lundi 12 octobre 2015

TV américaine : stations contre réseaux de distribution (MVPD)


Régulièrement le marché américain de la télévision est secoué par un conflit entre stations et réseaux. Le plus récent (octobre 2015) a opposé le groupe Tegna (ex. groupe Gannett) au réseau satellitaire Dish Network (14 millions d'abonnés). Le groupe Tegna possède 46 stations réparties dans 38 DMA qui desservent un tiers des foyers TV américains ; Tegna contrôle ainsi de nombreuses stations affiliées aux networks ABC, CBS et NBCU.

Les stations, affiliées et O&O, demandent une meilleure rémunération (distribution fee) de leur programmation auprès des réseaux câblés et satellitaires qui les retransmettent. Cette rémunération représente, selon SNL Kagan, entre 10 et 24% de leurs revenus (soit 6,3 milliards de dollars pour l'année 2015).
De leur côté, les distributeurs, Multichannel Video Programming Distributors (MVPD), veulent limiter leurs dépenses et leur prix de vente alors qu'il subissent une érosion continue de leur portefeuille d'abonnés (cord-cutting, cord-nevers).
Depuis 1993, cette situation fait l'objet d'un accord pluri-annuel entre les parties, dit retansmission consent agreement.

De tels conflits (carriage disputes) se comptent par milliers. Lorsque les négociations échouent les stations coupent leur signal (channel black-out) et les abonnés des réseaux (Dish, etc.) ne reçoivent plus les programmes des networks... ce qui force les distributeurs à revenir à la table de négociation.
Le conflit opposant Tegna et Dish Network a été résolu dimanche, en tout début d'après-midi, juste à temps pour permettre aux abonnés de regarder les matchs de la NFL.

Ce banal événement de l'économie de la télévision américaine suggère deux constats et une question :
  • La puissance des stations locales qui sont les cellules de base des networks (ABC, CBS, Fox, NBCU, Telemundo, Univision).
  • La complexité de cette économie que ne connaissent pas les marchés télévisuels européens, centralisés voire jacobins et dépendants des Etats. 
  • Les OTT tels que Netflix ou YouTube constituent-ils une remise en question de ce localisme (cf. "Netflix chaîne TV comme les autres, ou pas ?") ?

2 commentaires:

Unknown a dit…

La décision de Tegna de couper l’accès aux abonnés de Dish Network de ses chaînes locales a été perçue comme un « renoncement de ses obligations vis-à-vis du public » et un moyen de faire « du chantage en contraignant des consommateurs innocents », d’après Warren Schlichting, le vice-président du réseau satellitaire.

Cette situation met en exergue beaucoup d’enjeux : la relation de pouvoir asymétrique entre stations et network aux Etats-Unis et la puissance de Tegna dans la marché de la télévision aux Etats-Unis. Ces jeux de pouvoirs se font au détriment du public consommateur qui peut se retrouver sans aucun accès aux images auxquelles il a le droit à cause d’un conflit qui lui est complètement extérieure. En effet, R. Stanton Dodge, vice-président exécutif de Dish, affirme que l’action de Tegna révèle que, désormais, Washington doit se mettre du côté des consommateurs en mettant fin à ce genre de pannes dans les diffusions télévisuelles à échelle locale.

Unknown a dit…

Comme vous l’évoquez en conclusion, à l’heure où les acteurs comme Netflix et Hulu cassent toutes les barrières des géographiques et temporelles, et attirent une bonne partie des « Cord-Cutters », il est compréhensible que les frictions au sein du secteur audiovisuel « classique » soient plus vives… surtout quand ils essayent de s’accrocher à un modèle cinquantenaire. Cet incident dénote de l’échec relatif de ces acteurs historiques à mettre le consommateur au cœur de leurs stratégies car, nous le savons, le temps du broadcast est révolu. Nous sommes à l’époque où le « social » et la recommandation personnalisée basée sur le comportement prennent le dessus sur tout autre moyen de pousser du contenu vers le consommateur.
Sommes-nous en train d’évoluer vers un modèle où, à terme, les networks ne seront plus que les producteurs de contenus pour les acteurs du net ? Les opérateurs du câble deviendront-ils les petits survivants sur un marché de niche ?
Ce sont sans doute des situations extrêmes, mais on voit bien que la nécessité de se réinventer devient une question de vie ou de mort, en particulier pour les câblo-opérateurs.