Google abandonne le chantier de Print Ads en même temps que l'entreprise se débarasse de nombreux projets qui ne trouvent pas leur équilibre économique.
Plusieurs leçons, à première vue.
- D'abord Google, pas plus que n'importe quelle entreprise, n'échappe à la logique de la gestion (contrairement à ce qu'ont cru de nombreuses entreprises de média et notamment de presse : "un produit pas comme les autres" !). Même avec des résultats étourdissants, il faut finir par gérer avec rigueur. Toute crise est une crise de gestion.
- On se demandait quels étaient les résultats de cette activité presse, voici la réponse de Google : mauvais, insuffisants et ne peut même pas mieux faire ou redoubler.
- La presse qui s'inquiétait des ambitions de Google dans l'achat et la vente d'espace est désormais rassurée ! De même que les agences média. Mais d'être ainsi rassurés n'est pas très rassurant : le souci avait du bon !
- Google n'est pas la panacée de tous les problèmes média (pas plus qu'un pourvoyeur de simili-subventions). Les médias doivent se réinventer, de fond en comble, modèles économiques et modes d'usages. Selon la fameuse maxime cartésienne, comme ils ne changeront pas l'ordre du monde économique, il leur faut changer leur désirs. Stoïcisme salutaire.
- Que fera Yahoo! qui collabore de manière semblable avec les mêmes titres de presse ?
- Qu'en sera-t-il des incursions de Google dans la radio et dans la télévision (nos posts du 28/08/2008 et du 24/09/2008) ? Passeront-elles le barrage des examens de gestion ?
- Pour la presse, voici un nouveau rappel à l'ordre, salutaire : la publicité est toujours, d'abord, déjà, une question de taux d'intérêt. Quel est le taux d'intérêt de la lecture de la presse pour la population active aujourd'hui ? Quels sont les taux d'intérêt alternatifs (autres médias, autres usages...) ?
1 commentaire:
Le fantasme googlelien prend un peu de plomb dans l’aile.
Depuis plusieurs mois, une peur panique a saisi de très nombreux acteurs du marché publicitaire.
Régies des médias traditionnels comme de l’internet, agences médias et agences de création, toutes se sentent menacées par la réussite étourdissante de Google, d’abord dans l’exploitation de la longue traine des annonceurs du web (Adwords), puis dans celle des inventaires publicitaires du web (AdSense).
Ses annonces d’innovations et ses incursions répétées pour tenter d’entrer par la petite porte dans le monde des médias traditionnels (adaptation de sa technologie pour exploiter les inventaires invendus de la presse, de la radio ou de la TV) laissaient planer une menace permanente, devenue pour certains quasi-obsessionnelle et largement entretenue par tous les gourous les plus visionnaires du web 2.0 :
- Avant tout, celle d’apporter une nouvelle fois la destruction de valeur en tirant systématiquement tous les prix à la baisse (la fameuse destruction créatrice) ;
- Celle sous jacente d’essayer ensuite de remonter lui aussi sur le haut de la courbe de Pareto, là ou s’effectue l’optimisation maximale des revenus et des inventaires, quitte à perdre au moins au début beaucoup d’argent pour gagner une part de marché qui le rende ensuite incontournable ;
- Celle ultime que Google devienne l’acteur unique d’un marché mondial de la publicité devenu monopolistique.
Dans ces perspectives peu réjouissantes, les annonces récentes de la firme californienne laissent enfin apparaître une lueur de répit, à défaut d’espoir : la crise du marché publicitaire est bien là et elle est là pour tout le monde, Google compris.
Dans ce contexte, le serrage des boulons s’impose pour tous et la fermeture annoncée de Google Print ADS (lancement en 2006), pour cause de non rentabilité chronique, laisse également présagée de celles des programmes AdSense for Audio (lancé également en 2006) ou Google Ads TV (lancé en 2007), dont l’avenir commercial semble lui aussi compromis faute d’avoir su convaincre un nombre suffisant d’annonceurs et de supports partenaires.
Sans vouloir présager de l’avenir, à ce stade cette crise aura donc au moins le mérite de nous permettre de nous remettre quelques idées simples au clair :
- Un inventaire publicitaire ce sont avant tout des lecteurs, des auditeurs ou des spectateurs, qui font la démarche active d’entrer en contact avec un support parce qu’il leur offre des services ou des contenus qu’ils jugent suffisamment riches ou exclusifs pour le choisir plutôt qu’un autre. La richesse et l’exclusivité des contenus est donc très clairement la clé de voute de l’édifice. Ce sont eux qui créent la valeur de l’audience, tant en volume qu’en qualité.
- C’est ensuite la façon dont le support organise les espaces qu’il met à la disposition des marques pour qu’à leurs tours elles puissent proposer leurs services et leurs contenus aux publics qu’il a réussi à réunir. De cette organisation dépendra largement la capacité de capter l’attention de l’audience et donc éventuellement de la séduire si le message de l’annonceur fait lui-même bien sa part du travail. Cette organisation participe donc également directement dans le processus de création de la valeur publicitaire.
- Plus subtilement, c’est également la façon dont le support partage un peu de ses propres valeurs de marque en proposant à d’autres marques de s’associer, plus ou moins directement, à ses contenus. Par définition, ce partage de valeurs contribue également directement à la valorisation publicitaire.
- Dans ce partage de valeurs, le support apporte également un peu d’une influence qui participe aussi à l’efficacité et donc à la valorisation du message publicitaire.
- Enfin, un inventaire publicitaire se valorise par sa pérennité en même temps que sa capacité à se renouveler. Rien ne sert de disposer d’une audience et de superbes espaces si on ne peut apporter l’assurance que toutes ces qualités seront encore disponibles le lendemain. Cette garantie s’incorpore également dans le processus de valorisation.
Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas.
Tout ceci ne signifie pas qu’hors des marques médias issues du monde « matériel » aucun des supports disponibles sur le web ne soit susceptible de répondre à toutes ces qualités.
De très nombreux sites « pure-players » les remplissent aujourd’hui, pour tout ou partie : des services ou contenus capables de fédérer des audiences massives et/ou qualifiées ; des espaces publicitaires offrant une bonne visibilité ; des valeurs de marques naissantes ou déjà bien installées ; un rôle de prescripteur ou un pouvoir d’influence reconnu.
Ce dernier caractère peut même être parfois celui de très petites « marques » portées par des bloggers anonymes mais qui peuvent jouer à un moment donné un rôle de vecteurs d’influence.
Reste cependant que si tous les écrans TV ou toutes les pages de la presse n’apportent pas la même valeur publicitaire c’est également le cas pour tous ces sites. Il est donc également naturel qu’ils n’aient pas tous la même valeur.
En tout état de cause,
- Quel que soit le support sur lequel on l’émet, la vocation première d’un message publicitaire reste de tenter de convaincre, ou de séduire, un consommateur potentiel en entrant en résonnance avec ses attentes ou ses besoins plus ou moins immédiats. Dans ce cadre le rôle de la création publicitaire est primordial. Comme un spot TV de marketing direct, un passage dans une émission de télé-achat ou un dispositif de PLV, un lien sur un moteur de recherche, s’il peut répondre très efficacement à un besoin d’immédiateté absolue, ne peut jamais en aucune manière remplacer une affiche, un film TV ou une annonce presse, dès lors qu’il s’agit d’agir sur l’image d’une marque ou d’un produit dans la perspective d’une réponse consommateur couvrant l’espace temps du plus court au plus long terme. Les uns et les autres visent des objectifs différents. Il est donc naturel que leurs valorisations soient différentes.
- Quel que soit le message qu’on émet, la vocation première d’un support publicitaire reste de proposer des espaces qui assurent aux annonces d’être vues ou entendues pour pouvoir commencer à jouer leur rôle. C’est très clairement dans ce cadre que s’inscrit la proposition de CANAL+ REGIE autour du contrat Temporis sur la télévision. C’est également très clairement dans ce cadre que s’inscrit la proposition de CANAL+ REGIE sur le Web autour de la technologie Alenty (mise en place d’un mode d’achat vente en GEP – Garantie d’Exposition Publicitaire – vs PAP).
Pour conclure, que Google semble abandonner ses ambitions sur les médias traditionnels ne doit ni nous rassurer, ni nous inquiéter.
Finalement, en jetant l’éponge sur ses projets de vente des invendus de la presse, Google ne fait que nous montrer que les acteurs du monde des médias traditionnels, régies, agences et annonceurs, ne sont pas plus idiots que les autres. Aucun habillage technologique ou marketing ne peut suffire à revaloriser radicalement un inventaire à faible valeur.
Profitons-en plutôt pour réapprendre à valoriser clairement nos inventaires pour ce qu’ils valent vraiment. Détruisons au passage ce qui n’a plus de valeur. Chacun sait que l’excès nuit à la qualité en même temps qu’à la valeur.
Mettons en valeur nos contenus exclusifs, auscultons la véritable valeur de nos marques, qualifions au plus prêt nos audiences et nos espaces … et développons nous aussi les technologies qui nous permettront de marquer encore d’avantage nos différences, nos avantages et les plus-values que nous apportons.
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