jeudi 29 décembre 2016

Le câble américain investit la domotique


La proximité des médias avec la domotique est logique : les médias électroniques passent par l'équipement du domicile, par les connexions Internet et par le câble ou le satellite, les télécoms : smart home, maison connectée.
Pour les foyers, le souci de sécurité rencontre le confort de l'automatisation et de la gestion à distance (protection de biens, éclairage, rideaux, volets, serrures, portes, audio, température, etc.). La gamme des services s'étend avec le développement des serveurs vocaux comme Amazon Echo (Alexa), HomePod (Apple) ou Google Home. La plupart des services de domotique se pilotent avec des applis de smartphones (Apple Home, Echo, Android) tout comme de nombreux appareils ménagers (téléviseur, machine à café, aspirateur, etc.).

Comcast, le principal Multi System Operator (MSO), a annoncé en juin 2016 sa volonté de prendre le contrôle de Alarm.com, entreprise spécialisée dans la domotique, si toutefois la Federal Trade Comission (FTC) autorise ce rachat. Or Alarm.com se propose de racheter Icontrol Networks, sa principale concurrente. L'opération, si elle aboutit, mettra Comcast en situation dominante dans le domaine de la domotique (Smart Home As a Service). Domination qui peut s'apprécier au nombre de clients mais aussi au nombre de brevets décisifs que détiennent ensemble Icontrol et Alarm.com (qui développe Xfinity Home, de Comcast). Icontrol collabore déjà avec des câblo-opérateurs : Cox, Comcast, Rogers (Canada), Bright House Networks... De plus, Icontrol a des ambitions internationales : l'entreprise collabore déjà au Japon avec des opérateurs du câble et en Australie avec Telstra. MàJ : en mars 2017, Comcast acquiert Icontrol, ce qui ouvre une nouvelle ligne de business. Un centre d'excellence IoT sera créé à Austin (Texas) où est implanté Icontrol.
Au-delà des équipements domestiques, la domotique vise le marché des petites et moyennes entreprises (Comcast avec SmartOffice, pour la vidéo surveillance notamment).
En août 2017, Comcast passe un accord avec Sunrun pour installer des panneaux solaires chez ses abonnés. MàJ : novembre  2017 : De son côté, le MSO Altice USA qui se veut "one-stop-shop" pour les foyers connectés propose des produits Nest (filiale de Google) à ses abonnés : thermostats, Nest Cam / Nest Aware, détecteurs de fumée, etc. (octobre 2017).

Le développement de ce secteur (sécurité, énergie domestique, home automation) est visé par les grande entreprises du numérique et des médias qui peuvent y espérer complémentarité et diversification de leurs empires : Google, Amazon, Apple, Comcast. Du coup, la définition du périmètre de concurrence est bouleversée par leur entrée sur ce marché comme dans celui de la publicité extérieure qui se numérise. Tout secteur économique qui se numérise voit se redessiner radicalement son périmètre de concurrence.

mardi 27 décembre 2016

Deux poids, deux mesures ?


Erreurs de calculs, nombreuses, reconnues par Facebook (miscalculation mishap) ; quelques semaines plus tard, à son tour, Twitter admet aussi des erreurs de comptage. Ces erreurs portent sur les mesures de la relation à la vidéo, les impressions.

Qui s'en est rendu compte avant, et, d'ailleurs, qui avait les moyens de s'en rendre compte ? Est-on certain qu'il n'y a pas d'autres erreurs ? Puisqu'il n'y a pas d'audit interprofessionnel : ni avant, ni pendant, ni après.
Que faire ? Se réjouir des autocritiques en cours (faute avouée...), se réjouir d'éventuelles compensations (cf. Twitter) ?
Imaginons des erreurs semblables pour la télévision dans le Mediamat ou le National Television Index de Nielsen...

Deux poids, deux mesures ?

Peu de réactions de la profession. Pourquoi ? Les clients, annonceurs ou médias, ne se plaigneraient guère, et continuraient d'investir : on dit que les résultats tels qu'ils peuvent en juger sont satisfaisants (Key Performance Index). Mais surtout, peut-on ignorer Facebook dans une stratégie média grand public ?

Ce n'est plus la mesure qui compte ? Assistons-nous à un changement de statut des mesures médias ? Dans quelle mesure ? Faut-il s'en tenir aux retours sur investissements, aux conversions, qui seuls importent pour le client, juges ultimes des performances de l'investissement publicitaire ?

Restent la gestion, au fur et à mesure, de la notoriété (branding), de la mémorisation / démémorisation (bêta), l'appréciation de l'attribution, tous outils indispensables de la stratégie des marques.

mercredi 21 décembre 2016

Fake news, fact checking, curation, censure. L'utopie algorithmique


Les fake news sont à la une de la presse couvrant les médias. Fake news ?
D'abord, le nom : que désigne "fake news" en anglais ? Des fausse nouvelles, délibérément falsifiées contrefaîtes, disséminées, partagées. Misinformation, désinformation. Leur fausseté conjuguée à leur viralité (cela se calcule et se programme) peut entraîner des conséquences électorales, politiques, commerciales...
Ce sont des nouvelles publiées non contrôlées, non vérifiées. Parfois des erreurs commises par omission, désir de scoop, par défaut de professionalisme (cf. Pascal Riché, "Les médias sont des tontons flingueurs", L'Obs, 3 mars 2015). Pour les médias, la diffusion d'informations présuppose leur contrôle, leur vérification préalables qui sont partie prenante de l'édition (d'ouvrages, de journaux, de sites web, de données, etc. ). Métier de journaliste.

Pour les réseaux sociaux, il s'agit d'un problème économique radical. Dans l'univers de l'information, les réseaux sociaux se ditinguent par le nombre des collaborations qu'ils mobilisent (User-Generated Content) ; elles se chiffrent en dizaines voire en centaines de millions (selon leur propres déclarations). De plus, la publication est immédiate, effectuée en temps réel. Contrôler une telle production de contenus supposerait le recrutement de milliers de journalistes diversement spécialisés et équipés, intellectuellement et techniquement, pour les tâches de vérification (à moins que l'on ne sous-traite ces tâches et fasse appel à des personnels peu qualifiés et sous-payés, comme il semble que ce soit le cas et qui n'est pas encourageant).
D'où la protestation incertaine de Facebook : we are not a media company mais a technology company. Toutefois, cette proposition est ensuite modalisée (cf. video 22/12/2016 ; 6:10), laissant entrevoir des ajustements à venir : “Facebook is a new kind of platform. It’s not a traditional technology company”;“It’s not a traditional media company. You know, we build technology and we feel responsible for how it’s used.” Manifestement, Facebook est à la recherche d'un nouveau modèle social et économique et éditorial. Notons la tournure de passivation : "we feel responsible for how it’s used" ("how it's used" et non "how we use it", "we feel responsible" et non "we are responsible").
Une curation rigoureuse supposerait aussi de renoncer au temps réel : il faut du temps pour vérifier. La curation est un travail éditorial complexe, délicat qui demande du temps et de l'expertise, elle relève de journalistes hautement diplômés et expérimentés, donc bien payés.
Le modèle économique des réseaux sociaux se situe à l'opposé de celui des médias. Les réseaux sociaux sont des distributeurs de contenus, de contenus produits gratuitement par des consommateurs et aussi de contenus fournis par des médias en mal d'audience aisément touchée (sans compter les relations publiques). Leur modèle économique semble, a priori, aux antipodes d'une curation rigoureuse, qui n'est pas leur métier.
Au contraire, les médias sont des producteurs et éditeurs de contenus et cette production / édition coûte cher : rémunération de journalistes effectuant la collecte, la rédaction, la vérification et la curation des contenus diffusés.
Quelle solution à cette contradiction entre contenus massifs et curation ? Quelle utopie ?

On peut imaginer de faire contribuer les "lecteurs" au travail de vérification (crowd sourcing), de faire effectuer ce travail par des algorithmes conçus pour débusquer les erreurs, volontaires ou involontaires mises en ligne. De tels algorithmes n'existent pas encore, pour autant qu'ils soient réalisables à court terme. La situation semble désespérée : les réseaux sociaux sont-ils condamnés aux plus ou moins fake news ? Par ailleurs, à partir de quand la curation s'apparente-t-elle à une censure, les fact-checkers s'apparentant à des gate-keepers ? Dans certains cas, certains politiques privilégient la communication directe unfiltered... et préfèrent publier sur Twitter ou Facebook ou Reddit...

De ce bref constat, on peut tirer plusieurs bonnes nouvelles :
  • Le métier de journaliste a un bel avenir devant lui. La formation des journalistes aussi, notamment pour la formation au contrôle, à la curation. Les réseaux sociaux de leur côté ne devront-ils pas recruter des journalistes capables de trier les contenus publiés. A moins qu'ils n'acceptent de succomber aux fake news. La presse papier n'est pas à l'abri des fake news : un certains nombres de titres en vivent...
  • Il appartient aux lecteurs de se méfier, de se détourner des fake news. Pour que les lecteurs futurs en soient capables, il faut compter sur l'éducation scolaire, sur sa capacité à former des esprits critiques, aptes à douter, à distinguer le vrai du faux, le croire du savoir, le vraisemblable de l'invraisemblable, le mensonge de la vérité. Apprendre ce travail à l'école ? Cela commence par une formation à la rigueur et donc sans doute par une formation à l'esprit scientifique de tous les élèves, et tout d'abord de tous les enseignants. Question de service public. Nos sociétés en prennent-elles le chemin ?
  • Un contenu contrôlé, vérifié, estampillé est un contenu très cher à produire : aux médias de se vendre cher aux réseaux sociaux ou de les laisser s'ébattre dans les eaux boueuses des fake news. Voilà qui repose la lancinante question de leur modèle économique.

jeudi 15 décembre 2016

Jeudi : 20 nouveautés presse dans les kiosques


Editions Prisma
(groupe Berlsmann)
Riche journée dans les points de vente presse pour ce jeudi de décembre : plus de 20 nouveautés, présentes sur les linéaires presse pour plusieurs semaines.
  • 2 nouveaux titres
    • Fair Play, consacré au rugby (bimestriel, 6,5 €) : rugby et société, rugby et culture, rugby et vie.
    • Avions de combat (trimestriel, 9,5 €) : histoire militaire de l'aviation.
  • 3 remises en vente (trimestriels pour jeunes enfants, première mise en vente au printemps)
  • 19 hors-séries
    • 3 magazines people : Public, Closer et Royals
    • puis des guides d'achat, des magazines d'histoire (Le temps des colonies. Des conquêtes aux indépendances, 1830-1962), des magazines consacrés à la vulgarisation scientifique, aux sports mécaniques, à la chasse, aux super-héros, à l'art, aux loisirs créatifs...
    • A part les titres people qui sont relativement bon marché, les magazines hors-séries sont plutôt chers, entre 8 et 13€. 
Comment ne pas s'étonner que la presse et ses distributeurs fassent si peu pour faire connaître cette fécondité, cette diversité continues, d'autant que ses titres sont disponibles en version papier mais aussi en version numérique sur mobile et sur ordinateur ? 


Voir aussi sur le même sujet, "Presse française, une année hors séries"

jeudi 8 décembre 2016

YouTube connaît la musique, et la télé


En France, YouTube pourrait donner son surnom à une taxe, preuve indéniable de son succès commercial et culturel... Cette taxe, si elle voit le jour, touchera-t-elle également Amazon, Facebook, Netflix, entre autres ? Comment seront établis son assiette, son périmètre et sa proportionnalité ? Mais la loi est encore loin d'être en place...

En 2016, YouTube se vante d'avoir reversé un milliard de $ à l'industrie musicale (cfle post de YouTube). Une grande partie de cette somme provient sans doute du transfert vers YouTube de budgets publicitaires des médias traditionnels. D'où l'importance pour Google de montrer à quelles conditions un message conçu pour la télévision pourrait être efficace sur YouTube (cf. Think with Google).

De son côté, Apple Music annonce 20 millions d'abonnés. C'est l'autre modèle, payant (abonnement), sans publicité. C'est dans cet environnement concurrentiel que Vivendi lancera WatchMusic en 2017.

Variety a publié le classement des vidéos les plus virales de l'année 2016 sur YouTube : en tête, une partie de l'émission de CBS, “The Late Late Show with James Corden” considérée comme la vidéo la plus virale de l'année avec le "carpool-karaoke" segment en compagnie de la chanteuse Adele (cf. infra, vue 135 millions de fois). Ensuite, vient “Pen-Pineapple-Apple-Pen” une vidéo de 68 secondes du comédien japonais Piko-Taro. Le classement prend en compte, selon une pondération non précisée, des critères mal connus de viralité relevant de l'interaction (commentaires, likes, partages...).


Le rôle de YouTube dans l'économie de la musique est manifestement décisif (cf. la découverte de la musique). Mais son rôle devient significatif aussi dans l'économie de la télévision. Comme on peut le lire dans le tableau ci-dessous, la télévision traditionnelle (legacy) est présente à plusieurs reprises dans ce palmarès : CBS, NBC, HBO... De même qu'elle est présente dans les multichannel networks (mcn)...
Selon une indiscrétion de CBS, YouTube préparerait sous le nom de Unplugged, un bouquet de chaînes qui concurrencerait les MVPD (câble ou satellite notamment). Le bouquet serait diffusé en streaming (OTT) pour 35 $ par mois.
YouTube se rapproche décidément de plus en plus de la télévision classique  (cf. YouTube dans MediaMediorum).

YouTube : Top trending videos of 2016 (December 2016, Variety)

jeudi 1 décembre 2016

Midnight Diner: une série de petites histoires japonaises sur Netflix

Couverture du manga
(Anime News Network)

Le générique lance de belles images nocturnes de Tokyo, de Shibuya, centre de Tokyo où tout le monde se croise. Carrefour de néons, de couleur et de précipitation. Sous-titres en anglais.
C'est l'histoire d'un restaurant de nuit, ouvert de minuit à 7 heures du matin. La série réalisée par Joji ­Matsuoka est basée sur un manga de Yaro Abe, manga primé qui a connu un succès considérable au Japon.
Ce restaurant cuisine des plats de cuisine familiale presque triviale, on y sert aux noctambules du saké et de la bière. Chacun y écoute l'histoire de son voisin, de sa voisine, dans la vie urbaine, sous l'œil bienveillant du chef ("master").

Choix remarquable de Netflix qui sert cette série de 10 épisodes de moins d'une trentaine de minutes (depuis le 21 octobre 2016). Choix sans grand risque puisque cette série exploite un filon de notoriété avéré : en plus du manga, elle a été précédée de deux ensembles d'épisodes et d'un film. Succès d'audience à chaque fois.

Les habitués qui se rencontrent dans le restaurant, fatigués de la journée, sont en général de modestes héros, humbles, parfois un peu ridicules mais beaucoup de générosité et de tendresse les habitent. Des histoires d'amour improbables se dénouent, des complicités se créent : une femme tricote pour déclarer sa flamme, une chauffeure de taxi, aux amours contrariées, dit la fièreté de son métier, une Coréenne émigrée travaille pour payer les dettes de ses parents, un acteur que le public boude, un joueur de mahjong et son jeune fils...

La série décentre, elle bouscule l'ethnocentrisme du téléspectateur occidental que la culture télévisuelle japonaise désoriente : la langue d'abord, la bande-son, la politesse méticuleuse (les techniques du corps), les calligraphies, les plats et les manières de cuisiner. Le titre de chaque épisode renvoie au met cuisiné ce jour là (l'omelette au riz, etc.). On notera l'art subtile de filmer le travail du cuisinier qui montre la place des couleurs dans la cuisine japonaise, l'élégance des baguettes, le bruit des cuissons... Claude Lévi-Strauss, qui fut un amoureux fervent du Japon, recommandait aux occidentaux d'en "apprivoiser l'étrangeté" (L'autre face de la Lune. Ecrits sur le Japon, Paris, Seuil, 2011). "Midnight Diner" y contribue...

"Midnight Diner", montre l'ambiance tendre d'un lieu public étroit et réconfortant, un bistrot de quartier (Shinjuku) ; on peut penser au diner de Edward Hopper, mais sans le sentiment de solitude ("Nighthawks", 1942). Synthèse d'exotisme du quotidien (pour les télépectateurs occidentaux), de vignettes, de portraits rapidement brossés. L'ambiance, le bistro comme point de concours du social, la structure narrative tout cela fait penser aux textes de Henri Calet, Joris-Karl Huysmans et parfois à "How I met your mother" (CBS).


mardi 22 novembre 2016

Internet advertising revenue and the media: an attribution fallacy?


"Internet Advertising overtakes TV"... Ah? Yes? But maybe not! Such a catchy headline may hide an attribution fallacy.
To compare advertising online revenue with that from one offline media only (TV, print, etc.) could be seriously misleading. Let's see.

Revenue statistics include Internet revenue from legacy media in the global Internet revenue, whereas to make things clear and relevant, revenue from the media on the net should be included (added to) in the total revenue of the media itself.
Among Internet advertising revenues, how much comes from the legacy media which publish their content on the web, on varied social networks? With few exceptions, Internet by itself is barely a media, it is more of a distributor, like cable, telcos or satellite (cf. MVPD). And there is often even no real content, no curation, no journalists, no fact checking. Easy!
To build comparative statistics, shouldn't Internet revenues include only the so-called "pure players"? And if so, this would certainly change the picture...

For everything to make sense, shouldn't we be able to distinguish at least four separate aggregates for advertising revenues:
  • Revenues from the Internet reduced to pure players
  • Revenues from the legacy media distributed online
  • Revenues from the legacy media distributed offline (newsstand, over-the-air...) 
  • and, of course, finally, a total (off + online) for each media: total TV, total press, total outdoor, total radio
For the time being, as far as one knows, this data is not available. Meanwhile, let's note that to compare one media with the total Internet is an unfair fallacy for the media ; it adds to the usual celebration of the web and diminishes the image of TV. Since, in fact, what is the Internet without the media? Not much! Conversations, opinions, and moreover, sometimes fake information, clickbait...... L'empire des doxosophes ?

Source : European Audiovisual Observatory, November 21, 2016.

* On the same topic, in French: Im-pertinences de la terminologie média

jeudi 10 novembre 2016

A new President. What to expect for the media?


A new President, a new Congress. All Republican. What's in it for the media?

A new FCC? The new President will appoint new commissioners at the Federal Communications Commission (FCC), and, first of all, a new Chairman for the Commission (Tom Wheeler will probably exit the chair January 20, 2017). Will he choose a commissioner already in place or nominate a new one?
"Only three commissioners may be members of the same political party"; their term lasts 5 years.
FCC commissioners, November 2016

Which regulations could be changed by the new Commission? Which decisions could be made? Speculations go on, perhaps simply hot air. But Congress requests that the FCC refrain from “controversial” moves before Trump takes office and a new Congress meets.
First, the recent net neutrality rules (adopted in February 2015, in effect since June 2015). The rules were set "to keep the Internet fast, fair, and open. "Blocking, throttling, pay-for-priority fast lanes and other efforts to come between consumers and the Internet are now things of the past." said FCC chairman Tom Wheeler (June 2015). Could these rules be rolled back or weakened?

Then, the Time Warner and AT&T merger might be challenged. Will the FCC review the deal? During the campaign, Donald Trump said he would block the deal. The FCC would have to discuss this from a competition point of view : is the merger (vertical concentration) in the public interest?

What about the antiquated cross-ownership rules (1975)? These rules continue to prohibit media companies from owning newspapers and TV or radio stations within the same DMA. The FCC has reviewed these rules and upheld them. Will the new FCC abolish them?

jeudi 3 novembre 2016

La flexibilité du marché télévisuel américain (Cas N° 17)


Ce poste reprend et corrige celui consacré à la TV américaine et au marché de Boston (Cas N°16) : nouvelle station O&O à Boston en janvier 2017).

En 2017, NBC disposera, comme prévu, d'une nouvelle station "owned and operated" dans le DMA de Boston-Manchester (N°8) : NBC Boston. En revanche, la nouveauté est le recours par le network NBC à une station utilisant une fréquence terrestre dite de faible puissance (low-power), WTBS ; associée à WNEU, elle remplacera son ancienne station affiliée WHDH-TV (qu'elle a tenté, en vain, de racheter). NBC crée ainsi de la valeur, avec la promotion d'une petite station en O&O d'un grand network. La station WNEU, rachetée par NBC, ne couvre qu'une partie du DMA.
Diffusée over-the-air (OTA), NBC Boston sera également diffusée par les réseaux câblés du DMA et les bouquets satellite et accessible par TV Everywhere. NBC Boston disposera ainsi d'une couverture complète du DMA. On observera le paradoxe : la télévision terrestre gratuite est distribuée à tout le marché grâce aux MVPD auprès des abonnés payants. Il est vrai que Comcast (qui a racheté NBCU) est le câblo-opérateur majeur (MSO) du DMA ; avec sa régie Comcast Spotlight, il exploite d'ailleurs l'Interconnect publicitaire de la région.
Pour l'information, NBC Boston s'appuiera sur la chaîne régionale de Comcast, NECN (New England News Channel) lancée 1992 par un câblo-opérateur racheté plus tard par Comcast et Hearst. En décembre 2016, Craignant les plaintes des téléspectateurs du DMA, Comcast passe un accord avec WMFP-TV, ce qui accroîtra la couverture terrestre de NBC Boston.

Le DMA de Boston comprend des cantons appartenant aux Etats du Vermont, du New Hampshire et du Massashusetts. L'économie de la télévision n'épouse pas la géographie administrative.
Ce DMA compte 26 stations : 5 sont associées à PBS (network de télévision publique), 3 sont des stations hispanophones et 2 des stations indépendantes. Le DMA compte 2,4 millions de foyers TV (5,9 millions de personnes). CBS et Fox ont déjà leur station O&O dans le marché. ABC (Disney) est le seul network à y être retransmis par une station affiliée (WCVB-TV).
La pénétration du câble est de 84% des foyers, celle des moyens de diffusion alternatifs (satellite, télécoms) étant de 12%, seuls 4% des foyers ne reçoivent la télévision que via une antenne terrestre.
Les 4 grandes stations de Boston sont reprises par les opérateurs canadiens du câble ; ils ont remplacé WHDH par NBC Boston (janvier 2017).

La flexibilité du marché  télévisuel américain s'accompagne d'un inflexible localisme.

dimanche 30 octobre 2016

The Big Bang Theory : des hommes et des femmes savants, des geeks ridicules


En septembre 2016, la série de CBS a eu dix ans et a diffusé plus d'une deux cents épisodes. Programmée le jeudi, en prime time (20 heures), elle est en tête des audiences pour la cible commerciale des 18-49 ans. Reprise en syndication par TBS pour le câble cinq jours par semaine (distribuée par Warner Bros) et par les stations de Fox (0&0 et affiliées), la série est reprise également par CBS All Access et Netflix. L'ensemble de ces diffusions construisent une forte notoriété.
Sitcom, la série ne comporte pas d'intrigue générale ; l'intrigue, c'est la vie du groupe qui vieillit. Chaque épisode, indépendamment, tourne autour d'une ou deux situations plus ou moins imbriquées impliquant quelques uns des personnages clés, trois femmes, cinq hommes. Les situations sont souvent improbables, inattendues mais après neuf saisons, les personnages, leurs caractères sont prévisibles.
Le comique de "The Big Bang Theory" est d'abord de nature langagière : jeux de mots, exagérations verbales, catchphrases, gestes ; le tout est émaillé de références culturelles américaines et d'allusions cinématographiques. Suivie depuis le début de leur vie d'adulte, la biographie des personnages passe par les étapes attendues : premier travail hors de l'université, flirts, rendez-vous (dates), mariage. Bientôt un enfant ?
La série est tournée devant audience, ce qui nous vaut une bande-son avec rires, soupirs et autres réactions bruyantes de l'assistance du jour. Insupportable générique et ponctuation (virgules à tout moment, à la place des écrans publicitaires sur Netflix ?).

L'audience est celle que recherchent les annonceurs à la télévision, les 25-54 ans. Le message publicitaire de 30 secondes se serait vendu 286 000 dollars pendant le upfront market 2016-2017 (deux fois le prix d'un spot sur NCIS pour une audience voisine).

La culture scientifique est évoquée conformément à un stéréotype usé : on se moque des jeunes savants éthérés (geeks, nerds), quelque peu professeurs Nimbus, obnubilés par la science dont l'inaptitude aux relations sociales étonne. Chercheurs au CalTech (Pasadena, Californie), issus de grandes universités américaines, ces jeunes géniaux ont des loisirs d'adolescents. Loin du sport spectacle, fans de Prix Nobel, devisant de mécanique quantique, du principe d'indétermination de Heisenberg, du chat de Schrödinger, du boson de Higgs, des photons, de la NASA... Aussi, le bon sens pratique de Penny, la voisine sexy qui emménage sur le même palier, provoque des réactions interloquées chez ses savants voisins, séduits quand même.
Les héros des personnages masculins de la série sont surtout des personnages de films de science fiction ("Star War", "StarTrek" dont ils savent par cœur les répliques) et de super héros de comics (Batman, Green Lantern, The Flash, Wonderwoman : "intimate strangers" !). La série a invité, entre autres, comme acteurs d'un jour, des célébrités de la science et de l'astronautique : des acteurs de Star Trek, Elon Musk (Tesla Motors, SpaceX), Steve Wozniak (ex. Apple), des physiciens (dont Stephen Hawking)... La réalité hybridant la fiction.

Pour les Fans, un site propose toutes sortes de merchandising :
DVD, T-shirts : ceux de Sheldon, l'algorithme de l'amitié, etc.

Le ressort comique nait de la confrontation de deux discours, de deux logiques, de deux vocabulaires : ceux de la science (physique, astronomie, biologie) et ceux de la vie quotidienne, mondaine, et des relations sociales. On pensera aux Femmes savantes : "un sot savant est sot plus qu'un sot ignorant" (acte IV, scène 3).

D'épisode en épisode, la série dresse le tableau clinique de Sheldon Cooper, donnant à voir toute la psychopathologie de sa vie quotidienne. Névrose obsessionnelle ? Il prend tout au pied de la lettre, il a du mal à percevoir les sarcasmes, tout comme l'intelligence artificielle des émotions ! Excessif, têtu à propos de diététique, d'hygiène, de cohabitation mais ni dépressif ni pédant.
Sheldon ne voit autour de lui qu'"obligeants diseurs d'inutiles paroles" : il n'est assurément pas "l'ami du genre humain". Car il y a de l'Alceste dans son personnage, souvent ridicule à force de franchise et de sincérité. Amoureux, il fait penser à l'"atrabilaire amoureux"(sous-titre du Misanthrope). Petit à petit, toutefois il est apprivoisé par ses proches, indulgents.

La mise en scène exploite jusqu'à la corde une ambiance de colocs et de campus universitaire où l'on se rencontre partout et potine : lingerie, cafeteria, palier et escaliers, bureaux, librairie de BD (comic books), salle du restaurant (Cheesecake Factory) où Penny est serveuse, appartements, surtout celui que partagent Sheldon et Leonard. Pas de tournage à l'extérieur.

On a pu se plaindre que la série développe une attitude fréquemment condescendante envers les femmes ainsi qu'un discours ridicule pour moquer les jeunes savants. Apparences, jeu ? Finalement, malgré tout, les personnages sont attachants.
Combien de saisons la série a-t-elle encore devant elle ?

samedi 29 octobre 2016

Pokémon GO magazines : tout un univers mobile


A la folie ! Pokémon GO, magazine, N°1, octobre 2016, 52 p. avec 2 posters, 4,90 €

AnimeLand présente Pokémon GO, hors-série 23 de AnimeLand. Le magazine de l'animation et du manga, septembre-octobre 2016, 78 p., 5,95€

Tout phénomène technologique ou numérique grand public donne lieu à la création de magazines ou de hors-série, ce qui rappelle le rôle irremplaçable du support papier comme complément d'un nouvel appareil, compagnon d'un nouvel équipement, d'une pratique média émergente, d'une nouvelle culture technologique : télévision, Web, applis, jeu vidéo, DVD, photographie, drones, cinéma, smartphone... Le média nouveau n'attaque pas l'ancien, il le mobilise à son profit. Rôle constant de la presse magazine : aider l'innovation à conquérir son public et à s'épanouir. cf. Numéro d'octobre de Séries Plus consacré à Pokémon GO et au prochain jeu de Niantic, Soleil & Lune (avec 8 posters !).

L'objectif de ces deux magazines est de donner aux nouveaux joueurs sur smartphone des explications et des conseils pour jouer à Pokémon GO : mode d'emploi, guide du débutant et prise en main, choisir son "copain Pokémon", histoire du jeu (intéressante), liste des 151 Pokémon, les combats, lexique, règles du jeu, Pokewebgo pour repérer sur une carte les emplacements des Pokémon, des Pokéstops, des arènes, carte interactive alimentée par les utilisateurs comme Waze (crowd sourcing)... La partie éditoriale, en revanche est plus faible (parole des joueurs, meilleur dresseur, etc.). AnimeLand propose son hors-série en trois couleurs, les couleurs des équipes de Pokémon GO.

Le jeu vidéo pour smartphone avec réalité augmentée a été développé par Niantic, Inc., entreprise californienne créée en 2011 (Niantic Labs), incubée par Google dans laquelle ont ensuite investi Nintendo et... Google. Auparavant, Niantic Labs avait créé Ingress fin 2012, un jeu vidéo pour mobile dont le principe anticipe le futur Pokémon GO et ses explorations cartographiques. On attend de Niantic de futurs jeux en novembre et un film (Pikachu détective) en 2017.
Pokémon GO a été précédé de jeux pour consoles Game Boy, de mangas, de films et surtout d'un jeu de cartes à collectionner (Trading Card Game) au début des années 2000 : beaucoup de joueurs actuels de Pokémon GO retrouvent leur enfance et leurs Pokémon préférés. Ex fans ! Génération Pokémon ! Cf. le magazine "officiel" mensuel publié par Panini (série 2 en janvier 2016).

Le jeu semble un succès mondial : on parle de 500 millions de téléchargements. La notoriété du jeu était déjà acquise pour les anciens joueurs de Game Boy ou collectionneurs de cartes à jouer. Pour achever la déclinaison de la marque, le jeu est également présent sur Apple Watch.

La proximité du jeu avec la cartographie de type Google Maps (ou Waze) est flagrante et logique. Incitation à marcher, à découvrir les points d'intérêt d'une ville (la réussite est proportionnelle à la distance parcourue avec le jeu). C'est l'occasion d'une formidable collecte de données : identité des joueurs, comportements (horaires, lieux, etc.), déplacements (habitudes, amplitudes, proximités, etc.). La mécanique du jeu a même été reprise par l'opération Pokematch menée pour la promotion des matchs à domicile de l'équipe professionnelle de football de Nantes (FC Nantes)... Monoprix a proposé un "kit du dresseur" pour le lancement du jeu en France. On dit que la publicité pourrait faire son apparition dans le jeu : parrainage de Pokéstop par des marques... En attendant, sans publicité, le chiffre d'affaires de Pokémon GO serait de 600 millions de USD (en trois mois)

Copie d'écran de Pokémon GO
La culture numérique mobilisée par Pokémon GO donne l'occasion d'observer l'inculcation et le renforcement d'un habitus de joueur sur plateforme mobile : dextérité (marcher et regarder l'écran du smartphone, suivre les indications d'une carte), partage (crowd sourcing), classements par accumulation de points (benchmarking, quantified self). Dimensions d'une culture technologique populaire : personnages aux noms drôles et mémorables, qui investissent le marketing (franchise) et les émissions de télévision. Cette culture témoigne d'une influence décisive et durable, sans doute plus féconde à analyser plutôt qu'à critiquer ; comme d'habitude, il s'est trouvé des détracteurs pour dénoncer les effets sur la santé psychologique des enfants, pour dénoncer aussi l'idéologie darwinienne sous-jacente du jeu (les évolutions !)... En attendant que l'on dénonce les effets néfastes de Pokémon Go sur les performances scolaires...

Selon Google, Pokemon GO a été la requête la plus nombreuse en 2016 sur le moteur de recherche, devant l'iPhone 7, Donald Trump et Prince.

dimanche 16 octobre 2016

Loisirs créatifs à vendre : Amazon et NBC s'y mettent aussi


Amazon fait incursion dans les loisirs créatifs et les produits artisanaux, fait main, avec sa boutique Handmade.
Amazon étend son empire pour concurrencer Etsy, place de marché américaine créée en 2005 et spécialisée dans le domaine (craftmanship) ; Google permet aux vendeurs d'Etsy de lancer des campagnes publicitaires pour leurs productions avec Google Shopping. Professionnalisation des amateurs (Pro-Ams).

Depuis longtemps, la presse magazine française témoigne de l'importance de ce centre d'intérêt, proche du bricolage, de la maison et de la décoration. Activités à l'origine plutôt féminine, liées traditionnellement aux travaux d'aiguille (tricot, broderie, crochet, etc.) : "les femmes ont du talent" souligne Modes & Travauxmagazine créé en 1919, qui dispose d'une boutique à Paris. Les magasins vendant du matériel pour réaliser de tels produits sont nombreuses (merceries, papéteries, etc.). Le do it yourself a aussi son propre salon, complétant l'écosystème des loisirs créatifs (ou son champ).

"Près de 3 Français sur 4 pratiquent une activité créative dans le cadre de leurs loisirs, selon Ipsos, plaçant cette activité devant la lecture, le sport et le cinéma (novembre 2015, enquête en ligne auprès d’un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population française âgée de 16 à 75 ans du 23 au 29 octobre 2015). L'enquête confirme l'aspect social et familial de cette pratique : les créatrices montrent et offrent leurs réalisations à leurs amies, à la famille.
La télévision aussi s'est emparée du thème : M6 propose l'émission"Cousu main" adaptée de "The Great British Sewing Bee" (BBCtwo, 2013) où s'affrontent des amateurs. Surtout, beaucoup de vidéos de type "How To" sont disponibles sur YouTube pour aider à créer, réparer, économiser...

En France, A Little Market en France (2008, cf. infra) occupe ce créneau où Facebook a lancé Marketplace en octobre 2016 : on y peut acheter et vendre. On n'est jamais loin du style du Bon Coin. Le commerce le plus moderne rejoint ainsi le commerce le plus ancien et l'économie informelle : le marché est un bien public, rappelle l'historienne Laurence Fontaine.

Mise à jour (19 janvier 2017) La presse suit également cette tendance : Mollie Makes, se déclarant "le magazine qui révolutionne le DIY", publie en janvier 2017 un hors série "Création avec le Web & les réseau sociaux" qui comporte un article intitulé "vendre ses création" (cf. supra).

Mise à (jour 11 mai 2017) Aux Etats-Unis, le network NBC Universal rachète le site Web Craftsy consacré aux loisirs créatifs (crafting : jardinage, quilt, cuisine, couture, broderie, etc.). Craftsy a mis en place des modules vidéo de formation.

Mise à (jour 23 mai 2017). Amazon attaque aussi le marché des objets artisanaux associés au mariage (Handmade Wedding shop).

Mise à (jour 7 juillet 2017). Etsy, en difficulté aux Etats-Unis, licencie et ferme deux filiales françaises : alittleMarket et alittleMercerie (cf. l'article de L'Usine Digitale). Pour l'instant le diagnostic n'est pas clair.



samedi 1 octobre 2016

Facebook : un engagement à auditer ?


Voilà que l'on apprend que Facebook se serait trompé dans le calcul de la durée moyenne de vision des messages vidéo que le réseau diffuse. Au lieu de mettre au dénominateur l'audience cumulée totale, Facebook a mis l'ensemble des personnes regardant la vidéo pendant au moins 3 secondes. Le dénominateur utilisé est de beaucoup inférieur à ce qui est mis en avant par la régie, donc la durée moyenne s'en trouve fortement inflatée (de 60 à 80% selon Publicis, cf. infra). Cette donnée est considérée comme un possible indicateur de la déjà confuse notion d'engagement. Facebook s'excuse, rectifie et explique l'erreur de calcul ; si elle est sans effet sur la facturation, elle affecte sans doute l'allocation des budgets et les préférences d'investissement liées à des KPI recourant à cette donnée essentielle.
Il s'agit d'une erreur classique de stagiaire débutant en TV. C'est confondre DEI (Durée d'Ecoute par Individu) et DEA (Durée d'Ecoute par Auditeur).
Une erreur de calcul est banale et courante quand sont manipulées tant de données ; ce qui est grave c'est que de telles données et leurs formules de calcul ne soient pas auditées et vérifiées avant d'être confiées au marché, comme sont auditées en France les études de référence du marché publicitaire (Médiamétrie, ACPM, etc.) par le CESP.

A propos de cette erreur, Publicis déclare au Wall Street Journal : "This once again illuminates the absolute need to have 3rd party tagging and verification on Facebook’s platform. Two years of reporting inflated performance numbers is unacceptable".
Cela vaut pour de nombreuses données mobilisées chaque jour par le marché des médias et de la publicité.

Quelques jours plus tard, le ton monte : l'association nationale des annonceurs américains (ANA, Association of National Advertisers) demande un audit et une accréditation par le MRC : "While the ANA recognizes mistakes do happen, we also recognize that Facebook has not yet achieved the level of measurement transparency that marketers need and require." Le chiffre d'affaires publicitaire de Facebook avec les annonceurs américains étant de 6 milliards de USD, les annonceurs attendent de Facebook et d'autres supports publicitaires semblables (YouTube, Snapchat, Twitter ?) qu'ils suivent désormais la norme mise en place pour les médias traditionnels en termes de mesure d'audience et de visibilité  avec le MRC (et pas seulement Moat, Nielsen ou comScore, qui sont des fournisseurs).

N.B. Le débat sur la mesure la durée de consommation de la vidéo est d'autant plus sensible que certains médias vendent leur espace publicitaire à la durée (CPH). Cf. The Guardian, The Economist, The Financial Times).

mardi 27 septembre 2016

La presse et son droit voisin


Laurence Franceschini, assistée de Samuel Bonnaud-Le Roux, Rapport de la mission de réflexion sur la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse, Ministère de la culture et de la communication, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Paris, 2016, 41 p.

Faut-il, pour la presse, mettre en place un droit voisin du droit d'auteur épousant l'évolution technologique comme cela a été fait pour la musique et l'audiovisuel (cf. La protection par les droits voisins, Code de la Propriété Intellectuelle) ? Fin 2015, la question est posée par la Commission Européenne qui demande aux pays membres d'examiner "la possibilité offerte aux titulaires de droits de délivrer des licences et d’être rémunérés pour l’utilisation de leurs contenus, y compris les contenus diffusés en ligne". Le travail de Laurence Franceschini et de Samuel Bonnaud-Le Roux contribue à la réflexion pour une réponse française en examinant le contexte juridique dans lequel ce droit peut s'inscrire. Laurence Franceschini est Conseillère d'Etat, elle a été nommée médiatrice du cinéma en novembre 2015.

Pourquoi des droits voisins ?
Laurence Franceschini justifie ainsi la nécessité de mettre en place des droits voisins pour les entreprises de presse : "Les droits voisins trouvant leur raison d’être dans l’investissement que les entreprises effectuent, la question de leur instauration au bénéfice des éditeurs de presse se pose compte tenu des investissements qu’ils réalisent et de l’utilisation du contenu de la presse liée au numérique."
Deux constats fondent cette réflexion :
  • D'une part, les entreprises de presse investissent pour la création de contenus originaux : rémunération des journalistes, salaires chargés, frais de mission, marketing (dont sites, applications, mesure, etc.). Le montant de cet investissement est aisément calculable ; il faut y ajouter l'évaluation de la prise de risque de l'éditeur. L'ensemble constitue un investissement à protéger.
  • D'autre part, ces contenus sont utilisables, et utilisés en partie par des entreprises du numérique qui en retirent divers profits, publicitaires notamment, sans compter la notoriété, l'image, la fidélisation, etc.
Les éditeurs de presse sont en droit de réclamer une rémunération pour l'utilisation de leurs contenus. Sont visés les agrégateurs, les plateformes numériques ainsi que les robots d'indexation (web crawlers) producteurs de panoramas de presse (dont le principe existe depuis très longtemps. (Cf. Naissance d'une presse européenne d'information politique).
Ce que changent la publication de la presse sur le Web et les outils numériques de collecte automatique, c'est la facilité de réalisation de tels panoramas ainsi que l'échelle élargie de leur diffusion (en extension, profondeur et complexité de ciblage). Il y a un indiscutable risque de destruction de valeur (destruction créatrice ?).

Le droit doit donc être adapté pour permettre à l'éditeur d'être rémunéré au titre d'une œuvre collective, au-delà du droit d'auteur. Quel est le métier de l'éditeur ? "Le métier d’éditeur consiste à créer une marque éditoriale", affirme le rapport de Laurence Franceschini. De cette définition, elle conclut qu'il manque un droit protégeant sans ambiguïté les investissements de l'éditeur et lui donnant du pouvoir pour agir, équilibrer les partenariats (vendre, négocier, percevoir une compensation, se défendre devant les tribunaux, etc.).
"Au regard de l’importance des investissements effectués par les éditeurs de presse, un droit voisin de l’éditeur, constitue la contrepartie de la reconnaissance de son rôle spécifique. Il serait logique qu’un tel droit fasse partie de l’actif immatériel de son fonds de commerce, puisse être valorisé, être l’objet de contrats et fonder plus efficacement une action en contrefaçon".

Résumons. Un éditeur investit pour créer une marque éditoriale. La protection de cet investissement demande l'établissement d'un droit voisin pour défendre cette marque. Intérêt économique et nécessité juridique se confondent.

L'objectif est-il d'unifier les droits voisins des médias, presse, télévision, musique ? Ce ne serait pas déraisonnable puisque l'économie et les technologies numériques tendent vers l'indifférenciation des médias : qu'il s'agisse d'information ou de divertissement, l'entreprise de presse produit de plus en plus de vidéo. Toute entreprise média consiste à créer une marque média : TF1, Le Monde, NRJ sont des marques média. On pourrait aussi parler de plateforme media ("One Global" dit l'ACPM qui fusionne plusieurs études). Omnicanal : web, mobile, applications, PDF, papier, e-commerce.
La reconnaissance de droits voisins est d'autant plus urgente pour la presse que les contenus des médias sont de plus aisément désagrégeables, atomisables, dispersables et réagrégeables. La plupart de ces miettes de contenus sont désormais mesurables et participent de la puissance totale d'une marque média : il y a réagrégation par la mesure.

Notons encore quatre points :
  • le droit voisin ne doit compromettre ni la liberté de l'information ni le droit de citation.
  • le droit du producteur de base de données (donc de DMP ?) n'est pas différent et relèverait de ce même droit voisin. 
  • la question des archives pose celle de la durée s'appliquant au droit voisin. 
  • ni la durée ni la périodicité ne constituent plus des caractéristiques distinctives des médias (cf. binge reading comme binge watching, consommation de la presse à l'article sur le principe de la VOD).
N.B. Le rapport évoque les exemples belge, allemand (Leitungsschutzrecht : le jugement du tribunal de Berlin est donné en annexe, en allemand) et espagnol de mise en place de dispositifs législatifs s'apparentant au droit voisin.

mardi 20 septembre 2016

Organisation du câble aux Etats-Unis : les silos du passé


L'association professionnelle américaine National Cable Telecommunications Association (NCTA), créée en 1951 sous le nom de National Community Television Council, s'appellera désormais NCTA — the Internet & Television Association. La référence au câble s'estompe et, avec elle, quelques décennies d'histoire de la télévision américaine (50% des foyers abonnés au câble mi-1980). L'association compte environ 150 membres, dont les principaux MSO comme Comcast et Charter.
L'association revendique ainsi de ne plus être définie par les silos du passé ("to reflect how the marketplace is no longer defined by the silos of the past"). Modernisation de la marque : on lâche télécommunications, on ajoute Internet. "Héritage de mots, héritage d'idées", titrait un vieux livre de philosophie qui demandait de "déballer la cargaison enveloppée dans les plis du langage" (Léon Brunschvicg, 1945). La NCTA déballe sa cargaison !

Au câble et aux câblo-opérateurs (MSO), la NCTA préfère se référer à Internet devenu à l'évidence le "média des médias" (Media mediorum !). Restent encore des silos, celui du satellite, et celui des opérateurs télécoms qui relèvent, tout comme les opérateurs du câble, des MVPD (Multiple Video Program Distributors) : Dish Network, DirecTV, Verizon, AT&T... En plus du câble pour distribuer des chaînes de télévision, les membres de la NCTA développent plusieurs activités connexes : Wi-fi, broadband, mais aussi téléphonie mobile, domotique, éditions de chaînes régionales, notamment sportives. De plus, des fusions et acquisitions récentes ont brouillé encore davantage la terminologie (DirecTV et AT&T, par exemple).

Avec ce troisième changement de nom en 65 ans, la NCTA espère redorer son image de marque alors que l'on ne cesse d'associer le câble au désabonnement (cord cutting, cord-never), de son médiocre service après-vente et de la réduction nécessaire de ses bouquets (cord shavingskinny bundles). Moderne, la NCTA se veut "technology platform". Mais cette image risque d'être encore ternie par son conflit avec la FCC : la NCTA est hostile à la réforme des set-top boxes, elle est hostile à la neutralité du net. Le président de la FCC (parti Démocrate), qui présida la NCTA (1979-1984) a d'ailleurs rappelé à la NCTA que désormais ses membres représentaient surtout le broadband et de moins en moins le câble : “You are no longer the ‘cable’ industry. You are the leading association of leading broadband providers.” (cf. Deadline, May 6, 2016).
L'économie numérique impose une remise en chantier de la terminologie en cours dans les médias.

lundi 19 septembre 2016

Snapchat à la conquête du Monde ?


Qui l'eût cru ? Le Monde se presse sur le réseau Snapchat.

Echange : légitimité contre lectorat ? A coup sûr, on peut y percevoir le signe avant-coureur d'un changement de philosophie de la presse quotidienne nationale. Le Monde espère ainsi se mettre sur la longueur d'ondes des plus jeunes générations de lycéens et des universités, tandis que Snapchat se rapproche de la légitimation culturelle et du prestige qui font la réputation du Monde depuis sa naissance.
Bien sûr, il y a des messages publicitaires, dits "Snap Ads", associés à cette avancée, sous le forme de vidéos de 10 secondes. Des marques ont parié sur la présence de leur cible sur ce support.
Comment sera intégrée cette audience dans l'audience totale du titre ?

Si d'autres titres ont été embarqués sur Snapchat, Le Monde, seul, y symbolise un changement social de l'information. Double révolution : une grande partie du lectorat vit à l'heure numérique des smartphones, il est jeune, urbain, mobile, de plus en plus diplômé et donc féminin. Cible logique d'un "prestige newspaper" d'aujourd'hui.
Ce mouvement réaffirme que la presse ne se distingue décidément plus ni par un support matériel (papier, écran), ni par une périodicité, mais par des contenus et par leur qualité. Désormais, on attend l'information partout, sur le smartphone et sur l'ordinateur, dans la boîte aux lettres, sur le linéaire du supermarché ou d'un kiosque. A l'information de s'adapter, d'inventer de nouvelles formes.
Avec Snapchat, Le Monde s'adapte au mobile et au réseau social : un mois plus tard, The Economist le rejoint sur Snapchat.

D'ailleurs, il faudra bien, un jour, donner un nouveau nom à la presse, le mot "presse" n'évoquant plus rien pour les lecteurs d'aujourd'hui : Gutenberg et la presse à bras, c'est un peu loin pour cette métonymie, bientôt six siècles ! Quant à "lectorat", admettons que le terme convient mal à la vidéo...
Et puis, finalement, n'est-ce pas la moindre des choses pour Le Monde, qui a plus de 70 ansd'être de son Temps !


Références :
  • Ithiel de Sola Pool, Harold D. Lasswell, Daniel Lerner, The "Prestige Papers". A Survey of their Editorials, Stanford University Press, 1952. 
  • En 1944, à la Libération, Le Monde succède au quotidien Le Temps (1861-1942), quotidien "de référence".
  • Im-pertinences de la terminologie média 

lundi 12 septembre 2016

Courir, courir : vies de héros ? (magazine Running Heroes)



The Running Heroes - Society -, hors-série semestriel de Society publié par le groupe So Press qui réalise déjà SoFoot, SocietyDoolittle (enfants), Pédale! (cyclisme), So Film.
9,9 €, 132 p.
Ce titre s'inscrit dans une stratégie de groupe cohérente, centrée sur l'observation des changements socio-culturels.
Il est édité avec en collaboration avec une startup parisienne du même nom, Running Heroes (2014). Synergie évidente, à développer...

Le sport comme phénomène de société. Le phénomène est ce que l'on met en lumière (du grec φαίνεσθαι), un objet d'expérience, perceptible et que l'on peut étudier parce qu'il se manifeste à l'observation. Propice au journalisme donc.
En effet, le running se voit partout, il existe presque toujours hors de toute fédération, de tout enrégimentement, même s'il y a des communautés de runners, qu'évoque le magazine, et des compétitions nombreuses organisées, hiérarchisées. Mais la liberté prime pour la majorité des runners : "Courez comme vous voulez ! ou comme vous pouvez", dit la une. "Les sportifs sont les héros des temps modernes. Ce magazine est notre manière de les célébrer", proclame l'édito.
Eloge de la liberté de courir n'importe où, en ville, surtout (le magazine apporte des exemples, et des idées) ; liberté de courir à n'importe quelle heure, du jour ou de la nuit, avec ou sans musique ; de courir de toutes les manières, mêmes tout nus, même en marche arrière (bel article sur le rétro-running venu de Chine)...

Phénomène de société ?
Phénomène langagier avec son histoire et sa sémantique : dire "course à pied" est démodé, "cross" encore plus, il faut préférer "running". Jogging ne va plus très bien, semble-t-il, et footing ? S'y ajoute le champ sémantique de la chaussure, celui de la quantification généralisée (quantified self, benchmarking continu grâce aux wearables). Une analyse lexicale des usages serait bienvenue...
Phénomène de groupe ? Finie la course en solitaire ? Pas si sûr. Le running comme foule ? La sociologie du phénomène évoquée dans la magazine est une sociologie sans data, sans statistique descriptive, intuitive. Dommage. Avec les appareils wearable et les applis des smartphones, le running est pourvoyeur de data riche, alliant santé et loisir, équipement et historique personnel. Prochain numéro ?
Phénomène politique ? Les périodes de propagande électorales sont propices à l'étalage des performances sportives des candidats. Attendons les prochaines présidentielles !
Phénomène historique ? Voir l'article sur le fameux cross du Figaro avec Alain Mimoun et Michel Jazy, manifestation qui s'achève suite aux attentats du 11 septembre à New York. Trop dangereux. L'attentat lors du marathon de Boston a rappelé la pertinence de la décision et l'enjeu de visibilité politique du sport.
Phénomène social ? Voir la communauté "Running Heroes" qui récompense les runners avec des cadeaux fournis par des partenaires : Nike, adidas, Garmin, OOshop, Uber, Bose... Plusieurs de ces partenaires sont annonceurs dans le magazine. Les runners peuvent partager leurs performances avec une appli, une montre, un bracelet connecté... Compétition différée ?
Phénomène économique ? L'industrie du sport et de loisirs est sur le coup depuis longtemps ; la publicité dans ce numéro en témoigne : Nike (cf. Nike+ Run Club), adidas, Puma, la montre GPS de Tomtom, Polar...
Pour couvrir plusieurs de ces dimensions, les articles racontent, en privilégiant l'humour, des histoires, des anecdotes ou des réflexions originales. Ainsi le running vu par des mal-voyants, la chaussure de running en 2050, les problèmes intestinaux du runner.

Par son positionnement original, The Running Heroes se distingue des magazines de sport consacrés au jogging et à la course à pied, aux compétitions (marathon, trail). Le magazine ne se prend pas au sérieux. Rien, ou presque, sauf de manière humoristique, sur la diététique, la nutrition, les chaussures, les performances, les entraînements, rien sur les applications et leurs fonctionnalité, sur les wearablesThe Running Heroes se distingue aussi des magazines de sport grand public, du sport spectacle avec ses people, ses résultats. The Running Heroes, magazine sans concurrents ?
Le format hors série joue son rôle favorable à l'innovation et à la prise de risque. Avec sa longue durée, il permet de tester le lectorat, la réaction des circuits de distribution (il nous a semblé bénéficier d'une excellente mise en place). Marketing à maturation lente, patient. N'est-ce pas aussi cela le temps réel ? Qu'en sera-t-il de la connaissance du lectorat puisque les hors-série pas plus que les semestriels ne sont pris en compte par les études de référence ? Dommage, dommage...

Le magazine s'avère un bon vecteur de publicité. Les secteurs tout public (bière, automobile, commerce en ligne, banque, médias y côtoient les annonceurs captifs : chaussures, complément nutritif, montre de sport, wearable... Tout se passe comme si les informations techniques du running avaient été transférées à la publicité. Féconde coexistence qu'organiserait cette division technique du travail de story telling : aux produits l'explication publicitaire des produits, au journalisme, l'analyse sociétale et le plaisir de lire.

jeudi 8 septembre 2016

Il n'est d'audience que mesurable


La mesure fait l'audience : il n'est d'audience que mesurée ; c'est la mesure qui construit l'audience des médias, jouant ainsi un rôle primordial sur le marché des médias et de la publicité. 
La mesure fonctionne de facto comme un agrégateur. Loin d'être pure observation, elle est construction technique, statistique ; elle a ses outils : audimètre, questionnaire, taggage, cookies, PPM, panel, reconnaissance facialeetc. Consensuelle et certifiée (CESP, MRC), la mesure est fondatrice du contrat commercial liant acheteurs et vendeurs d'audience. Une audience non mesurée s'avère une contradiction dans les termes.

Un média dès lors qu'il est numérisé n'en finit pas de multiplier et étendre sans cesse le nombre de ses supports de distribution et de réception en autant d'occasions de lire, entendre, voir... Seule la mesure comme Total Audience Measurement peut accomplir la synthèse de ces audiences dispersées, corriger des duplications, seule elle est en mesure de réaliser les agrégats "audience de la radio", "audience de la presse", etc.
Omnichannel, l'audience est désormais "une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part". Il ne saurait y avoir de définition définitive de l'audience ; par construction, l'audience est non finie : la mesure n'en finit pas, au gré des changements technologiques, de créer et déplacer des audiences (TV Everywhere, par exemple). Or, pour travailler, il faut arbitrairement arrêter les limites de l'audience, et, c'est le mesurable qui établit sa limite opérationnelle puisque seule l'audience mesurable peut être commercialisée. Quelle serait l'audience, provisoirement, non mesurable ? Peut-être celle, indiscernable, qui est trop atomisée (cf. Micro-moments, etc...), celle des applis mobiles ou celle qui n'est pas identifiable, pas attribuable (par exemple, les citations anonymisées de la presse par des journalistes de radio ou de télévision, proches du plagiat). Droit voisin ?

Les restrictions mises en place à une délimitation de l'audience mesurable se retournent bientôt contre les médias. Voici quelques exemples de définitions restrictives, arbitraires, qui ont pu faire obstacle au développement des médias :
  • audience de la télévision réduite au foyer TV, à la réception en direct ; cette définition, aujourd'hui bousculée, a fait manquer aux régies l'immense audience hors du foyer, par exemple, ou encore l'audience différée : il fallut des années pour inclure le différé dans la mesure des audiences (C3 et C7 ratings aux Etats-Unis). La mesure a finalement été débordée par les pratiques généralisées de différé et de binge viewing, de consommations poursuivies d'un appareil à un autre (resume...).
  • audience de la presse réduite à la période de référence ; dernière semaine pour les hebdomadaires, dernier bimestre pour les bimestriels, veille pour les quotidiens, exclusion des semestriels, toutes ces définitions ont tiré vers le bas les audiences de la presse, les ont appauvries quantitativement et qualitativement. L'espérance de vie d'un titre est supérieure à sa périodicité ; pour les lecteurs, un titre ne chasse pas l'autre. La lecture est seulement différée (archives). Certains titres ne devraient-ils pas vendre, comme l'affichage, de la publicité longue durée ? Enfin, quid des reprises en main ? Tout se passe comme s'il y avait une volonté de sous-estimer la puissance réelle (i.e. somme des GRP) de la presse...
Nouvelle évolution des territoires de l'audience, voici les réseaux sociaux devenus vecteurs de news, textes et vidéo. Nouvelles formes d'agrégation ou de captation de l'audience des médias ? Le modèle économique-même des réseaux sociaux les pousse à s'emparer de l'audience des médias, presse et télévision d'abord (cf. le document d'entrée en bourse de Facebook en 2012) : ils n'augmentent l'audience d'un média que parce qu'ils la détournent d'abord. Sorte de prestidigitation ! A qui attribuer cette audience ? Dans quelle mesure en rendre compte, audience cumulée ou durée de contact ?

jeudi 1 septembre 2016

Im-pertinences de la terminologie média


La présentation que fait Nielsen (cf. infra) de "l'univers média" américain (Total Audience Report) est révélatrice des difficultés terminologiques des médias.
Voyons cette présentation qui se veut complète (total).
  • Tout d'abord la presse est omise. Bizarre ! Or la presse est multi-support : le lectorat des exemplaires papier est également numérique, présent tant sur l'ordinateur que sur le mobile où il est d'ailleurs mêlé indistinctement à l'audience des réseaux sociaux, supports isolés ici par Nielsen et traités comme des médias à part entière. La presse a sans doute disparu, noyée dans le numérique.
  • Si la présentation de Nielsen accorde sa place à la radio (AM + FM), où ses activités numériques sont-elles prises en compte ?  Quid des réseaux et services musicaux tels que YouTube, Spotify, iHeartRadio ou Pandora ? Quid de l'audience des très nombreux sites de stations, d'émissions ? Est-elle comme la presse noyée dans la catégorie web ou mobile ? Cet "univers média" ne le précise pas, sous-estimant d'autant la catégorie "radio".
Peut-on, d'un même mouvement, mettre sur un même plan pour les comparer et en additionner les audiences, radio, presse, TV, réseaux sociaux, smartphone, etc. sans risquer de dupliquer ou/et de sous-estimer les segments ?
Car, ou bien l'on compare les médias, ou bien l'on compare les supports (media vehicles). La plupart des médias, comme la presse, la radio ou la télévision, sont désormais multi-support ; ils sont présents non seulement sur leur support de prédilection, traditionnel (téléviseurs des foyers, papier, récepteur radio) mais aussi - et parfois majoritairement (mobile first) - sur le web, donc sur les écrans d'ordinateur et de smartphone (streaming, via des réseaux sociaux, parfois). Omnicanal, dit-on, pour résumer.
Un journal, un magazine, une station de radio ou de télévision produisent des contenus, les distribuent eux-mêmes et louent également des canaux de distribution (dont les réseaux sociaux, les MVPD - Multiple Video Programing Distributors, etc.) auxquels, en échange, ils apportent de l'audience et un potentiel publicitaire.

Cette affaire de terminologie et de classification dépasse la question de l'audience ; on la retrouve dans le cas des recettes publicitaires (cf. la terminologie du Marché publicitaire utilisée par l'IREP et France Pub).
Accordons-nous au moins sur quelques distinctions élémentaires. L'économie numérique des médias et de la publicité a en effet brouillé les catégories traditionnelles, devenues obsolètes.
  • Les formes des contenus médias varient (texte, video, audio, photo). La presse comme la radio produisent aussi de la vidéo, de l'audio, du texte, de la photo, du e-commerce pour les diffuser sur leurs sites, leurs applis... On pourra de moins en moins distinguer et classer les médias selon la forme de leurs contenus  et encore moins selon la forme première du média : existe-t-il de la presse sans papier, de la télévision sans téléviseur ? L'univers de concurrence est à recomposer et d'abord à repenser... ce que fait le 7 septembre 2016 The Newspaper Association of America qui, abandonnant le papier dans son nom (newspaper), s'appellera désormais News Media Alliance.
  • Ces contenus, plus ou moins agrégés, peuvent emprunter divers canaux de distribution / réception : kiosques, boîtes aux lettres ou portage, applis de smartphones, sites web sur smartphone, tablettes ou ordinateurs, broadcast ou broadband / streaming...
  • En fait, si l'on extrapole ce raisonnement, à terme, les publishers (i.e., médias) ne se distingueront plus que par le thème de leurs contenus et non par leurs supports : cuisine, voyages, information, football... Leur distinction (unique selling proposition, USP) se résume à une marque, marque éditoriale, marque média (qui peut être une marque ombrelle). Faut-il en finir avec la notion de "pure player" ?
Et les réseaux sociaux ? Ce sont d'abord des canaux de distribution sans contenus propres autres que ceux générés par leurs utilisateurs (U-GC).
Facebook le revendique sans ambigüité. cf. Reuters (August 29, 2016) : "we are a tech company, not a media company,"[Facebook is] a technology company, we build the tools, we do not produce any content"). Alors, les réseaux sociaux constituent un support et non un média... Un tribunal californien a d'ailleurs admis l'irresponsabilité éditoriale de Twitter en août 2016.
Mais Facebook ou YouTube, comme Le Monde ou The Washington Post, toutes entreprises bifaces, ont aussi développé des régies publicitaires, très puissantes : frenemies ? Jusqu'où, jusqu'à quand ?


Sources : RBR, Nielsen, August 30, 2016.

mardi 23 août 2016

Fearless, documentaire sportif : le rodéo vu par Netflix


La télévision américaine diffuse depuis longtemps des documentaires consacrés aux sports sur des chaînes comme HBO, ESPN, Epix... Netflix investit à son tour ce créneau avec un sujet inattendu consacré aux Bull Riders brésiliens et américains qui montent des taureaux pour en faire un spectacle, un sport professionnel, sous la houlette de PBR (Professional Bull Riders).
Documentaire en 6 parties, "Fearless" est produit par Brazil Production Services et diffusé par Netflix depuis le 19 août 2016. Le documentaire filme et sérialise le "tour" de ces professionnels, "tour" qui commence au Brésil (Barretos, Sao Paulo) pour s'achever en finale à Las Vegas (PBR World Finals).
Une partie du tournage, réalisée en portugais, est sous-titrée en anglais.
Sport issu du métier de cow-boy et de l'élevage bovin (dressage des taureaux, suivi vétérinaire). Codifié précisément pour permettre des comparaisons, des classements, des commentaires, des annonces, etc. ce sport nouveau présente de plus en plus une structure spectaculaire analogue à celle des sports traditionnels.


Le thème dominant de la série est le danger et la peur. Danger : les blessures sont graves, handicapantes souvent. Peur du danger qu'il faut combattre avant chaque rodéo (faut-il être sans peur, "fearless" pour gagner ?), crainte rarement avouée des taureaux écumants qui font des sauts prodigieux pour désarçonner leur cavalier qui se cramponne à la corde (bullrope). Au bout du danger et de le peur, brille l'espoir de la gloire et de l'argent. Malgré les drames, la série est illustrée de rêves d'enfants, de la fierté des familles : toute la féérie et le folklore des sports dans une société du spectacle. La série, selon Netflix, explore la "condition humaine".

Grâce à son étrangeté, ce sport que nous ne connaissons pas en Europe permet de percevoir toute l'économie du spectacle sportif, tous ses ingrédients : arènes, mise en scène, hymnes nationaux, uniformes (couverts de publicité), gestes religieux, pin-ups, parrainage, sonorisations assourdissantes, discours de célébration et d'exagération qui empruntent à la réthorique religieuse. "Les dieux du stade", disait-on (cf. "die Götter des Stadions", 1936, film de Leni Riefenstahl, cinéaste hitlérienne).
Qu'est-ce qu'un sport ? Construit par tout un champ d'acteurs autour d'un enjeu économique dont la dénégation est partie prenante : sportifs, sponsors, agents, organisateurs (fédérations qui luttent pour le monopole de la légitimation) et fans. L'avénement d'un sport dans certaines compétitions (jeux olympiques), et sur certaines chaînes est l'étape finale de la légitimité... L'histoire de ESPN2 (lancé en 1993) est une illustration de cette légitimation progressive de sports alternatifs par la télévision : sports extrêmes, lumberjacking (scieur de bois, bûcheron), billard, beach volleyball, VTT, snowboard, BMX, etc. : sports jeunes dont les droits sont encore accessibles et dont l'audience est à construire. Le rodéo est au tout début de ce parcours de légitimation, Netflix y contribuera.

Cette série documentaire témoigne de la stratégie constante de Netflix : diversification de l'offre au-delà de la fiction (séries, films), avec des émissions moins chères, émissions pour enfants, animes, talk-show ("Chelsea"), voici maintenant le tour des contenus dits de "niche" ; internationalisation aussi, avec un pluri-linguisme recourant au sous-titrage (ce qui réhabilite cette technique et ce mode de consommation inhabituel aux Etats-Unis). Netflix rentre dans le sport par le documentaire de niche et se tient à distance des retransmissions sportives en direct.

jeudi 18 août 2016

De TF1 à Netflix : "Crossing lines", série policière internationale ?


La série policière "Crossing Lines" décrit l'activité (police procedural) d'une unité de police européenne, transfrontalière ; la série est plus ou moins inspirée par l'action de la Cour Pénale Internationale (International Criminal Court, ICC). Cette unité de police, fictive, est amenée à souvent agir à la limite du droit local qu'illustrent et défendent des fonctionnaires nationaux jaloux de leurs prérogatives territoriales. Beaucoup de plans de coupe illustrant des voyages, des trains à grande vitesse (TGV, Thalys), des gares, des hélicoptères (choppers) meublent la série. Difficile de ne pas penser à "Criminal Minds" (2005), la série de CBS dont l'équipe du FBI, d'épisode en épisode, se déplace rituellement en avion à travers les Etats-Unis pour résoudre des "cas", transcendant symboliquement les juridictions des Etats.

Copie d'écran de l'appli Netflix 
(août 2016)
Pour élargir le marketing de la série, un policier new yorkais est enrôlé dans l'équipe européenne. Cette unité de police en vient souvent, pour le bien commun, à franchir les ligne tracées par le droit international ("crossing lines"). Polysémie du titre.
La complexité des intrigues tient en partie à leur internationalité. Il est certes difficile de rendre compte, de faire voir, l'internationalisation ; celle-ci est souvent traitée superficiellement à coups de clichés. La série se trouve ainsi émaillée d'images touristiques, de cartes postales. Plus originales sont les illustrations graphiques, à base de cartes, de plans, de lignes croisant des destinations, des provenances... Datavision trop peu exploitée. Quant aux insurmontables difficultés liées aux barrières langagières - tant de langues et d'accents en Europe - elles sont vite surmontées : l'anglais est la koiné de cette police internationale. Ce n'est guère crédible, d'autant que l'accent anglais de certains acteurs non anglophones est parfois difficile à comprendre, sans compter l'accent irlandais... La fiction croise ici les problèmes classiques de l'internationalisation des interfaces vocales (cf. Appen) pour les assistants virtuels (voice bots) : Google Now, Siri, Cortana, Alexa, etc.

Dans son ensemble, "Crossing lines" est agréable à suivre même si l'intrigue est parfois quelque peu décousue, désarticulée voire incohérente : d'un épisode à l'autre, d'une saison à l'autre, des personnages disparaissent sans explication (facilité narrative des événements hors champ, notamment lors du passage de la saison 2 à la saison 3).

La série co-produite par Tandem Productions, TF1 et Sony, compte trois saisons (2013-2015 : 34 épisodes de 45 minutes). Elle a été diffusée par TF1 (France), NBC (E-U), Sat1 (Allemagne), RAI2 (Italie), Netflix, Amazon Video (Grande-Bretagne), RTS1 (Suisse), La Une (Belgique) et AXN (Inde, Sony). NBC a diffusé la série en été et s'en est tenu à la première saison, faute d'audience suffisante. TF1 n'a diffusé que deux saisons.
Après son échec - relatif - sur NBC, la série trouve une nouvelle vie avec Netflix.

vendredi 12 août 2016

Nexstar Broadcasting Group : le localisme de la TV américaine à l'œuvre


C.A. en millions de USD
 (cf. Financial results for the second quarter, 2016)
La répartition du chiffre d'affaires de Nexstar Broadcasting Group énonce le modèle économique actuel d'un groupe de stations de télévision (broadcast).
La moitié des revenus proviennent de la publicité locale (dont un quart de national spot), plus du tiers provient des droits de retransmissions locales (retransmission fees) payés par les networks nationaux.
Le reste des revenus provient du numérique (publicité hyper-locale sur les 63 sites des stations, "community portal") et de la publicité électorale (cette part, locale, ira croissant aux T3 et T4, étant donnée le proximité des élections).

Localisme et numérique
Nexstar se définit elle-même comme un média local dont le principe est le localisme (a media company that leverages localism). Le groupe, basé à Irwin (Texas) est présent dans 62 marchés (DMA) de rangs moyens, touchant 18% des foyers TV américains. Les 104 stations (full-power) sont presque toutes affiliées à des networks nationaux (sauf 3 indépendantes). Nexstar est le troisième groupe pour les revenus publicitaires locaux (spot), après Fox et CBS.
Pour le numérique, le groupe fournit des contenus et des services locaux à ses stations. Il développe Lakana (2015), une plateforme de gestion des contenus (SaaS) pour les éditeurs (publishers). En octobre 2015, Lakana a acquis Kixer (machine learning, monétisation du mobile).

Une stratégie d'acquisitions
Depuis 2004, Nexstar (Nasdaq: NXST) rachète des petits groupes de stations. En 2016, Nexstar a racheté le groupe Media General Inc., accroissant ainsi son "legacy broadcast portfolio". Une fois l'acquisition achevée, le groupe touchera 39% des foyers TV américains dans 100 marchés (DMA) et sera rebaptisé Nexstar Media Group.

Capture d'écran sur le site du groupe