mercredi 25 avril 2018

Soap magazines, dernier carré de la presse TV américaine


Sur le présentoir avant une caisse
dans un supermarché Publix (avril 2018)
La presse télévision américaine a vécu ; elle a été asphyxiée par l'abondance de télévision et par le développement d'outils de connaissance et de sélection électronique puis numériques, plus commodes, offerts d'abord par le câble puis le satellite, puis, enfin par Internet. Cela se poursuit par des applis et des assistants vocaux. Netflix donne le ton du guide de la consommation de la télévision de l'abondance. L'ergonomie des guides électoniques ou numériques reste discutable ; la commande vocale est approximative... mais cela progressera ! Dernière des évolutions : Netflix propose une appli pour des previews de 30 secondes...

Pourtant, une presse résiste discrètement qui reste en vente dans les supermarchés, une presse de magazines papier qui couvrent les soap operas (en plus de deux titres spécialisés). Plutôt people télévision : gros plans sur des acteurs, leur vie, leur vêtements... Récapitulation des intrigues (Storyline recaps), indications concernant les événements en cours (sneak previews). Tout ce qu'il faut pour suivre son soap favori.

Voici trois titres. Ils se ressemblent : bimensuels, même format poche, 98 pages, même prix (4,99 $). Ils traitent des soap opera diffusés par les trois networks historiques (ABC, CBS, NBC), en début d'après-mdi (tranche horaire dite daytime). Très peu de publicité, surtout pour des produits VPC.

  • Soap Opera digest
  • CBS Soaps in depth
  • CBS ABC NBC Soaps
  • Les soaps constituent un genre télévisuel après avoir été un genre radiophonique ils témoignent d'un phénomène télévisuelet socio-culturel remarquable. Certains soaps ont une longévité étonnante. "Guiding Light" commença sa diffusion à la radio en 1937 avant de passer à la télévision en 1952 ; pendant une phase de transition, il fut diffusé à la radio et à la télévision et sa diffusion ne cessa qu'en 2009 (après plus de 20 000 épisodes - radio + télévision). Une chaîne spécialisée (câble et satellite) a existé entre 2000 et 2013, Soapnet (groupe Disney); elle se consacrait à la rediffusion de soaps.

    Les soaps, c'est toute une culture ! Ils ont leurs fans, au premier comme au second degré (House, le fameux médecin de la série, est un de ces fans). Des fans très nombreux et fidèles (loyalty). Chaque soap suit les aventures et les querelles de familles établies dans une ville moyenne, meurtres, maladies graves, mariages, divorces... c'est qu'il en faut des événements pour qu'un soap puisse durer ! Du coup, il existe des Soap Trivia pour que s'y mesurent les spécialistes et fans (exemple), et de véritables addictions.

    Les magazines traitent principalement de quatre soap opera :
    • "General Hospital" (GH), diffusé par ABC, compte plus de 14 000 épisodes ; il a débuté en 1953, c'est le plus célèbre. Elisabeth Taylor et Roseanne Barr (de "Roseanne") y ont été invitées.
    • "The Young and the Restless" (Y&R) est diffusé par CBS depuis mars 1973 et compte près de 12 000 épisodes.
    • "Days of Our Lives" (DOOL), co-produit par Sony Picture Television, a été lancé par NBC en novembre 1965. Plus de 13 300 épisodes.
    • "The Bold & the Beautiful" (B&B), sur CBS depuis mars 1987.



    jeudi 19 avril 2018

    Une vie de chat : mode d'emploi (magazines)


    miaou. La revue pour ronronner de bonheur, trimestriel, 170 p. , 10€ (une version "collector" est en vente en librairies pour 12,95€), Prisma Presse, avril 2018

    Tout pour le chat, et pour celles et ceux qui vivent avec. La naissance, les premiers jours, d'heure en heure ou presque ; l'odorat, la vue, l'ouïe, la perception des vibrations, parfaits pour les chats ; en revanche, leur sens du goût est limité (ce que ne dit pas la publicité TV, qu'ils ne regardent pas, de toute façon). Comment s'exprime le chat, quel est son langage corporel ? Que disent ses miaulements, ses ronronnements ? L'inventaire du mode de vie des chats commencé dans ce premier numéro est à suivre. Passées les pages style de vie (du chat), nous trouvons une page gadget, un sujet d'histoire (le chat de Louis XV), un sujet documentaire (les chats dans un temple bouddhiste), des interviews, des photos de chats, des anecdotes sur les chats, des étiquettes avec des images de chat, des cartes postales avec des chats...  Et un dossier "Vivre dans la peau d'un chat".

    Le chat, depuis l'Egypte antique, occupe une place particulière dans l'imaginaire et dans les maisons. De tous les animaux domestiqués, c'est le moins utile (il fut considéré comme "utile" en Egypte et il l'est encore dans les fermes, pour écarter les souris). Animal qui tient compagnie, bien obligé ! Le chat dont on parle dans le magazine vit dans les maisons et les appartements dont il ne sort guère, plus ou moins prisonnier. Terriblement "dhommestique", comme disait Jacques Lacan.
    Le chat mène grande vie dans la BD, vie commencée dans la presse le plus souvent  : "Le Chat" de Philippe Geluck fait ses premières apparitions dans le quotidien belge Le Soir, le "chat du rabbin", qui parle et veut faire sa bar-mitzva (par Joann Sfar) fait ensuite une carrière au cinéma, Garfield (1978), chat dévoreur de lasagnes et téléspectateur grognon, commence sa vie dans un comic strip qui fut, en syndication, un succès de la presse quotidienne américaine. Tous ces chats sont plus malins que les humains. Comme dans La Fontaine, anthropomorphisme oblige, dont Miaou ne manque pas non plus. Méditatifs, philosophes, les chats ? Peut-être, c'est du moins ce que prétendaient Charles Baudelaire et Claude Lévy-Strauss...
    Dans la presse française, on compte une centaine de titres et hors-séries consacrés au chat publiés depuis une trentaine d'années. La concurrence est rude. C'est un peu moins que les titres concernant les chiens, et cela sans compter la presse animalière généraliste comme 30 millions d'amis qui n'ignore pas les chats (source : Base MM). On sait aussi le succès des photos de chats sur les réseaux sociaux et leur contribution aux travaux de reconnaissance d'images et de classification portant sur le distinction chien / chat (cf. la compétition lancée par Kaggle en 2013). Et puis, n'oublions pas le chat de Schrödinger qui vit ou /et mœurt dans la mécanique quantique !


    Miaou est un magalivre (magazine + livre) ou, si l'on préfère, un Mook (magazine + book) ; 85 000 exemplaires ont été mis en vente selon l'éditeur, Prisma Media. Le mook représente un nouveau format, plus livre que magazine ; on en compte de plus en plus parmi les innovations presse récentes. Distribution mixte, en librairies et points de vente presse, en attendant une hybridation numérique complémentaire, une appli ? "Bel objet", se vante Laura Stioui, l'éditrice du titre. Magazine robuste, agréable à consulter, qui peut trouver sa place partout, et même être rangé, sur une étagère. Et peut se garder longtemps : son contenu est intemporel, et tout public : la passion des chats est universelle, elle ne connaît pas d'âge, de générations, d'époques, de styles de vie ("les amoureux fervents et les savants austères", disait Baudelaire). Et pourtant, la passion des chats distingue les fractions de classe, comme l'a vu Disney qui oppose "aristochats" et chats de gouttière... Sans doute, le positionnement de Miaou, quelque peu attrape-tout (famille, psychologie, féminin) mais délibérément non animalier (pas d'éthologie, etc.), sera-t-il amené à se préciser avec l'usage. "Culture chat" ! dit-elle, habile.

    Signalons, pour compléter l'univers domestique des félins,
    • Mon CHAT Superstar, hors-série de Télé 7 Jours, septembre 2018 (cf. supra)
    • Tama, la chatte devenue chef de gare de Kishi et idole des voyageurs japonais
    •  neko atsume, un jeu video japonais de Sony Entertainment, appli pour smartphone lancée fin 2014. En attendant les chats, qui ne viennent que quand les joueurs ont éteint l'appli (cf. infra).
    • CryptoKitties, un jeu pour ordinateur (Chrome, Firefox) avec Blockchain, qui permet de son nourrir un chaton, de vendre, de collectionner des kitties...
    Copie d'écran du jeu neko atsume ("cat collection"), appli lancée en 2014

    jeudi 12 avril 2018

    Roseanne et sa sitcom se rejouent les élections américaines


    Hier soir mardi, soirée TV, dîner avec "Roseanne". A 20 heures, sur ABC, juste après "Jeopardy". Pas terrible, cet épisode : une histoire de mère porteuse (gestation pour autrui) qui ne porte plus et qui comptait s'acheter un chien avec la récompense. La commanditrice de l'enfant escompté, mère intentionelle, reprend l'œuf de Fabergé qu'elle avait offert à la mère porteuse. Quel humour... Plus tard, à 9 heures, la série "Black-ish", c'était moins déprimant, une histoire de chien. Un enfant, grâce à de très bonnes notes à l'école (straight As!) a gagné d'avoir un chien. Ses parents lui avaient promis, confiants dans ses habituelles mauvaises notes. La promesse est compromise car le père est décidément contre. Débat familial, campagne électorale, vote : le fils gagne l'élection grâce au swing vote de sa petite sœur... Beau joueur, le père rapporte un chien à la maison, tout blanc. Sitcom sympathique, comédie filmée avec une seule caméra, sans public (Warner Bros., 22 mn).
    Entre les deux séries, au milieu, une autre série "The Middle" (middle class, middle age, etc.) ; mais les écrans publicitaires pour les voitures ainsi que le décalage horaire m'ont vaincu : j'ai somnolé.

    Revenons à "Roseanne", la sitcom (21 mn). Elle est enregistrée en direct, ce qui nous vaut les ricanements du public invité. C'est le succès de la saison télévisuelle. Inattendu. Comme l'élection de Donald Trump aux présidentielles. Roseanne, l'actrice comme le personnage, ont voté Trump et en sont fièrs (cfRoseanne et son partenaire interviewés lors du talk show de Jimmy Kimmel) ; sa sœur a voté Clinton. Débat dès les premiers épisodes : la série ne craint pas la controverse.
    Le monde de "Roseanne" est un monde modeste (working class, blue collar), sans "distinction", celui d'une partie de l'électorat, mésestimé, sous-estimé. La famille Conner habite dans le Mid-West, Rust Belt, terre électorale de Donald Trump : désindustrialisation, chômage, difficulté lancinante à joindre les deux bouts (Roseanne conduit un taxi pour Uber). Bob Dylan a déjà tout dit de cet univers. "Roseanne", c'est le retour du refoulé, et la nostalgie : revival, reboot, dit la presse. Un monde normalement absent de l'univers télévisuel américain, où règne l'aisance sociale, surgit en plein prime-time. "Misère du monde" télévisuel.

    Pour les séries, il y a donc une vie après la mort. Vingt ans après sa mort, la série est de retour. Elle fut à l'antenne de 1988 à 1997, sur ABC déjà. Si possible, on a repris les mêmes acteurs, pour sa onzième année, renouvelée par ABC Disney, en mars 2018. Les audiences sont bonnes, nombreuses (25 millions de téléspectateurs, beaucoup de 18-49 ans, key demo pour les annonceurs), et encore, c'est sans compter le streaming d'ABC, la rediffusion du dimanche et celle de Hulu. Le Président a félicité Roseanne pour ces audiences. Selon Samba TV, une plateforme d'analytiques TV, la série sur-performe dans les régions de vote Républicain et parmi les téléspectateurs de Fox News.
    Anticipation des prochaines présidentielles ? La TV ne fait sans doute pas l'élection (question éternelle pour un grand oral à Sciences-Po) mais elle l'explique peut être mieux que les politologues (cf. Oprah élue bien avant Obama). On parle, au moment du marché upfront de "l'effet Roseanne".

    Mise à jour (29 mai 2018). ABC annule (cancel) l'émission en raison d'un "tweet raciste" de l'actrice Roseanne Bar.