Télé-Loisirs, Programmes du 10 au 16 novembre, p. 14 |
L'hebdomadaire Télé- Loisirs se fait l'écho de téléspectateurs qui se plaignent des retards des émissions : l'horaire de diffusion n'est pas l'horaire annoncé dans la presse (l'écart étant parfois d'un quart d'heure). Le magazine a collecté une pétition de 22 000 signatures et a comptabilisé la durée hebdomadaire perdue à attendre les émissions attendues...
Au moment où l'on évoque les succès de Netflix et du streaming à la demande (SVOD), où le binge-viewing semble une évidence partagée, il est intéressant d'observer qu'une partie de la population française vit toujours au rythme des chaînes traditionnelles, historiques même (TF1 d'abord). Et d'abord au rythme du prime time. L'expression peut sembler surannée, ringarde même alors que l'on affirme que "prime time is my time".
La banalité des arguments rapportés par le magazine doit être soulignée : "Je me lève à 5h30 et j'aimerais pouvoir vois un film en entier un soir" ; quand on se lève tôt, on ne peut pas se coucher trop tard. La France qui se lève tôt !
Au-delà des arguments et des récriminations, que nous apprennent cet article et cette pétition ?
Ils nous rappellent que pour une partie de la population vivant en France, la télévision est affaire d'horaire : on attend qu'elle soit ponctuelle, politesse des rois ! Oubli, négligence des chaînes ? Ignorance ? Mais que savent les "chaînes" des téléspectateurs actuels et potentiels ? Elles ont les données d'audience a posteriori : en plus d'inspirer des tarifs publicitaires, ces comptages, effectués à partir d'un panel, traduisent des choix, des préférences de la population à un moment donné, rien de plus ; elles ne peuvent déceler des mécontentements qui montent et des changements de comportement en gestation.
Les chaînes cherchent-elles à le savoir ? Les téléspectateurs ne sont pas si "enchaînés" à leur grille qu'elles veulent se l'imaginer. Les services de streaming à la demande (SVOD) en savent plus long sur les comportements de leurs abonnés (de TOUS leurs abonnés, à tout moment). Les résultats de la pétition de Télé-Loisirs, comme un élément d'un cahier de doléance, peuvent être perçus comme une involontaire et convaincante publicité pour Netflix et Amazon Prime Video dont le prime time est, par construction, toujours à l'heure de leurs abonnés. Alors, est-ce l'heure d'OTT qui vient de sonner pour les grandes chaînes ?
Ne méprisons pas les usages traditionnels des médias traditionnels. Voyez Amazon qui imprime et envoie des millions de catalogues pour les achats (de jouets notamment) de fin d'année ou encore Facebook qui, aux Etats-Unis, fait connaître sa dernière innovation (Portal) à grands coups de GRP TV (50 millions de $ en un mois). Quant à Google, il fait la une de la publicité extérieure avec son téléphone Pixel.