lundi 17 juin 2019

Paris Match : 70 ans de couvertures



Paris Match : 70 ans. Le secret des couvertures, Hors-série, 8,5 €, 150 p.

On pourrait demander à chaque Français sa couverture préférée de Paris Match. Car tout le monde en a une : celle d'un sportif de son enfance, d'un chef de révolution ou d'un héros de variété...

Né le 25 mars 1949, Paris Match vit chaque semaine avec les Français et les Françaises... "La couv de Match exige une histoire de vie", titre le directeur de la rédaction" : Simone Veil à la fois pour son "retour à Auschwitz" (2005), puis, pour son décès, "une héroïne française" (2017) qui rentrera au Panthéon.

Mais, il y a eu 80 couvertures pour Johnny Hallyday, la première en 1962, la dernière en décembre 2017. Mais il y aura celle de Mao ZeDong dénichée dans une petite agence, celles aussi d'un amateur, Quai 11, sauvées in extremis dans les poubelles d'un train parti de Varsovie fin 1981, celle encore de Jean Roy photographié devant sa jeep en 1956 (c'est le Canal de Suez) et le numéro de téléphone de Paris Match : Régis le Sommier le démontre dans sa note sur les héros du photo-journalisme (p. 62). Louison Bobet, pour la troisième fois vainqueur du Tour de France en 1954, Jean-Claude Killy, proclamé, en 1968, le roi du ski, la Terre, planète bleue vue de la Lune (en janvier 1969), Jane Fonda,Vénus de la révolution hippie et, Oscar, quelques mois plus tard, de la meilleure actrice (1972)...

Le numéro ne compte que cinq pages de publicité : l'une pour une "crème lissante anti-rides" (Shishedo), l'une pour le 7-9 h d'Europe 1 qui va, du lundi au vendredi, ramener deux heures d'info quotidiennes, celle de OMEGA qui vend "la première montre portée sur la lune", il y a 50 ans, puis, pour finir, celle d'un parfum pour homme, EXPLORER" (Mont Blanc). Peu de choses. On aurait pu attendre davantage ? Mais quoi ?

Qu'est-ce que toutes ces photos ont changé ?

Combien de photos de l'histoire de France et de photos du monde où l'histoire se joue, pourtant si ordinaires et si quotidiennes, combien vont marquer le pays et son lectorat ? Depuis le 29 mars 1949 ; "chaque jeudi, le magazine part à la rencontre de son public", rappelle le directeur de la rédaction.
Dans la foulée, le numéro du soixante-dixième anniversaire, "70 ans d'aventures et d'émotions" que préside Sophie Marceau, "la femme rêvée ou l'amie idéale", née pour la première fois dans Paris Match, le 8 avril 1983.

Au bout du compte, que reste-t-il de ces soixante-dix ans de numéros hebdomadaires, si, du moins, l'on en croit la rédaction actuelle, et ces 3 650 unes ? Des métiers, des savoir-faire ? Qu'apprend-on de la France, de sa place dans le monde ? Le monde a clairement rétréci : tout est si près de nous.
Alors, on met l'accent sur les événements : "Derrière le poids des mots et le choc des photos, un puissant moteur existenciel propulse la rédaction : tout pour l'événement". Or, les événements, on les voit peu : Monaco, ce n'est pas un événement ; mariage ou deuil, Monaco ne fait pas d'événement, ne peut pas faire d'événement. Les résultats sportifs disparaissent également. Et les présidents meurent aussi...

Au delà de ces milliers de photos et de titres, que reste-t-il ? Beaucoup de potins, de discours passés et repassés ? Chaque journaliste interrogé est-il coincé dans sa spécialité, dans son domaine ?
On ne voit pas apparaître le mouvement de l'histoire. Car l'événement ce n'est pas seulement ce que couvre le journaliste mais ce qu'il dé-couvre. Les unes sont souvent très people, très au-delà des différences notoires, des prises de parti. Bien sûr, il y a Brigitte Bardot. Bien sûr, il y a l'alternance, involontaire, des photos d'Israël ("1967 : 6 jours de guerre") et, quelques mois plus tard, celle du vainqueur de la "bataille du coeur" remportée par un chirurgien en Afrique du Sud (décembre 1967).
Il faudra que quelque universitaire, un jour, reprenne l'échantillon de photos et le réorganise, le trie pour faire voir ce que Paris Match dit, sans le savoir, de cette traversée de siècle.