazine, on y trouve : un index des recettes, un tableau des mesures et quantités (poids, températures, conversions) utilisées dans les recettes : bonne idée, car qui sait qu'une cuillerée à café de levure pèse 3 g et une cuillerée à café de café, 8 g ?
On y trouve encore une page rappelant les adresses citées, un cahier sur l'outillage (lexi-ustensiles), des fiches techniques, un lexique de l'équipement de base, un lexique des mots et expressions, clair et sans chichi, un cahier de recettes enfin. Inutile de préciser combien tout cela est utile, que l'on soit débutant ou amateur éclairé. Ou gourmand intrépide : si les photos séduisent et éblouissent, impressionnent même, ces pages didactiques à la fin peuvent rassurer, semblant dire aux lecteurs : mais si, osez, vous allez y arriver !

fou de cuisine est un très beau magazine. Avec des photos séduisantes et efficaces, une maquette claire, sans harcellement publicitaire, trois pages seulement et quelques promo discrètes, utiles. Continuez avec peu de pub, mais, à chiffre d'affaires constant, mais vendez la très cher : car vous le valez bien (que votre régie se souvienne : elle ne vend pas des pages mais plutôt des passionné-e-s qui achètent de bons produits), de l'engagement, dit-on ! fou de cuisine est un magine engageant.

Pressmaker publie aussi FOU de Pâtisserie depuis deux ans. La maquette de fou de cuisine reprend celle de fou de pâtisserie, le sucré avant le salé, tous deux aussi alléchants. Même recette pour les deux magazines, côte à côte sur les linéaires. Economies d'échelles. Commencer par le dessert est un rêve d'enfants.

Eloge de la folie culinaire
fou de cuisine met en scène une cuisine à la fois classique et créative. Cuisine avec parfois des produits rares, cuisine qui demande de la préparation. Les recettes ne semblent pas très simples à réaliser même si les textes rassurent et si le magazine n'est pas chiche en conseils : il présente habilement une dimension pédagogique avec des pas à pas commodes (20 photos légendées pour la recette du bar de ligne), pas à pas qui démontent et organisent les opérations en cuisine, depuis le choix et l'achat des produits jusqu'au dressage. De plus, la recette s'épice souvent d'un soupçon bienvenu d'histoire (cf. articles sur le magret de canard, la carotte, l'épine-vinette).

17 chefs imposants sont présents au générique, dès la couverture. Effet attendu de la médiatisation de la cuisine. Décidément, la peoplisation est partout, après les stars du cinéma et des variétés, celles des sports spectacles, des chefs d'entreprises numériques et des politiques - qui auraient pourtant, les uns comme les autres, mieux à faire que se donner en spectacles -, voici les stars montantes de la cuisine. Comme d'habitude, on ne parle que des chefs, dont on assure ainsi la promotion ! Dommage, car derrière tout chef, il y a une équipe, des apprentis, des stagiaires, "les petits, les obscurs, les sans-grades", cuisiniers inconnus... tuttistes. Mais rendre compte d'une équipe est sans doute d'un journalisme plus difficile, moins courant...

En plus des recettes : le magazine propose un gros plan gastronomico-touristique sur la ville d'Aix-en-Provence : tables, terrasses, boutiques, desserts... On pourra aussi lire une rubrique sur les livres de cuisine (2 pages) réalisée avec la Librairie gourmande, une rubrique shopping, et aussi des descritions de techniques (la cuisson au chalumeau), des curiosités (le vin orange), des enquêtes (l'introduction de la moutarde dans le Vexin, par exemple).
Magazine dense, sans en avoir l'air, et qui donne faim de gourmandise et envie de cuisiner. Muriel Tallandier, directrice de la publication et de la rédaction, dans un édito-manifeste, évoque nos humanités à propos de cette cuisine. Ecrire et décrire la cuisine, l'illustrer, comme le réussit fou de cuisine, contribue à la défense de cet humanisme. Du potager au marché, du verger aux épices, la cuisine française se voudrait un humanisme, et qui sans doute résistera longtemps à l'intelligence artificielle, à l'automatisation et aux algorithmes. Et aux pesticides ?


Plus belle la cuisine ?
A titre de rappel de l'importance de la cuisine pour la presse, notons que Prisma publie la même semaine, en parapresse, un livre de cuisine dérivé d'une série télévisée populaire, "Le cuisine de Plus belle la vie" (480 p., 12,99 €). Bouillabaisse et crème catalane, poivrons et sardines : il s'agit de cuisine méditerranéenne, évidemment, la série se déroulant à Marseille ("La Méditerranée dans vos assiettes"). "Régalez-vous à la table du Mistral", dit encore le sous-titre. Pour mémoire, "Plus belle la vie", une sorte de soap opera lancé en été 2004, sur FR3, compte en prime time près de 3 000 épisodes et, en moyenne, plus de 4 millions de téléspectateurs par épisode.

La cuisine est l'un des secteurs les plus dynamiques de la presse magazine française, avec une quinzaine de titres nouveaux et une cinquantaine de hors série en 2015 (de janvier au 15 septembre) pour la catégorie "cuisine, gastronomie, vins", près de mille titres depuis janvier 2003 (Source : MM). Voilà pour les magazines centrés sur le thème, car, bien sûr, il y a de la cuisine dans de nombreux titres classés maison, santé, féminins, jardin, loisirs créatifs, tourisme, et même dans des magazines pour enfants. D'ailleurs, chacune de ces catégories publie de temps en temps un hors série cuisine.
La puissance d'une catégorie de presse ne tient donc pas seulement à la puissance de ses titres classiques, titres phares, anciens, soutenus par une régie publicitaire puissante et des statistiques à fin publicitaire, elle tient aussi au renouvellement continu des titres par des créations, des hors séries - qui sont aussi hors mesure de diffusion ou de lectorat, pour le plus grand bénéfice de la part de marché des titres plus mûrs.
Le dynamisme de la presse cuisine se lit dans la composition d'un magazine comme fou de cuisine, dans son esthétique aussi : rôle de la photographie, du papier, outils didactiques pour des lecteurs à convertir qui passeront à l'acte culinaire. Structure que l'on peut appliquer à d'autres types de magazines. Lire pour faire, pour avoir envie de faire, pour acheter, pour raconter une recette, une dégustation... "How to do things with words?" Avec une telle qualité, qui n'a pas de prix, de tels magazines ont de beaux lectorats devant eux.

2 commentaires:

Caroline Bento a dit…

Avec la montée du "bio" , "eat healthy", "regime Dukan", "repas 100% sans gluten" etc.. les livres de recettes on la cote !
De plus en plus d'individus se mettent a cuisiner et donc, achete des livres de cuisine.
Depuis quelques années, il y a eu un réelle prise de conscience quant au fait qu'il fallait manger sainement, faire du sport, ne pas trop boire ni trop fumer etc. Pour la plupart de ces critères, ils ne sont pas suivis : pas le temps de faire du sport, la cigarette détend.. Il reste donc la cuisine , que l'on peut aisément réussir grace a un livre de recette.
Par ailleurs, les entreprises de livraison de nourriture saine ont explosais faisant face a une demande toujours plus importante.

Sarah Tang 226 a dit…

Non seulement la cuisine est tendance dans le milieu de la presse...mais elle explose également dans le secteur audio-visuel, que ce soit des concours de cuisine (top chef, master chef, Qui sera le meilleur patissier ? Le plus grand patissier etc.) que dans les émissions parlant de la "culture food" en général (La cuisine de Mimi,la meilleur boulangerie, cauchemar en cuisine etc.) et les films/séries ("Chefs", "A Vif"): la cuisine est partout et sur toutes les chaines ces dernières années...mais pendant encore combien de temps ? Quelle sera la prochaine grande mode ?

Pour avoir fait mon stage dans un guide culinaire et organisateurs d'événements, j'ai pu voir la place que prenait les nouveaux chefs dans notre société : Pour certains, rencontrer un grand chef, c'est comme rencontrer les Rolling Stones ! Réserver dans le dernier restaurant à la mode se trouve être parfois tout aussi difficile que d'obtenir des places pour l'avant-première du dernier Star Wars. Désormais, même pour la jeune génération, une soirée entière peut s'articuler autour d'un bon resto, d'une nouvelle recette à tester. Etre à jour dans les tendances culinaires n'est plus vu comme quelque chose de "ringard" ou de femme au foyer, bien au contraire, ca peut prendre une place aussi importante que la musique, le sport ou le cinéma, au risque d'en perdre le plaisir : Le secteur culinaire se veut cool et détendu mais, à force de vouloir trop en faire, on finit par perdre cette notion de légèreté pour revenir à ce qu'était la cuisine il y a 15 ans.

Un reportage très intéressant diffusé sur canal + l'année dernière : http://filmvf.net/lamour-food-streaming.html