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lundi 19 février 2024

Notre temps, un magazine pour passer le temps

 Notre temps, mars 2024, 132 p., mensuel, 4,4 €

De qui est-ce le temps ? Quel temps, celui qui passe, celui auquel on appartient ? Si l'on s'en tient à la une de ce magazine, à la photo qui illustre ce numéro mensuel, on ne peut douter : il s'agit du temps des trentenaires. Mais en feuilletant le magazine, le doute s'installe, et il s'agit plutôt de la seconde partie de la vie, de celle qui précède et anticipe la retraite, la maladie, la mort, les petits enfants, partie de vie jamais nommée mais horizon toujours présent de toutes les décisions, médicales ou économiques. Mais enfin, déclare une actrice interviewée, "il y a de beaux rôles pour les actrices de plus de 50 ans". D'autant que la part de la population des "50 ans et plus" s'accroît régulièrement... 

Si l'on en croit l'OJD et l'ACPM, l'audience de ce titre est de 2,4 millions de personnes, composée d'un tiers d'hommes et de deux tiers de femmes. Les abonnements représentent 81% de la population des acheteurs du titre ; des fidèles donc. Rappel : en France, une personne sur cinq a au moins 65 ans (source : INSEE, 2022) et la France compte 66 millions de personnes, donc 13 millions sont la cible de Notre temps, cible du magazine papier et/ou cible du site Internet de ce même titre. Au total d'ailleurs, ce magazine est de facto le premier des magazines, juste derrière les hebdomadaires de fin de semaine et ceux de télévision dont les audiences sont menacées par les divers outils numériques.

En gros titre, en rouge, donc, de ce numéro de mars : la retraite des femmes. Cela constituera le "cahier central" intitulé "vos droits et votre argent" : tout d'abord, le logement qui est traité en tenant compte de l'avancée en âge ("après un veuvage", etc...), des déménagements. Ensuite, vient la retraite : le passage à la retraite est souvent difficile pour les femmes, retraite dont le calcul financier est compliqué par des carrières interrompues par les enfants, par le métier du mari, qu'elles suivent, en général.

Puis, après un peu d'activités manuelles (un "tote bag brodé"), il sera question de la cuisine, de celle que l'on se mijote, centrée ce mois-ci sur le citron ,"un zeste de soleil" ; 6 pages lui sont concentrées, avec des recettes mais aussi des conseils diététiques (la santé toujours !), mais rien sur le citronnier qui pousse dans le jardin ou sur le balcon, dommage ! Ensuite, il est question du marché : l'églefin, les oranges sanguines, les radis red meat et les asperges ; puis du supermarché ("Banc -test : les crottins de chèvre", avec les prix au kg). Articles utiles, voire indispensables. Ensuite, des recettes pour les feuilletés.

L'agriculture ("le bio a pris racine", 2 pages pour un bilan qui reste modeste), et le salon des séniors. Puis une page pour l'année 1974 ("Souvenirs, souvenirs", cela s'est chanté, il y a bien des années). Le dossier santé est consacré à la musculature, il est suivi de deux pages sur les compléments alimentaires, puis d'un dossier sur la presbytie, d'un dossier sur une innovation médicale, les ultrasons pour améliorer la situation du coeur et, enfin les fleurs sauvages : c'est beau et bon pour le sol.

Ensuite, vient la culture avec le cinéma et les DVD, des romans (il y en a même un sur Spinoza, philosophe malin, si loin de son temps !). Puis viennent quatre pages, dans le cadre des "Amours historiques", sur celle qui deviendra l'héroïne du Roman de la rose, épouse de Louis IX, dit Saint Louis, à qui les français de religion juive devront de porter une rouelle d'étoffe jaune, suggestion faite au roi en 1269 par un juif converti ! Ensuite, quatre pages sur Evreux, puis cinq pages sur Sri Lanka : tourisme, ici ou là-bas.

Finalement viennent les jeux, mots croisés, mots fléchés, le bridge, etc. puis la publicité et les annonces classées (pp. 110-132) : au total, environ 38 pages de publicité dans le magazine, presque toutes utiles.

Concluons. Manifestement, dans Notre temps, il y en a pour tous les goûts, pour de nombreuses lectures actives (moi, j'aime bien les recettes) : il y en a pour un mois. Magazine multitâche sans être généraliste, il est conçu pour aider ses lectrices et lecteurs à devenir vieux. Alors qu'est-ce que c'est qu'être vieux, que devenir vieux ? Ce magazine donne des réponses à ces questions futiles mais vitales que l'on ne se pose pas, sauf parfois le soir quand on ne dort pas. Les réponses sont intelligentes, variées. Du très bon travail, assurément. "Notre temps, le plaisir d'avoir son âge", promet la régie publicitaire du titre. Peut-être !

mardi 28 juillet 2020

25 ans d'Inrockuptibles : une anthologie


C'est le "journal d'un journal", selon le titre que lui donne Jean-Marc Lalanne dans son édito. Du 25 mars 1995 à aujourd'hui, c'est 25 ans d'histoire d'une presse qui se voulait différente des titres courants. Avec moins de 30 000 exemplaires vendus en France (source : ACPM 2019) pour un lectorat de 342 000 (LDP, ACPM, 2020) : plus de 10 lecteurs par numéro vendu. Des numéros contestés (dont certains traitent positivement d'un assassin bien connu) mais, pour l'essentiel, le titre est attentif à sa bonne réputation. Il lui faut certes se distinguer, mais pas trop.

De toutes les personnes évoquées, je ne mentionnerai que quelques unes : Björk et sa Finlande qui l'habite et qu'elle habite, Philip Roth, le romancier américain, 78 ans, rencontré à New York un peu las ("On passe tout son temps à se dire : ça, ça ne va pas, il faut recommencer ; ça, ça ne pas non plus, et on recommence. Je suis fatigué de tout ce travail"), Quentin Tarantino, Jean-Luc Godard qui a 88 ans ("je n'ai rien contre les rêves ; ça fait partie de soi. Je ne sais pas si ça sert à faire des films"), David Lynch, Toni Morrison, la romancière, fan de Barack Obama, Patrice Chéreau, Agnès Varda, Patti Smith terriblement modeste, et qui aime Nadja d'André Breton, Virginie Despentes, Michel Houellebecq, David Bowie, Catherine Deneuve avec Patrick Modiano, Pierre Bourdieu... Citons encore le cinéaste chinois, Wong Kar-wai, lucide : "Je crois que Hong Kong va changer et aller vers le modèle chinois, mais très lentement ". Bien vu (en 1997) ! Et il y a bien d'autres interviewés, plus ou moins certains, plus ou moins étonnés.
Tous bavardent, analysent un peu de l'air de leur temps. C'est assez curieux de voir, bien des années après, les problèmes qui les préoccupaient alors. Chacun voyait son temps à sa manière, plus ou moins éloignée.

25 ans d'une époque, de notre époque, de nos idées, semaine après semaine.

N.B. : Selon moi, fatiguant, et bien peu utile, l'écriture inclusive, omniprésente : dire que telle personne est "l'un des penseur-ses déterminant-es du XXème siècle" n'apporte rien sinon un peu de maladresse et de lourdeur dans l'expression.
N.B. : Ma fille trouve que c'est bien là le sentiment d'un homme, âgé...

mardi 9 avril 2019

Game of Thrones : la TV et HBO s'emparent de la presse française


"Game of Thrones", la série télévisée américaine, s'empare de la presse française.
Etant le premier média grand public, la presse est depuis toujours le média des autres médias, de ceux qui lui ont succédé, le cinéma et la radio d'abord, puis surtout télévision, et enfin le jeu vidéo. Relation asymétrique : les autres médias traitent rarement de la presse tandis qu'ils constituent un contenu régulier de la presse. Synergie toutefois, sans doute positive pour chacun des deux médias.

En France, la presse TV est une catégorie de presse très peuplée. Selon l'ACPM, qui ne prend en compte que les plus grands titres, 11 guides de télévision français ont diffusé plus de 540 millions d'exemplaires (diffusion payée, magazines choisis par les acheteurs, dans les points de vente ou abonnements). Télé 7 jours et Télé Z diffusent plus de un million d'exemplaires ; quant à TV Magazine (distribué comme supplément de 53 titres de la presse quotidienne régionale), sa Diffusion France Payée (DFP) atteint 4,5 millions d'exemplaires par numéro. A cela s'ajoutent les hors-série que la presse magazine consacre aux programmes de télévision (voir ci-contre quelques Unes de guides TV et de titres hors-série comme Le Point, Science & Vie, philosophie magazine, Historia ou Lire (chacun tire la série à soi : science, mythologie, histoire, philosophie, dark fantasy...). Notons un nouveau trimestriel, Pulp & Cult qui titre sur "Game of Thrones" pour son premier numéro de même que le nouveau magazine publié par Oracom, Histoire & fiction qui profite de ce tremplin.

La puissance de la presse de télévision constitue l'une des spécificités du marché média européen, et tout particulièrement français, comparé au marché américain. Spécificité trop souvent inaperçue.

Quel serait le prix de toutes ces unes, de tous ces hors-séries vendus au prix de la page de publicité à quoi ils s'apparentent ? Est-ce une bonne affaire pour la presse ? Faut-il regretter un manque d'originalité ?

La relation presse magazine / télévision semble s'intensifier, chaque média renforçant son partenaire. On l'observe en France à de nombreuses occasions. La plus récente est celle qui allie le groupe Mondadori et la télévision publique : Dr Good !Dr Good C'est bon !, Affaire conclue, (et bientôt, déjà annoncés, Slam Junior et Fort Boyard). Comme Swan et NoéJuste Zoé témoigne plutôt d'une collaboration avec YouTube.
Dans tous les cas, il s'agit d'opérations (publicitaires autant que rédactionnelles) multi-média, cross-platform. Mais la presse n'est pas seule à exploiter ce filon : YouTube, Facebook et bien d'autres supports dits "réseaux sociaux" profitent de ce contenu gratuit qui attire les foules et les investissements publicitaires.




"Game of Thrones", qui a son acronyme, GOT, signe de notoriété ! - est l'un des succès récents les plus considérables de la télévision américaine, succès mesurés en termes d'audiences ou de récompenses.
La dernière et huitième saison commence aux Etats-Unis : avant-première le 3 avril à New York, premier épisode le 14 avril aux Etats-Unis. Lancée le 17 avril 2011 par HBO (Time Warner, maintenant WarnerMedia / AT&T), il s'agit d'abord de l'adaptation du roman de George R.R. Martin et al. (voir Lire), dérivé également en jeux (cf. le hors-série de Canard PC de novembre 2017).
En France, Orange Cinéma Séries (OCS) qui détient les droits HBO, diffusera cette dernière saison (en deux versions, VO avec sous-titres ou VF).

Cette huitième année de "Game of Thrones" rappelle la dépendance des chaînes de télévision française (européenne) aux productions américaines. Comment évoluera cette dépendance avec le succès croissant du streaming Netflix et Amazon Prime Video ? Que peut-on attendre de Disneyflix (qui a racheté une grande partie de Fox) ou de WarnerFlix (AT&T ayant racheté Time Warner) ; déjà, les surnoms quelque peu sarcastique que Hollywood a donnés à ces projets en dit long quant à la puissance et la notoriété de Netflix. Sans compter Comcast-Universal-NBC qui a racheté Sky en Europe et dont on a dit qu'il pourrait également racheter HBO Europe (démenti depuis mais...). Et l'on parle aussi de "Flixocalypse" !

Références





lundi 3 septembre 2018

Netflix and Amazon Prime Video in the French TV guides

Editorial by the editor-in-chief of Télé 7 Jours 
(circled in red by FM)

In contrast to the United States, where almost no TV guides exist any more in paper form (cf. References, infra.), there are still more than a dozen in France . The most widespread is Télé 7 Jours (Lagardère group) and, since the end of August 2018 ("la rentrée", back to school), the weekly has just now decided to publish information about Netflix and Amazon Prime Video. According to the editor-in-chief Claude Bosie, "the cultural offering" will now include "new movies, series and documentaries aired on VOD and SVOD platforms  (Netflix, Amazon...) in the cultural section ('rubrique Culture')." Nothing less!
Although Télé 7 Jours circulation decreases little by little, from year to year, like all the TV press, it still boasts 1 million copies in 2018 (paid circulation in France, audited by ACPM), to which one must add four times more pass-along readers. This signifies high frequency readership: each issue being read many times a day, making Télé 7 Jours, as they claim on the cover, 'the most widely read weekly in France' (cf. below: left, under the logo).

This Télé 7 Jours editorial (27 August) is symbolic of the growing importance of streaming platforms in the French television market. It is becoming difficult to ignore the fact that many French household are clients of Netflix or Amazon Prime Video and watch less of the French legacy TV channels which are still the heart of the French TV guides (almost four million Netflix subscribers). To be frank, however, subscribers to these platforms will find very little information to guide their viewing selection. For the time being...

There is not much more information about these platforms in the other TV magazines (Télé Star, Télé Loisirs or Télé 2 semaines) and nothing at all in Télérama or Télé cable sat. 
Obviously, TV magazines are at loss with Netflix and Amazon Prime. They do not have much time to invent a strategy: how many of their readers subscribe to Netflix or Amazon Prime Video? Do readership surveys provide this kind of information?

Covers of some of the major French TV magazines mentioned in this post
References in MediaMediorum
Presse TV au supermarché (Star Market)
La presse télé, du guide TV au magazine TV sans programme

samedi 1 octobre 2016

Facebook : un engagement à auditer ?


Voilà que l'on apprend que Facebook se serait trompé dans le calcul de la durée moyenne de vision des messages vidéo que le réseau diffuse. Au lieu de mettre au dénominateur l'audience cumulée totale, Facebook a mis l'ensemble des personnes regardant la vidéo pendant au moins 3 secondes. Le dénominateur utilisé est de beaucoup inférieur à ce qui est mis en avant par la régie, donc la durée moyenne s'en trouve fortement inflatée (de 60 à 80% selon Publicis, cf. infra). Cette donnée est considérée comme un possible indicateur de la déjà confuse notion d'engagement. Facebook s'excuse, rectifie et explique l'erreur de calcul ; si elle est sans effet sur la facturation, elle affecte sans doute l'allocation des budgets et les préférences d'investissement liées à des KPI recourant à cette donnée essentielle.
Il s'agit d'une erreur classique de stagiaire débutant en TV. C'est confondre DEI (Durée d'Ecoute par Individu) et DEA (Durée d'Ecoute par Auditeur).
Une erreur de calcul est banale et courante quand sont manipulées tant de données ; ce qui est grave c'est que de telles données et leurs formules de calcul ne soient pas auditées et vérifiées avant d'être confiées au marché, comme sont auditées en France les études de référence du marché publicitaire (Médiamétrie, ACPM, etc.) par le CESP.

A propos de cette erreur, Publicis déclare au Wall Street Journal : "This once again illuminates the absolute need to have 3rd party tagging and verification on Facebook’s platform. Two years of reporting inflated performance numbers is unacceptable".
Cela vaut pour de nombreuses données mobilisées chaque jour par le marché des médias et de la publicité.

Quelques jours plus tard, le ton monte : l'association nationale des annonceurs américains (ANA, Association of National Advertisers) demande un audit et une accréditation par le MRC : "While the ANA recognizes mistakes do happen, we also recognize that Facebook has not yet achieved the level of measurement transparency that marketers need and require." Le chiffre d'affaires publicitaire de Facebook avec les annonceurs américains étant de 6 milliards de USD, les annonceurs attendent de Facebook et d'autres supports publicitaires semblables (YouTube, Snapchat, Twitter ?) qu'ils suivent désormais la norme mise en place pour les médias traditionnels en termes de mesure d'audience et de visibilité  avec le MRC (et pas seulement Moat, Nielsen ou comScore, qui sont des fournisseurs).

N.B. Le débat sur la mesure la durée de consommation de la vidéo est d'autant plus sensible que certains médias vendent leur espace publicitaire à la durée (CPH). Cf. The Guardian, The Economist, The Financial Times).

mardi 27 septembre 2016

La presse et son droit voisin


Laurence Franceschini, assistée de Samuel Bonnaud-Le Roux, Rapport de la mission de réflexion sur la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse, Ministère de la culture et de la communication, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Paris, 2016, 41 p.

Faut-il, pour la presse, mettre en place un droit voisin du droit d'auteur épousant l'évolution technologique comme cela a été fait pour la musique et l'audiovisuel (cf. La protection par les droits voisins, Code de la Propriété Intellectuelle) ? Fin 2015, la question est posée par la Commission Européenne qui demande aux pays membres d'examiner "la possibilité offerte aux titulaires de droits de délivrer des licences et d’être rémunérés pour l’utilisation de leurs contenus, y compris les contenus diffusés en ligne". Le travail de Laurence Franceschini et de Samuel Bonnaud-Le Roux contribue à la réflexion pour une réponse française en examinant le contexte juridique dans lequel ce droit peut s'inscrire. Laurence Franceschini est Conseillère d'Etat, elle a été nommée médiatrice du cinéma en novembre 2015.

Pourquoi des droits voisins ?
Laurence Franceschini justifie ainsi la nécessité de mettre en place des droits voisins pour les entreprises de presse : "Les droits voisins trouvant leur raison d’être dans l’investissement que les entreprises effectuent, la question de leur instauration au bénéfice des éditeurs de presse se pose compte tenu des investissements qu’ils réalisent et de l’utilisation du contenu de la presse liée au numérique."
Deux constats fondent cette réflexion :
  • D'une part, les entreprises de presse investissent pour la création de contenus originaux : rémunération des journalistes, salaires chargés, frais de mission, marketing (dont sites, applications, mesure, etc.). Le montant de cet investissement est aisément calculable ; il faut y ajouter l'évaluation de la prise de risque de l'éditeur. L'ensemble constitue un investissement à protéger.
  • D'autre part, ces contenus sont utilisables, et utilisés en partie par des entreprises du numérique qui en retirent divers profits, publicitaires notamment, sans compter la notoriété, l'image, la fidélisation, etc.
Les éditeurs de presse sont en droit de réclamer une rémunération pour l'utilisation de leurs contenus. Sont visés les agrégateurs, les plateformes numériques ainsi que les robots d'indexation (web crawlers) producteurs de panoramas de presse (dont le principe existe depuis très longtemps. (Cf. Naissance d'une presse européenne d'information politique).
Ce que changent la publication de la presse sur le Web et les outils numériques de collecte automatique, c'est la facilité de réalisation de tels panoramas ainsi que l'échelle élargie de leur diffusion (en extension, profondeur et complexité de ciblage). Il y a un indiscutable risque de destruction de valeur (destruction créatrice ?).

Le droit doit donc être adapté pour permettre à l'éditeur d'être rémunéré au titre d'une œuvre collective, au-delà du droit d'auteur. Quel est le métier de l'éditeur ? "Le métier d’éditeur consiste à créer une marque éditoriale", affirme le rapport de Laurence Franceschini. De cette définition, elle conclut qu'il manque un droit protégeant sans ambiguïté les investissements de l'éditeur et lui donnant du pouvoir pour agir, équilibrer les partenariats (vendre, négocier, percevoir une compensation, se défendre devant les tribunaux, etc.).
"Au regard de l’importance des investissements effectués par les éditeurs de presse, un droit voisin de l’éditeur, constitue la contrepartie de la reconnaissance de son rôle spécifique. Il serait logique qu’un tel droit fasse partie de l’actif immatériel de son fonds de commerce, puisse être valorisé, être l’objet de contrats et fonder plus efficacement une action en contrefaçon".

Résumons. Un éditeur investit pour créer une marque éditoriale. La protection de cet investissement demande l'établissement d'un droit voisin pour défendre cette marque. Intérêt économique et nécessité juridique se confondent.

L'objectif est-il d'unifier les droits voisins des médias, presse, télévision, musique ? Ce ne serait pas déraisonnable puisque l'économie et les technologies numériques tendent vers l'indifférenciation des médias : qu'il s'agisse d'information ou de divertissement, l'entreprise de presse produit de plus en plus de vidéo. Toute entreprise média consiste à créer une marque média : TF1, Le Monde, NRJ sont des marques média. On pourrait aussi parler de plateforme media ("One Global" dit l'ACPM qui fusionne plusieurs études). Omnicanal : web, mobile, applications, PDF, papier, e-commerce.
La reconnaissance de droits voisins est d'autant plus urgente pour la presse que les contenus des médias sont de plus aisément désagrégeables, atomisables, dispersables et réagrégeables. La plupart de ces miettes de contenus sont désormais mesurables et participent de la puissance totale d'une marque média : il y a réagrégation par la mesure.

Notons encore quatre points :
  • le droit voisin ne doit compromettre ni la liberté de l'information ni le droit de citation.
  • le droit du producteur de base de données (donc de DMP ?) n'est pas différent et relèverait de ce même droit voisin. 
  • la question des archives pose celle de la durée s'appliquant au droit voisin. 
  • ni la durée ni la périodicité ne constituent plus des caractéristiques distinctives des médias (cf. binge reading comme binge watching, consommation de la presse à l'article sur le principe de la VOD).
N.B. Le rapport évoque les exemples belge, allemand (Leitungsschutzrecht : le jugement du tribunal de Berlin est donné en annexe, en allemand) et espagnol de mise en place de dispositifs législatifs s'apparentant au droit voisin.