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vendredi 16 février 2018

Rita, une série TV à l'école du Danemark


"Il y a quelque chose de pourri dans l'Etat du Danemark", dit-on dans HamletSomething is rotten in the state of Denmark », 1, 4). Et, selon "Rita", série télévisuelle danoise, ce quelque chose, c'est l'école grand public, école pour tous. Cela se passe au Danemark mais pourrait bien être situé en France ou ailleurs, dans une zone urbaine que l'on dit défavorisée, ou rurale qui se dépeuple.
Les séries télévisées se sont emparées de l'hôpital (ER), de l'agence de publicité (MadMen), de l'information télévisée (Argon), du cabinet d'avocat d'affaires (Suits), de la grande entreprise multinationale (Misaeng)... Avec "Rita", le lieu principal de l'action, c'est l'école publique, obligatoire, fondamentale, primaire, selon les pays. Les élèves ont de 4 à 16 ans.
Rita, c'est l'institutrice. La quarantaine, divorcée, mère de trois enfants, sympathique, souvent fatiguée, fumeuse à tous crins, militante de l'éducation. "Inconformiste", féministe naturellement, elle est peu portée aux compromis et à l'hypocrisie sociale. La solitude s'empare d'elle progressivement ; ses enfants partent où leur vie les mène, ses amis et amants aussi. On dirait du Brecht parfois : Rita, mère de famille "indigne" ("unwürdige") et "mère courage" ? Rita finira par retomber dans son enfance et ses drames, qu'elle a tenté de refouler. Peut-on échapper à son enfance ? Rita, dont l'enfance et la scolarité furent douloureuses, est évidemment en empathie avec ses élèves ; elle semble d'ailleurs ne pas vouloir devenir adulte. Utopie. "Famille, je vous hais", le mot d'André Gide (Les Nourritures terrestres) pourrait servir d'exergue à la série que l'on peut aussi voir comme une cure pychanalytique...

D'épisode en épisode, la série passe en revue les problèmes que Rita rencontre, l'homosexualité de son fils, la dyslexie de sa fille, le décès de sa mère. A l'école, Rita est confrontée à la stigmatisation des élèves en difficulté : hyperactivité (ADHD), autisme, syndrome d'Asperger... Difficultés sociales aussi : enfants de milieux pauvres, de familles plus ou moins dysfonctionnelles. Tout espoir de salut est placé dans une éducation scolaire alternative, dans une pédagogie non conventionnelle inspirée de Montessori, Freinet, Makarenko peut-être, fondée sur la coopération, les méthodes actives, l'auto-apprentissage, l'expression libre...
La critique porte tour à tour, et simultanément, sur les comportements parentaux, sur l'administration locale, la hiérarchie scolaire, le sexisme ordinaire. Tous les acteurs de l'éducation en prennent pour leur grade. Mais la série dresse des portrait d'enseignants, d'abord enthousiastes, dévoués puis découragés, résignés, souvent coincés, impuissants, entre les autorités scolaires et les parents d'élèves.
Tout y passe des événements de la vie scolaire : les tests, les poux, les fêtes pour collecter un peu d'argent, la drogue, les difficultés de l'adolescence dont les héros sont issus de YouTube et du football professionnel, la banalisation de la pornographie, les graffitis... Série réaliste, qui désenchante l'image sociale d'un quelconque modèle scandinave. "Rita" montre l'universel derrière le singulier danois.

La série, diffusée par la chaîne danoise TV2 dès 2012, avait déjà acquis quelque notoriété quand Netflix l'a reprise, co-produisant la suite, à partir de 2015. Au total, la série compte 32 épisodes. A la dernière saison, la série s'essouffle un peu, la psychologie introspective et l'invraisemblable l'emportant.
Avec "Rita", Netflix s'avère l'indipensable pourvoyeur et moteur de télévision pluri-nationale (avec sous-titres), dépassant l'horizon des chaînes nationales. Positionnement enviable. ARTE ?
Un spin-off a été développé à partir du personnage d'une institutrice, collègue de Rita, également peu conventionnelle, "Hjørdis", avec Netflix encore (2015). "Rita" a été adaptée en français par TF1, en 2015, "Sam".

N.B. Pour des points de vue complémentaires, voir le post sur le blog de Caroline et l'article de Mat Whitehead, sur BuzzFeed Australie.
L'uniforme de Rita, jeans, plaid shirt, talons hauts, blouson. Voir la série sur le site de TV2.

mercredi 15 octobre 2008

Présence rédactionnelle à vendre


Selon l'enquête annuelle de Milward Brown pour PRWeek et Maning Selvage & Lee, on estime qu'un responsable marketing américain sur cinq (252 personnes interrogées) a troqué de l'espace publicitaire contre de la présence rédactionnelle : si vous parlez de mon produit, de mon entreprise, je placerai de la publicité dans votre média. Play-for-play ! 
Plutôt que condamner bien haut ce qui se fait tout bas, interrogeons cette pratique ! Ne représente-t-elle pas le passage à la limite de notions de médiaplanning telles qu'emplacement préférentiel, contexte programme, contrat de lecture, toutes notions prédictrices d'affinité ? Ne s'agit-il pas d'exploiter au mieux un "support" (de publicité) pour faire valoir un produit, un service, etc. ? Relèvent de la même collusion intelligente : les publi-rédactionnels, publi-reportages, infomercial / documercial / edumercial, programmes courts, parrainage, underwriting, placement de produits, sans oublier tout le bruit médiatique obtenu par relation presse (RP) et, bien sûr, les "liens sponsorisés" achetés et placés dans les résultats de recherche. 
Qu'est-ce que cela signifie ? La publicité serait un produit qui se dévalorise en se révélant ? L'efficacité de la publicité croîtrait comme son taux de dissimulation (ou mieux, comme la distance entre célébrant et célébré). Fâcheux postulat qui prend les consommateurs pour des nigauds ("Toute publicité, [ ] doit pouvoir être clairement identifiée comme telle" stipule l'article 20 de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004). Allons donc ! Tout le monde "connaît" la logique publicitaire et sait reconnaître la publicité quand il la rencontre. Ces démarches où la publicité s'avance masquée ne trompent personne, sauf quelques stratèges média ou planners stratégiques empêtrés dans leur condescendance. 
On en est à l'information commerciale, ni plus ni moins digne que tout autre domaine d'information. Tout aussi utile. D'ailleurs, qui croit encore que l'information littéraire n'est pas aussi de la publicité "payée" par les éditeurs, que l'information sur les films (acteurs en tournée de lancement, passant de TV en magazines pour vanter leur film ou leur concert) n'est pas aussi de la promotion "payée" par les studios ? Et de même pour l'information médicale, oenologique, financière, télévisuelle, touristique, etc. Combien de contenus parmi les plus nobles qui ne sont que du commercial ? Quant à la politique ...

Si l'on prend au sérieux toutes ces pratiques publicitaires, si l'on cesse d'en appeler à l'ethique et à la déontologie, plusieurs remarques opérationnelles viennent nécessairement à l'esprit. 
  • Les médias sont inégaux devant ces pratiques. Tous n'ont pas d'espace rédactionnel à vendre, à dissimuler dans leur contenu. Sur Internet, du fait de la relative non rareté de l'espace, la différence s'estompe, la transparence s'affiche, même si des marques croient encore devoir enrober leur information commerciale dans du "conseil" désintéressé au consommateur. Qui est dupe ?
  • Comment sont pigées et valorisées ces interventions "rédactionnelles" ? Pour être efficaces, il faut bien que les modèles d'efficacité publicitaire les prennent en compte dans leurs analyses.
  • Dans nombre de cas, la distinction contenu / publicité relève d'une véritable casuistique ; d'ailleurs, la jurisprudence des tribunaux s'y perd.En témoigne la délicate application d'une définition opérationnelle de la publicité par la Commission paritaire (CPPAP) : entre des contenus comme un défilé de mode, la "critique" d'un spectacle, les guides d'achat, d'une part, et un message publicitaire, d'autre part, "quel dieu verrait la différence" ?

  • L'essence du médiaplanning qui consiste en marketing indirect, qui fait le détour par un média, faute de pouvoir réaliser un marketing direct, im-médiat, est la collusion (terme étymologiquement noble, "jouer ensemble"). Après, aux instrumentistes, tuttistes et solistes de bien s'accorder pour que le média final sonne juste.