dimanche 19 septembre 2021

Bebel, de Godard à Claude Lelouch, d'Alain Resnais à Cyrano



 Le Point, Jean-Paul Belmondo, 1933-2021 "Le panache, la vie, l'amour, la France", 100 p.

Le numéro que Le Point consacre à la mort de Belmondo est plutôt bien. Il est assez complet, évoquant les principales étapes de sa carrière de son héro. De ses années de conservatoire à ses grands succès au cinéma mais aussi au théâtre. Bien sûr, le magazine avait sans doute déjà dans ses carton des dizaines, des centaines d'articles d'avance, la mort de Bébel approchant. Dans l'ensemble, avec Belmondo, la presse est partagée, la grande presse est plutôt favorable mais la petite presse, celle qui a des prétentions intellectuelles, n'aime pas Belmondo : pensez ! 58 films et des millions de spectateurs, cela n'est pas raisonnable ! 

Jean-Paul Belmondo, c'est une image de la France, ou plutôt des images de la France. Avec Gabin et Delon, avec Godard aussi. Avec Jean-Luc Godard, voici Belmondo dans "A bout de souffle" (1960) avec Jean Seberg, américaine et vendeuse de journaux. On nous montrera aussi Belmondo se faire peindre en bleu par Jean-Luc Godard pour "Pierrot le fou" (1965), et l'on pense avec lui à Rimbaud et aussi à Céline que finalement il ne tournera pas. On le voit avec Gabin, dans "Un singe en hiver", sous la direction d'Henri Verneuil, il est imposé par  Audiard : il s'agit d'une nuit d'ivresse formidable, adaptée d'un roman d'Antoine Blondin.

Jean-Paul Belmondo est le fils d'un sculpteur et sera un enfant heureux dans une famille sympathique. L'as des as a pourtant des ennemis dans la presse : "Ainsi "L'As des as", que j'ai coproduit et interprété en y laissant intégralement mon cachet parce que j'avais le désir de stigmatiser, sous le ton léger de la comédie, l'antisémitisme et l'intolérance, n'est pas toléré par ceux qui font profession de tolérance". La réponse est claire. C'était en 1982.

Avec Claude Lelouch, il tournera "Itinéraire d'un enfant gâté", et on le verra avec un vrai lion. En 1974, il joue le rôle du"beau Sacha" dans "Stavisky", sous la direction d'Alain Resnais. Au théâtre, on voit Belmondo dans des pièces de Feydeau, dans le rôle de Kean et dans celui de Cyrano (278 fois !). Et l'on en oublie tant : "Moderato Cantabile" (1960) avec Jeanne Moreau, "Les Mariés de l'An II" (1971) avec Laura Antonelli... Belmondo c'était bien.





















dimanche 12 septembre 2021

Vivre l'Allemagne nazie au jour le jour

 Anna Haag, Denken ist heute überhaupt nicht mehr Mode. Tagebuch 1940-1945, Reclam, Stuttgart, 2021, 448 Seiten. ("Penser n'est plus aujourd'hui particulièrement à la mode")

La Frankfurter Allgemeine Zeitung compare cette oeuvre à celle de Victor Klemperer. Anna Haag, journaliste, socialiste, féministe a donc tenu son journal durant la guerre, commentant les événements dont elle entendait parler autour d'elle, à la radio allemande (mais aussi à la radio anglaise), dans la rue, chez les commerçants, à la pharmacie, à la gare. Depuis mai 1940 jusqu'au 22 avril 1945, elle raconte sa vie quotidienne ; elle évoque la presse allemande de l'époque, se moquant des expressions nazies mais les citant sans cesse. Elle dissimule son journal dans la cave à charbon...

Son interlocuteur favori est le pharmacien du coin, "unser Nachbar Apotheker", "der Herr Stratege", qui commente, jusqu'au bout, l'actualité internationale, et la victoire à venir de l'Allemagne nazie, inévitable, sur les Anglais, puis sur les Russes aussi, bien sûr, et, bientôt, sur les Américains. Et le livre fourmille de remarques ironiques mais réalistes sur l'état d'esprit de la  population, remarques qui font suite aux observations de l'auteur dans le tramway, dans les boutiques, dans les rues, sur la fureur de la propagande nazie... Propagande qui ne cesse qu'à l'extrême fin et qui touche toute la population ; d'ailleurs, cette population sait tout, tout de la situation faite aux Juifs dans les camps de concentration, camps de la mort, et cela ne la dérange en rien...

Après guerre, Anna Haas reprendra ses activités militantes au parti socialiste allemand (SPD) en faveur des femmes notamment. Le livre se lit agréablement, en allemand, du moins car pour l'instant je ne lui connais pas de traduction en français ou en anglais. Il mériterait pourtant une traduction tant son compte rendu de l'époque est original et montre qu'une opposition, muette et discrète certes, existait quand même un peu au régime nazi.