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jeudi 15 juin 2017

Yahoo!, la fin de quel monde ?


Yahoo! racheté par un telco, disparaît, noyé, dilué dans Oath filiale publicitaire de Verizon. Une histoire s'achève. Quel sens donner à ce tournant, cette bifurcation ? Les entreprises du web sont mortelles ; elles vieillissent. Elles licencient, les actionnaires touchent leurs dividendes (on parle de parachute), les employés se recasent (la Silicon Valley manque de bras)...
La revanche des Anciens sur les Modernes, la fin d'un modèle économique impossible : Yahoo! fut tour à tour moteur de recherche à base d'information manuelle et intuitive, régie publicitaire, média producteur de contenus vidéo, d'émissions TV... cf. "Yahoo! les ironies d'une histoire.

Oath, nouvelle marque ombrelle de Verizon, regroupe ou mélange près d'une trentaine de marques (cf. infra). Mélange, fusion, hétérogène sinon hétéroclite des activités et acquisitions de Yahoo et de AOL., autre survivant délabré de l'histoire du web (cf. le fameux rachat de Time Warner en 2000). Je vous parle d'un temps...
Oath, abri des marques web ? "House of brands", dit Verizon. "Oath", drôle de nom pour une régie. Serment, promesse de quoi, de contacts ?
Outre Yahoo! et ses marques (Yahoo Sports, Yahoo Search, Yahoo Mail) et celles qu'il a rachetées (tumblr., BrightRoll, Gemini), Oath comprend celles rachetées par AOL. : HuffPost, Makers, TechCrunch, les studios Build... Quelle intégrabilité pour Oath, sur quel intervalle ?

Yahoo! et AOL. furent triomphants en leur temps.
Ironie du sort, encore : AOL. est racheté par Verizon tandis que Time Warner (CNN, HBO, etc.) sera sans doute bientôt racheté par AT&T, les opérations câble (Time Warner Cable) l'ayant été par Charter. Revanche des telcos, des tuyaux ?
La nouvelle FCC semble plus laxiste que la précédente concernant l'usage par les fournisseurs d'accès (ISP) des données privées de leurs clients (cf. ici) : les telcos et autres MVPD (câble, satellite, etc.) en profiteront. La FCC semble également se montrer plus laxiste en termes de concentration... A suivre.

Ce moment de la vie du web devrait d'abord attirer l'attention sur la nécessaire prudence en termes de prévisions : on attendait Yahoo! et AOL, ce furent Google et Netflix. Et Facebook. Aveuglement des spécialistes de la lucidité, disait un sociologue !

Source : Yuyu Chen, "Will it blend? Oath will combine disparate AOL-Yahoo ad tech assets", Digiday UK, April 13, 2017

mercredi 7 mai 2008

Couvertures cumulées

Nielsen Online a mis en place TotalWeb qui associe, pour un même site, la mesure de son audience sur PC et sur téléphone. Sans surprise, les premiers résultats montrent une augmentation de l’audience cumulée à au moins 1 contact (+13% en moyenne, +22% pour la météo dont +46% pour AccuWeather.com, mais +1% seulement pour le e-commerce, 2% pour les moteurs de recherche). AccuWeather ? Site de météo présent dans les services d'un grand nombre d'opérateurs mobiles.

La méthodologie de TotalWeb reste mystérieuse qui collecte des données auprès des mobinautes membres du MegaPanel de Nielsen Online et associe Nielsen Online et Nielsen Mobile. On aimerait en savoir plus... fusion ?

Conclusions provisoires :

  • Intégrer la mesure de l'Internet immobile et de l'Internet mobile devient indispensable pour rendre compte complètement de ce qui se passe sur Internet, d'autant que les nouveaux PDA accroissent la propension à la mobilité, qui deviendra de moins en moins marginale avec des ergonomies et des écrans plus favorables, mais aussi avec les forfaits "illimités" commercialisés par les opérateurs. L'effet iPhone (techologie multi-touch) sur l'usage de l'Internet mobile est déjà observable en Allemagne (selon la FAZ), en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, selon StatCounter.
  • Actuellement, aux Etats-Unis, seuls 14% des abonnés à la téléphonie mobile sont utilisateurs de l'Internet mobile (mobinautes). Imaginons l'ampleur du phénomène quand une première moitié de la population sera équipée, d'autant que ce seront sans doute les consommateurs les plus riches en capital économique, culturel et social.
  • La part de marché du support traditionnel dans l'ensemble pluri-support d'un même média est encore rétrécie par une mesure comme TotalWeb, rendant plus nécessaire aux groupes média la construction de l'audience de la marque, et plus délicate.
  • L'association Internet immobile + mobile n'est que la première des étapes d'une mesure multi-plateforme. Il faut ensuite intégrer cette mesure et celle du média traditionnel (presse, radio, TV, annuaires, etc.). Voilà pour la quantité et la distribution des contacts.
  • Puis il faudra dépasser le stade des additions pour en venir au qualitatif. Dans quel ordre, selon quel rythme orchestrer ces trois types de supports ; quelles créations sont appropriées à cette cascade publicitaire, quelles relations entre ces créations (charte graphico-sémiologique) ? Une sorte de topologie de l'articulation et de l'optimisation des médias est à construire.
  • Les annonceurs attendent sur ces points des programmes de tests, si possible audités (ce qui nous délivrerait de l'autocélébration coutumière), tests rendant compte de la logique du rendement des investissements publicitaires. Grâce à ses outils de tracking et d'évaluation du ROI, Internet est le seul média permettant la mise en oeuvre de protocoles d'expérimentation appropriés. Cela sera plus convaincant que des calculs de quantités de contacts bruts (GRP) et de répétition moyenne car, du point de vue de l'annonceur, la notion d'effective frequency converge vers le ROI (la notion de effective frequency fut mise en place par l'Association of National Advertisers (ANA) en 1979).
  • Les médias traditionnels sont le maillon faible de cette fusion en chaîne : il importe, à terme, qu'ils trouvent le moyen de tirer profit de "leurs" mots imprimés ou prononcés. Ces mots déjà numérisés sur Internet ou numérisables via speech-to-text, permettront que s'appliquent les outils de tracking lexicaux et sémantiques, de marketing comportemental au travers des trois types de support. Rappel : une chaîne vaut ce que vaut son maillon le plus faible.
  • En attendant, beaucoup d'acheteurs d'espace sur Internet peuvent au moins se dire qu'ils ont obtenu 10% d'espace gracieux sur le mobile (emplacement préférentiel) ! Au moins.

jeudi 3 avril 2008

La télé n’est plus seulement au salon


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Aux Etats-Unis, il n’est plus guère de bars ou de restaurants où l’on ne trouve des écrans de télévision diffusant des chaînes de sports (ESPN), de variétés «musicales» (MTV) ou d'informations. Voilà longtemps, une vingtaine d’années au moins, que l’on désespère de cette audience non vendue, non vendable parce que non mesurée. Télévision sans télécommande, sans zapping.
De temps en temps, une enquête ad hoc évalue l'ampleur croissante de cette audience hors foyer. Arbitron a déjà montré avec son Portable People Meter (PPM) ce qu’il en était, puisque le PPM mesure toute télévision bien entendue. Nielsen reprend le flambeau et mesure à son tour cette audience avec Integrated Media Measurement : à l’occasion d’un événement sportif, le tournoi NCAA de basketball diffusé sur la chaîne nationale CBS, Nielsen situe le manque à gagner pour la régie à près de 25% de l’audience utilisée traditionnellement (overnight ratings).
Bonne nouvelle pour les chaînes, moins bonne pour les annonceurs qui finiront par payer ce dont jusqu’à présent ils bénéficient gracieusement.

La mesure effectuée par Integrated Media Measurement (http://www.immi.com) recourt à un panel de 2500 personnes équipées de téléphones portables modifés par IMMI pour capter le signal audio des chaînes. Un échantillon d’environnement sonore de 10 s est prélevé toutes les 30 s et confronté à une base de données centrale pour identification de la chaîne entendue ; un émetteur Bluetooth installé au foyer permet de distinguer l’audience foyer de l’audience hors foyer. La facture de téléphone des panélistes est payée par IMMI : incitation à entrer dans le panel, qui est loin d’être neutre.

Cette évaluation de l'audience TV hors foyer donne l’occasion d’évoquer deux types de problèmes lancinants pour la mesure de l'audience TV.
  • D'abord, celui de la multiplication des panels pour mesurer toute la variété des expériences télévisuelles (télé hors du foyer, VOD, télé sur téléphone, sur Internet, au jardin public comme à Hong Kong (cf. photo supra) ou chez le coiffeur (salon à Miami). Qui dit variété suppose une fusion de toutes les données recueillies, plus ou moins hétérogènes tandis qu'en amont on est confronté au difficile recrutement des panélistes : les quotas sont de plus en plus difficiles à établir, et plus encore à respecter. On parle de 360°, mesure synthétique idéale de tous les médias d'un même événement publicitaire : sait -on seulement mesurer l'angle aigu de toutes les composantes d'une "simple" campagne TV ?

  • Le second problème concerne la définition même de l’audience de la télévision. Ce que l'on voit, ce que l'on entend ou ce que l'on voit et entend ? Foyers seulement ou foyers plus hors foyer ? L'audimètre mesure l'audience au domicile, le PPM et IMMI mesurent l'audience de la TV partout où peut l'entendre l'oreille humaine (restaurants, magasins, transports, etc.). Mais ce n'est pas tout : jusqu’à présent, on pouvait ignorer la distinction courante en presse qui sépare audience primaire (celle qui a décidé de regarder l’émission) et audience secondaire (celle qui se trouve dans un lieu où la télévision est choisie par d’autres). Ignorance justifiée : en cas de consommation multitâche, la télévision était presque toujours le média premier, les études budget-temps l'ont montré. Avec la télévision hors du foyer, celle que l'on n'a pas choisie, pointe la notion d'audience secondaire (de son prix, etc.).
Mais toute audience de télévision regardée hors du foyer n’est pas audience secondaire, désengagée, indifférente. D'abord, il y a aussi l'audience primaire des résidences secondaires. Et puis, certains téléspectateurs fans de sport aiment retrouver leurs semblables au bistrot, y célébrer ensemble "leur" équipe favorite, et emportés par la dynamique du groupe y "refaire le match" (cf. supra : photo d'une bannière affichée à la vitrine d'un bougnat prise à Boulogne-Billancourt lors d'une coupe du monde de football, en juin 2006). Dans ce cas, il s’agit d’une audience décidée, motivée, attentive. Une sorte d’"audience conjointe", élargie aux copains des soirs de match!
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mardi 26 février 2008

Apollo, atterrissage en catastrophe

Testé depuis 2005 sur le marché de Houston (Texas, DMA N°10), le projet Apollo consistait en une énorme enquête de type source unique (single source), une de ces enquêtes où l’on obtient pour un même consommateur des informations sur ses achats de produits et sur sa fréquentation des médias (« consumer-centric vision »). Pour cela Nielsen fournissait des données de consommation (HomeScan) et Arbitron des contacts média radio et TV (Portable People Meter), à quoi s’ajoutaient des informations collectées en ligne sur les lectures de presse. Superbe théorie. Soutenue par de grands annonceurs de la grande consommation (dont Procter & Gamble, Kraft, Wal-Mart, Pepsi, Pfizer, SC Johnson, Unilever). Budget astronomique.

Conduit simultanément par les deux puissances légitimes de la mesure d’audience aux Etats-Unis, Apollo devait livrer des outils définitifs en termes de médiaplanning et des réponses opérationnelles quant au retour sur investissement publicitaire. Utopie cross-media de l’approche dite «360°». Tentation lancinante.

Devant la promesse d’un tel édifice, chacun y est allé de son discours de célébration, obligé, intéressé («Conceived as a breakthrough service for the next century», http://us.acnielsen.com/pubs/2004_q4_ci_media.shtml).

Et la langue de bois déversa ses power points.

Et pourtant, à y regarder de plus près, « sans prévention ni précipitation », ce projet conjuguait tous les traits d’une splendide usine à gaz, riche en tuyaux qui fuient et robinets qui coulent, en quotas introuvables et statistiques osées.

Et même sans le secours d’un très «malin génie», aux exigences de rigueur «hyperboliques», on aurait pu douter davantage : d’abord le budget, alors que beaucoup d’acteurs professionnels rechignent à payer la mesure de base, ensuite l’hétérogénéité de la collecte, la complexité du travail statistique qui s'en suit (fusion, modélisation, etc.) auraient dû inquiéter. Et puis, quand même, quelques médias étaient tenus à l’écart, Internet, la publicité extérieure, une grande partie des médias hors foyer (out-of-home), le marketing direct, etc. tout cela représentant bien plus de la moitié des investissements publicitaires.

Projet média pharaonique, dispendieux, aux nobles ambitions, qui était au marketing ce que le France et le Concorde furent à l’économie des transports grand public. Très grand panel (11 000 personnes dans 5 400 foyers, preque autant que le panel audimétrique national) pour un tel montage, mais si petit au regard de ce qui se peut pratiquer dans les médias numériques (TNS Media Research met en place un panel de 100 000 foyers avec DirecTV, par exemple). De plus, l' échantillonnage par quotas est si délicat qu’il est difficilement plausible : qui donc accepte de participer à ce type d’enquêtes, quelle représentativité, quelles études de calage adéquates au rythme des changements à prendre en compte ?

Cet atterrissage en catastrophe devrait signer la fin de ce genre d’aventures. Une époque des études publicitaires est en train de s’achever. Le numérique rend possibles d’autres approches associant consultations des médias et comportements d’achat, des tailles de panels passifs autorisant les échantillages aléatoires, des statistiques plus raisonnables.

Comment penser les conditions de l’erreur, l’épistémologie de tels fourvoiements : pourquoi une telle cécité de la part de si grands professionnels qui, mieux que nous, savent tout des limites nouvelles des formes traditionnelles d’enquête ? Difficulté de sortir des habitudes, de penser la rupture, même évidente, que consomment et l’évolution des médias et l’évolution des modes de vie. Peut-être aussi qu' à force d'être dans le feu de l'action, comme l'observe le Fabrice de Stendhal à Waterloo, il arrive que l'on n'y voit plus rien. En tout cas, ce sera une "erreur positive".