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samedi 13 avril 2013

Chronologie des médias et consommation groupée (Binge viewing)

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En mettant à la disposition de ses abonnés tous les épisodes d'une série télévisée d'un seul coup, Netflix a repris, pour son lancement de "House of cards", un mode de consommation des séries inventé spontanément par les téléspectateurs au temps du magnétoscope et des vidéocassettes.
Sundance Channel, une chaîne diffusée aux Etats-Unis exclusivement par les réseaux câblés, satellites et télécom, en reprend le principe (dit "binge viewing") et l'étend au cinéma. La série "Rectify" (6 épisodes de 45 mn) qui sera diffusée le 22 avril à la télévision américaine a été lancée quelques jours avant (samedi 13, 21h) dans une petite salle du prestigieux IFC Theater à New York, en présence des acteurs et de l'équipe de tournage. L'ensemble dure un peu plus de cinq heures. La salle appartient à AMC Networks qui édite la chaîne Sundance Channel (entre autres, avec les chaînes AMC, IFC, WE TV). La série est également proposée en VOD (TV Everywhere) à partir du 15 avril.
La série sera diffusée en France par Canal+, en Espagne par Sundance Channel España, etc.
L'articulation entre salles de cinéma et télévision, en quelque sorte off-line et on-line, indique une nouvelle dynamique associant, pour la promotion du spectacle, deux modes de distribution, deux types de publics (précurseurs et grand public, etc.), deux modes de consommation (publique, privée). Bien sûr, la notion de "chronologie des médias" est sérieusement bousculée et en devient anachronique : une nouvelle économie du spectacle numérique est libre de s'inventer suivant des technologies nouvelles, et qui n'en finissent pas de s'inventer.
Le numérique, c'est la souplesse, la flexibilité, l'inventivité retrouvées. Au public des consommateurs de s'approprier, ou non, les nouvelles manières de disposer du spectacle (DVD, streaming OTT, abonnement, broadcasting, VOD, salles, etc.). S'enfermer dans une chronologie de consommation et une tradition issues des salles diffusant des films en noir et blanc est certainement risqué : le seul salut viendra d'une production de qualité plus nombreuse.

Pour les salles de cinéma, la "Dernière séance" pourrait être le début de nouvelles premières séances. L'IFC Theater fut une en son temps une salle historique et déclinante, The Waverly, et, bien avant, une église. C'est désormais un petit multiplexe dans Greenwich Village, restauré en 2005 : 5 salles, proposant une programmation et un positionnement originaux.


Source : Marshall Haymann, The Wall Street Journal, " Sundance Channels Season Into Day", April 11, 2013.
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dimanche 3 février 2013

I want my Netflix


Netflix compte 27,2 millions d'abonnés aux Etats-Unis (T4, 2012), plus que SiriusXMRadio, plus que DirecTV, que Time Warner Cable ou que Dish network : la télévision en streaming (OTT) est lancée. Seul parmi les distributeurs américains, Comcast compte davantage d'abonnés.

Désormais, Netflix doit franchir un cap décisif, celui de la production originale, production qui assure la réputation, l'indépendance et l'image de marque (tel HBO). Dans cette optique, commençait vendredi 1er février la diffusion de "House of Cards" (reprise d'un polard politique de la BBC, 1990, 4 épisodes de 50 mn, mini-series inspirée du roman de fiction politique de Michael Dobbs, 1998). Budget : 100 millions de $). Ce n'était pas la première production de Netflix, Lilyhammer (2012) l'avait précédé. A son service, Netflix dispose de données de consommation pour ses 27 millions d'abonnés (téléchargements par acteur, émission, genre de programmes, réalisateur, etc.) : Big Data !

"House of Cards" introduit une révolution d'une ampleur qui pourrait faire changer de base la culture télévisuelle. Les 13 épisodes (60 minutes) de la série sont disponibles en même temps : toute la "saison" est publiée d'un seul coup (pour le lancement, le premier épisode est gratuit pendant un mois). Abolie, l'idée de rendez-vous télévisuel (appointment TV), abolie la standardisation du rythme standard de consommation (hebdomadaire notamment, épisode par épisode) imposées par le distributeur et sa grille, finie la notion de "saison télévisuelle" avec son rendez-vous annuel et ses rituels (upfront market, etc.). Consommation groupée (binge viewing) ou étalée : à chacun(e) de voir. La consommation des émissions de télévision devient une affaire personnelle, se rapprochant de la lecture des livres. En mai de cette année, les 14 épisodes de "Arrested Development" seront aussi publiés le même jour, confirmant cette nouvelle pratique de distribution délinéarisée.
Ainsi, notre culture de consommation télévisuelle se désagrège et se réorganise. Ce n'est déjà plus de la télévision, c'est Netflix. Et déjà l'on entend murmurer, en Europe, "I want my Netflix"...

N.B.


  • Les livres connurent autrefois une même mutation ; d'abord, ils ont été publiés en feuilleton dans la presse, à dose hebdomadaire ou quotidienne, avant d'être reliés en un seul livre. Au XIXe siècle, le public attendait la publication de son feuilleton (suspense). La "livraison périodique" rendait la lecture plus accessible aux foyers pauvres (ainsi, par exemple, fut justifiée la publication de la traduction en français du Capital de Marx ! ).
  • Le mode de publication, qui généralise la personnalisation du rythme de consommation, rend difficile voire délicat le partage "social" des réactions ("social TV"). Mais ce type de partage n'est-il pas surtout l'effet de la diffusion en épisodes : on en parle en attendant ? Si l'on n'attend plus, on en parle moins.
  • La promotion de la série exploite évidemment les données évidemment exclusives dont dispose la base de données Netflix. Plus tard la production les exploitera également. Marketing de la création...
  • La série de Netflix a été lancée par une diffusion dans une salle de cinéma new yorkaise prestigieuse (Lincoln Center) ; le principe en a été repris et étendu pour le lancement de la série "Rectify" en avril 2013 par Sundance Channel.

  • lundi 13 décembre 2010

    S&P' 500 : Netflix arrive, le New York Times s'en va

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    Netflix, qui commercialise de la VOD aux Etats-Unis, intègre en fin de semaine l'indice Standard & Poor's 500 ; le quotidien new yorkais le quitte, rétrogradé dans la catégorie des valeurs moyennes (MidCap 400). Quittent également le groupe des 500, en même temps que le NYT : Eastman Kodak et Office Depot (distribution, matériel de bureau). Rejoignent le groupe des 500 : Cablevision Systems Corp., premier câblo-opérateur de New York (cluster de 5 millions d'abonnés) et opérateur de télévision (AMC, Sundance Channel, WE tv, News 12), F5 Networks Inc., une entreprise de IT qui met en oeuvre des infrastructures de communication "agile" (hébergement, cloud computing, etc.).
    Difficile de ne pas voir, dans ces substitutions de fin d'année, des symboles et de sérieux avertissements. D'autant que, pour ces médias, l'opinion de la bourse et les comportements du grand public convergent.

    Netflix compte plus de 17 millions d'abonnés. Son modèle économique de VOD est mixte : sa librairie de plusieurs dizaines de milliers de films et séries est accessible à la fois par voie postale et en ligne (dont iPad), permettant la conquête simultanée de deux types de publics et faciltant leur conversion progressive au tout numérique. Netflix est aux Etats-Unis un phénomène média considérable. Son accord récent avec ABC Disney pour la distribution en streaming des produits du groupe renforce encore sa puissance.
    Le déclin de la presse quotidienne d'information telle que la symbolise le NYT semble aussi inéluctable que celui de la photo argentique. Pour Kodak comme pour le NYT, la transition numérique est douloureuse.
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