jeudi 1 décembre 2016

Midnight Diner: une série de petites histoires japonaises sur Netflix

Couverture du manga
(Anime News Network)

Le générique lance de belles images nocturnes de Tokyo, de Shibuya, centre de Tokyo où tout le monde se croise. Carrefour de néons, de couleur et de précipitation. Sous-titres en anglais.
C'est l'histoire d'un restaurant de nuit, ouvert de minuit à 7 heures du matin. La série réalisée par Joji ­Matsuoka est basée sur un manga de Yaro Abe, manga primé qui a connu un succès considérable au Japon.
Ce restaurant cuisine des plats de cuisine familiale presque triviale, on y sert aux noctambules du saké et de la bière. Chacun y écoute l'histoire de son voisin, de sa voisine, dans la vie urbaine, sous l'œil bienveillant du chef ("master").

Choix remarquable de Netflix qui sert cette série de 10 épisodes de moins d'une trentaine de minutes (depuis le 21 octobre 2016). Choix sans grand risque puisque cette série exploite un filon de notoriété avéré : en plus du manga, elle a été précédée de deux ensembles d'épisodes et d'un film. Succès d'audience à chaque fois.

Les habitués qui se rencontrent dans le restaurant, fatigués de la journée, sont en général de modestes héros, humbles, parfois un peu ridicules mais beaucoup de générosité et de tendresse les habitent. Des histoires d'amour improbables se dénouent, des complicités se créent : une femme tricote pour déclarer sa flamme, une chauffeure de taxi, aux amours contrariées, dit la fièreté de son métier, une Coréenne émigrée travaille pour payer les dettes de ses parents, un acteur que le public boude, un joueur de mahjong et son jeune fils...

La série décentre, elle bouscule l'ethnocentrisme du téléspectateur occidental que la culture télévisuelle japonaise désoriente : la langue d'abord, la bande-son, la politesse méticuleuse (les techniques du corps), les calligraphies, les plats et les manières de cuisiner. Le titre de chaque épisode renvoie au met cuisiné ce jour là (l'omelette au riz, etc.). On notera l'art subtile de filmer le travail du cuisinier qui montre la place des couleurs dans la cuisine japonaise, l'élégance des baguettes, le bruit des cuissons... Claude Lévi-Strauss, qui fut un amoureux fervent du Japon, recommandait aux occidentaux d'en "apprivoiser l'étrangeté" (L'autre face de la Lune. Ecrits sur le Japon, Paris, Seuil, 2011). "Midnight Diner" y contribue...

"Midnight Diner", montre l'ambiance tendre d'un lieu public étroit et réconfortant, un bistrot de quartier (Shinjuku) ; on peut penser au diner de Edward Hopper, mais sans le sentiment de solitude ("Nighthawks", 1942). Synthèse d'exotisme du quotidien (pour les télépectateurs occidentaux), de vignettes, de portraits rapidement brossés. L'ambiance, le bistro comme point de concours du social, la structure narrative tout cela fait penser aux textes de Henri Calet, Joris-Karl Huysmans et parfois à "How I met your mother" (CBS).


7 commentaires:

Anonyme a dit…

L'association entre Netflix et Fuji TV pour l'adaptation du manga de Yarô Abe en un "drama" est vraiment une très bonne ouverture culturelle. Cela permet une diversification des genres proposés sur Netflix et d'alimenter son catalogue, de sorte à s'ouvrir à un public plus large.

De manière générale, les "dramas" ont une tendance à être surjoués par les acteurs. Cet effet est voulu, propre à ce genre. Il est conseillé à tous les curieux de se laisser prendre au jeu, et de tenter l'expérience proposée par Netflix.

mariebussy226

Anonyme a dit…

Netflix est un acteur qui investit massivement dans le contenu ! En effet, ce poste de dépense représente 6 milliards d'investissement en 2016.
La stratégie est le "glocal" : on produit local pour un public global ! Prenons l'exemple de la série Marseille : l'intrigue, la culture et une grande partie de l'équipe artistique sont françaises mais le public visé reste bien évidemment les consommateurs de Netflix qui viennent du monde entier ! C'est dans cette optique là que Midnight Diner est une série présente sur Netflix.
Jean-Benoît Henry 226

Anonyme a dit…

Avec Midnight Diner, une adaptation du manga "Shinya Shokudo" de Yaro Abe, Netflix tend à varier les genres et s'ouvrir culturellement à des nouveautés exclusives. Cette diversification culturelle de la part de Netflix est une très bonne chose : elle va permettre à de nombreuses personnes abonnées au service de découvrir un nouveau genre, le "drama", extrêmement apprécié au Japon. Si le drama est surjoué par ses acteurs, il s'agit d'un effet voulu, tout à fait propre à ce genre. Le drama est un peu la version Japonaise de nos fictions du type "plus belle la vie", mais sur un format d'épisodes plus longs, et le plus souvent adaptés de mangas. Pour cette belle initiative de la part de Netflix, espérons que le succès soit au rendez-vous, afin que l'on découvre de plus en plus de pépites réalisées aux quatre coins du monde.

mariebussy226

Unknown a dit…

Midnight Diner est une fenêtre ouverte sur la culture japonaise, poussée par le succès connu par Narcos, autre production originale de Netflix qui a fait découvrir à des millions de téléspectateurs la culture Sud-américaine au travers de l’intrigue centrée sur la vie de Pablo Escobar. Narcos a véritablement légitimé son approche de la production de contenus originaux et l’a encouragé à investir dans une nouvelle série dont le décor ne serait pas un pays anglo-saxon. En plein dans sa phase d’exportation hors des Etats-Unis, la plateforme de vidéo à la demande garde bien en vue son objectif de conquête d’une audience désormais mondialisée, et cela passe par la production de contenus internationaux : The Crown (UK), Marseille (France), et maintenant Midnight Diner qui devrait satisfaire ceux qui reprochent à Netflix son manque de diversité. C’est un pas vers la représentation des cultures autres que la culture Nord-américaine, mais il y a du chemin à faire en matière de représentation de toutes les cultures. Midnight Diner : une recette infaillible ? Peut-être sur les marchés occidentaux friands de contenus variés et chez les « foodies », mais quel sera l’accueil sur le marché japonais où les goûts sont très marqués localement ?

Unknown a dit…

Réunis autour de plats préparés avec amour, les clients et le chef d'une gargote tokyoïte sans éclat établissent peu à peu des connexions simples, mais profondes.
Cette association de genres permet à Netflix de surfer sur une tendance majeure que les autres chaines françaises exploitent, avec beaucoup d’émissions qui se développent autour de rencontres avec des chefs français inconnus du grand public, qui nous font voyager dans toutes nos belles régions de France.
Encore un beau succès pour Netflix qui se profile !

ArthurTERRYMaster226

Unknown a dit…

Depuis que HBO Asia avait lancé en 2015 « Halfworlds », une excellente série diffusée dans toute l’Asie Pacifique (de l’Inde à la Thaïlande jusque Singapour), Netflix cherchait une réponse appropriée pour installer sa marque dans cette même zone et contrer la chaîne à péage. C’est chose faite avec « Midnight Diner », sa série nippone. Enfin, pas tout à fait … En pariant sur le Japon, Netflix a fait un choix aussi ambitieux que clivant. L’Asie est, à juste titre, un ensemble factice pour les géographes, où les cultures, les langues (qui parle japonais en dehors de la péninsule ?) et l’histoire (le Japon et la Seconde Guerre mondiale ont laissé des traces en Corée du Sud et en Chine) opposent les nations voisines et limitent ainsi les ventes à l’export de formats audiovisuels.
Si l’installation sur le marché domestique est amorcée, Netflix est donc loin de conquérir le Japon et toute l’Asie! L’audiovisuel japonais est assez schizophrène, plus proche du défouloir social que du diffuseur à la triple mission d’information, de divertissement et de propagation de la connaissance : citons, pour en montrer la complexité, Takeshi Kitano, cinéaste art et essai au panthéon du Septième art, et Coluche trash et cash à la télévision.
De manière plus générale, la stratégie de Netflix trouve ses limites sur des marchés culturellement et historiquement très marqués. Marchés sur lesquels HBO et sa capacité à événementialiser font encore la différence (« Sacrifice » d’Agnieszka Holland dans les pays de l’ex-bloc de l’Est ; « Halfworlds » en Asie). L’algorithme de Netflix n’est pas capable de pertinence « à la marge » et, encore moins de remplacer la créativité. Bien réalisé et scénarisé, « Midnight Diner » n’est pas l’évènement qu’à pu être « Shokuzai » de Kurosawa en 2012 qui est devenu un véritable phénomène de société, lors de sa diffusion sur Wowow. Les avertis reconnaîtront aussi dans la trame de « Midnight Diner » le pattern des « Délices de Tokyo ». Du déjà-vu et du mieux-fait donc…
nicolasbauche226

Anonyme a dit…

Texte qui donne envie de regarder la série !

Il est sûrement intéressant de jeter également un coup d’œil au manga original pour mieux comprendre l'intérêt que porte le public japonais à cette série, étant donné le lieu central qu'occupe le manga dans la vie culturelle japonaise (bien différent de celui qu'occupe la BD dans la culture française et belge).