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jeudi 27 décembre 2018

Automobile : la fin d'un rêve... le début d'un cauchemar ?


"L'Automobile. Mythes, culture et société", hors-série Patrimoine, Revue des deux mondes, décembre 2018, 20 €, 148 p.

La Revue des deux mondes - l'ancien et le nouveau monde -, est une revue bientôt deux fois séculaire (1829). L'ambition première de la revue était plutôt littéraire ; n'a-t-elle pas publié Baudelaire, Balzac, Musset, Mérimée ? Ensuite, elle a touché à toutes les composantes de la culture, de l'économie et de la politique internationales. Une orientation conservatrice s'est confirmée progressivement.
Depuis peu, la revue publie des hors-série dits "Patrimoine" consacrés à des thèmes traités sous un angle historique : le champagne, la mode, les jardins... Voici "L'Automobile". Soulignons d'abord la qualité de la réalisation matérielle de ce numéro, splendide en tous points, luxueux, et sobre. La publicité y rivalise avec les illustrations, sans gêner : une double page pour BMW, une page pour Renault, une pour Total ; la 4 de couverture pour le champagne Pommery, la 3 pour PCA services "courtier en automobiles" et, inattendues, une page pour YouTube ("Petites Observations Automobiles") et une page pour la Salle Pleyel. Défense et illustration de l'automobile.

Pourquoi l'automobile ? Parce qu'elle a créé une culture totale, l'automobile se prête bien à une approche globale multipliant les points de vue, ce que traduit le sous-titre : "mythes, culture et société". L'impact de l'automobile est si considérable qu'il est encore mal estimé. Impact sur les choix économiques et sociaux, bien sûr, mais aussi sur la culture : les jouets, le permis de conduire, rituel de passage à l'âge adulte, les salons annuels et leurs pin-ups, le marché de l'occasion et l'argus, les vacances et les week-ends, les sports mécaniques et leurs héros (F1 et rallyes, voir l'article de Sylvain Reisser, "Le combat des chefs"), les collections et la passion des voitures anciennes... l'automobile a façonné l'urbanisme, aménagé (déménagé ?) le territoire à sa convenance ; annonceur primordial, elle a créé ses médias, financé des centaines de magazines : en France, de 2003 à 2018, on compte plus de 1300 créations célébrant l'automobile (dont 400 nouveau titres - s'ajoutant aux anciens - et plus de 900 hors-séries. Source : MM, décembre 2018). Et que serait la radio sans l'automobile et le "morning drive" (le "7-9" des média planners), que seraient la publicité extérieure et les 4X3 sans la circulation urbaine ?
Le sommaire du numéro retient de la culture automobile et de son impact plusieurs aspects, la plupart positifs : la réputation de l'automobile allemande (dont une forte réputation nazie), Tintin et Elon Musk côte à côte, les débuts du jeune Habermas comme journaliste à propos de "l'homme au volant", l'esthétique futuriste des années 1900 et la philosophie de la vitesse (Marinetti), quelques portraits des pères fondateurs de l'automobile (Renault, Citroën, Porsche, Ferrari). Manque l'américain Henry Ford, antisémite et hitlérien notoire. De même, manquent les millions d'ouvriers (dont beaucoup d'émigrés-immigrés), usés par l'usine, la chaîne et son implacable monotonie. Rien sur le syndicalisme, le risque et l'assurance, la géographie industrielle automobile, les réseaux de stations services... Il y faudrait plusieurs hors série pour renoncer à ces renoncements !

Au cours du siècle dernier, la population française a rêvé d'accéder à l'automobile : Traction Avant, 4CV, 2CV, 3CV, 203, 403, 404, 504, l'ID et la DS, etc... voitures populaires, promesses de mobilité sociale ascendante. "Tous les plaisirs de l'automobile", promet encore le sous-titre de l'auto-journalCe hors-série est la célébration nostalgique d'un enchantement aujourd'hui déçu. Outil de loisirs pour quelques uns, l'automobile a fait rêver. Lorsqu'elle est devenue un outil indispensable à presque tous, le rêve a tourné au cauchemar : industrialisation galopante et aliénante, embouteillages constants, coûts d'utilisation croissants (dépense personnelle perçue, coût social caché), destruction inexorable des villes (parkings, voirie délirante). Ce numéro de la Revue des deux mondes est aussi celui de la gueule de bois qui succède à l'ivresse automobile. Eric Neuhoff avec un humour grinçant en donne la tonalité. Frustré, l'automobiliste est de plus en plus souvent de mauvaise humeur. Lui reste la nostalgie...

Dans les agences de publicité, on rêve encore de budgets automobiles. L'automobile est un mythe : elle raconte une histoire, notre histoire, c'est aussi pour cela que la publicité l'aime ; dans son article, "Ce que la publicité automobile dit de nous", Guillaume Martin (BETC), souligne que la publicité automobile raconte nos vies. Vies parfois tragiques car l'automobile c'est aussi l'accident qui guette : près de 4000 morts par an en France... La route, c'est le destin, les Parques n'épargnent personne, les célébrités en témoignent, Françoise Sagan, Albert Camus, Diana Spencer, Roger Nimier, Grace Kelly, Eddie Cochran...
L'automobile accompagne souvent une rêverie de séduction dont le cinéma sera le chantre (voir l'article de Serge Toubiana, "L'Amérique à toute allure"). L'amour, la mort, "Un Homme et une femme" (Claude Lelouch, 1966). Le quotidien est plus trivial : coincé dans les embouteillages, on habite de plus en plus sa voiture, des heures par jour : radio, téléphone, sandwich, café... Vacances, week-ends, tout commence et finit par des bouchons !

Bien sûr, la mythologie n'insistera pas sur les ravages de l'automobile. Pourtant, depuis un siècle, notre civilisation est malade de la voiture. Maladie auto-immune qui, perverse, attaque nos défenses. Dès l'enfance, on est drogué à la voiture (miniatures, jouets, manèges), les piétons naviguent, non sans risque, dans des villes inondées de voitures dangereuses, disciplinés par des feux de circulation. L'automobile s'est emparée de la vie au point que l'on n'en perçoit plus l'omniprésence. Invisible, elle est l'environnement et, par là même, difficile à critiquer tant elle semble aller de soi, comme l'eau pour les poissons. Coûteuse, incommode, polluante... et indispensables : les citadins (d'abord les plus jeunes, les parents de jeunes enfants) réclament des arbres, de l'herbe, des pistes cyclables, des transports publics, de l'air, de l'espace et moins de bruit. Les ruraux veulent plus de routes, veulent rouler plus vite : contradiction politique, centre / périphérie, ville / campagne... Politiques aveugles.
On perçoit désormais les problèmes qu' a induits la civilisation automobile. D'une ville stupide à souhait (dumb city), il faudrait passer à une "smart city", à une ville débarrassée de la pollution et qui en finirait avec le massacre de l'environnement, avec la dépendance énergétique, avec le gaspillage quotidien du temps dans les embouteillages, avec les trottoirs encombrés. Peut-on compter sur l'Internet des choses et ses multiples capteurs pour y parvenir ? Bien que droguée à l'automobile, la population tente de résister et proteste contre les taxes accumulées (la vignette !), les péages autoroutiers, les contrôles techniques, la vitesse limitée... Ni les voies sur berges ni la circulation alternée n'y ont pu mais. Rien n'y fera, ni Waze, "bison futé" électronique avide de données personnelles, ni Uber, ni les voitures sans chauffeur, ni les motos qui ne font qu'ajouter au vacarme, à la pollution et au danger.

Résumé de la situation par un magazine
janvier 2019
Quel politicien aura, un jour, le courage de "désespérer Billancourt" ? Car l'automobile est condamnée et le désenchantement, inévitable, douloureux. Les robots dans les usines ne font pas grève, il n'y a plus de "forteresse ouvrière" pour préparer un "grand soir" mais seulement de malheureux consommateurs, sauvés et condamnés par l'automobile, et qui enragent, maladroitement.
Ce hors-série tombe pile, entre les Tesla et les "gilets jaunes". "Nouvelle tectonique", annonce Karl de Meyer : bientôt des voitures chinoises construites en Europe (LynkandCo) avec Volvo... Le rêve peut-il revenir avec la voiture électrique, ou avec la voiture autonome, sans chauffeur ?


Références

MediaMediorum, La presse automobile entre dans l'histoire par la nostalgie

Philippe Bouvard, "On est toujours perdant aux quatre roues de l'infortune", Le Figaro Magazine, 11 juillet 2009.

Jacques Frémontier, La Forteresse ouvrière : Renault, Paris, 1971, Fayard, 380 p.

Robert Linhart, L'établi, Paris, 1978, Les Editions de Minuit, 179 p.

Alfred Sauvy, Les quatre roues de la fortune, essai sur l'automobile, Flammarion, Paris, 1968,

mercredi 10 janvier 2018

Argon, mythologie moderne : le journaliste TV héros d'une série coréenne


Argon, par Netflix, 2017
Cette série originale de Netflix, compte 8 épisodes, chacun d'une durée d'une heure environ. La série Argon a été diffusée par la chaîne coréenne tvN en septembre 2017 (night time).

Au coeur de la série, se trouve la difficulté d'enquêter, de montrer la vérité au grand jour, surtout s'il s'agit de corruption liant les élus et de grandes entreprises (construction, pharmacie, etc.). Les fausses nouvelles abondent, tromperies volontaires (fake news), mais aussi involontaires (erreurs professionnelles) : peut-on exercer le métier d'informer sans risque ? Non : le métier de reporter, exhiber la vérité cachée dans les faits, est un métier toujours dangereux. Telle est la démonstration de la série télévisée à propos de la télévision...
La série est centrée sur un lieu de travail (une émission d'information télévisée, Argon) et une profession (reporter, journaliste). La salle de rédaction constitue un lieu de pouvoir ("the powers that be"), de compromis et la série en oppose les personnages et les enjeux, sans manichéisme.
D'abord, les bons : la  jeune recrue, douée, dite "mercenaire" parce qu'embauchée à l'occasion d'une grève, risque-tout, tout d'abord évitée par ses collègues ; puis les reporters, consciencieux, et le présentateur, vertueux, incorruptible ; tous ont en partage l'amour de la vérité. Puisque, par construction sociale, toute vérité  est dissimulée, voilée (en grec, vérité se dit aléthéia, ἀλήθεια, avec un α privatif : la vérité est privation de l'oubli, λήθε), le journaliste doit la dé-couvrir, provoque le dés-oubli. Sa tâche est de construire la vérité, toujours incomplète, et, pour cela, de collecter et sortir les faits de l'oubli, de les relier, de les combiner pour qu'ils parlent (data journalisme).
Ensuite, il ya les méchants : volontairement ou involontairement, ils sont plus ou moins complices, par construction encore (la carrière...) des pouvoirs économiques et politiques en place (distribution, finance, armement, télécoms, etc.) et les pouvoirs de l'Etat (pouvoir judiciaire). Collusion, illusion, il faut bien jouer le jeu (du latin lūdō, êre = jouer) !

La fin, la vérité, justifie-t-elle toutes les méthodes d'investigation, tous les moyens ? Toute vérité est-elle bonne à dire ? A-t-on le "droit de mentir par humanité" ? Le discours de la série, ses intrigues et ses actions se situent toujours dans le registre moral. L'enquête journalistique, comme l'enquête sociologique peut se confondre avec l'enquête de police, ce qui rend la situation des journalistes inconfortable et risquée lorsqu'ils s'éloignent de l'opinion courante, recherchent les témoignages, les mettent à l'antenne... La relation information / justice est essentielle, sans compromis ; la vérité passe-t-elle avant tout ? On peut évoquer à ce propos le discours programmatique que Jean Jaurès prononça en 1903 pour la distribution des prix au lycée d'Albi, un an avant de fonder un journal, L'Humanité ; Jean Jaurès est alors vice-président de la Chambre des députés (discours republié par L'Humanité en septembre 2017) : "Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques". Décidément,  morale et média sont indissociables. Les reporters de "Argon" se veulent courageux.

Pour un téléspectateur occidental, la série fourmille d'allusions à l'inévitable Watergate : l'inconscient de tout journaliste d'investigation n'est-il pas encore structuré comme "All the President's Men", le légendaire livre de Carl Bernstein et Bob Woodward (1974) et le film éponyme de 1976.
Pour un téléspectateur coréen, la série évoque certainement la situation politique coréenne où les affaires de corruption ne manquent pas, impliquant les conglomérats industriel (cheabols), leurs clans et le personnel politique, jusqu'au plus haut niveau hiérarchique de l'Etat. Le singulier, local, coréen, s'avère universel.

Pourquoi le titre, "Argon" ? Faute d'avoir trouvé une réponse officielle, faute de mieux, pensons à Argos, qui, dans la mythologie grecque désignait le géant aux yeux multiples qui ne dormait que d'un oeil sur deux (il en avait une centaine, voire un millier) : on le disait panopsios / πανοψιος, celui qui voit tout ou ce qui s'offre à la vue de tout le monde : belle ambiguïté pour évoquer le mythe de l'information télévisée ! "Argon", ce titre va bien à la série et au journal télévisé. Le récit doit aider les téléspectateurs à percevoir la dialectique de l'information et de la vérité.
Donc, beaucoup de grec dans ce post, titre de la série oblige, d'autant que vers la fin du 8ème épisode l'ancien présentateur et mentor du héros, gravement malade, ironise : une fois mort, il continuera de chercher la vérité chez Hadès, qui règne sur les Enfers ; encore la mythologie grecque (dans l'Odyssée, Mentor était le précepteur du fils d'Ulysse) ! Poursuivons. Selon Hésiode (VIIIème siècle avant notre ère), dans son poème, Les travaux et les jours (vers 42-106), Argon a été tué par Hermès, le messager de Zeus. Or, ce même Hermès fera don à Pandore de la parole (φωνή, phônê) : dans son sein, "il crée mensonges, mots trompeurs, coeur artificieux". Pandore laissera s'échapper les maux de sa fameuse boîte, un don piégé de Zeus. Depuis, écrit Hésiode, "des tristesses innombrables errent au milieu des hommes" (vers 100)... A l'information télévisée de se débrouiller de ces tristesses, non sans ambiguïté, des enregistrements des voix de témoins aussi...


Références

- David Halberstam, The Powers That Be, 1979, sur le fonctionnement des grands médias américains de l'époque (CBS, The New York Times, Time magazine, The Washington Post, Los Angeles Times, etc.)
- Marcel Détienne, Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, 1967
- Luc Boltanski, Enigmes et complots. Une enquête à propos d'enquêtes, Paris, Editions Gallimard, 2012
- Hésiode, Les travaux et les jours, Paris, Les Belles Lettres
- Martin Heidegger, "Aletheia", (in Vorträge und Aufsätze, 1954)
- Immanuel Kant, D’un prétendu droit de mentir par humanité (Über ein vermeintes Recht aus Menschenliebe zu lügen), 1797
- MediaMediorum, "The Newsroom"
- les acteurs de la série "The West Wing" (NBC 1999-2006) donneront une lecture publique du scenario (screenplay) de "All the President's Men" en janvier 2018 à Los Angeles.


lundi 27 mars 2017

Netflix et les 1300 clusters


"De gustibus non est disputandum", apprend-t-on à l'école : ne pas discuter des goûts. Maxime que pourrait adopter Netflix. Inutile de discuter ou critiquer les goûts, mieux vaut les admettre, les respecter, les suivre.
Finalament, Netflix considère que ce qui distingue les téléspectateurs, c'est moins leur appartenance socio-démographico-économique que leurs consommations télévisuelles. La sociologie relie en corrélations les consommations et les appartenances socio-démographiques, les unes et les autres déclarées, les unes expliquant les autres. Netflix n'explique pas mais se contente de prédire des consommations futures à partir de l'analyse des consommations passées, observées, récentes, d'où se déduisent des recommandations. Markovien.

Au-delà du jugement de goût : les mythèmes médiatiques
Prédire ou expliquer, ce n'est pas la même chose, soulignait le mathmaticien René Thom. Prédire a une visée opérationelle dont la validité est vérifiable à terme, expliquer a une visée spéculative, rarement vérifiable.
Pour effectuer ses anticipations, Netflix dispose des données provenant des choix et préférences de programmes effectués par ses millions d'abonnés, dans quelques dizaines de pays, pendant des années (dataset).
Netflix regroupe ces comportements en clusters de goûts ("taste communities"), plus de 1300, construits, découverts par des opérations de machine learning. Ces clusters sont rebelles à l'intuition première, spontanée (donc à la déclaration). Bien sûr, chaque abonné peut appartenir à plusieurs clusters : avoir regardé des westerns classiques et des soaps coréens (K-pop), des films avec Depardieu, d'autres avec Meryl Streep ou Jane Fonda, des séries où l'on cuisine...
Le machine learning déconstruit les productions télévisuelles et cinématographiques un peu à la manière dont Claude Lévi-Strauss déstructurait les mythes pour en découvrir les "grosses unités constitutives ou mythèmes" et la combinatoire. Chaque unité constitutive, dit Lévi-Strauss, "a la nature d'une relation", de "paquets de relations"...

La langue de Netflix, c'est la traduction
La personnalisation et la recommandation sont au bout de ces clusters, avec la langue des sous-titres et la localisation technique, dont la gestion du cache qui varie selon les ISP, les téléviseurs... Les combinaisons de langues peuvent demander jusqu'à 200 traducteurs pour traiter 45 langues d'une émission (le catalogue lui-même est publié en 25 langues). Pour paraphaser Umberto Eco, on dira que la langue de Netflix est la traduction, et ce sera de moins en moins l'anglais des native speakers.

Pour répondre aux besoins de sa programmation internationale, Netflix a été amené à développer une plateforme de traduction ("translator testing platform"). Netflix a donc son propre test de recrutement de traducteurs (Hermes) avec des questions à choix multiples pour calculer un score aisément. Les tests concernent la compétence langagière (notamment les tournures idiomatiques) mais aussi la maîtrise des aspects techniques du sous-titrage (timing, ponctuation, césure, etc.). Ainsi, Netflix, sans que l‘on n'y ait pris garde, est-il devenu l'une des plus importantes entreprises de l'industrie de la traduction dans le monde. Sans doute pourrait-elle un jour commercialiser ses services de traduction (à des MVPD, des éditeurs, des réseaux sociaux, des studios, etc.). Elle fait se rencontrer, sur sa place de marché, des traducteurs / sous-titreurs, d'une part, et des documents à sous-titrer (émissions, films), d'autre part. Alors que les vidéo regardées sur le web le sont souvent sans le son, le sous-titrage a un bel avenir, sous-titrage enrichi de notations culturelles adaptées à langue / culture cible et à la langue /cible /origine. Car ce que l'on ne comprend pas dans une émission étrangère, ce n'est pas seulement la langue mais aussi les allusions, les sous-entendus, les comportements et gestes symboliques...

Cette plateformisation donne à Netflix des airs d'Amazon qui commercialise sa plateforme logistique, son cloud computing ou Mechanical Turk, d'abord développés pour son propre usage... Netflix commercialiserait également sa technologie de streaming aux compagnies aériennes. Ainsi fait aussi The Washington Post (racheté par Amazon) qui vend les plateformes d'édition et de publicité qu'il a développées pour répondre à ses propres besoins.
Sommes-nous en train d'assister à une uberisation de la traduction ? Reste à Netflix à produire pour ses traducteurs des outils d'aide ou d'automatisation partielle à la traduction et au sous-titrage, tout comme les chauffeurs d'Uber utilisent son logiciel de facturation, sa cartographie...
Notons que YouTube a choisi une autre voie pour la traduction, celle du crowd-sourcing avec "Contribute translated content". On peut évoquer aussi une plateforme de recrutement (ressources humaines) comme celle de EasyRecrue...


Références

Pierre Bourdieu, Monique de Saint-Martin, "l'anatomie du goût" in Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°5, octobre 1976. Anatomie du goût, cf. Persée
Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, 1979, 
Claude Lévi-Strauss, Librairie Plon, 1958, (Chapitre XI, "La structure des mythes")
René Thom, Prédire n'est pas expliquer, Paris, 1991

Cf. Variety, September 25, 2017