mardi 26 février 2019

What is public television? Europe vs United States


It is difficult to explain European public TV to American media specialists. They don't get it. PBS, the American public television, is a different business model, completely. What can be learned from a comparison?

According to a recent survey, PBS is the most trusted American institution. PBS is trusted for its news and public affairs programming. More trustworthy than the federal government, the courts of law or even Congress. Only the nation's military defense institution does better.
Of course, other media (digital platforms, cable and satellite channels, broadcast commercial networks) are far behind. PBS Kids is praised for its great educational value, outranking Disney or Universal Kids.

PBS is a network of public TV stations: it is, therefore, both national and local thanks to its 350 member stations.
PBS is free for consumers: nevertheless, they can elect to support their local stations through donations or even participate actively (volunteering). There is no yearly tax (no "redevance" as this tax is called in France, where a tax must be paid by any household with a TV set: 139 € / year (i.e. 158 $). 13$ a month: more than the price of a Netflix subscription!
Of course, PBS airs no mass entertainment such as football, baseball or car racing, leaving these to the commercial networks. When hearing about European public TV, Americans ask: tax money for sports retransmissions? How strange! If sport belongs to entertainment it is consequently a matter of individual choice and budget (cord-cutting in the US shows that not all people are ready to pay for sports programming).
And there are no commercials on PBS whereas most European public TV channels air commercials; PBS carries only sponsorship, discreet underwriting,  considered favorably by companies since a PBS partnership is good for their image.
That is why 30% of American people trust PBS compared to 13% who trust commercial broadcast TV or 8% who trust the newspapers. PBS can boast that it is "America's Largest Classroom, the Nation's Largest Stage and a Trusted Window to the World".
Survey developed by PBS, conducted online within the United States, by M&RR, January 3-8, 2019
Sample: 1,015 adults ages 18 and older (495 men and 530 women).
Results weighted to be nationally representative of the U.S. adult population.
Why are there so many public channels in Europe, channels which most of the time imitate or follow commercial channels? Public television in Europe is often nothing but State-run commercial television (with at least two noticeable exceptions, the French-German ARTE, and the BBC in the UK).

Now that the Internet carries thousands of programs, does a developed country still need public television to air the same kind of programs as commercial TV channels?
After education, what are nowadays the most important tasks of the State when it comes to culture and communication?
Once there is no "digital divide" (we are not there yet), once everybody will be able to access the web and the services it carries (a question of training to be solved), what becomes of public television's purpose? Such a question belongs clearly in the tax debate.

mercredi 20 février 2019

La télévision locale américaine séduit plus que jamais


A la base de la télévision nationale américaine se trouvent plus de 1700 stations commerciales locales réparties en 210 DMA. Cette télévision des origines (1950) ne cesse de se renouveler sans toutefois modifier radicalement son modèle économique ; pourtant, elle continue de séduire les investisseurs. Et, plus que d'autres médias, elle semble garder la confiance du public américain (cf. 2018 Poynter Media Trust Survey).

Apollo Global Management se porte acquéreur des stations audiovisuelles de Cox Media Group : stations de TV et radio ainsi que de quelques quotidiens régionaux. Cox Media Group gardera une participation minoritaire. L'ambition des investisseurs semble être de constituer un groupe de stations de télévision de taille nationale ; aussi, d'autres acquisition de stations ne devraient manquer d'être annoncées (dont celles que devrait revendre Nexstar Media Group pour se conformer à la réglementation en cours).

Les 14 stations vendues par Cox sont situées dans d'importants marchés (DMA) : Seattle, Atlanta, Daytona, etc. ; la plupart de ces stations sont affiliées à des networks nationaux : 3 à CBS, 4 à Fox, 1 à NBC (Comcast), 1 à MyNetworkTV, 3 à ABC (Disney) et l'on compte 2 stations indépendantes (Orlando, Charlotte).
Le montant de la transaction s'élèverait à 3 milliards de dollars, ce qui en dit beaucoup sur la santé de ce marché et les retours d'investissement que l'on en escompte. Le marché de la télévision locale attire les investisseurs car son modèle économique mixte reste prometteur : publicité(locale et supra-locale, traditionnelle et numérique), d'une part, rémunération par les opérateurs MVPD qui les retransmettent (retransmission fees), d'autre part.

Voici une étape de plus dans la consolidation des médias traditionnels (legacy) : consolidation qui semble indispensable pour résister à la puissance publicitaire des principaux groupes numériques, Facebook, Google (YouTube), Amazon, Microsoft (Linkedin), AT&T, notamment. Mais aussi pour se mettre  au niveau des concurrents comme Sinclair Broadcast Group ou comme Nexstar.

La réglementation est au coeur du débat, problème politique ; le marché attend un désserrement des contraintes en termes de concentration (nombre de stations et taille de la couverture totale que peut contrôler un même groupe). En revanche, certains dénoncent les risques que la consolidation fait courir au localisme, à la diversité et à la qualité de l'information locale.

Beaucoup de médias locaux traditionnels un tournant classique de leur histoiree  : Cox est un groupe média familial ("a rich heritage") dont les racines remontent à la fin XIXème siècle (presse quotidienne locale). Apollo voudra certainement en moderniser la gestion, innover pour en faire un média dynamique, numérique et local. Un nouveau modèle est à inventer.


Sur le même sujet :




https://www.coxmediagroup.com/

mercredi 6 février 2019

Le magazine et l'intention d'achat d'une voiture



Auto Plus Guide l'Acheteur, janvier 2019, 132 pages, Mondadori, trimestriel. 4,95 €

Un magazine automobile rassemble une majorité de lecteurs qui ont l'intention d'acheter une voiture, a fortiori si ce magazine est un guide d'achat. Auto Plus, qui vient d'avoir trente ans, est l'un des importants titres de la presse automobile européenne ; il publie désormais en France (licence Auto Bild de l'éditeur allemand Springer) un trimestriel consacré à l'achat d'une automobile neuve. L'éditeur déclare un objectif de vente de 100 000 exemplaires.
Comparaisons de prix, conseils pragmatiques, pour le choix d'un véhicule. Analyses comparatives, étude de concurrence pour éclairer les acheteurs potentiels (les acheteurs de ce trimestriel sont des "intentionistes", assurément) mais aussi les vendeurs, concessionaires, etc.

Optimiste, le magazine commence par un tour complet, deux pages, des primes encourageant l'achat de véhicules électriques, hybrides ou la destruction des diesels. Il fournit également  une grille de calcul pour le "malus écolo". Notons qu'il n'y a pas (encore) de primes pour encourager le non-achat de véhicules, degré zéro de la pollution !
Ensuite, un long article décrit les nouveaux modèles : "quelle voiture acheter en 2019". Puis viennent des articles comparatifs : le prix des voitures françaises comparé à celui des voitures étrangères de la même catégorie, puis leur confort. Un article polémique évoque le rappel des véhicules : conclusion, "les voitures commercialisées ne sont pas toujours 100% au point". Preuve à l'appui. Ensuite, un "guide pratique", réaliste, sur la location avec option d'achat et la location longue durée : "Comment savoir si l'on se fait avoir... ou pas ?". Pour finir, un épais dossier est consacré aux "300 meilleures voitures du marché", fondé sur les tests d'Auto Plus.
La publicité est à peine présente : le salon Rétro Mobile, des croisières en Asie et PayCar, une appli pour faciliter et sécuriser le paiement des véhicules d'occasion : bon plan, beaucoup de ceux qui achèteront un véhicule neuf vont aussi vendre une voiture d'occasion ! Aucun constructeur, ce qui est rassurant pour l'utilisateur.

Par construction, les comparatifs et les classements simplifient, forcément ; ils demandent beaucoup de quantification, de pourcentages. Expliquer comment les lire, ce qu'ils disent et ne disent pas, pourrait être bienvenu. Le guide d'achat est l'un des genres journalistiques les plus représentés dans la presse française, qu'il s'agisse de numéros réguliers ou de hors série. Depuis des années, on compte plus d'une centaine de hors-série à dominante "guide d'achat" par an (154 en 2017, 127 en 2018, source : Base MM, février 2019) ; un grand nombre de ces titres concerne l'automobile.
Guider les achats, conseiller le consommateur sont des fonctionnalités essentielles de la presse. Plus que des opinions sans doute, le consommateur i.e. celui qui paie son magazine de sa poche, qui est donc de ce fait, comme l'on dit, un lecteur "engagé", attend de la presse un service utile de description, d'explication et de comparaison méticuleuses des produits, nouveaux ou pas. La publicité également participe de cette fonctionnalité, plus ou moins, mais le consommateur attend du magazine le maximum d'objectivité possible. Et d'esprit critique aussi, ce qui n'est pas toujours compatible avec la publicité des marques. D'ailleurs, il est parfois difficile de distinguer entre rédactionnel (description d'un produit) et publicité (cf. les décisions de CPPAP).

Conclusion : magazine bien conçu,  de lecture agréable, voici un bon outil pour préparer ses choix avant une opération porte ouverte, un essai en concession... On ne sait pas encore quels articles sont des rubriques régulières et seront mises à jour, et à que rythme, dans les prochaines numéros. Mais l'espérance de vie et d'utilité du magazine est certainement longue et comptera beaucoup de reprises en main.

vendredi 1 février 2019

Série médicale : quand le chirurgien est autiste


"The Good Doctor", série, 2017-2019, 31 épisodes de 40 mn.

La série est inspirée d'une série coréenne de 2013 (KBS2) qu'elle semble suivre fidèlement. Elle est diffusée par le network américain ABC (groupe Disney), en France par TF1 (qui a préféré la version américaine à la version coréenne ? Sans même traduire le titre, contrairement aux Québéquois...).

Le héros est un jeune chirurgien, autiste et atteint de ce qu'il est convenu d'appeler le syndrome du savant, savoir extrême qu'il applique à la médecine. Doté d'une mémoire exceptionnelle associée à un sens aigu de l'observation, il est par bien des aspects un chirurgien compétent et un atout décisif pour l'hôpital.
Cette double dimension d'autiste et de savant en fait un personnage remarquable. L'autiste, tel qu'il est présenté par la série, est à la fois asocial et sympathique. Introverti, il a un côté misanthrope ; comme celui de Molière, il ne sait ni "être sage avec sobriété" ni accepter l'hypocrisie nécessaire à la vie sociale. D'où une difficulté certaine d'inclusion sociale et de communication qui peut entraver sa compétence professionnelle. Ce conflit est l'argument primordial de la série.

En général - mais je n'ai regardé que la première saison, en anglais, diffusée par Amazon Prime Video - chaque épisode couvre au moins deux ou trois patients, des cas médicaux que le montage divise et distribue, et entrecroise. S'ajoutent au suspense des diagnostics et des opérations, des histoires d'amour et des rivalités professionnelles ; l'hôpital apparait comme un champ de luttes où se rencontrent des professions diverses ; la hiérarchie y est constamment rappelée, à tout propos. L'ambition est partout, enjeu majeur pour tous, ravageur. Les caractères sont amenés, d'épisode en épisode, à explorer diverses situations : l'erreur, l'amitié, la mort, l'amour, le mensonge, la déception, le voisinage, l'espoir... L'autisme s'avère un puissant révélateur des relations sociales ; il les décape. Si le chirurgien autiste n'éprouve aucune difficulté à saisir les problèmes scientifiques, il a, en revanche, beaucoup de mal à concevoir les sarcasmes, tout comme d'ailleurs l'intelligence artificielle des sentiments y échoue (rapprochement à creuser !) ; les limites de sa compréhension des interactions sociales évoque celles de l'intelligence artificielle confrontée à la langue et aux émotions (facial recognition, hand gesture recognition, etc.). Il aime avoir raison et proclame ses succès, comme ses échecs, sans pudeur. On s'attend bien sûr à ce qu'il tombe amoureux pour devenir plus humain !

Les séries médicales, tellement nombreuses, ont en commun d'être confrontées à de redoutables problèmes de réalisation ; elles doivent rendre la salle d'opération spectaculaire, rendre les gestes médicaux visibles et le raisonnement médical compréhensible alors que le tout venant des téléspectateurs n'y comprend pas grand chose et les gestes du chirurgien sont difficiles à percevoir (voir "The Night Shift", par exemple, NBC ; TF1 en France). La série doit faire percevoir, ressentir l'urgence, le stress : le temps est toujours compté. Il semble que la réalisation mette l'accent sur des maladies spectacularisables (les arrêts cardiaques), les affichages des écrans de la salle d'opération qui visualisent la situation cardiaque de l'opéré ou visibles (les maladies dermatologiques...). Pour être réalistes, les conversations entre les personnels médicaux doivent être techniques, mobiliser un vocabulaire spécialisé : le téléspectateur, impressionné, doit comprendre qu'il est normal de ne pas comprendre (cf. le latin des médecins de Molière). Quant au réalisateur, il doit trouver le parfait équilibre entre l'obscurité de subtilités chirurgicales imperceptible et l'évidence des enjeux de l'épisode (transplantation, don d'organe, amputation ou non, etc.), sans oublier les dimensions juridiques de chaque situation et la crainte des procès, endémique.

La série laisse soupçonner un autiste en chacun de nous, un savant aussi, peut-être, spécialisé dans son domaine, fût-il modeste et trivial (le fan, le collectionneur, etc.). "The Good Doctor" donne à concevoir et comprendre plus avant les différences, au-delà de la couleur de la peau et du sexe. L'autiste n'est pas un autre. 

Les travaux de Aaron Cicourel sur la communication entre médecins, ceux de Erving Goffman sur l'interaction peuvent permettre d'approfondir les aspects sociologiques de cet univers médical. La fiction télévisuelle n'est-elle pas, à sa manière, une analyse en acte.


Références

L'autisme et les travaux de la Haute Autorité de la Santé

Cicourel (Aaron V.), Le raisonnement médical. Une approche socio-cognitive, textes présentés par Pierre Bourdieu et Yves Winkin, Paris, Seuil