mardi 10 novembre 2015

Saveurs des blogs culinaires


Spécial blogs culinaires. Hors série de SAVEURS, 5,9 €, octobre 2015, 140 p. Index alphabétique des blogs et des recettes, des comptes Instagram. Carnet d'adresses.

Les blogs intègrent et alimentent la presse papier. 50 blogueuses et blogueurs prennent le pouvoir dans ce hors-série consacré à la cuisine.
Il s'agit de contributions délimitées, atomisées, élémentaires que le magazine agrège : les recettes, trucs, astuces, tours de main, conseils (how-to dans les blogs américains) conviennent bien à ce type d'exposition et d'organisation. S'adapte à tout ce qui relève des loisirs créatifs, du bricolage maison. Les loisirs créatifs, c'est le sens pratique, des habitus partagés, loin des légitimités établies. Des énoncés simples aussi, listes d'ingrédients, phrases brèves à l'impératif cordial...

Le hors série sélectionne et publie 127 blogs et 91 recettes.
Scandant le magazine, quatre double pages thématiques liées à la cuisine : pour les outils "du plan de travail", les livres, les ingrédients ("le placard idéal des blogueuses"), deux pages pour les astuces.
Le format est simple et clair, facilitant le feuilletage, la lecture et l'utilisation : deux pages par blogueuse, la page de gauche réservée à une "bio" avec anecdotes et photo d'identité, la page de droite pour deux recettes avec photos. Belles photos, d'ailleurs.
De tout cela se dégage une atmosphère de cordialité et complicité qui sied à la cuisine et aux échanges. Manifestement, quelque chose est en train de s'inventer.

Assiste-t-on à une transformation du journalisme par le Web et les réseaux sociaux ? S'agit-il de dé-professionnalisation ou de professionnalisation progressive d'amateurs (Pro-Ams) ? Une extension du domaine professionnel des journalistes qui deviennent découvreurs, éditeurs ? Une évolution de l'économie et des économies domestiques (on-demand economy ?) ? A suivre...
Ce hors séries de Saveurs confirme une piste d'innovation pour la presse qui finit par s'enrichir de la culture Web et mobile sans renoncer au papier. Saveurs est également présent sur l'Appstore d'Apple. Déjà, As You Like avait donné le ton empruntant aux "blogueuses, instagrameuses et créatrices connectées" : "féminin dénicheur de talents". Depuis, il y a eu aussi, entre autres, L'Atelier scrapbook : le meilleur des scrapblogueuses, bimestriel, 6,9€, octobre 2015 pour les loisirs créatifs.

Cette collaboration de l'ancien et du moderne, de divers supports, de blogs issus du Web publiés sur papier, peut évoquer ce qui se passe en vidéo / TV avec YouTube et les mcn. Par exemple : All Things Hair, chaîne de coiffure créée par Unilever avec ses "hair care how-to videos". Ou encore le journalisme citoyen (citizen journalism) tel que le pratique CNN avec iReport (cf. "Defeated by social media, CNN overhauls iReport", par Ricardo Bilton).

4 commentaires:

Soumaya a dit…

Cette combinaison du moderne / historique reflète et pose encore de nouvelles problématiques :

Cette nouvelle génération de blogueurs touche une cible particulière : une clientèle à la recherche de la proximité avec les professionnels. Ils se font connaître sur internet et trouve leur clientèle par ce biais. Les consommateurs peuvent plus facilement s.identifier car généralement ils ajoutent leur état d'esprit, leur vie, les hauts et les bas...

Les livres de cuisines de jadis avaient un côté impersonnel. Désormais nous pouvons alors connaître ce qui se passe derrière la cuisine : une maman, une copine, une débutante ... L'identification est une valeur importante de nos jours...

Ces blogueurs nous font entrer dans leur vie, par Instagram, Youtube, blogs, Facebook, snapshat... Tous les réseaux sociaux font parti de ce marketing viral qui vont jusqu'aux oreilles des éditeurs qui leur réserve alors un ouvrage qui leur ait consacré.

Nous avons peur de la disparition des livres et de la presse, mais on se rend compte qu'il s'agit encore et toujours d'un média que l'on apprécie.

Je recommande le film Julie et Julia de Nora Ephron qui reflète cette comparaison entre l'ancienne et la nouvelle génération de cuisinier :

"Julia Child a changé pour toujours la façon de cuisiner aux États-Unis, devenant pionnière dans l'adaptation de la cuisine française et l'apprentissage des techniques de cuisine pour les ménagères américaines. En 1948, elle n'est qu'une Américaine anonyme vivant à Paris, en France, où le travail de son époux, Paul, les a amenés à s'installer. Cherchant activement une occupation, Julia se prend de passion pour la cuisine française.

New York, en 2002. Julie Powell a l'impression d'être dans une impasse. Elle va avoir 30 ans, végète dans son travail au centre d'appels Lower Manhattan Development Corporation, alors que ses amies connaissent bonheur et succès. Pour égayer sa vie monotone, elle se lance un défi complètement fou : elle se donne exactement 365 jours pour cuisiner les 524 recettes du livre Mastering the Art of French Cooking, écrit par Julia Child. Pour relater son expérience, elle crée un blog"

Elsa_M226 a dit…

Dans cet article, nous voyons bien le nouveau pouvoir des blogueurs aujourd'hui. Véritable outils de communication pour les marques (comme on le voit pour Unilever), les entreprises ont bien compris que le premier motif d'achat passait par le bouche-à-oreille, d'où l'importance croissante donnée aux blogueurs. Certaines entreprises ont bien compris l'importance de ce canal de communication. C'est pourquoi, on laisse de plus en plus la parole aux blogueurs via différentes formes (comme ici via la presse papier).

Pour revenir sur vos interrogations, selon moi, il s'agit d'une nouvelle forme de journalisme de proximité auquel les gens peuvent s'identifier plus facilement (on pourrait voir le blogueur comme "l'un des nôtres") car il y a une "atmosphère de complicité". Ce sont des nouveaux prescripteurs de tendance qui influencent selon Médiamétrie, 88% des internautes. Le choix de la presse papier permet aussi de rassembler un plus large public et d'augmenter son influence (pour ceux qui ne consulteraient pas les blogs sur Internet). Autre aspect que je souhaiterais souligner et qui n'était pas présent dans l'article, c'est leur indépendance de plus en plus contestée. Etant de plus en plus sollicité par les marques, est-ce que ce journalisme ne tend pas à être orienté ? Et donc "dénaturalisé" ? Chaque blogueur ayant sa propre ligne éditoriale, celle ci se verrait de plus en plus compromise pour moi.

Unknown a dit…

Cette édition du magazine Saveurs est en effet une très bonne idée. C'est une idée novatrice, qui est gagnante aussi bien pour le magazine en lui-même que pour les blogeurs à qui cela donne de la visibilité. Cela laisse penser en effet que la presse écrite pourrait trouver dans cette stratégie un nouveau relais de croissance. Ce genre de collaborations pourrait être possible dans de nombreux domaines, comme vous l'évoquez vous même la coiffure ou autre comme le jardinage ou bricolage.

Cependant, en réaction à cette partie de l'article "S'agit-il de dé-professionnalisation ou de professionnalisation progressive d'amateurs (Pro-Ams) ? Une extension du domaine professionnel des journalistes qui deviennent découvreurs, éditeurs ? Une évolution de l'économie et des économies domestiques (on-demand economy ?) ? A suivre...", je ne suis pas tout à fait d'accord.

Certes, désormais grâce aux blogs et plus généralement aux réseaux sociaux, tout le monde peut s'exprimer, donner son avis sur un produit. Cela peut permettre à certains professionnels de s'exprimer sur leurs métiers, je pense donc aux blogueurs culinaires, coiffeurs etc... Mais peut-on pour autant parler de professionnalisation d'amateurs ? Je ne suis pas sure. . Cette évolution n'est possible que pour certains domaines "de niche" très précis. Mais qu'en est-il des sujets d'actualité, de politique, d'économie, de santé et autres. Si on trouve sur les réseaux sociaux beaucoup de billets et d'avis pertinents, on trouve aussi l'inverse.

Et même dans des domaines plus ouverts à l'amateurisme et à plus grande échelle, les avis "non professionnels" ne sont pas forcément décisifs. Un exemple, à titre purement personnel, quand je souhaite écouter le nouvel album d'un groupe, si plusieurs utilisateurs commentent en disant de ne pas l'acheter, je ne vais pas forcément m'y fier. Par contre, si un journaliste des InRocks me le déconseille, je le prendrai surement plus au sérieux. Ce qui montre que les professionnels ont toujours un surcroit de légitimité dans certains domaines.

Sarah Tang 226 a dit…

On remarque ainsi une légère inversion des tendances : Avant, on craignait la chute de la presse papier puisque tout pouvait se trouver en ligne. Aujourd'hui, nous sommes dans le besoin de synthétiser l'ensemble des blogs, n'en garder que le meilleur et le poser sur du papier. En effet, même si beaucoup prédise la mort de la presse papier et des "vrais" livres, je ne suis pas forcément de cet avis. La tablette Kindle est apparue il y a déjà plusieurs années, pourtant le livre papier reste toujours d'actualité. Les gens aiment cette habitude d'avoir un objet physique entre les mains, pouvoir tourner les pages et voir de belles photos imprimées et non plus numérisées comme nous en avons l'habitude.

Avec ce hors-série 100% blogueurs, on assiste à une véritable transformation du journalisme par le Web : les blogueurs prennent ainsi un rôle de journaliste à part entière. On peut le voir avec l'intervention de plus en plus fréquente des blogueurs/blogueuses dans les grands magazines et dans les livres (Garance Dore et son livre "Love x Style x Life", les livres de Street Style) et la création de nouveaux magazines basés à 100% sur les blogs ou appli comme Paulette ou encore MPA - Merci Pour l'Adresse - magazine gratuit créé par des "Instagramers professionnels" rempli de photos très esthétiques. C'est donc une professionnalisation progressive d'amateurs (tout comme le métier de youtuber ou blogueur). En revanche, j’émettrais un réserve sur l'idée que les blogueurs prendront la place des journalistes : n'est pas journaliste qui veut, il ne suffit pas de poster quelques articles sur son site internet pour se définir comme journaliste.