Detlef Berghorn, Neue Wörter im Duden von 1880 bis heute, Berlin, 2024, Dudenverlag, 207 Seiten, 24,7 €
C'est une approche historique de la langue allemande à laquelle nous invite ce livre allemand. Le Duden est en Allemagne, depuis plus d'un siècle et demi, une référence en matière de dictionnaires. 2300 mots ont été répertoriés dans cet ouvrage d'un historien de la langue allemande. La première édition du Duden date de 1870, la dernière - la 29ième - de 2024.
Ce livre raconte, preuves à l'appui, l'histoire des mots, en fonction des événements, de l'histoire, de l'histoire de l'Allemagne, de Bismark à Angela Merkel, mais surtout de l'histoire du quotidien des allemands, de ce qu'ils mangent ou de leur manière d'aimer. Ainsi l'extension de l'univers des mots comprenant le mot Volk (peuple) qui triple ses effectifs de 1929 à 1941 ou la mention de Heine (qui disparaît) ou celle de Spinoza qui passe de pantheistischer Philosoph à jüd. Philosoph (philosophe juif). De semblable écarts peuvent être constatés entre l'édition Est-allemande et l'édition Ouest-allemande. Les mots décrivant la nourriture, les repas disent aussi ce que mangent, ou aimeraient manger, les Allemands : en 1880, arrivent le roastbeef et le pudding, en 1961, le ketchup et les ravioli, en 1967, la pizza, en 1973 (c'est bien tard), puis l'Ochsenschwanzsuppe (soupe merveilleuse !), en 1986 le Hamburger, en 2004 le falafel et, en 2024, la Buchstabensuppen (soupe d'alphabet). Mais cette date est celle de l'entrée dans le Duden ; le mot était-il en avance, en retard, sur quelle partie de la population allemande ? Un travail explicatif de type socio-linguistique serait bienvenu.
Et l'ouvrage multiplie les exemples avec les mots du football, les mots des moyens de transport, les mots de l'amour aussi (Syphilis en 1880, Playboy en 1961, Lebenspartner en 1991, etc.). Le travail se termine avec les importations de mots : Abonnement en 1880, inschallah en 1941, Datscha en 1951 (pour la version d'Allemagne de l'Est !) ...
Superbe exercice. On aimerait, bien sûr, une étude comparative, internationale. Et surtout, peut-être, une approche de sociologie historique : qui étaient les linguistes, hommes ou femmes, qui décidèrent de l'entrée d'un mot dans le Duden, quelles étaient leur formations, leurs goûts et leurs dégoûts, leurs engagements religieux et politiques... Quels mots furent refusés, pour combien de temps ? Cet ouvrage en demande manifestement d'autres... et d'abord un dictionnaire des mots "refusés" (pensons au Salon du même nom à Paris en 1863).
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