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mercredi 18 septembre 2019

Apple attaque Disney ?


Source : Forbes, September 2019

La guerre est-elle déclarée entre Disney et AppleTV Plus ?
Apple propose une offre pour 4,99 $ par mois le 10 novembre de cette année (offre gratuite pour un an en cas d'achat d'un nouvel appareil Apple).
Disney propose son offre pour 6,99 $ (le 12 novembre) ou 12,99 $ si l'abonnement inclut ESPN+ et Hulu.
Donc le président de Disney, Bob Iger, quitte le Conseil d'administration de Apple dans lequel il siégeait depuis 2011, le 10 septembre.
C'est la conséquence d'une bataille difficile qui s'annonce.
Est-ce le début d'une forte croissance - indispensable - pour Apple ? On parle de rachats de toutes sortes...

lundi 2 septembre 2019

Disney vend Yes Network, les Yankees rachètent


Suite à son récent rachat de Fox, Walt Disney se voit obligé de vendre les 80 % que la société détenait dans Yes Network à un groupe d'investisseurs incluant the Yankees Global Enterprise, Amazon et Sinclair Broadcast Group pour 3,47 milliards de dollars. Les Yankees détenaient déjà 20 % du capital de Yes Network ; ils en détiennent désormais 26% %.
Yes Network représente 22 ensembles régionaux sportifs que contrôlait Fox au moment de son achat par Walt Disney (football, basket, etc.).
Cette vente fut exigée par le ministère de la Justice (Department of Justice) en raison du contrôle de ESPN par Walt Disney (antitrust).

A côté de l'actionnaire majoritaire, on trouve donc désormais Sinclair Broadcast Group avec 20 %, The Blackstone Group avec 13% et, surtout, Amazon qui poursuit son entrée prudente dans le sport. Deux autres investisseurs ont acquis des droits : RedBird Capital Partners et Mubadala Investment Company (un fonds souverain de Abu Dhabi).

Les acheteurs se promettent de constituer un partenariat stratégique ("new strategic partnership") et  de concevoir un nouvel ensemble marketing pour développer Yes Network.
C'est là que l'on attend Amazon.

vendredi 7 décembre 2018

Comcast - Disney, match retour sur terrain numérique


Walt Disney, client de Google Ad Manager
Comcast et Disney, deux méga-groupes de divertissement télévisuel, se sont opposés dans une double bataille pour l'achat. Disney a emporté XXI Century Fox tandis que Comcast emportait finalement le réseau européen Sky aux enchères.

Jusqu'à présent, Disney (ABC, ESPN) utilisait les services de Freewheel pour la gestion publicitaire (video adserving). Or FreeWheel appartient à Comcast.
Disney a donc lâché Freewheel. Et que pensez-vous qu'il arriva ? Ce fut Google Ad Manager qui l'emporta. Superbe occasion pour Google de pénétrer plus avant le marché publicitaire de la télévision :"With this new relationship, Disney will bring its entire global digital video and display business onto Google Ad Manager, which will serve as its core ad technology platform", déclare Google Ad Manager dans un bref communiqué de presse.

Effet indirect des fusions et acquisitions, des démantèlements en tous genres et des recompositions. Paradoxe étonnant : Disney, comme les autres grands groupes de télévision (AT&T, CBS) redoute Netflix, alors ils s'allient à Google à qui appartient YouTube... Pour Google Ad Manager, c'est assurément le marché du siècle ("a strategic relationship") que de prendre en charge et orchestrer la totalité du numérique publicitaire de Walt Disney (mobile, vidéo, display, applis, streaming aux Etats-Unis et à l'étranger) ; on parle d'un budget de dizaines de millions de dollars ! N.B. Google Ad Manager compte déjà de nombreux clients dans la télévision américaine : CBS (dont CBS All Access), AMC, A&E Networks, Bloomberg, Lifetime, The CW, BBC America...

Tout ceci confirme combien le marché de la télévision est la proie primordiale des GAFAM / FAANG : Netflix, Google, Apple, Facebook, Amazon ne pensent qu'à la télévision, depuis toujours. Chacun s'y attaque à sa manière.

Références

lundi 18 décembre 2017

Disney, Fox... et maintenant ?


Risquons un commentaire quant aux conséquences sur le marché des médias américains du rachat par Disney d'une partie de Fox (62 milliards de dollars). Qu'en sera-t-il, sous réserve d'accord des institutions réglementaires (FCC, FTC, Department of Justice) ?

Fox
  • Fox reste un network classique généraliste puissant, contrôlant complètement 28 stations locales (dites O&Os) dont 7 duopoles dans les 10 premiers DMA (New York, Los Angeles, Chicago, Dallas, San Francisco, Washington D.C. et Houston). Par ailleurs, Sinclair Broadcast Group est propriétaire d'un grand nombre des stations affiliées à Fox (surtout après son rachat de Tribune Media). Que peut vouloir Fox ? Acheter d'autres stations et renforcer son network, si une nouvelle réglementation le permet (N.B. l'essentiel des revenus d'un network provient des stations O&Os) ?
  • Fox garde un pied dans l'information avec Fox News et Fox Business (FBN) et avec la presse, dont les quotidiens The Wall Street Journal et le tabloïd New York Post : instruments politiques favorables aux Républicains ? Notons l'extraordinaire puissance médiatique totale de Fox / News Corp. à New York.
Disney
  • Avec Hulu dont il détient dorénavant 60%, Disney contrôle un MPVD (virtual). Hulu est en passe de devenir une puissance télévisuelle locale : Hulu reprend déjà 492 stations locales (O&Os et affiliées, YouTube n'en reprend que 302). L'affrontement avec Google (YouTube TV) et Facebook semble inéluctable pour la diffusion de la vidéo (notamment pour le sport).
  • La puissance des studios de Disney s'accroît de ceux de XXI Century Fox. Armes de production pour contrer Netflix ? Sans doute : Disney a déjà annoncé le lancement de deux chaînes OTT, l'une en 2018, pour le sport (ESPN Plus) et l'autre, en 2019, pour le divertissement.
  • La situation finale dans le domaine des retransmissions et droits sportifs est pas encore confuse et il faudra attendre l'achèvement de la transaction pour d'y voir clair (d'ici 12 à 18 mois). La puissance de Disney dans ce secteur avec ESPN s'augmente assurément de l'acquisition des 22 chaînes régionales de Fox mais Disney, qui n'a pas l'expérience du local, pourrait décider de les revendre.
Les inconnues

La réflexion, dans son état actuel, doit intégrer trois inconnues au cœur de l'évolution du marché télévisuel américain :
  1. L'allègement probable de la réglementation américaine de la concentration : le verrou des 39% pourrait sauter, ouvrant la voie à davantage de consolidations dans les groupes de stations, groupes d'affiliées (Sinclair Broadcast Group) ou groupe d'O&Os (Fox). L'un des objectifs de l'aggiornamento réglementaire serait de rééquilibrer le marché publicitaire en faveur des groupes traditionnels au détriment du "duopole" (cf. déréglementation à l'américaine).
  2. La fin de la neutralité du net, si elle est confirmée, renforce le pouvoir des MPVD dont l'activité principale est désormais de fournir la bande passante numérique (broadband) pour la téléphonie portable et la télévision OTT. Suivre l'évolution de Comcast, de T-Mobile (qui vient d'acquérir Layer3), de la fusion AT&T / Time Warner (fusion bloquée, pour l'instant, par le Ministère de la justice).
  3. La vitesse et l'ampleur de l'évolution de la télévision grand public qui passe de la télévision linéaire distribuée par des MVPD (câble, satellite) à une vente directe aux consommateurs, en streaming, comme le fait Netflix (direct-to-consumer). Le rôle des MPVD traditionnels peut s'en trouver diminué au profit de virtual MVPD (dont Hulu). L'évolution des équipements familiaux et personnels va dans ce sens (téléviseurs connectés, smartphones, streaming media players - dont Roku qu'acquiert Disney). 

mardi 12 septembre 2017

Broadcast only, why not?


In the US the number of broadcast-only homes is increasing, reaching 15.9 million (there are 126 million TV households, according to Nielsen, commissioned by the broadcast company Ion Media). 13% of TV households do not pay for TV and there is no tax on TV set ownership like in most European countries ("redevance TV", "TV licence", Rundfunkbeitragetc.). In other words, 87% of American TV households pay for TV, one way or another, subscribing to cable or satellite.
The number of households which do not pay is increasing : up by 41% in the five last years, the study says. Why? Subscribing to MVPD (cable or satellite) has become very expensive, too expensive, especially for those who are not interested in watching sports (ESPN, etc.). There are more and more cord-cutters (do not subscribe anymore), not to mention cord-nevers, people who never subscribed or will never subscribe to any kind of MPVD (Mutiple Video Programming Distributors).

Why did Ion Media commission Nielsen for such a study? Ion Media owns 60 full-power broadcast stations, covering 98 million homes (present in the top 20 DMAs). Part of Ion Media turnover comes from advertising on its stations : it is crucial for Ion Media to highlight that only 16 million homes receive local stations (via a TV antenna or Over-The-Air, OTA). For advertisers, the only way to reach these broadcast-only households is to buy local time from a TV station.
Cord-cutters or cord-nevers can choose to watch Netflix for series and movies (without commercials, for a basic price of $8) and live TV and local news using an antenna (free). Given that the average cable TV bill is more than $100, cord-cutting seems to be a bargain even if you subscribe to more than one streaming service... Not surprisingly, cord-cutting is on the rise.

mardi 25 juillet 2017

Anatomy of a hegemony. GAFAM oligopolies and media properties in USA


comScore (WPP) just published the ranking of the top 50 US digital media properties for June 2017 (sites, mobile and desktop; home and work locations), based on unique visitors. An opportunity to take stock, and to study the anatomy of a hegemony.
  • GAFAM first. It should not be a surprise: Google, Facebook (the so-called advertising "duopoly") are first in this ranking, then Microsoft and Amazon. Apple, which is not in the advertising business at all, is ranked N°9. Should it be part of the GAFAM family?
    • On the other hand, Microsoft is clearly one of the GAFAM, especially once taken into account LinkedIn (Talent Solutions) and its search partnership with Yahoo!. 
    • Not only GAFAM but also smaller social networks: Snapchat, already ranked N° 18, Twitter, N°13, and Pinterest, N° 26, are among the first US digital media properties .
  • We can observe the effect of recent consolidations: Yahoo! and AOL (Oath) should now be combined with Verizon; also one should combine Microsoft and LinkedIn, acquired recently by Microsoft, ranked N°16. Not to mention Comcast with NBCU. The new American administration will probably encourage concentration (AT&T + Time Warner?).
What about traditional media becoming digital?
The first media group in the comScore ranking (N° 6) is Comcast / NBC Universal (a cable MSO + commercial TV networks), CBS Interactive (commercial network) follows (N°8). ESPN (Disney / ABC) is relegated to N°31.

What about print media, newspapers and magazines?
Those most widely mentioned or talked about media properties are actually not the best ranked: The New York Time (N° 27), The Washington Post (N° 32, here, but shouldn't it be merged with Amazon?). The first newspaper ranked among the American digital media properties is also the only American national newspaper, USA Today (N° 14).
Magazines are doing a little better : Time Inc. (N° 11), Conde Nast (N° 19).
Should legacy publishers keep on feeding and legitimizing the new digital media with their content (see "La TV, horizon indépassable de tout média ?")?
Netflix is N°30. It will be more and more watched on smartphones, desktop and connected TV (or streaming devices). Its comScore ranking will surely improve.
Market capitalization ($ billion)

If we were referring to market capitalization instead of audience, then the ranking would differ slightly: Microsoft is ahead of Facebook and Amazon. Comcast, the major American media conglomerate, is far behind (1 August, 2017).

GAFAM is obviously still a fuzzy and deceitful working concept (stopgap). These 5 GAFAM do not have the same business structure. Their common strength lies probably in Artificial Intelligence (science, technology) and cloud computing (processing power). They are called "tech giants": how to figure that? Which indicators to choose? Advertising might only be the most visible aspect of GAFAM's dominance, merely a consequence, not a cause. How could legacy media end up winning the advertising battle? Certainly data is an opportunity but not without science, technology and engineers. Data is much more than just a coat of make up, a matter of speech.

mercredi 22 mars 2017

Snapchat : la TV, horizon indépassable de tout média numérique ?


Snapchat, se déclarant "a camera company", tend logiquement vers la TV et se déclare même "friend of the media" (24/8/2017). Facebook, dès son document d'entrée en bourse avait déjà anticipé un tel mouvement dans son business plan : la vidéo, la télévision sont manifestement, désormais l'horizon de tout media (publisher). Convergence numérique.

C'est sans doute dans cette perspective que l'on peut comprendre l'intérêt croissant de Snapchat pour les contenus de la télévision américaine. A+E Networks (JV de Hearst et Disney) qui, l'an dernier, a créé 45th & Dean, filiale branded-content, produira des émissions pour Snapchat Discover : "Second Chance" (unscripted, 8 épisodes : au cœur de l'intrigue, des couples séparés se retrouvent pour tenter une réconciliation, "emotional exes").
Plusieurs émissions ont déjà été produites ou sont en cours de production par des studios de télévision pour la plateforme Snapchat, entre autres :
  • "The Bachelor" (ABC), "The Voice" (NBC), "The rundown" (E!), "CollegeGame Day" (ESPN), "Planet Earth II" (BBC, 6 épisodes, en exclusivité). Beaucoup de reality TV, format qui convient à la vidéo mobile...
  • Avec Discovery Communications, un accord prévoit des émissions au format de "Shark Week" ou "MythBusters". Des modalités de collaborations publicitaires sont également envisagées.
  • D'autres productions sont en cours. Un "Bleacher Report", l'émission sportive de Turner Sports, (Time Warner), est prévu pour Discover.
  • Vice, "Hungry Hearts with Action Bronson" (8 épisodes de TV réalité , dating show). Vice était partenaire de Snapchat au lancement de Discover en 2015.
  • Accord avec MGM Television : production de "short-form shows" (4  à 5 mn) pour Discover.
  • Accord avec NBC pour la retransmission des JO d'hiver de 2018 (comme ce fut le cas pour les JO de Rio en 2016).
  • NBC diffusera "Stay Tuned", une émission d'information, deux fois par jour, sur Snapchat.
Snapchat envisagerait aussi des réalisations télévisuelles avec script (scripted videos) avant fin 2017.

De son côté, Facebook diffusera des matchs de la MLB (un match de baseball par semaine, en direct) après avoir diffusé des matchs de la NBA, des matchs de football (de la Liga Mx mexicaine avec Univision) et même du tennis de table. Twitter a diffusé des matchs de la NFL (pour lesques il est en concurrence pour la prochaine saison 2017 avec avec Amazon, Facebook et Yahoo!) ainsi que des retransmissions directes du tournoi de tennis de Wimbledon. Amazon l'emportera our la NFL.
L'appli Facebook video est maintenant présente dans Apple TV et Chromecast (Google). En juillet 2017, Facebook acquiert la société Source3 pour la gestion des droits des créateurs. En août, Facebook lance Watch, une plateforme conçue pour la télévision et ses créateurs.

A son tour, Apple a développé Apple Clips pour le partage rapide de vidéo ("spread some video joy"). De leur côé, la plupart des groupes de presse produisent beaucoup de vidéo, y compris pour Snapchat Discover tandis que le groupe publicitaire WPP prend de nombreuses participations dans des entreprises de production visant les nouvelles plateformes (Refinery29, All Def Digital, 88Rising, Mitu, etc.)
Twitter a racheté SnappyTV en 2014 mais remplace ses fonctionnalités d'édition vidéo (utilisées par les networks, notamment) par des équivalents offerts par Twitter Media Studio (juillet 2017).

Mobile storytelling first ?
On dit que la consommation de vidéo sur les mobiles est en hausse. Format spécifique, durée brêve, petit écran (cf. les films de 1 minute sur mobile, Blackpills, snacking, mais aussi consommation brêve de contenus longs, visonnement poursuivi sur un autre support (Netflix) : le smartphone pour la consommation vidéo de transit ? Voir Dreams, The new TV.  Comportement des plus jeunes générations ? L'audience de Snapchat serait plus jeune que celle de ses concurrents, Instagram, Facebook ou YouTube (selon Ampere Analysis). Qu'en sera-t-il de blackpills ou de Dreams TV?

Deux modèles économiques opposés
Snapchat achète l'émission à 45th & Dean puis vend des espaces publicitaires. "Flat licensing fee", pas de partage des revenus publicitaires. Facebook, en revanche, testerait un modèle où 55% des revenus d'un écran de coupure (in-streammid-roll) reviendraient aux éditeurs (revenue sharing). Periscope (Twitter) propose un pre-roll pour le parrainage. Chacun emprunte à la télévision traditionnelle (legacy) une partie de son modèle.
Dans cet espace concurrentiel, la question de la mesure des audiences des réseaux sociaux est capitale, notamment pour les médias qui travaillent avec eux (déportalisation) et doivent l'intégrer cette audience dans leur audience totale.
  • Rappelons que NBCU (Comcast) a investi 500 millions de dollars lors de l'entrée en bourse de Snap Inc. en mars 2017.

mardi 23 août 2016

Fearless, documentaire sportif : le rodéo vu par Netflix


La télévision américaine diffuse depuis longtemps des documentaires consacrés aux sports sur des chaînes comme HBO, ESPN, Epix... Netflix investit à son tour ce créneau avec un sujet inattendu consacré aux Bull Riders brésiliens et américains qui montent des taureaux pour en faire un spectacle, un sport professionnel, sous la houlette de PBR (Professional Bull Riders).
Documentaire en 6 parties, "Fearless" est produit par Brazil Production Services et diffusé par Netflix depuis le 19 août 2016. Le documentaire filme et sérialise le "tour" de ces professionnels, "tour" qui commence au Brésil (Barretos, Sao Paulo) pour s'achever en finale à Las Vegas (PBR World Finals).
Une partie du tournage, réalisée en portugais, est sous-titrée en anglais.
Sport issu du métier de cow-boy et de l'élevage bovin (dressage des taureaux, suivi vétérinaire). Codifié précisément pour permettre des comparaisons, des classements, des commentaires, des annonces, etc. ce sport nouveau présente de plus en plus une structure spectaculaire analogue à celle des sports traditionnels.


Le thème dominant de la série est le danger et la peur. Danger : les blessures sont graves, handicapantes souvent. Peur du danger qu'il faut combattre avant chaque rodéo (faut-il être sans peur, "fearless" pour gagner ?), crainte rarement avouée des taureaux écumants qui font des sauts prodigieux pour désarçonner leur cavalier qui se cramponne à la corde (bullrope). Au bout du danger et de le peur, brille l'espoir de la gloire et de l'argent. Malgré les drames, la série est illustrée de rêves d'enfants, de la fierté des familles : toute la féérie et le folklore des sports dans une société du spectacle. La série, selon Netflix, explore la "condition humaine".

Grâce à son étrangeté, ce sport que nous ne connaissons pas en Europe permet de percevoir toute l'économie du spectacle sportif, tous ses ingrédients : arènes, mise en scène, hymnes nationaux, uniformes (couverts de publicité), gestes religieux, pin-ups, parrainage, sonorisations assourdissantes, discours de célébration et d'exagération qui empruntent à la réthorique religieuse. "Les dieux du stade", disait-on (cf. "die Götter des Stadions", 1936, film de Leni Riefenstahl, cinéaste hitlérienne).
Qu'est-ce qu'un sport ? Construit par tout un champ d'acteurs autour d'un enjeu économique dont la dénégation est partie prenante : sportifs, sponsors, agents, organisateurs (fédérations qui luttent pour le monopole de la légitimation) et fans. L'avénement d'un sport dans certaines compétitions (jeux olympiques), et sur certaines chaînes est l'étape finale de la légitimité... L'histoire de ESPN2 (lancé en 1993) est une illustration de cette légitimation progressive de sports alternatifs par la télévision : sports extrêmes, lumberjacking (scieur de bois, bûcheron), billard, beach volleyball, VTT, snowboard, BMX, etc. : sports jeunes dont les droits sont encore accessibles et dont l'audience est à construire. Le rodéo est au tout début de ce parcours de légitimation, Netflix y contribuera.

Cette série documentaire témoigne de la stratégie constante de Netflix : diversification de l'offre au-delà de la fiction (séries, films), avec des émissions moins chères, émissions pour enfants, animes, talk-show ("Chelsea"), voici maintenant le tour des contenus dits de "niche" ; internationalisation aussi, avec un pluri-linguisme recourant au sous-titrage (ce qui réhabilite cette technique et ce mode de consommation inhabituel aux Etats-Unis). Netflix rentre dans le sport par le documentaire de niche et se tient à distance des retransmissions sportives en direct.

lundi 20 juin 2016

Mini-bouquets (Skinny Bundles) pour abaisser le prix d'accès à la télévision


Pour le câble comme pour le satellite (Multiple Video Programing Distributors, MVPD), aux Etats-Unis, l'heure semble aux désabonnements. Les abonnés, surveillant leur dépense de télévision, s'orientent vers les offres OTT et particulièrement vers Netflix, amazon Video, Hulu ou YouTube.
L'offre de chaînes par les MVPD, exorbitante, ne correspond pas ou ne correspond plus à la demande des abonnés qui veulent choisir les chaînes auxquelles ils s'abonnent et rejeter celles qui ne les intéressent pas (ou plus). Sont ainsi mises en question les offres sportives dont les coûts très élevés payés par les opérateurs sont reportés sur la facture des abonnés (sont visés notamment ESPN 1 et 2, très chers). Rappelons que, en moyenne, un foyer TV américain reçoit 206 chaînes pour n'en regarder que 20 (source : Total Audience Report, Nielsen, September 2016). En réaction, pour lever cette barrière à l'entrée dans la télévision, des opérateurs adaptent progressivement leur marketing et proposent des bouquets réduits (dits "skinny"-amaigris, minces-, on parle aussi parfois aussi de slim package ou de slimmmed-down bundle), ce à quoi les fournisseurs de contenus (chaînes) sont évidemment hostiles.
  • Ainsi Verizon (Fios, 5,8 millions d'abonnés) mit en place, en avril 2015, des petits bouquets thématiques complémentaires du bouquet de base (35 chaînes), dits "Custom TV", reportant ESPN (ABC - Disney) dans un bouquet sport séparé, optionnel. En réaction, ESPN (Disney) a déposé une plainte contre Verizon pour rupture de contrat. Le conflit Verizon / ESPN s'est réglé à l'amiable en juin 2016, sans que l'on en connaisse les termes ; il semble que ESPN et ESPN 2 aient finalement été inclus dans le bouquet Sports & More (65 $).
  • En décembre 2015, NCTC, une association de 750 petits câblo-opérateurs (National Cable Television Cooperative, 4 millions d'abonnés) s'est plaint auprès de la FCC parce que AMC Networks leur impose l'achat de 5 chaînes à faible potentiel d'audience (WE tv, IFC, SundanceTV, BBC America, BBC World News), pour une durée de dix ans, s'ils veulent acheter AMC, la chaîne principale (qui diffuse des émissions à succès comme "The Walking Dead"). De plus, AMC demande à NCTC de payer pour tous ses abonnés et non seulement pour ceux qui veulent AMC. AMC Networks tente ainsi de compenser l'effritement des abonnements (cord shaving), en prenant une sorte d'assurance contre les "skinny bundles" ; de leur côté, les opérateurs cherchent à satisfaire leurs clients en proposant des abonnements moins chers, avec des petits bouquets à la carte. Début 2016, un accord a été trouvé réduisant les prix pour NCTC et diminuant le nombre de chaînes diffusées par les opérateurs.
  • En août 2016, Dish Network lance Flex Pack, un mini-bouquet de 50 chaînes pour 39,99$ / mois ne comprenant aucune station locale (donc aucun network) et ne propose pas non plus ESPN ou Fox News (que l'on peut ajouter avec un supplément de dix dollars). Ce skinny network se veut tout l'opposé des "giant bundles" habituels.
  • Durant l'été 2017, Charter lance Spectrum TV Stream, un bouquet pour 19,95 $ par mois (sans contrat), sans sport, comptant plus d'une vingtaine de chaînes (dont les versions locales des quatre grands networks nationaux et PBS). Le bouquet peut être reçu sur iOS, android et sur des téléviseurs connectés. Début 2018, Charter enrichit son offre avec Spectrum Choice (stations locales des networks, 25 canaux musicaux de Music Choice et dix autres chaînes au choix) ; l'abonnement est à 25 dollars par mois.
A terme, tout indique que le marché s'oriente vers une commercialisation des chaînes non plus par bouquet mais à la carte, le "skinny bundle" étant une étape dans cette direction.
Bien sûr, AT&T (U-verse, DirecTV) qui lancera 3 chaînes OTT en fin d'année, estime que le modèle économique des mini-bouquets est intenable à terme et déclare que les petits bouquets seront inévitablement amenés à grossir ("Skinny will turn to fat sooner or later"). 
Une enquête de Digitalsmith (TiVo,“Q4 2015 Video Trends Report”) auprès de 3 100 répondants appelés à simuler une composition de leur mini-bouquet laisse entendre qu'une offfre optimale proposerait sept "skinny bundles" de 15 chaînes pour environ 35$ chacun.
En attendant, les opérateurs perdent des abonnés et Netflix en gagne. L'été, saison des changements télévisuels, risque d'être riche d'enseignements.

vendredi 10 juin 2016

Coupe d'Europe, Copa America : le foot s'invente une presse internationale



98 est en France un trimestriel de 116 pages, publié par le groupe Michel Hommel. Le magazine est cher : 9,9 € (16$ le numéro à New York). Mais, pour les fans, le football n'a pas de prix ! L'abonnement annuel français est vendu 29,9 €. Une version numérique est disponible au même tarif.
Le groupe Michel Hommel est surtout connu pour ses titres dans l'automobile et, dans une moindre mesure, dans l'histoire. 98 est sa première incursion dans la presse du football (le groupe publie déjà plusieurs titres de cyclisme).
98 est le parent français du magazine américain (Eight by Eight), nombres qui évoquent pour les Américains les dimensions du but (goal) sur un terrain de football : 8 pieds de hauteur. 8 yards de longueur.
"So, what’s with our name? The goalposts are silent witnesses to the most dramatic moments in the game"They stand 8 feet high by 8 yards long. Eight by Eight." En français, ce jeu de mots est intraduisible, alors on lui a préféré la référence à l'année 1998 : la Coupe du Monde qui se déroulait en France vit la victoire de l'équipe de France, battant l'équipe du Brésil en finale, 3 buts à zéro. 1998 fut une année Zizou (deux buts en finale). Le temps d'une Coupe, beaucoup de Français regardèrent le monde "les yeux dans les Bleus". Formidables audiences télévisuelles, de plus en plus féminines. "Le chiffre 98 est aujourd'hui devenu un symbole de réussite, de joie, de mélange des genres et de cultures, tout simplement d'unité". Heureux irénisme, notalgique !

Le numéro 1 de 98 se trouve juste à temps dans les kiosques pour le démarrage de la Coupe d'Europe de football et de la Copa. Le visuel est le même pour les deux éditions, France et Etats-Unis. L'événement fait le média.
Le magazine met au programme Paul Pogba, en qui il invite à voir le futur meilleur joueur du monde et l'avenir du football français ("l'avenir des Bleus" / "the future of France"). Le design du magazine tranche avec les habitudes de la presse sportive. Une ambition esthétisante est affichée que traduisent illustrations et charte graphique : dans son éditorial, Julien Bée, le rédacteur en chef pour la France, demande de mettre "l'illustration au service du reportage". L'ambiance visuelle du magazine est réussie, très BD, graffitti, tatouage. Le carcan de la page imprimée est souvent déstructuré, invitant l'œil à errer et mieux penser. Des graphiques de styles divers aident à voir et anticiper le Coupe : camps de base, villes hôtes, galeries de stars... La narration, l'écriture, en revanche, restent traditionnelles. Le foot peut-il enfin imaginer une écriture originale, à la fois technique et passionnée, adaptée à l'enthousiame qu'il suscite, écriture qui rompe avec les commentaires affligeants du type humour télévisuel et style exclamatif. Peut-être faut-il relire Antoine Blondin, journaliste sportif, héraut de tant de Tours de France. De vagues jeux de mots ne suffisent pas au plaisir des lecteurs de foot. Défi lancinant du journalisme sportif.
Si 98 propose des portraits de personnages (joueurs, entraîneurs, équipes), du people (l'affaire Benzema), il aborde aussi l'examen de l'architecture d'un stade (le Parc Olympique Lyonnais), parfaitement illustré. Et, pour la réflexion politique, il y a le superbe dessin de Sue Coe en fin de magazine, consacré à la Coupe du monde au Qatar (2022) : "plus de 20 ouvriers seront morts pour chaque match joué". Mais que diable, qu'est allé faire le football dans cette galère ? 
Ce magazine new-yorkais, lancé en 2013, a pour ambition déclarée de couvrir des clubs sportifs américains et européens, leurs joueurs, leurs entraîneurs. Volonté d'internationalisation servie par une double actualité : en même temps que la Coupe d'Europe, se déroule la Copa America qui célèbre son centième anniversaire. La Copa se joue aux Etats-Unis dont l'équipe est sélectionnée avec quinze autres d'Amérique latine ; pour la première fois, la Copa a lieu hors d'Amérique du Sud, rappelant que les Etats-Unis sont un pays hispanophone et que, à ce titre, le football (soccer) y est chez lui. 98 présente les étoiles de la Copa : Lionel Messi (Argentine) d'abord, puis Fabian Johnson (Etats-Unis). De plus, ESPN consacre plus de 300 heures à l'Euro UEFA. N'oublions pas non plus que le football féminin américain contribue beaucoup à la notoriété de ce sport aux Etats-Unis, l'équipe nationale étant championne du monde.

A quoi sert le football ? Les clubs sont désormais un enjeu majeur de l'économie internationale des médias et des loisirs, au titre du soft power. Faut-il en appeler au football et à la Coupe pour distraire, distraire d'une situation présente préoccupante pour de nombreux Français : crainte d'attentats, grêve revendicative, inondations : le football a-t-il  pour premier objectif d'être un opium pour le peuple ? Cette question mériterait de plus larges développements.
L'internationalisation de ce titre est l'une des premières d'une telle qualité. Prochaine étape, une édition chinoise ?


Sur le foot et les médias dans ce blogici

lundi 7 décembre 2015

ESPN : la situation de la TV sportive se dégrade-t-elle ?


Il y a près de 40 ans, en 1979, ESPN fut une start-up, ESP-TV. Son projet reposait sur trois idées originales, innovantes : la première, réaliser une chaîne de télévision consacrée uniquement aux sports (avant même que CNN ne lance l'information TV en continu) ; la deuxième idée fut de recourir au satellite pour la diffusion nationale de cette chaîne ; la  troisième fut de faire payer les opérateurs du câble (à l'époque, 10 cents par abonné, par mois). Pour la télévision, ESPN fut donc à la fois une révolution dans la programmation, une révolution dans la distribution, une révolution dans le modèle économique.
Le succès ne fut pas immédiat et, comme pour beaucoup de start-ups, l'histoire de ESPN est marquée par des investissements manqués. Ce furent d'abord T. Turner puis Time Warner (malgré l'avis positif de son magazine sportif, Sports Illustrated) qui déclinèrent l'invitation à investir. Le premier investisseur avec 85 % du capital, fut étranger aux médias et à la publicité : Getty Oil (pétrole) en 1979 (laissant 15% aux fondateurs). En 1982, le network ABC prit 10% et une option pour 39%. En 1984, Texaco (qui a racheté Getty Oil) revend ESPN à ABC (80%) et Nabisco (annonceur de la grande consommation, 20%, qui seront rachetés par Hearst en 1990). Cécité par trop prudente de médias qui n'aiment pas prendre de risques.
ESPN The Magazine, lancé en 1998

8 ans après son lancement, en1987, ESPN était à l'équilibre. Depuis lors, la chaîne a poursuivi son développement sans trop d'encombres, conjuguant diversification (ESPN2, radio, magazine, ESPNews, MVNO, etc.) et internationalisation pour devenir bientôt "Worldwide Leader in Sports", selon son propre slogan. Dès 1995, toujours innovant, ESPN met en place une stratégie Internet offensive.
ESPN est ainsi devenue la première chaîne auprès des MVPD, la plus chère et la plus puissante, la plus indispensable pour les téléspectateurs : comptant près de 100 millions d'abonnés, la chaîne est facturée plus de 6 dollars par abonné, par mois.

Mais le modèle si remarquable semble se gripper : le groupe Disney (qui a racheté ESPN en même temps qu'il prenait le contrôle du network ABC, en 1995) doit annoncer aux actionnaires, en décembre 2015 que, au cours des deux dernières années, ESPN a perdu 7 millions d'abonnés. Or ESPN est la première source de profit du groupe Disney (près de 45 %). ESPN avait déjà annoncé en octobre 300 licenciements (ESPN compte 8 000 employés).

Que s'est-il passé ?
La première hypothèse explicative avancée est celle de la réticence croissante des foyers américains à prendre des abonnements groupés (bundling), jugés trop chers. Cord-cutting + cord-nevers constituent un phénomène général, en partie lié à l'augmentation du montant des droits sportifs auquel le groupe ESPN doit faire face (du fait, entre autres de la concurrence de Fox et de Comcast) et qu'il repasse à ses abonnés. De plus, les coûts de production du direct ne cessent d'augmenter. L'audience de l'émission emblématique, SportsCenter (lancée en 1979), baisse suite au départ de plusieurs journalistes phares.

La plupart des chaînes thématiques subissent une érosion semblable de leur portefeuille d'abonnés.
Pas d'explication par Netflix dans le cas de ESPN qui a déclaré ne pas envisager de diffuser de sport ! Toutefois,  il est probable que la chaîne amène les foyers américains à réfléchir et revoir leur abonnement groupé lorsqu'ils paient 10 $ par mois pour une offre considérable de divertissement : en comparaison, l'abonnement au câble leur paraît très cher.

Chaîne sans data
ESPN n'est pas distribué en OTT : la chaîne ne connaît donc pas ses télépectateurs, leurs comportments et leurs goûts : ce sont les MVPD, petits ou grands qui les connaissent pour l'instant. Data indispensables pour personnaliser et recommander les contenus (programmes et publicité) et construire une DMP efficace. Le passage en diffusion OTT, envisagé, supposerait que la chaîne soit vendue au moins 30 $ par mois pour garder le même niveau de profit qu'avec le modèle actuel, soit trois fois plus que l'abonnement mensuel à Netflix. C'est beaucoup... Mais surtout cela sonnerait la fin de la vente groupée de chaînes.

Si le changement paraît "inévitable" selon Disney, il est encore difficile d'en imaginer les conditions et la chronologie (du fait des contrats en cours, récemment renouvelés, avec les opérateurs MVPD et avec les fédérations sportives). Le nouveau modèle économique du sport télévisé n'est pas encore imaginé. Quel prix les téléspectateurs sont-ils prêts à payer le sport ?
Etant donnée l'importance du modèle ESPN pour la télévision sportive, son évolution prochaîne devra être suivie de près.
Le succès passé et présent de ESPN semble fonctionner comme un obstacle à l'innovation indispensable pour affronter les nouveaux marché de la télévision, ESPN n'a guère modifié son modèle économique depuis son lancement ; il l'a amélioré, pour faire mieux et beaucoup plus de la même chose, tout en conservant un même paradigme (cf. Thomas Kuhn, 1962). Que doit faire une entreprise lorsqu'elle est prise dans une disruption ?

mercredi 17 juin 2015

Numérique et destruction créatrice de médias


Depuis 20 ans, les médias traditionnels d'information sont assaillis par de grands services numériques sans contenu propre, sauf fourni par les utilisateurs eux-mêmes (User-Generated Content).

Tout support numérique sans contenu se fonde sur un service aux consommateurs (réseau social, moteur de recherche) pour accumuler et vendre des contacts publicitaires. Chaque service y va de son appli mobile, qui recherche et puise des contenus dans les productions des médias traditionnels et les agrège à son bénéfice. Les médias traditionnels, "legacy media", médias de contenus, sur le fond, n'ont pas changé : la presse comme la télévision ou la radio restent d'abord des créateurs organisateurs de contenus, d'information entre autres, et, notamment, d'information locale.
Le numérique n'y change pas grand chose : la collecte de cette information ("All the news that's fit to print", selon le slogan du New York Times depuis 1896), son traitement (vérification, curation, narration, illustration) coûtent cher. La monétisation semble rester en rade ; elle s'est empêtrée dans sa distribution traditionnelle.

S'agit-il de destruction créatrice ? Disruption : une concurrence terrible qui vient d'où l'on ne l'attend pas. La presse américaine n'attendait pas les moteurs de recherche, elle n'attendait pas les réseaux sociaux, elle ne se méfie pas de la géolocalisation... Les quotidiens ont craint USA Today et The  National Sports Daily comme les networks ont redouté les chaînes thématiques, CNN, ESPN... Aveuglés par ces leurres involontaires, armés d'analyses de concurrence, classiques et trompeuses, on dirait que les médias n'ont rien voulu voir venir.

Qu'est-ce qui a été détruit et recréé ? Ce sont les modes de distribution. Mais cette destruction n'a été possible que parce qu'ont subsisté, inaltérés et disponibles gratuitement, la création journalistique des médias, les contenus.
Si les plus jeunes se tournent vers le Web, mobile surtout, et abandonnent les supports traditionnels de l'information (Reuters Institute for the Study of Journalism at the University of Oxford, 2015), ils n'abandonnent toutefois pas les contenus ! L'agrégation de contenus opérée par les médias traditionnels est une commodité de distribution (packaging). La désagrégation en cours correspond à de nouvelles formes de distribution. Mais, toujours, derrière cette mutation du papier aux applis mobiles, il y a des contenus, des créations, du plaisir.
La distribution peut compter sur l'automation et l'intelligence artificielle pour optimiser son modèle économique et réduire sans cesse les coûts de transaction. En revanche, la création, qui lutte contre le chaos et l'entropie, ne peuvent guère compter que sur l'intelligence naturelle d'une main d'œuvre créatrice (journalistes, etc.).

Récemment Apple, Facebook, après d'autres (Google News, Flipboard, etc.) se sont positionnés comme distributeurs de produits élémentaires de la presse, désagrégés, l'article étant l'atome de lecture mobile.
  • Après Paper (1994), Facebook teste Instant Articles. Paper a joué un rôle de brouillon ; avec Instant Articles, Facebook se positionne comme distributeur d'articles de presse à part entière. Les articles sont publiés directement dans l'appli Facebook (iOS), bénéficiant d'une meilleure ergonomie : alors qu'actuellement, les articles de presse se téléchargent lentement, Facebook promet un téléchargement 10 fois plus rapide que le Web mobile et des modalités d'édition enrichie (zoom, plein écran, autoplay, légendage audio, etc.). L'information est-elle déjà "Facebookified" ? Quelle part du trafic des médias vient de Facebook ?
    • La publicité sera gérée directement par le titre qui alors gardera 100% des revenus ou bien elle sera confiée à Facebook Audience Network qui prendra 30% des revenus. Par ailleurs, Facebook propose aux éditeurs les fonctionnalités de LiveRail (people-based targeting pour mobile.
    • Les éditeurs pourront aussi utiliser leurs propres analytiques, dont Google Analytics ou comScore, s'ajoutant aux outils mis à disposition par Facebook (Tools and Insights for Publishers).
Les titres engagés avec Instant Articles (source Facebook, May 2015)

  • Apple annonce News pour l'automne 2015 (Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne d'abord). News sera une appli iOS 9, personnalisable, qui devrait remplacer Newsstand et agrégera des articles de presse. Le partenariat de lancement mobilisera The New York Times, ESPN et des titres du groupe Condé Nast (bon appétit, etc.). 
    • Les titres commercialisent leur espace publicitaire, mais à la différence de Facebook, les données de consommation de la presse ne seront pas transmises aux titres afin de garantir la vie privée des lecteurs ("Apple doesn't share your personal data"). Apple commercialisera les espaces publicitaires invendus.
    • Branding : avec Apple News Format for Publishers, Apple laisse la possibilité aux éditeurs d'effectuer la promotion de leurs titres (abonnements).
    • Le contenu proposé par News tiendra compte de ce que le lecteur lit habituellement en vue d'atteindre un niveau d'intérêt et d'engagement croissant. 
    • Au travail de gestion suivant un algorithme, pourrait s'ajouter un travail de curation humaine.
  • Twitter travaillerait à Project Lightning, une fonctionalité permettant de suivre un sujet ou un événement ; des curateurs incorporeraient des tweets sélectionnés en une narration (story) accessible et mise à jour sur l'appli Twitter pour iOS.
Parmi les questions que suscitent ces développements :
  • La mesure totale du lectorat total n'en finit pas de se complexifier ? Comment intégrer ces audiences nouvelles avec les analytiques actuels de la presse ? 
  • Qui détient les données de lecture ? Le titre pourra-t-il y accéder pour construire sa stratégie éditoriale, promotionnelle, publicitaire ?
  • S'il se crée des carrefours (hubs) où les lecteurs peuvent se rendre pour découvrir des articles, des revues, si l'on peut y passer sans effort d'une publication à une autre, quelle marque en bénéficie ? Apple ou Conde Nast ou Bon Appetit ? Qui profite de la notorité (branding) ? A qui les lecteurs seront-ils fidèles ? A Facebook, Apple, ou à l'éditeur ? La marque éditeur ne risque-t-elle pas d'être diluée ?
  • Avec des opérations comme News ou Instant Article, les médias de contenus accroissent leur dépendance vis à vis de leurs puissants distributeurs (addiction). On dirait parfois qu'ils se livrent en aveugles au destin numérique qui les entraîne...
De plus, la mainmise progressive d'agrégateurs ("massive social media aggregators") comme Google, Apple ou Facebook sur les contenus des médias américains semble se doubler de la concurrence que ces entreprises font aux médias traditionnels en matière d'information, notamment en période électorale. Ainsi, Facebook semble la source de plus en plus fréquente des informations politiques, pour les moins de trente ans (cfPew Research Center, 2014). Voir aussi le rôle de Facebook (Obama et les networks) et de YouTube (Google) dans la communication gouvernementale (cf. Un président sur YouTube).
Facebook guigne les dépenses publicitaires des partis politiques et des candidats, réduisant d'autant la part de marché des médias locaux, notamment celle de la télévision. Mais ce n'est pas la seule avancée de Facebook dans l'information : le réseau s'attaque indirectement aux médias traditionnels en facilitant la tâche des relations publiques (PR). Ainsi, alors que le nombre de journalistes décroît, celui des PR augmente : les journalistes font carrière dans les RP (y compris des jouralistes ayant obtenu des prix Pulitzer). La communication l'emporte sur l'information.
Twitter de son côté concurrence aussi 
les médias traditionnels pour la couverture des campagnes électorales (cf. le travail de Peter Hamby, journaliste de CNN, "Did Twitter Kill the Boys on the Bus? Searching for a better way to cover a campaign", Shorenstein Center Fellow, Harvard University, Spring 2013, 95 p.) : la conclusion de l'auteur sonne comme une menace de plus : "More and more, the mainstream political press is being cut out of the election process".

Les applis sur mobiles deviennent le mode le plus courant de la consommation d'information (newsreading apps). La majorité des visiteurs de la plupart des sites d'information viennent du mobile (selon Pew Research Center). Face à des entreprises gigantesques, attrape-tout, comme Facebook, Google ou Apple, les médias d'information et de divertissement semblent coincés, hypnotisés : ne pouvant les battre, ne leur reste-t-il à qu'à s'y rallier ? Facebookisation de l'information, Facebook assurant la police de l'information (content cop) ?

N.B. Pour d'autres formes d'intervention des réseaux sociaux dans l'information, voir, par exemple, les collaborations successives de Storyful (News Corp.) avec Facebook (2014) puis YouTube (2015).

samedi 10 janvier 2015

OTT everywhere. A TV paradigm shift?


American television goes over-the-top (OTT). Streaming, broadband, stand-alone, OTT, vMVPD: are we seeing the beginning of a TV paradigm shift?

Streaming started for TV with Netflix, Amazon and Hulu around 2006-2008. A few years later, as OTT flourishes, Netflix boasts over 43 million subscribers, more than HBO. Now, traditional media launch their own OTT service. Among them:
  • CBS All Access, a paid subscription channel ($6/month with commercials, $10 without), on-demand. Sort of catch-up TV. All kinds of its programs with a few notable exceptions: NFL or "The Big Bang Theory". CBS will use its Syncbak server. Each CBS station will be equipped with it. Generally speaking, CBS affiliated stations approve CBS All Access. Note that since it is not part of Hulu, CBS was free to develop CBS All Access. In retrospect, it also explains the determination to destroy Aereo. In July 2015, CBS All Access reaches 75% of U.S. TV homes. In August 2017, CBS All Access adds CBSN. In 2018, CBS All Access will be available ad-free via Amazon Channels (Amazon Prime subscribers).
  • CBS News
  • HBO Now launched a stand-alone OTT service, like Netflix. It is not necessary to buy packages to watch HBO (included in premium bundles) as a Web streaming-only service. No need for a pay-tv subscription. HBO is expecting 10 million subscribers. HBO costs $16 a month while Netflix is sold for $9 (in the USA). HBO Now $14,99 per month (via iTunes Store)
  • Showtime (CBS Group): the President says Showtime is "prepared for an OTT World" (Showtime's OTT service to debut in July 2015, $10.99).
  • Dish Network launched its OTT service in February 2015, Sling TV streaming 19 channels for $20 (600,000 subscribers, February 2016)
  • ESPN will create a stand-alone service with NBA
  • For Starz, "going OTT is a no-brainer for content owners". Launched in April 2016 ($8,99).
  • In December 2014, DirecTV launched YaVeo, a service for Spanish-language programming ($8), including programs from Univision, Caracol, etc. YaVeo was closed in December 2015.
  • Nickelodeon (Viacom) launched Noggin, an OTT channel dedicated to children using mobile in 2015 ($6)
  • Major League Soccer will go OTT in 2015 too
  • Urban Movie Channel (UMC) launched in February 2015
  • Watchable by Comcast (beta version, September 2015)
  • Cox Flare MeTV (November 2015), Flare Kids
  • CuriosityStream, non-fiction programming, 2015
  • Verizon Communications: Go90, free to start with (October 2015)
  • Smithsonian Earth, $3,99 (November 2015)
  • Univision Now (Univision, UniMas), $5,99, launched in November 2015
  • SeeSo, comedy channel, launched by NBCU (January 2016), closed in 2017
  • FilmStruck, streaming service, announced by Turner (April 2016, Time Warner)
  • PlayStation Vue, launched by Sony in March 2015 (120 000 subscribers in June 2016). Cloud DVR.
  • Hulu: slimmed-down bundle (planned Q1 2017)
  • DirecTV Now (with AT&T, planned March 2017)
  • Glosi ($9,99): Hispanic multiscreen service with Cox (2017 ?) 
  • Fox Nation will be launched in 2018 (fourth quarter)
A new TV paradigm? What are the implications? For the time being, the development and generalization of OTT television pose many questions.
  • HBO and Showtime going OTT could interfere with MVPDs (Multiple Video Programming Distributors) like DirecTV and MSOs, which sell HBO or Showtime as a flagship product in a bundle, a mix of programs. Is there a risk of cannibalization?
    • Could OTT increase the propensity to leave bundling, raising the number of cord-cutters or cord-nevers? Will MVPDs sell the streaming service too? What are the consequences on MVPDs and their bundle economy? Is this the beginning of the end for MVPDs?
    •  
    • Would OTT become just another way to sell TV programs, as CBS says? A "supplementary offering" to reach broadband-only homes (cord-free)? 
    • How about Net neutrality? The FCC will vote on new rules. Netflix is criticizing the Republican "fast lane" proposition, calling it a "misconception", but the FCC wonders if Netflix is not building or testing its own "fast lane".
    • What about advertising? OTT channels do not carry commercials. But this could change... Could free OTT with advertising make sense?
    • How will commercial measurement keep up with these new platform developments? 
    • In the long run, will every network develop its own OTT(s)?
    Screenshot of http://www.cbs.com/all-access/

    mercredi 31 décembre 2014

    Sports TV fees for everybody


    You do not like to watch sports on cable TV? Too bad, but you pay anyway. Or  you can cut the cord...

    That is what Time Warner Cable, the second American Multiple System Operator (MSO, 11 million subscribers) is telling its subscribers in the beginning of 2015.
    Every TWC subscriber will have to pay a monthly $2.75 surcharge, even if they do not subscribe to a sports package. These sports fees are supposed to offset the rising price of sports programming by networks such as ESPN, SportNet LA (which by the way belongs to TWC), etc. DirecTV and Cablevision are going to do the same. Subscribers will not be able to opt out to avoid the surcharge (bundling).
    Sports programming represents 20% of programming expenses for cable operators and other distributors (source: SNL Kagan).

    Of course this surcharge will probably increase cord cutting and the number of cord-nevers. But obviously, in order to optimize their business, cable operators prefer to have less subscribers who pay a bigger bill: How long can this last? Unfortunately, for American sports fans, the broadband supply of sports is still limited. When will there be a OTT for sports?

    jeudi 18 septembre 2014

    Supplément sportif pour la télé américaine


    Cable ONE,  câblo-opérateur américain, facture désormais un supplément de 2,94 $ pour l'abonnement TV de base en raison des prix des programmes sportifs (sport surcharge). Les programme sportifs, explique l'opérateur, représentent plus du tiers des coûts de programmation, souvent près de la moitié.
    Le prix du sport à la télévision américaine ne cesse de croître suivant l'augmentation des droits sportifs. En moyenne, une chaîne sportive demande 75 cents par abonné, par mois, soit 3 fois plus que la moyenne des autres chaînes (Source : SNL Kagan). L'ensemble de chaînes sportives d'ESPN (groupe Disney) demande plus de 5,5 $ ; NFL Network (chaîne de la ligue de football américain) demande 1,5 $. Ce sont les services les plus chers.

    En plus de sa présence dans les chaînes généralistes grand public, l'offre de sport pour les abonnés à la télévision payante est fort riche et diversifiée (près de 200 chaînes) :
    • Chaînes des ligues d'équipes sportives : NFL (football), NBA (basket), MLB (baseball), NHL (hockey), MLS (soccer).
    • Chaînes spécialisées : golf, sports mécaniques, ski, tennis, etc.
    • Chaînes sportives généralistes : CBS Sports Network, Fox Sports Network, BTN, Univision Deportes, etc.
    • Chaînes régionales (RSN) : souvent chères, de 4 à 5 $ par chaîne, par mois. Aussi les opérateurs refusent-ils de plus en plus de les retransmettre : c'est le cas avec la chaîne SportNet LA (qui appartient à TWC et a signé un contrat de 25 ans avec l'équipe des Dodgers) : DirecTv refuse de retransmettre la chaîne.
    Cette augmentation du prix venant d'un distributeur est un symptôme ; elle annonce des changements de modèle économique sur le marché de la télévision. Ce symptôme en recoupe d'autres : les désabonnements (cord-cutting) et les non-abonnements (cord-never) de ceux qui ne sont pas des fans de sport : ils disposent de la télévision généraliste de base (une dizaine de chaînes / stations) et ils peuvent y ajouter un service OTT comme Netflix. Le gain est significatif, au moins une vingtaine de $ par mois.
    Cette différence provoque et explique une demande de commercialisation à la carte (unbundling) venant des abonnés. Certains distributeurs voudraient sortir les chaînes sportives de l'abonnement de base. Ce que, bien sûr, refusent ces chaînes.
    Netflix pourrait aussi inspirer aux entreprises de spectacle sportif un nouveau modèle économique. C'est ce que tente World Wrestling Entertainment (WWE Network) qui a lancé un service OTT pour 10 $ mensuels...

    Mise à jour, 8/10/2014

    Début octobre 2014, la NBA (basket) a signé un accord avec ESPN (Disney) et TNT (Tome Warner) de retransmission de 2,6 milliards de $ par an (24 milliards pour la période 2016-2024-25).

    mercredi 14 mai 2014

    Trois chaînes de TV pour le soccer américain


    La conquête de l'Amérique du Nord par le football (soccer ou fútbol) se confirme.
    La Major League Soccer (MLS), qui vient d'avoir 20 ans, réunit 19 clubs professionnels des Etats-Unis et du Canada, bientôt 21. Le public des spectateurs dans les stades s'accroît (6 millions de personnes en 2013) et l'expansion géographique est en cours dans les grands marchés télélévisuels hispanophones (Atlanta, Miami, Orlando).
    C'est à la télévision que se joue l'économie du foot or les audiences sont encore faibles et ne s'accroissent guère. Mais cela changera peut-être avec la nouvelle grille qui est mise en place.

    Un accord de 8 ans, 2015-2022, a été signé avec trois grands groupes de télévision concernant un ensemble de 125 matchs pour  90 millions de dollars par an. S'y ajoutent les matchs à domicile des sélections nationales féminine et masculine. L'accord concerne les chaînes diffusant en anglais (ESPN, Fox) et en espagnol (Univision, UniMás, USPN Deportes, Fox Deportes). Mais on est encore très loin des sommes mises en jeu par la NFL (football américain) : ESPN paie 2 milliards de dollars par an pour 16 Monday Night Football.

    L'objectif premier du contrat était de créer une fenêtre régulière de programmation du football facilitant la fidélisation des fans et des télépspectateurs, et contribuant à l'image de marque nationale de ce sport.
    En résumé :
    • ESPN / ESPN2 a le dimanche après-midi (17h)
    • Fox Sports 1 a le dimanche début de soirée (19h)
    • Univision avec UniMás et Univision Deportes a le vendredi soir et un résumé (wrap show) le dimanche
    • Le streaming et le pay-per-view reviennent à ESPN3 (retransmission des matchs hors DMA) et aux fournisseurs habituels (iTune / Apple TV, Google Play, Roku).
    L'implantation du football sur le marché nord-américain constitue assurément une étape importante pour la mondialisation et sans doute la féminisation de ce sport.

    N.BThe Biggest Stadium in the World", avec 500 millions de fans dans le monde, Facebook se vante d'être le plus grand stade du monde. De plus, Facebook déclare compter 48,9 millions de fans de football aux Etats-Unis. Autant d'hommes que de femmes, 60% ayant moins de 35 ans.
    La télévision américaine devra compter avec Facebook.

    dimanche 9 mars 2014

    La TV des jeunes adultes américains


    Marques préférées par les 16-34 ans ("Millennials")
    Enquête initiée et payée par Verizon Digital Media Services. Donc plutôt du travail courant de relations presse que de recherche neutre ; prétexte à communiquer, à rassurer des actionnaires ou les clients.
    On n'attend donc pas de grandes surprises de cette enquête. Effectivement, il n'y en a guère, à deux réserves près.

    Le métier de Verizon Digital Media en matière de télévision, c'est de vendre un ensemble de chaînes (bundle de 150 à 300 chaînes ; cf. "Build your bundle") à ses clients qui achètent aussi des abonnements au téléphone, fixe ou mobile.
    Le cœur de cible de son marketing, ce sont les "millennials", personnes de la génération Y, devenues adultes au début des années 2000, nées après 1980. L'objectif de cette enquête est de connaître les comportements actuels et futurs de cette cible.
    Ces réponses sont des déclarations (ni le questionnaire ni le guide d'entretien ne sont publiés).
    L'échantillon des enquêtés est représentatif de la population américaine.
    - quanti : 1 000 personnes interrogées (passation d'une durée moyenne de 23 mn) auprès de 800 personnes de 16-34 ans et de 200 de 35-64 ans.
    - quali : 8 entretiens semi-directifs au domicile (durée moyenne : 30 à 40 mn). Terrain : Hub Entertainment Research (novembre 2013).

    Milleninals & Entertainement (mars 2014). Principaux résultats :
    • Ces jeunes adultes privilégient la vitesse (débit) et le confort de vision : ergonomie, immédiateté ("fewer steps between content selection and the moment of viewing"). Impatients, il leur faut des médias immédiats. Culture Apple (iTunes, Apple TV) ?
    • Ils regardent beaucoup la télévision en ligne, elle représente plus du tiers de leur temps télévisuel (12% seulement pour les plus âgés).
    • De nouvelles habitudes se mettent en place: ils veulent tout à la demande. La télévision, c'est où et quand ils veulent (omni-content distribution, TV Everywhere), plusieurs épisodes de suite éventuellement (binge viewing, marathoning). Dans sa forme linéaire courante, la télévision ne leur convient pas.
    • Faible demande de télévision interactive.
    • Marques préférées par les 35-64 ans
    • Leur consommation est multi-plateforme, certes, mais pas au point de recourir à un second écran pour une activité en relation avec une émission. Pendant l'émission, ils consultent Facebook, effectuent des achats en ligne, et, dans une moindre mesure, ils tweetent ou lisent un eBook. Adeptes du multiscreentasking, donc, mais peu de la social TV. C'est la première surprise; elle invite à scruter les modalités de production des statistiques souvent euphoriques de la social TV.
    La seconde surprise concerne les marques.
    Les millennials sont moins fidèles aux marques, plus susceptibles d'en changer. Leurs marques préférées sont pour partie différentes de celles de leurs aînés : Netflix, Apple, Samsung, apparaissent dans la liste des dix premières. Aucune chaîne de télévision généraliste linéaire (network) n'y figure mais YouTube est plus souvent nommé. ESPN n'est présent dans aucune des deux listes. HBO non plus.
    Un glissement télévisuel se fait jour, d'une génération à l'autre, en faveur de deux marques payantes, Apple et Netflix et de deux méta-média gratuits : Facebook, Google/YouTube. Toutefois, il faut tempérer cette appréciation : les quatre networks ne sont pas crédités, comme il conviendrait, de leur présence au travers de leurs émissions. Cette dimension serait difficile à prendre en compte par ce type d'enquête brêve, aux questions simples. Problème méthodologique difficile à débrouiller.

    dimanche 23 février 2014

    Déclaration d'indépendance médiatique du sport : 120 Sport et NFL Now


    L'organisation de la télévision sportive américaine a changé au cours des années passées. Beaucoup de ligues sportives ont étoffé leur présence numérique et développé leurs propres chaînes, tandis que les éditeus de networks nationaux développaient des chaînes de télévision multi-sport. Ceci n'était que l'extension d'une offre traditionnelle.
    En revanche, deux projets qui verront le jour durant l'année rompent avec cette tradition pour épouser d'emblée et complètement la révolution numérique : 120 Sports et NFL Now.
    Un cahier des charges tacite semble énoncer les caractéristiques de cette rupture télévisuelle : formats courts, immédiateté, multi-support, c'est à dire réception mobile, appli, personnalisation, direct, vitesse, souplesse, réactivité, continuité, contenu à la demande.

    120 Sports
    Lancée au cours des mois qui viennent, 120 Sports est une télévision multi-sport qui réunit Time Warner et quatre ligues de spectacle sportif : la chaîne rassemblera des éléments de basket ball (NBA), baseball (MLB), hockey (NHL) et de sport mécanique (NASCAR) ; s'y ajouteront des sujets provenant des conférences sportives universitaires ("college sports") via Campus Insiders.
    Délivrées en live streaming pour tout support numérique, sans recourir à une authentification comme TV Everywhere, procédure contrôlée par des opérateurs de télévision payante, à leur profit.
    Le format des émissions sera de 2 minutes (120 secondes) : citations et extraits de matchs ("highlights", "game footage"), commentaires de journalistes, de fans. L'ensemble mélangera vidéo et data ("built to intuitively integrate video and data"). Pour commencer, le modèle économique sera publicitaire (appli gratuite pour le téléspectateur) ; une version payante sera proposée en 2015.

    Les moyens techniques, le développement et le marketing proviendront de trois partenaires disposant d'une expérience dans les médias du sport :
    - MLB Advanced Media qui travaille déjà avec ESPN.
    Silver Chalice, entreprise spécialisée dans le sport pour le numérique, prendra en charge la production ; Silver Chalice, basée à Chicago, a lancé SportsLab ("the home of digital sports"). Elle est liée aux Chicago White Sox, l'équipe de baseball. La production se déroulera à Chicago, dans les studios Harpo Studios (Oprah).
    - Le magazine Sports Illustrated (groupe Time Inc.) pour le marketing et la régie publicitaire.

    NFL Now
    Si la puissante NFL (football) est l'absente notoire de ce groupement, c'est parce qu'elle est de son côté engagée dans son propre projet, NFL Now, appli qui sera lancée quelque mois après 120 Sport, durant l'été 2014. Dans les grandes lignes, ce projet ressemble à celui de 120 Sports. Ses partenaires seront Yahoo!, Microsoft, Verizon et Gillette. Le service permettra la personnalisation (choix de l'équipe préférée) ; il proposera des transmissions en direct, des débats, des conférences de presse, en partie à la demande.

    Remarques :
    • Le lancement de ces chaînes retentit comme une déclaration d'indépendance médiatique du sport.
    • Time Warner qui vient de rompre avec l'économie du câble en vendant TWC à Comcast, qui n'a pas de network (sauf une participation de 50% dans The CW) et qui ne gère pas de station locale, a désormais les mains libres pour inventer une nouvelle télévision numérique (pas de TV Everywhere à respecter). Parmi les actifs essentiels de Time Warner : HBO, Warner Bros, Time Inc., CNN, Cartoon Network, Hanna-Barbera, Castle Rock Entertainment.
    • Le modèle économique de ces deux chaînes, conçues d'emblée pour être multi-support, repose sur le développement de la publicité numérique multi-support. La demande se confirmera de responsive design mais surtout d'analytics ne nécessitant pas de recours à des panels, à des mesures mixtes et des GRP de synthèse, comme en proposent Nielsen avec Facebook (OCR) ou comScore avec Google (vCE).
    • Avec la réception sur les appareils mobiles, smartphones et tablettes, les format courts s'imposent avec des implications dans la production, le mode d'exposition, de narration (storytelling) du sport.

    vendredi 31 janvier 2014

    Portable et Wearable

    Tablette de cire et stylet (Pompei)


    La portabilité, dans la communication, est affaire ancienne et a fait l'objet d'une recherche constante. La tablette de cire, le stylo-plume (avec réservoir), la machine à écrire, la radio, le tourne-disques, le carnet, l'agenda en papier, le livre de poche...
    D'abord, le PC est devenu portable, moins lourd, et, surtout, doté d'une batterie le libérant des branchements, de Wi-Fi pour le Web...
    Puis le téléphone, à son tour, est devenu portable ; sans fil, avec batterie, tenant dans la poche, emportant avec lui, compacte, une bureautique de base : agenda, carnet d'adresses, montre.
    Puis, de plus en plus intelligent, l'iPhone : le premier smartphone emporte des applis, allant bien au-delà de la bureautique rapprochée : messagerie, courrier, photo, météo, bourse, musique, plans, jeux, notes, dictionnaires... La téléphonie a ses librairies (appstores) qui comptent des millions d'applis à télécharger, plus ou moins utilisées... Portabilité généralisée à la demande.

    Et voici les montres, nec plus ultra de la portabilité.
    Prenons l'exemple de la montre la plus avancée et la plus reconnue actuellement, la Pebble, financée par crowdfunding avec kickstarter.
    En plus de donner l'heure - on peut choisir son cadran parmi des centaines, une Pebble capte les signaux provenant du smartphone via Bluetooth : messages, courriers, appels téléphoniques, alertes diverses (notifications), alarmes, suivi d'activité sportive (RunKeeper). Pebble a désormais sa librairie d'applis (un millier), ses développeurs et son kit de développement (SDK). Parmi les applis annoncées pour la version 2.0, citons : ESPN Sportscenter (Disney), Yelp, Pandora (musique), GoPro (photo sportive), Foursquare, Mercedes-Benz, iControl (domotique)... Interactive, la montre interagit avec le smartphone pour sélectionner la musique, l'interrompre ; elle fonctionne comme une télécommande pour diverses applis domotiques, photo, etc.
    Alerte courrier sur Pebble
    La montre-bracelet portée au poignet est donc encore plus portable, plus proche que le smartphone qui est dans la poche ; elle dispose de fonctionalités réduites et simplifiées mais on l'oublie moins, on risque moins de la perdre. A l'extrême de la miniaturisation, elle est contrainte par des questions d'énergie et de batterie, et de lisibilité.

    Le wearable conjugue donc deux modalités de portabilité : la légéreté et l'autonomie, le fait d'être sous la main ("Zuhandenheit"), d'une part, et, d'autre part, l'extrême proximité de ce que l'on porte sur soi, comme on porte un bijou, un vêtement (to wear a watch / to wear a jacket), que l'on a sous les yeux, qui nous touche (vibration).
    La Pebble, smart watch, est un prolongement non autonome, et conçu comme tel, du smartphone, mais un prolongement commode, qui peut devenir indispensable.
    • Une montre bracelet peut-elle devenir une extension du système économique et technologique du smartphone ?
    • Une montre peut-elle remplacer un smartphone, être autonome sans devenir encombrante ? 
    Les constructeurs de smartphones, et notamment Apple, ont à coup sûr ces questions en tête de leurs préoccupations. Les bijoutiers aussi, peut-être. Le "wearable" peut être assimilé par le luxe et la mode : montres, lunettes, tissus et vêtements (smart sensing).


    N.B. On notera que l'on a pensé à une montre audimétrique pour enregistrer les comportements des auditeurs et téléspectateurs (cf. Telecontrol).

    mercredi 8 janvier 2014

    Réseaux et studios américains : interdépendance et statu quo


    Les studios américains les plus importants (Hollywood) dépendent pour une grande part du revenu des chaînes qu'ils contrôlent ; elles représentent une composante essentielle de leur bénéfice d'exploitation (operating profit). Leurs revenus proviennent pour partie de la publicité, mais surtout du versement des câblo-opérateurs (monthly fees). Rappel : selon SNL Kagan, ESPN, par exemple, touche plus de 5,5 $ par abonné par mois (100 millions d'abonnés).
    On comprend, à la lecture de ces données, la sensibilité des relations studios / réseaux : les studios font tout pour ne compromettre en rien le modèle économique des principaux câblo-opérateurs (MSO) et, notamment, pour protéger l'abonnement groupé (bundling) contesté en faveur d'achats à la carte, ainsi que pour maintenir le principe de la rémunération négociée de la retransmission (retransmission consent, lutte contre Aereo, etc.).

    Données calculées pour les trois premiers trimestres 2013. Source : The Hollywood Reporter, January 10, 2014