jeudi 19 octobre 2017

La BD dans la presse


Les Cahiers de la BD, Vagator Productions, trimestriel, 204 pages, 12,5 €. Tiré à 20 000 exemplaires. Distribution Presstalis. Abonnement annuel : 39 €.

La BD serait le neuvième art, a-t-on dit. Elle a, en France, acquis une certaine légitimité culturelle qui se traduit par sa présence dans la didactique de la lecture à l'école élémentaire (cf. J'apprends à lire en BD, ci-dessous), par un master spécialisé (à l'université de Poitiers), des Etats Généraux, un Festival International de la BD d'Angoulême (le 45ème aura lieu en janvier 2018), par des expositions dans des musées, des reprises au cinéma...
Il y aussi des librairies spécialisées, des parcs à thème, etc. Certains héros de BD sont archi-connus : Tintin (à l'époque, le seul rival international de De Gaulle, selon André Malraux), Astérix, Mickey, Calvin and Hobbes, Spirou, Pif, Lucky Luke, Le Chat du Rabin, celui de Philippe Geluck (qui fut présent pendant trente ans dans le quotidien belge, Le Soir), Garfield, Gaston Lagaffe, etc. BD et érotisme, BD et litttérature, BD et philosophie... La BD a "l'âge de raison", estime Vincent Bernière, le rédacteur en chef dans son édito. Normal donc qu'elle prenne les "chemins de la liberté" !

Il n'est pas surprenant que la presse ait son mot à dire en matière de BD, aussi, les titres consacrés à la BD ne manquent pas dans la presse française, magazines périodiques ou hors-série.
Le dernier né est un revenant : lancés en 1969, Les Cahiers de la BD avaient cessé de paraître en 1990 ; les voici de retour après 27 années d'interruption grâce à un financement participatif (avec KissKissBankBank). Ce mode de financement illustre le dynamisme de la presse et l'engagement de son lectorat.
Publicité dans Les Cahiers de la BD ? Oui, quelques pages, en affinité parfaite avec les contenus éditoriaux ; publicité jamais intrusive, jamais gênante. On compte beaucoup d'éditeurs parmi les annonceurs : Glenat, Gallimard, Casterman, Dargaud  ; des galeries, des expositions aussi... Annonceurs captifs. On pourrait certes attendre d'autres annonceurs, venant du cinéma, de la télévision (Netflix ?), par exemple...
Le contenu des Cahiers est riche et divers ; il est divisé en neuf parties. Cahier chronique, cahier icônique, cahier technique, cahier thématique (avec un article sur la mort des héros de BD), un cahier esthétique, un cahier muséographique (un dossier Goscinny, en relation avec l'exposition qui lui est consacrée au Musée d'Art et d'histoire du judaïsme), un cahier historique (avec un article sur B.D. L'hebdo de la B.D. au format tabloïd, publié en 1977-78 avec Cavanna et Choron)...

L'audience de cette presse présente des qualités de lectures certainement sous-estimées et peu évaluées par les médiaplanners et leurs clients annonceurs : le nombre de reprises en main, la présence de "longue durée" allant bien au-delà de la périodicité de publication, l'attention assurée (engagement, intention d'achat proche), la qualité de la lecture sur support papier (tranquille, calme, toute à son plaisir)... La vente en librairie (à proximité des BD dont il traite), le magazine a tout pour plaire aux annonceurs...
La BD est souvent présente avec des hors séries : ainsi, au cours des dernières semaines, on notera celui de Auto Plus, par exemple, qui mobilise Astérix, tout comme Science & Vie ("La vraie vie d'Astérix en 100 questions", octobre), et Paris Match ("Goscinny & Compagnie", septembre) ; notons encore "Corto Maltese et la mer" (Ouest France, octobre), J'apprends à lire en BD (éditions Milan, juillet), J'aime lire BD (octobre), "Gaston un philosophe au travail" (Philosophie magazine, octobre)...
Les Cahiers de la BD rejoignent de nombreux titres de magazines consacrés à la BD : dBD. L'actualité de toute la bande dessinée (mars 2006), J'aime la BD ! (Bayard, janvier 2004), La revue dessinée (septembre 2013), Topo (septembre 2016), L'immanquable (décembre 2011),  Blandice. La BD sans dessus ni-dessous (janvier 2017), Casemate. Chaque mois l'esprit BD (janvier 2008), BoDoï (septembre 1997), Comic Box (juillet 1998), Fluide Glacial (avril 1975), Canal BD (novembre 1997), L'Avis des bulles (1996)...  Sans compter les titres consacrés aux mangas et aux superhéros.

La presse confirme ainsi son rôle unique de moteur de toutes les activités culturelles (cinéma, littérature, histoire, musique, danse, BD...). Elle est miroir et accélérateur de diffusion, de légitimation.


Biblio :

- l'article fondateur de Luc Boltanski, "La constitution du champ de la bande dessinée", Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1975, pp. 37-59.

- pour un bilan récent : "Le sacre de la bande dessinée", Le Débat, N° 195, mai-août 2017, éditions Gallimard, 208 p.


Juillet 2017 (5,95 €)

Octobre 2017 (6,9 €)

5 commentaires:

SARAH OUAKI a dit…



La BD retient également l'attention de plus en plus d'acteurs de l'audiovisuel. Si la thématique des Super-héros de bande dessinée a traditionnellement été exploitée par les studios Hollywoodiens, Besson s'est dernièrement inspiré d'une série de bande dessinée créée par deux artistes français dans les années 1970. La série de bande dessinée française Valérian et Laureline, a été effectivement été dessinée par Jean-Claude Mézières et scénarisée par Pierre Christin dans les années 1970. Si les chiffres n'ont pas été à la hauteur des espérances de Besson- du moins au niveau du marché américain- le genre de la BD ne cesse d'inspirer la production.

Outre la production, l'univers des Super-héros suscite désormais l'intérêt des diffuseurs. C'est en tout cas le cas du géant Netflix qui a annoncé en août dernier l'acquisition de Millarworld, la société d’édition du scénariste britannique Mark Millar. D'après Netflix, cette toute première acquisition : « est une progression ayant pour objectif de travailler directement avec des créateurs prolifiques et doués, pour acquérir les droits sur des histoires mettant en scène des personnages fascinants, et des mondes fictifs imbriqués » ( voir le communiqué http://files.shareholder.com/downloads/NFLX/4950424958x0x952713/155017DE-F0EF-47FA-972C-F9B002997979/PDF_Netflix_Acquires_Millarworld_-_Final_1_.pdf)

La BD s'avère donc être également un outil de légitimation des stratégies des diffuseurs. A suivre...


Sarah Ouaki

Unknown a dit…


Il est vrai que l'on peut observer qu'en France, la BD se porte plutôt bien.
La BD est au 3 èm rang de l'édition Française derrière la littérature générale et l'édition jeunesse. Le chiffre d'affaire de la BD lui a grimpé de 20 % en 10 ans (261 Millions d'euros en 2015).
La BD tire son épingle du jeu dans le secteur de l'édition grâce notamment à des séries historiques qui tirent les ventes vers le haut. (Le dernier Astérix à été publié à 5 millions d'exemplaires, le dernier Titeuf à 550 000 exemplaires, Largo Winch à 350 000 exemplaires, ce qui traduit un certain succès des BD dans le secteur).

Etant amateur de BD, je trouve que la BD est de plus en plus présente dans le quotidien et il y a de plus en plus de magazines (la revue dessinée que vous avez évoqué) qui aborde des sujets d'actualité mais sous forme de bande dessinée, ce qui est à mon sens un bon moyen d'aborder l'actualité et les problématiques sociales en direction des plus jeunes notamment.
Même au niveau audiovisuel, Il y a de plus de plus en plus d'émissions TV sous forme BD ("Avez vous déjà vu ?", ou encore la série d'Arte que l'on pouvait suivre sur le compte Instagram d'Arte qui s'appelle "ETE", mais aussi l'adaptation de la bande dessinée de Marion Montaigne "Tu mourras moins bête" en série animée.
En effet comme l'a souligné Sarah, la BD a retenu l'attention de beaucoup d'acteurs de l'audiovisuel. La BD en France est aussi à l'origine de beaucoup de films d'animations (Astérix et Obélix, Tintin, Les Schtroumpfs, Ernest et Célestine) et de films (BOUL et BILL, Le Petit Nicolas, Spirou et Fantasio (2018), Gaston Lagaffe (2018) à paraitre). Cela s'explique par le fait que les héros de BD ont un public déjà établi et souvent transgénérationnel, ce qui peut avoir un coté rassurant pour un producteur de film.

En raison de ce qui précède, on peut observer que la BD est beaucoup plus présente notamment à travers plusieurs médias la presse, la télévision, réseaux sociaux (Instagram), mais également le cinéma et ne se cantonne plus au secteur du livre.
Par cette technique la BD s'est démocratisée et s'est rendue beaucoup plus accessible au gens.

Arthur Landault

Claire MAITROT a dit…

Toutes les adaptations audiovisuelles ou cinématographiques de bandes dessinées montrent bien que cet art n’a jamais cessé de plaire et est probablement l’une des formes de divertissement les plus attendues par le public. En effet, Largo Winch (film de Jérôme Salle, 2008), l’Elève Ducobu (film de Philippe de Chauveron, 2011), Tamara (film d’Alexandre Castagnetti, 2016), Lucky Luke (FR3, 1984) ou encore Les Aventures de Tintin (FR3, 1992) ont tous été des succès en salle ou des rendez-vous télévisuels.

La longévité du Magazine SPIROU, fondé en 1938 par Jean Dupuis illustre le fait que le 9ème art attire, qu’il est source d’imagination et que les lecteurs - quel que soit leur âge - lui vouent un intérêt certain. Cependant, comme le montre une enquête réalisée en 2011 par « Neuvième art » (http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?rubrique91) sur la lecture des français, les enfants sont les plus gros consommateurs de bandes dessinées: 90% des 11-14 ans déclarant être lecteurs de ce genre d’oeuvres.

Par ailleurs, le succès, en 2016, de l’exposition HERGE, au Grand Palais a montré que la bande dessinée avait encore de beaux jours devant elle, le père de Tintin ayant attiré plus de 300 000 visiteurs !

Ainsi, le retour des Cahiers de la Bande Dessinée n’est pas une réelle surprise tant cet art n’a jamais été délaissé. On peut le constater sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank: 432 personnes ont contribué - à ce jour (24 octobre 2017) - au financement du retour du magazine pour un montant de 33 282 euros (bien au-là des 15 000 euros initialement espérés).

L’existence de sites internet tels que http://www.9emeart.fr ou encore http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?rubrique67 est une illustration de la demande du public, de la volonté d’échanger sur des nouveautés, des actualités relatives à la bande dessinée.

Enfin, la bande dessinée a su s’adapter à l’ère d’internet. Le site « YOUSCRIBE » propose un abonnement permettant de lire de manière illimitée de nombreux classiques du 9ème art tels que Gaston Lagaffe, Garfield, Largo Winch, Achille Talon ou encore Iznogoud: la bande dessinée n’est pas un art passé, bien au contraire, il sait se renouveler!!

Unknown a dit…

La BD dans la presse...mais à l'inverse la presse dans la BD ?
Je ne peux que penser à Tintin qui est le journaliste, l'envoyé spécial pour un journal au sein la BD.

Ce journaliste qui au final ressemble plutôt à un aventurier globe-trotteur, et très engagé pour aller au fond d'un mystère et d'une affaire.
Tintin a fait rêver une large cible de 7 à 77 ans depuis 1929, et aura touché un grand nombre de sujets.

Le journaliste et animateur de radio français Claude Villers confie lors d'une interview à Paris Match : "J'ai toujours voulu marcher sur les pas de Tintin. A 11 ans, je dévore les albums de ses ­aventures.[...] Et, comme mon personnage de BD, je veux être reporter et voyager."

Tintin donne cette image d'un journaliste parfait qui part sans se retourner, sans se soucier de ce qu'il laisse derrière lui au nom de la vérité et la fin de l'énigme.

Seul bémol, Tintin n'écrit jamais d'article et les passages avec son éditeur et le journal pour lequel il écrit est quasi (jamais?) mis en image.
Une mise en abime intéressante d'un journaliste, qui parait idéal par son investissement et qui a su faire rêver, mais qui au final n'écrit jamais d'article pour la presse belge.

Unknown a dit…

Votre article est à la fois très intéressant et permet de mieux évaluer les contours de l’industrie de la Bande-Dessinée.
En effet, il souligne l’importance de ce genre parfois peu ou pas assez (selon moi) mis en lumière dans le paysage culturel. Pourtant, il est de plus en plus reconnu notamment grâce aux reprises au cinéma, comme vous le mentionniez si justement. La sortie de Valérian et la Cité des Milles Planètes de Luc Besson cette année, en est un exemple édifiant. S’inspirant de la bande dessinée de science-fiction Valérian et Laureline de Jean-Claude Mézières, Pierre Christin et Evelyne Tranlé, publiée en 1967, le fameux réalisateur français a tenté de lancer une franchise internationale à succès.

Au-delà de la réception du film en salle, cela prouve une nouvelle fois que la bande dessinée est un terrain créatif très riche. Par ailleurs, la bande-dessinée à l’avantage de toucher une audience large, ciblant les jeunes et les moins jeunes alors qu’elle-même reste, jusqu’à présent, indémodable.