mardi 22 décembre 2020

"This is Us" : une longue série biographique

Les principaux héros de la série (source : Wikipedia)

 C'est une série au long cours, à la construction très complexe, qui mêle sans cesse les moments. Crée par Fox, sa première diffusion date de septembre 2016 sur le network NBC, année olympique, et la cinquième année, lancée le 27 octobre 2020 est actuellement en cours de diffusion. La série est filmée à Los Angeles pour l'essentiel ; chaque année compte 18 épisodes. Elle conte l'histoire d'une famille de deux parents blancs qui attendent des triplés. L'un étant mort à la naissance, il est remplacé, volontairement, à la clinique par un troisième enfant, abandonné, et qui est noir. C'est l'histoire de cette famille mixte à laquelle on assiste, famille et son environnement social, passager ou durable. Au cours des cinq années de la série - qui couvrent plus d'une vingtaine d'années réelles -, les enfants ont grandi et le couple a maintenant des petits enfants. Et chacun des personnages a vieilli avec ses problèmes : l'une oublie petit à petit, l'autre est obèse, l'un est soucieux et un peu perfectionniste, l'un a des problèmes d'alcoolisme...

30% des effectifs des auteurs qui ont collaboré à la série sont noirs (alors que l'on ne compte habituellement 4,8 % des auteurs noirs  !). Le titre, "This is Us" a été rendu en français par "Notre vie" au Québec, ce qui ne donne qu'une idée de la série ; "Voilà, ça, c'est nous" oubien "Voilà notre vie" auraient peut-être mieux rendu l'esprit de cette série qui a gardé son titre américain en France. En France, où, après Canal Plus, 6ter, puis M6, la série a connu des scores d'audience plutôt décevants... Aux Etats-Unis, NBC a diffusé la série en prime time mais Fox garde les bénéfices de la diffusion à l'étranger, en syndication et en streaming

Ces quatre familles connaissent au cours de cette trentaine d'années tous les problèmes possibles des familles américaines, parfois dramatiques mais aussi, le plus souvent, d'une grande banalité. Le montage des épisodes fait alterner les périodes, le passé des personnages étant souvent présenté comme des formes d'explication du présent, du futur également. Les téléspectateurs voient ainsi des vies qui se mêlent, tissées de moments tendres, touchants, d'une grande quotidienneté aussi, avec leurs bavardages, leurs drames, leurs joies, les fêtes... C'est l'ensemble de ces émotions banales qui fait l'intérêt de la série : les événements décrits donnent l'impression aux téléspectateurs de les partager ou de pouvoir les partager et, parfois, les mettent à distance. Ces cinq années font naître chez les spectateurs le sentiment d'une grande proximité mais aussi celui d'assister à un spectacle à distance. Le mélange des périodes, des personnages, contribue à cette distanciation.


mercredi 16 décembre 2020

Recensement : en 2020, on comptait 332,6 millions d'Américains

Le recensement donne cette évaluation pour le 1er avril 2020. Cette estimation donne un âge moyen de 38,5 ans contre 37,2 il y a dix ans (2010) pour une population qui était alors de 308,35 millions de personnes. Notons que, pour ce recensement, l'on était au tout début de la pandémie liée au virus de la COVID-19 et que, depuis, la mortalité s'est fortement accrue.

La population américaine vieillit : 6,1 millions de plus de 85 ans, 54,3 millions de 65 ans et plus. Et en même temps, la natalité recule.

Le recensement est difficile : même si l'on a permis aux Américains de remplir le document de recensement en ligne (ils ont reçu un courrier les y incitant), beaucoup d'américains ne répondent pas ; donc il faut envoyer des personnes recrutées exprès pour effectuer localement le recensement en direct. 

De plus, beaucoup d'Américains doutent de la qualité du recensement ; par exemple, en 2020, le Parti Républicain organisa une pseudo-enquête de propagande, ressemblant à un recensement, qui a été contestée ; cf. infra.


Selon Wall Street Journal, extrait d'un document du parti républicain

samedi 12 décembre 2020

Récanati au Collège de France : à nous deux, la linguistique

François Recanati, Langage, discours, pensée, Paris, 2020, Leçons inaugurales du Collège de France / Fayard, 64p.

"Philosophie du langage et de l'esprit", tel est l'intitulé de la chaire de François Récanati au Collège de France et ce texte est celui de sa leçon inaugurale, prononcée il y a juste un an, le 12 décembre 2019.
François Récanati se décrit comme l'un des protagonistes de la pragmatique française des années 1970-80" et il revendique l'héritage de Emile Benveniste qui distinguait sémiotique et sémantique et affirmait ainsi sa philosophie contextualiste : "Le sémiotique se caractérise comme une propriété de la langue, le sémantique résulte d'une activité du locuteur qui met en action la langue". La langue est d'abord un instrument de communication, son expression est le discours. Les termes sont posés.
François Récanati commence par exposer les grandes lignes de la philosophie analytique européenne dont la philosophie du langage est un sous-domaine. J-L Austin aimait à dire d'ailleurs que la philosophie a, pour objet provisoire, "tous les résidus, tous les problèmes qui restent encore insolubles, après que l'on a essayé  toutes méthodes éprouvées ailleurs. Elle est le dépotoir de tous les laissés pour compte des autres sciences, où se retrouve tout ce dont on ne sait pas comment le prendre". Mais petit à petit la philosophie recule, les mathématiques, la physique, par exemple, constituant leur domaine propre et lui échappant, ne lui laissant que l'épistémologie.
La théorie des actes de parole, la pragmatique, s'est imposée progressivement ; la parole, activité qui est le discours et dont le langage est le répertoire des formes, s'imposant. Donc, il faut distinguer nettement langage et discours (ou l'énonciation, selon Benveniste).
La théorie des actes de parole est partie prenante de la théorie des divers actes sociaux (promesse, contrat, mariage, etc) et de l'ontologie sociale. La "théorie de l'esprit" attribue à autrui des intentions, des croyances, des désirs susceptibles d'expliquer ses comportements. L'indexicalité est à la fois mentale et linguistique : la valeur sémantique de "je", "ici", "maintenant" dépend du contexte. Et François Récanati conclut sa première leçon en citant Emile Benvéniste : "Les philosophes du langage et de l'esprit, donc, s'occupent des représentations, qu'elles soient mentales ou linguistiques, publiques ou privées, symboliques ou iconiques".

La lecture ou l'écoute de cette première leçon n'est pas facile. Le lecteur / auditeur peut s'y perdre aisément (et je m'y suis perdu !). Les affirmations de François Récanati se succèdent ; elles sont claires mais il est souvent bien difficile d'en suivre et d'en percevoir l'enchaînement. Alors, il faut écouter les leçons qu'il donne au Collège de France pour se familiariser davantage avec le style et les idées de l'auteur. On peut aussi lire son ouvrage sur La transparence et l'énonciation. Pour introduire à la pragmatique (Editions du Seuil, 1979) et celui sur la Philosophie du langage (et de l'esprit), qu'a publié Gallimard en 2008, pour comprendre les étapes de la pensée de l'auteur. En tout cas, lire et écouter François Récanati, est une bonne occasion de reprendre le travail linguistique et d'y confronter les balbutiements des essais actuels.

samedi 5 décembre 2020

No more radio for Disney? The end of an era

Radio Disney and Radio Disney Country will cease operations early next year. Both programs aired on the iHeartRadio, Radio.com and TuneIn streaming applications. Radio Disney in Latin America is not included in the layoff, yet. Disney is now focusing on streaming platforms.
Selena Gomez
Selena Gomez at the 2014 Radio Disney Music Awards

Radio Disney was launched in 1996. The program was broadcast on more than fifty stations and eventually became available on SiriusXM satellite radio. Radio Disney Country was launched in 2015 and was broadcast on KRDC-AM (Los Angeles, which will also sold in 2021). 

This is where young artists started to become famous, such as Miley Cyrus, Taylor Swift, Selena Gomez or Megan Nicole. For Megan Nicole, the closing of Disney Radio is like "the end of an era". 

Disney is expected to lay off more than 28,000 employees by the beginning of 2021, mostly among people working in the Theme Parks or across Walt Disney Television.


lundi 30 novembre 2020

Le numérique est capital, de plus en plus

 Capital, "Numérique. En tirer le meilleur sans se laisser dépasser", Hors Série, novembre - janvier 2021, 104 pages.

Le hors-série trimestriel de Capital consacré au numérique dresse un bilan, pour les consommateurs, des dernières avancées du numérique, pour le grand public. Les réseaux sociaux ouvrent le numéro et l'on y apprend, sans surprise, que Facebook serait le réseau qui respecte le moins la vie privée des utilisateurs. Linkedin, devenu récemment filiale de Microsoft, est concurrencé par Xing dans les pays germanophones d'Europe. Un article est consacré aux éboueurs du Web, toutes celles et ceux qui sont chargés de nettoyer les sites des mensonges qui les encombrent, en attendant - il faut rêver - que les algorithmes sachent faire ce travail. Avant d'évoquer les réseaux sociaux oubliés qui datent du début des années 2000 (Second Life, Myspace, etc.), un journaliste célèbre la désintoxication, lorsque l'on se sépare de Facebook et Twitter. Un article sur les sulfureuses bonnes idées d'Instagram met en garde des lecteurs trop naïfs...

Plus sérieuse que celle des donnés personnelles, se pose la question de l'application anti-covid qui a d'abord échoué pour mieux fonctionner ensuite avec TousAntiCovid, celle aussi de Doctolib qui a bien des difficultés et, plus encore, des sites de rencontre et de Alipay, "l'oeil de Pékin" : tout cela ne donne pas une idée très claire de la réussite possible de ces moyens. Mais on peut espérer !

Passons à l'emploi et surtout au télétravail. Le gain majeur attendu du télétravail est le temps gagné par les salariés dans les transports et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les nouveaux métiers du numérique sont nombreux et le magazine en répertorie près d'une vingtaine. Il signale aussi de futures licornes françaises qui vont devoir recruter. Mais au-delà de ces gagnants, il y a aussi "les forçats du clic", ceux qui accumulent les tâches répétitives pour des salaires de misère. Et les activités de défense des cybersoldats sont évoquées aussi, discrètement, par le Général de division aérienne qui les commande, et qui ne fait pas rêver, mais ce n'est pas son rôle. Pas sérieux, s'abstenir ! Et cela se termine par les emplois, ceux qui naîtront de la 5G, de la multiplication des robots, de l'intelligence artificielle, des e-sports, de la voiture connectée... Mais, attention, Internet est aussi le monde de la fraude, des escroqueries et des "fausses bonnes affaires".

Dans ce magazine, il y a un peu de publicité : pour une machine à café, Jura que parraine le champion de tennis Roger Federer, pour les robots de Kaspersky, pour un livre du Monde et de Géo sur les musées, pour Harvard Business Review, pour des livres ("thrillers"), pour une émission de radio et son magazine, pour la revue Géo Histoire et, en général, beaucoup de publicité auto-promotionnelle pour les produits de la régie publicitaire de Prisma.

Le menu est donc bien composé. Le magazine laisse entrevoir l'avenir que peut escompter le très grand public qui, armé de ce numéro spécial, va pouvoir se mettre dans l'ambiance et travailler pour trouver ses futurs métiers, et ses futurs loisirs aussi.

Le hors-série est trimestriel, c'est un rythme bien lent. Non ,



lundi 23 novembre 2020

S, un magazine "positif, inspirant, sans tabou". Diable !

 S. Le magazine de Sophie Davant, bimestriel, CMI Publishing, 3,8 €, 148p.

N'étant pas dans la cible, j'ai commencé par la faim / fin et les recettes de cheffe. Sophie Davant propose quatre recettes. La première est une de carpaccio de saumon, facile. La seconde des pâtes aux deux saumons, frais et fumé, avec des spaghettis. Pas très compliqué mais appétissant. Cela se complique avec un "magret de canard déglacé au miel" et on en mangera volontiers. Enfin, cela se termine par un "moelleux au chocolat encore coulant" qui doit être succulent. Bon pour une entrée dans le magazine, c'est sympa, clair, bien expliqué. "Plaisir assuré".

Sophie Davant, personnalité de la télévision grand public, "accessible et inspirante", mère de deux enfants, divorcée, bientôt soixante ans. L'ancienne de "Télé Matin" lance un magazine "positif, inspirant, sans tabou" (c'est son sous-titre). Directrice éditoriale, Sophie Davant y signe quelques articles ; j'ai aimé et retenu notamment :

  • l'interview de son amie, écrivain et journaliste, Katherine Pancol, "une femme libre" ; et la copine de balancer, sur le milieu littéraire : "un milieu, qui a couvert Matzneff pendant trente ans parce que c'est un homme, est difficile à respecter" (Gabriel Matzneff, auteur de Gallimard, est "visé par une enquête pour viols sur mineurs", Le Monde, 24 septembre 2020).
  • le conseil impératif qu'elle donne aux femmes : "être indépendante financièrement. Travailler à être soi à 100%", même si "tout est plus difficile quand on est une femme"...  
  • l'interview de Francis Cabrel, son rapport à la paternité et à sa femme : "il a fallu de la patience à mon épouse. Ca n'a pas dû être simple" (S.D. : "Elle vous l'a dit ? F.C. : "Elle me l'a dit" [Il rit]. 
  • les pages tourisme ("Evasion") qui vous mèneront "Du bassin d'Arcachon à la Normandie" : suivons le guide, et nous verrons.
Beaucoup de sujets que n'aborde guère la presse féminine. Et le magazine traite aussi de la brocante, de la décoration, d'avoir des cheveux blancs, d'avoir 50 ans ("le nouveau 20"), du style vestimentaire et du maquillage de Sophie Davant ; le magazine parle aussi de chirurgie esthétique, du deuil, du départ des enfants, des fêtes, des cadeaux, de la ménopause, de la permaculture et puis, encore de la déco, du recyclage, et puis...; et puis, eh! bien, c'est la fin : et nous revoilà à la cuisine. Il faut que j'essaie une de ces recettes : allons-y pour les pâtes aux deux saumons. Nous en reparlerons, bientôt !

Le groupe qui publie S est le groupe CMI (qui, en France, publie également Elle, Télé 7Jours, Art et Décoration). Le premier numéro comporte quelques pages de publicité : pour les pistaches, Orange, Intermarché, l'eau thermale, Tena, le Café de Paris (le vin), etc ; mais la publicité la plus discrète est celle que le magazine offre pour de nombreux objets et produits divers, des adresses...
Le magazine, un féminin classique, tient beaucoup dans ce premier numéro, par sa directrice éditoriale. Sa personnalité suffira t-elle à donner au titre de la durée ? Le numéro 2 est annoncé pour janvier.

dimanche 22 novembre 2020

Les comptes presque à l'équilibre du Canard et "la joyeuse débâcle de la presse"

 

Le Canard enchaîné publie ses comptes. Ils sont pour la première fois de sa déjà longue carrière, négatifs, de très peu. Bien sûr, il y a la responsabilité de l'épidémie du COVID, les grèves de l'année aussi et puis il y a, surtout, les comptes de Presstalis, la société responsable de la distribution de la presse qui a été placée en redressement judiciaire. Perte de plus de 3 millions pour le Canard... 
Alors, finalement, le Canard plongera dans le numérique, ce qui devrait permettre à ses lecteurs d'acheter leur journal en ligne. Enfin. Dommage pour les kiosquiers, qui sont là, souvent, COVID ou grève.

La presse française va très mal : Le Point, L'Equipe, L'Obs, Le Monde, L'Humanité, L'Express, Les Echos, Le Parisen, Libération ne vont pas bien, voire très mal. Ils réclament des aides à leurs lecteurs (leurs prix montent), mais surtout à ceux qui ne les lisent pas (l'Etat), à Google aussi... La presse de province ne va pas mieux.
Alors, la presse papier est-elle finie ? Le passage au numérique est inévitable ; mais il y aura de grandes difficultés, car la publicité ne suivra pas. Et l'impôt ?

Le Canard enchaîné, 18 novembre 2020, p. 4
Source : Le Canard enchaîné, 18 novembre 2020, p. 4


dimanche 15 novembre 2020

Le roman d'une génération lycéenne d'aujourd'hui ?

Francesca Serra, Elle a menti pour les ailes, Paris, Editions Anne Carrière, 2020, 470 p.

Voici un roman. Il est long, trop long à mon avis. Mais qu'importe mon avis ! Le roman se laisse lire et même, on le lit avec intérêt même si la fin est un peu lente et longue. Mais qu'importe, il faut le lire pour le début. Et, surtout, le lire pour l'ambiance...
Il y est question d'une jeune fille, sa mère est de prof de danse, dans une ville où l'on est passé, comme dans le reste de la France, "en trois générations, de la lecture hebdomadaire de la Bible à celle de la presse féminine". Tout le livre est dans ses descriptions. Description de la vie d'un lycée de province, portrait de quelques groupes de lycéennes et lycéens : "Elle retrouve l'event sur son appli Facebook et clique sur le lien Google Maps"... Ainsi va la vie quotidienne du lycée telle que la comptent les adolescents.

Le livre a obtenu un prix littéraire du quotidien Le Monde. 

"Et on a des images de tout maintenant. Dans notre poche, vingt quatre-heures sur vingt-quatre. La distance du cinéma, on l'a réduite à rien. Qui a encore besoin des stars pour fantasmer? N'importe quelle influenceuse de YouTube fait le job. Parce que c'est nous les images maintenant ! La télé, on n'était pas dedans : internet, on est passés de l'autre côté". Voilà les cultures de deux générations qui s'opposent, radicalement, la culture de la télévision et la culture d'internet (p. 218). Le livre se veut délibérément le livre de la génération internet et c'est une conversation au Commissariat qui énonce la réalité nouvelle. Bon. 

Ce livre veut mettre en évidence les nouvelles oppositions culturelles, celle des jeunes (YouTube, Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat et autres) et celles des anciens, de la télévision, de l'administration du lycée, celles du Monde... En fait, l'opposition se trouve surtout dans les mots et ce sont les mots qui font le roman, "la grande machine à histoires" d'Internet. La génération de Garance (anagramme de "carnage" !), l'héroïne de 15 ans, très belle, est née avec internet et elle vit avec. Et l'auteur la regarde vivre, l'espionne. Une histoire presque mythologique qui se déroule à Ilarène ("île à reine", illa en latin, arène !), ville du bord de mer qui empreinte à l'Ajaccio de l'auteur.

Est-ce un bon livre ? Ou pas ? Imparfait, sans doute. Livre d'une génération, sûrement. Et à ce titre, un livre à lire.

L'auteur interviewée par France 3, octobre 2020 (YouTube)


dimanche 1 novembre 2020

Netflix, modes d'emploi et révolution culturelle dans l'entreprise

Reed Hastings, Erin Meyer, No Rules Rules. Netflix and the Culture of Reinvention, 2020, Penguin Random House, 320 p. , Bibliogr., Index

Cet ouvrage est en quelque sorte dialogué. D'une part, Reed Hastings P-DG et fondateur de Netflix en 1997 ; d'autre part, Erin Meyer, qui enseigne à l'INSEAD, en banlieue parisienne, dont elle a reçu un MBA en 2004. Elle est aussi l'auteur d'un livre intitulé "The Culture Map: Breaking Through the Invisible Boundaries of GlobalBusiness", publié en 2014. 

Il est rare que le patron d'un média prenne la parole, en détails, pour expliquer et justifier, la manière dont fonctionne son média. Le patron de Netflix explique ses choix et ceux de l'équipe qu'il a recrutée. Il expose donc ses erreurs, aussi. Le livre est par conséquent intéressant tant les remarques sur le fonctionnement de l'entreprise sont franches et peuvent être étendues à d'autres médias, notamment à ceux qui ne comptent pas sur la publicité pour vivre.

Netflix a commencé par la location de DVD via envoi postal (DVD by mail) avant de passer à l'abonnement en ligne, par téléchargements. Fin 2020 Netflix est devenue la première entreprise mondiale, diffusant et produisant des émissions et films de télévision. Comment, en moins de vingt ans, Netflix en est-elle arrivée à ce stade de la  réinvention permanente ? L'ouvrage passe en revue les raisons, et les moyens, de réussir.

  • En commençant par "talent density". Quand, dans l'entreprise, la densité des talents, des savoir-faire, est élevée, tout le monde dans l'entreprise en profite et, surtout les bons ("top performers") qui deviennent encore meilleurs car "la performance est contagieuse". C'est le point de départ, "the first dot", qui repose donc sur les "stunning colleagues" (impressionnants, doués).
  • Parler franchement, face à face ("Only say about someone what you will say to their face") est un moment décisif dans l'évolution de l'esprit de l'entreprise. Reed Hastings se fait l'avocat de la candeur, il faut donner un feedback qui ne blesse pas, et pour cela il recommande aux employés de dire au chef d'entreprise et aux cadres ce qu'ils (elles) pensent : "it's when employees begin providing truthful feedback to their leaders that the big benefits of candor really take off" et c'est la réception de ces critiques qui fait l'ambiance d'une entreprise (d'où l'importance des "belonging cues", les justes réponses des victimes à la franchise des critiques exprimées). Ce qui accroît encore l'importance de "Preach feedback anywhere, anytime" et de sa conséquence : "Get rid of jerks as you instill a culture of candor". Netflix n'a pas besoin de leaders excentriques ("brilliant jerks").
  • "Remove vacation policy", cet énoncé qui établit la totale liberté des vacances est la conséquence de "in the information age, what matters is what you achieve, not how many hours you clock", déclare Reed Hastings qui précise n'avoir jamais prêté attention au nombre d'heures de travail de ses employés. Ensuite, la logique veut que les notes de dépense et de frais de voyages disparaissent également. C'est une culture de frugalité et de bon sens : "Spend company money as if it were your own" qui deviendra plutôt "Act in Netflix's best interest". 
  • "Bonuses are bad for flexibility" : le bonus n'encourage pas le changement, il nuit à l'évolution de l'entreprise ; cela suit l'idée du "rock-star principle" (il faut recruter d'abord celles et ceux qui inventent, résolvent les problèmes rapidement). Il s'en suit qu'une culture de transparence demande d'en finir avec les bureaux fermés, avec les assistant(e)s qui montent la garde à l'entrée. Il faut ouvrir les livres de compte aux employés, et leur apprendre à lire un P&L (document qui analyse les pertes et profits d'une opération).

Et l'ouvrage se poursuit ainsi : "ne pas chercher à plaire à votre patron". Chercher ce qui est le meilleur pour votre entreprise. Prendre en compte tous les éléments nécessaires pour une décision. La densité des talents est la première des qualités d'une entreprise ; le reste suit, logiquement. Ainsi, le cycle d'innovation commence par la recherche systématique des désapprobations, des divergences ("farming for dissent") : il faut écouter les désaccords et "prendre la température" de l'entreprise (cette idée est née de l'échec cuisant de Qwikster, l'entreprise qui devait gérer les DVD tandis que le streaming l'était par Netflix). L'objectif n'est pas le consensus souvent trop mou mais la bonne décision. "What matters is moving quickly and learning what we're doing". L'essentiel est d'aller vite, et d'apprendre ! L'erreur est banale : "First if you take a bet and it fails, Reed will ask you what you learned. Second, if you try out something big and it doesn't work out, nobody will scream and you won't lose your job."

Virer un bon employé pour en recruter un meilleur ? "Firing a good employee when you think you can get a great one". Aussi la famille n'est-elle pas une bonne comparaison pour penser une excellente entreprise ; l'équipe sportive, compétitive semble une meilleure métaphore.

Quelle est la structure optimale d'une entreprise ? Pour Netflix, elle a déjà changé depuis la publication du livre, mais l'idée essentielle reste que, pour réussir, Netflix doit devenir une machine à apprendre internationale ("international learning machine"), sa forme générale évoquant plus l'arbre avec tronc, racines et branches principales que la pyramide. "Leading with context" serait le principe de la cartographie, de l'organisation générale, à condition que la "densité des talents" le permette.

Tout décider en moins de trente minutes, et surtout "Talk, talk, talk". Avec la vitesse, tel est le principe fondamental du travail international. L'erreur majeure : "it's failing to attract top talent, to invent new products, or to change direction quickly when the environment shifts" et Reed Hastings insiste, c'est plus du jazz que de la musique classique, "Leave the conductor and the sheet music behind. Build a jazz band instead". Donc une culture d'improvisation et de franchise dans un ensemble qui sait où il va.

Ce livre donne des idées pour la gestion des entreprises, des idées essentielles, pour que l'innovation soit continue. Trois points paraissent particulièrement importants : tout d'abord le talent et la vitesse d'exécution et puis communiquer sans cesse dans l'entreprise. Plus que des stratégies, ce livre donne des principes pour une culture d'entreprise vivante. La vraie révolution culturelle dans l'entreprise doit être une "réinvention" permanente. 


samedi 3 octobre 2020

Durkheim et l'avenir de la sociologie scientifique


Wictor Stoczkowski, La conscience sociale comme vision du monde. Emile Durkheim et le mirage du salut, Paris, Gallimard, 2019, 629 p., Références citées, Index nominum

Wictor Stoczkowski, Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Hermann, 2008, Bibliogr.)

La doctrine du salut, le prophétisme de Durkheim et de durkheimiens célèbres et récents (Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss notamment) sont passés au crible par ce gros ouvrages pour y déceler leurs défauts majeurs. L'auteur, "en décortiquant une oeuvre fondatrice des sciences sociales" pointe d'emblée les déficits de la science sociale chez ses "grands auteurs". A ces défauts, le chercheur oppose ses propres enquêtes dont "le but n'est pas de décrire telle ou telle théorie, mais de mettre au jour les mécanisme sociaux et intellectuels dont l'action fait en sorte que des savants puissent créer des mondes chimériques capables de captiver notre imagination et d'anesthésier notre esprit critique." Vaste programme !

Dans ce programme, bien avant Emile Durkheim, Wictor Stoczkowski s'est d'abord attaqué, il y a dix ans, à l'oeuvre de Claude Lévy-Strauss (Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Hermann, 2008). Dans cet ouvrage, l'auteur s'interroge sur la confrontation de deux textes écrits par Claude Lévy- Strauss, le premier en 1962, le second en 1971, tous les deux portant sur les races humaines. Pour ce travail, l'auteur a bénéficié d'entretiens avec Claude Lévi-Strauss. Le résultat est captivant.

Le voici maintenant aux prises avec l'oeuvre de Emile Durkheim et il démolit l'oeuvre du fondateur de la sociologie moderne dans laquelle il dénonce une sotériologie, visant le salut. Pour l'auteur donc, Emile Durkheim n'est pas si original que l'on prétend : il ne fait que réduire les problèmes qu'il aborde, problèmes d'ailleurs classiques, aux catégories de la dissertation normalienne courante ("Les formes élémentaires de la pensée normalienne"), notamment dans son étude sur Le suicide et dans celle portant sur Les Formes élémentaires de la vie religieuse. Les prétentions scientifiques de Emile Durkheim résistent mal à cette critique en règle.

Sociologie de la sociologie ? En quelque sorte, oui. L'auteur montre, entre autres, que l'usage des statistiques par Durkheim est pour le moins simplificateur et que sa prétention à une neutralité scientifique est pour le moins discutable. "En réalité, Durkheim était un penseur moins original qu'on ne dit" n'hésite pas à affirmer Wictor Stoczkowski. Le Suicide, selon lui, n'est pas un travail si exemplaire ; Emile Durkheim n'utilise pas ses sources rigoureusement, évacuant les exceptions lorsqu'elles gênent sa démonstration (ainsi pour la statistique des suicides  chez les Juifs, cf. p. 177). Et l'auteur de se référer à la méthode de Claude Bernard, auquel se réfère pourtant notre auteur, Claude Bernard qui se méfiait tellement des mauvaises observations. 
Wictor Stoczkowski dresse aussi le procès de la "formation normalienne" et de "l'habitus dialectique" ("l'habitus cognitif normalien") allant jusqu'à écrire "qu'il ne serait pas excessif d'envisager la sociologie durkheimienne comme une discipline auxiliaire de la philosophie pour écoles secondaires" (p. 347). 
Et l'auteur de terminer ainsi son livre : "La fondation des sciences sociales n'est pas derrière nous : elle et devant nous".

vendredi 2 octobre 2020

Netflix : streaming en tête

 


Netflix et YouTube atteignent donc presque la moitié de la durée du streaming. Telle est la conclusion de l'analyse de LightShed Partners pour le mois de juillet 2020. L'analyse utilise les données de Comscore. 


mercredi 30 septembre 2020

Les nouvelles formes fixes : arts poétiques


La versification introduit dans la littérature des contraintes formelles. Le théâtre classique la suit avec la règle des trois unités (Nicolas Boileau et L'art poétique et d'autres, plus tard, comme Paul Verlaine). La créativité a trouvé dans ces contraintes des appuis : le genre à forme fixe, comme le sonnet, figures imposées par l'époque...

Dans la communication publicitaire et autre (mais, est-il d'autre communication que publicitaire ?), les formes fixes sont nombreuses ; elle évoluent lentement. Les formes fixes, ce sont, par exemple, les formats : le 4x3m de l'affichage, le 30 secondes puis le 20 secondes pour la télévision, quelques formats Web, le format des petites annonces, le quart de page de la presse... La télévision a créé le sitcom et les séries : 26 mn, n fois...

De la forme fixe, de l'alexandrin classique, on est passé progressivement au vers libre (Guillaume Apollinaire). Qu'en est-il dans la communication publicitaire ?
Twitter crée un format court 140 caractères, chaque réseau social crée son propre format, de Facebook à Snapchat à YouTube... 

Il y a trop de figure libres ? Revenir à Nicolas Boileau, mais : "Avant donc que d’écrire, apprenez à penser"  (Chant 1, vers 150) !


lundi 28 septembre 2020

Des cadres et des professions intellectuelles supérieures, de plus en plus nombreux

 Virginie Forment, Joëlle Vidalenc, Les cadres : de plus en plus de femmes, INSEE Focus, N°205, 25 septembre 2020

Il y a 5,2 millions de cadres en France, représentant 19% de la population active ; leur nombre a presque triplé en quarante ans (on ne comptait que 1,8 million cadres en 1982). Les cadres sont surtout plus diplômés que le reste des personnes en emploi dans la population française : plus de 9 sur 10 sont issus de l'enseignement supérieur. 54% d'entre eux sont titulaires d'un diplôme d'enseignement supérieur de niveau Bac + 5 mais 14% d'un niveau Bac +2...

Sauf dans la fonction publique, les hommes cadres sont encore les plus nombreux. Les femmes sont plus nombreuses surtout parmi les professionnels de l'enseignement secondaire général et technique, les médecins et pharmaciens salariés, ainsi que les cadres spécialistes des fonction administratives et financières. Quand vont-elles en général finir par dépasser les hommes ? Bientôt...

Les cadres travaillent plus souvent à temps partiel et sont beaucoup moins souvent en situation de sous-emploi.

En fait, le portrait que donne l'INSEE des cadres et professions intellectuelles supérieures montre ses insuffisances : la catégorie cadre est trop confuse voire floue, vétuste même. Elle mêle des activités de statut professionnel différent. Passons sur les "professions de l'information, des arts et du spectacle", qui méritent un traitement statistique à part. La catégorie des ingénieurs et cadres techniques d'entreprise mêle les cadres sortis de grandes écoles (Centrale, X, ENS) et celles et ceux qui sortent de formations plus élémentaires, moins défendues. Et l'on pourrait analyser de la même manière la catégorie des "professeurs" qui confond tranquillement les professeurs de collèges et celles et ceux qui enseignent dans une classe préparatoire prestigieuse... Que dire des cadres de la fonction publique qui mêle les préfets et leur employés ?

Il faut donc retoucher cette classification, la moderniser pour qu'elle fasse mieux voir des différences. Aujourd'hui, elle ne parle plus assez, elle dissimule plus qu'elle ne révèle. Mais peut-être, n'est-ce pas son rôle social que de dissimuler ?

Source : INSEE, Enquête Emploi 2019


vendredi 25 septembre 2020

Le groupe télévisuel américain Scripps devient national


E.W. Scripps Co. vient de prendre le contrôle du groupe Ion Media, pour 2,65 billions de dollars, avec l'aide de Berkshire Hathaway qui investit 600 millions de dollars. Ion est situé en Floride où le groupe a été lancé en 2007. Ion Media possède 71 stations de télévision de pleine puissance dont plusieurs sont très bien placées dans les 25 premiers marchés, que E.W. Scripps diffusera avec must carry

Actuellement, E.W. Scripps détient des chaînes qui comptent 124 stations affiliées dans 60 marchés selon un contrat limité : Katz Networks (Bounce, Court TV et Court TV Mystery). La couverture est de 96% des foyers TV américains. E.W. Scripps détient également Newsy (multiplateforme).
Avec cette nouvelle acquisition, et malgré les 26 stations dont le groupe se sépare pour être en règle avec la loi limitant les concentrations (stations vendues au groupe INYO Broadcast Holdings), E.W. Scripps devient désormais le plus important des groupes de télévision commerciale. La bourse a réagi favorablement. 

E.W. Scripps a d'abord été dans le câble (avec HGTV et Food Network, chaînes qui ont été rachetées par Discovery Communications en 2017). Le groupe semble désormais se concentrer sur la télévision puisqu'il a revendu également ses possessions dans la presse et la radio ; il a revendu également Stitcher, le groupe de podcasts (en juillet 2020). Berkshire Hathaway a revendu ses possessions dans la presse (média sans avenir dira son CEO) et a pris récemment des intérêts dans Snowflake (data warehousing) lors de l'IPO.

Une chaîne de stations locales peut être actuellement intéressante puisqu'elle peut compter sur deux retransmissions particulièrement intéressantes : d'une part, les retransmissions de la NFL (National Football League) et, d'autre part, l'année étant électorale, les stations pourront compenser leurs pertes dues au coronavirus grâce aux ventes d'espace publicitaires pour les élections.



lundi 21 septembre 2020

TV14 : la bataille des quinzomadaires TV est ouverte

 
TV 14 est le nouveau magazine de télévision qui paraît toutes les deux semaines (tous les 14 jours). Il est vendu 1,4 €. Le magazine bimensuel compte 116 pages qui donnent donc "2 semaines de programmes au meilleur prix!" et se vante d'être "plus lisible".

Le magazine ne donne rien d'original : 7 pages de jeux (mots croisés, sudoku, etc.), deux pages cuisine simples (des tartes), et quelques pages de publicité (pour Leclerc, Orange, atlas, le hors série cuisine de Télé Star, etc.). Le reste commence par des sélections : séries, SVOD, cinéma, sports, replay. Puis viennent les programmes : d'abord TF1, puis France 2, France 3 et M6 et enfin 16 chaînes.

Avec ce magazine économique ("0€70 seulement par semaine", difficile de trouver moins cher !), l'éditeur s'attaque au marché populaire. 

L'autre quinzomadaire, le véritable concurrent, TV Grandes chaînes, lancé en avril 2004, appartient au groupe Prisma Media, qui détient également les magazines Télé Loisirs et Télé 2 semaines, coûte 10 centimes de plus. Il diffuse environ 640 000 numéros par quinzaine et toucherait environ 1 440 000 lecteurs (LDP, Source : ACPM / OJD) dont une majorité féminine (940 000) ; son audience est en baisse, légèrement (cf. histogramme ci-dessous, source ACPM). 

Avec TV 14, Reworld Media complète ainsi son offre de presse télévision. Notons que le groupe détient déjà Télé StarTélé Poche et Télé Magazine

Le tirage de TV 14 serait de 150 000 exemplaires pour le premier numéro (septembre) qui titre, par hasard, "Demain nous appartient" !

Une bataille commence !



mardi 15 septembre 2020

Karate Kid a pris de l'âge : voici Cobra Kaï, 34 ans plus tard, rajeuni


Cobra Kaï est la poursuite d'un ancien film (Karate Kid, 1984). Elle a d'abord été lancée par YouTube Red, devenu depuis YouTube Premium, avant d'être rachetée par Netflix qui produira la troisième saison en 2021. Notons que Amazon, AMC, Hulu et Netflix étaient déjà preneurs de la série que YouTube a emportée. Les deux premiers ensembles de 10 épisodes sont désormais, après YouTube, proposés aux abonnés de Netflix. 
34 ans plus tard, Cobra KaÏ prend la suite de Karate Kid. Sur YouTube, la série a connu un très raisonnable succès avec plus de 90 millions de spectateurs chaque année pour sa première diffusion ; sur Netflix, le succès semble prometteur également. Mais attendons la troisième saison de cette "action comedy-drama".

Pour l'instant, voici donc les deux anciens finalistes du film, William Zabka (Johnny Lawrence) et Ralph Machio (Daniel LaRusso) qui se retrouvent face à face ; ils sont maintenant patrons de dojo's et ils sont dans le rôle qu'ils occupaient dans le film, ils ont vieilli, bien sûr, et ils ont dû reprendre l'entrainement qu'ils avaient plus ou moins abandonné après Karaté Kid. Ils font revivre leur concurrence dans une atmosphère un peu ancienne et classique, quelque peu nostalgique et fière (on dirait "corny", en anglais). L'un est plutôt pauvre, parfois alcoolique, seul, sans épouse, tandis que l'autre a réussi  brillamment dans la vente d'automobiles ; il a une femme et deux enfants, dont une fille qui pratique excellemment le karaté. Le premier est hargneux, le second est calme. Et l'on retrouve aussi dans la série, entre autres, des oppositions courantes de la culture des teen-agers américains.

L'ensemble constitue une incontestable réussite pour Netflix, l'audience regroupant sans doute des anciens fans de Karaté Kid - ils ont 34 ans de plus - et des nouveaux, plus jeunes (teen-agers), qui se reconnaissent plus ou moins dans les gestes et les paroles des héros de Cobra Kaï. Conflits de générations, de cultures surtout : la plupart des Américains peuvent se retrouver dans l'un ou l'autre des héros de la série.

Quant à la série, elle même, son histoire se complexifie : des films, on passe beaucoup plus tard à une série de deux saisons (20 épisodes) sur YouTube qui, ensuite, sont reprises sur Netflix, qui lui-même produira les saison suivantes. C'est ainsi toute l'économie de la télévision qui peut se trouver bouleversée.

En octobre 2020, Netflix a lancé la production de Cobra Kaï pour une quatrième saison par Sony Television.



samedi 12 septembre 2020

La presse française, un média si divers

 

De mai jusqu'au 15 août, plus de 500 nouveaux titres et hors séries ont été publié en France. Au moins, car j'en omets encore certainement. Ce post estival complète celui que nous avons publié début juillet sur "Le déconfinement de la presse française".

La forte dispersion des créations traduit la grande diversité de la presse française, d'autant que les catégories que nous utilisons sont elle-mêmes hétérogènes, voire hétéroclites : ainsi, la catégorie "Histoire" comprend aussi bien le numéro du Figaro consacré à Pompéi ou à Jeanne d'Arc, que "Le grand guide du char d'assaut" ou "Les avions de combats de l'OTAN depuis 1949" ou encore "La grande histoire de la sorcellerie". On y trouve aussi l'histoire de la 404 Peugeot ("La reine des sixties"), "Compostelle. Histoire d'un pélerinage mythique (Châteaux et patrimoine), "1870. La disparition d'un monde" (La marche de l'histoire), ou encore "Les secrets de l'Egypte antique" (Quelle histoire mag). La même diversité peut être observée dans la catégorie "Enfants" qui comprend aussi bien des titres comme "Points à relier et à colorier" (Montessori) que "Le meilleur du Journal de Mickey" ou encore "Mes premières gommettes" de Popi.

Et l'on ne mentionnera que pour l'exemple la gestion, les loisirs créatifs (couture, etc.), la photo ou les mots croisés sans compter la pêche ou la généalogie. Puisqu'il faut de tout pour faire le monde de la presse populaire...


mardi 25 août 2020

Trois amies audacieuses dans la bagarre quotidienne

 The Bold Type, 46 épisodes de 40-45 minutes, Freeform. Reprise par Amazon Prime Video.

La série comprend déjà quatre saisons. Commencée en juillet 2017, elle raconte la vie professionnelle et personnelle de trois jeunes femmes travaillant pour un magazine féminin, Scarlet (inspiré de Cosmopolitan où a travaillé autrefois la réalisatrice). Trois femmes de 25 à 30 ans que l'on suit dans les différents moments de leur vie, leurs aventures sentimentales et leur progression professionnelle dans le magazine. Chaque épisode (au total, la série en compte plus de 45) dure environ 45 minutes et est tourné au Canada (Montréal et Toronto) pour l'essentiel et à New York pour les cadres extérieurs ; de nombreux plans de coupe filmant des immeubles et des rues de Manhattan avec leur circulation automobile, occupent des moments de la série.

The Bold Type est produite par Universal Television et diffusée par la chaîne Freeform qui appartient désormais au groupe Disney. Progressivement, Disney a redonné à cette vieille chaîne une image nouvelle ; elle fut crée en 1997 comme chaîne essentiellement religieuse (Christian Broadcasting Network, CBN), elle devint Fox Family en 2001. Elle finit rachetée par le groupe Disney qui en fait ABC Family puis la transforme en Freeform pour janvier 2016 et dont le slogan devient "A Little Forward" ("un peu en avant") en janvier 2018.

"The Bold Type" constitue un document plutôt réaliste sur la vie quotidienne de trois jeunes femmes américaines prises dans les débuts de leur vie professionnelle. On peut, bien sûr, y voir tout d'abord la vie d'un média mixte, comme ils le sont presque tous aujourd'hui, média qui cumule une version papier et une version numérique, accessible sur ordinateur, tablette et, bien sûr, et surtout sur téléphone portable : de fait, sous l'une de ses trois versions, la vie en ligne accompagne les utilisatrices à tout moment de leur vie professionnelle et même intime. La série montre parfaitement cette symbiose qui caractérise de plus en plus la vie quotidienne des jeunes professionnelles.

Série féministe ? Oui, bien sûr, mais surtout série intelligente. Les problèmes posés sont traités respectueusement et l'on peut percevoir ceux qui relèvent de la vie économique d'un magazine et ceux qui relèvent de la vie des jeunes femmes. Comment traduire en français "The Bold Type" ? "De celles qui osent", comme on l'a fait pour la version française ou, pourquoi pas, "Trois audacieuses"? Car elles sont audacieuses, et "gonflées" souvent même.

vendredi 14 août 2020

Pâtisserie de chez vous ?

"Fou de Pâtisserie, La France en 120 pâtisseries sucrées de nos régions", opus #10, Hors série, août - septembre - octobre, 212 p., Index des recettes (p. 210). Adresses pour chacune des quatre régions (Cahier technique, pp. 163-209).

Alors voilà un livre pour les fous de pâtisseries, pour ceux et celles qui sont déjà des professionnels et ceux et celles que cela prend de temps en temps, de se professionnaliser, le temps d'un week-end ou de quelques vacances. 212 pages pour 120 recettes. 

La France est divisée en quatre chapitres renvoyant à des restaurants et des pâtissiers professionnels de la région. Et il y en a pour toutes les saisons, pour tous les goûts, et pour tous les talents.

Beaucoup de recettes sont en quelque sorte des chefs d'oeuvres. Et les amateurs prendront le temps pour réussir leur dessert favori, celui qui mettra en relief tous leurs talents.

Je n'ai aucun espoir gastronomique mais je vais essayer une recette dite de "pain d'épices à l'ancienne", je ne devrais pas la manquer : je fais du pain d'épices depuis plus de 20 ans avec mes enfants. Alors, allons-y !

La recette est claire. Pourtant, la farine "T45" est introuvable, alors j'ai pris la farine banale. Pour le reste, j'ai tout trouvé à la maison ou presque. Il m'a fallu une bonne heure, vaisselle comprise (la recette prévoit 25 minutes de préparation), et 10 minutes d'infusion. On peut garnir le pain d'épices avec un mélange de confiture d'oranges et d'abricots. J'ai essayé, je trouve que cela n'apporte pas grand chose, mais c'est plus joli.

Et voilà !

C'est bon ; au petit déjeuner, trempé dans le café au lait. Il faut améliorer la recette en jouant avec les confitures. J'ai mis de la confiture d'oranges amères et de la marmelade de citrons verts, comme l'indique la recette (p.j.), mais on doit pouvoir mieux faire.







vendredi 7 août 2020

Les cent penseurs de l'économie


Sciences Humaines. Les essentiels, Hors-Série, "Les 100 penseurs de l'économie", avril-mai 2019, 162 p., index des mots-clefs.

Voilà 100 penseurs de l'économie, que le magazine appelle "les 100 penseurs" : de Karl Marx à John-Maynard Keynes, de Rosa Luxemburg à Milton Friedman, de Gary Becker à Daniel Kahnemann, de Max Weber à Ronald Coase, en passant par Adam Smith et Wassily Leontief ou Paul Krugman, pour que les lecteurs, débutants sans doute, se fassent une idée plus complète de ce champ scientifique. Des penseurs "essentiels" donc, pour la plupart même si, vers la fin, la sélection contemporaine est plus discutable.
Vingt-cinq siècles d'histoire des idées sont rassemblées dans ce numéro de Sciences Humaines.

Bien sûr, chaque lecteur, trouvera dans ce numéro des économistes qu'il connaît mieux que d'autres et même certains qu'il ignorait totalement. Bonne lecture de vacances donc ! Chacun peut réaliser son propre test : combien en connaissez-vous sur les 100 cités ici ?

L'index est certes une bonne idée pour faire de ce magazine un outil pour les débutants, encore faudrait-il qu'un tel index soit plus complet : par exemple, rien on ne trouvera pas dans l'index la "plus-value" ou la "survaleur" comme le cite l'auteur de l'article sur Karl Marx : que sont devenues "Les Théories sur la plus-value" ("Theorien über den Mehrwert") ? Dommage. L'outillage est important dans un magazine visant  le rappel l'explication des grands auteurs parfois oubliés voire même inconnus. Deux pages au moins pour cet index y auraient été bienvenues.

Le magazine est bien conçu, même et surtout si l'on peut trouver certains choix discutables. Aux uns, il apporte une connaissance nouvelle, aux autres, aux plus anciens, il montrera des angles qu'ils ignorent et qui peuvent leur donner envie d'aller les lire quitte à regretter s'y être intéressés. 


jeudi 6 août 2020

Un magazine pour comprendre l'histoire des Templiers


"Tout savoir sur les Templiers", Mondes anciens, 164 p., repères bibliographiques

Le magazine se veut une histoire complète des Templiers, depuis leur naissance au début des croisades, de la chevalerie chrétienne au Moyen-Âge à leur fin (Philippe le Bel). L'acte fondateur est lié à la conquête et à la défenses des lieux "saints". L'ordre des Pauvres Chevaliers du Christ deviendra l'ordre du Temple, en 1119. S'invente alors une figure neuve, celle du "moine-chevalier", liée à celle de "guerre juste" puis de "guerre sainte" (Augustin, puis Thomas d'Aquin) et enfin de "croisade" sous l'influence cistercienne de Bernard de Clairvaux au Concile de Troyes en 1128 (la bulle "Omne datum optimum" qui dispense les Templiers de la dîme et les établit les soldats du Christ, "milites christi"). On dira que Bernard de Clairvaux est une sorte de "révolutionnaire doctrinal" qui fera valider la notion de guerre sainte. Donc d'abord une véritable révolution doctrinale, "monstruosité doctrinale" au service de la papauté.
Mais les missions des Templiers ne sont pas restées seulement militaires, les donations affluent et ils deviendront également banquiers, et notamment banquiers du Roi de France. Mais le 18 mars 1314, le maître de l'ordre, Jacques de Molay, sera brûlé vif en présence du Roi de France. Il en sera dès lors fini des Templiers, mais leur légende alors commence. Qu'est devenue la fortune de l'ordre, a-t-elle été dissimulée ? Certains cherchent encore...

Le magazine prend le prétexte de l'histoire des Templiers pour aborder des problèmes clés de l'histoire de France : le conflit entre les pouvoirs des papes (ultramontanisme) et ceux des rois et princes (gallicanisme), la mise en place de la monarchie absolue en France, le temps des croisades, à partir d'Urbain II (son appel de 1095 à Clermont) et jusqu'à celle, la dernière, que prêcha Louis IX (dit Saint Louis").
Cette histoire est un peu compliquée mais il s'agit de trois siècles de l'histoire de l'Occident. Le magazine s'achève par un intéressant article sur l'établissement du droit romain par Grégoire VII (1075 - 1140), puis se consacre à deux ordres, quelque peu semblables à celui des Templiers, celui des Hospitaliers et l'Ordre Teutonique.

mardi 28 juillet 2020

25 ans d'Inrockuptibles : une anthologie


C'est le "journal d'un journal", selon le titre que lui donne Jean-Marc Lalanne dans son édito. Du 25 mars 1995 à aujourd'hui, c'est 25 ans d'histoire d'une presse qui se voulait différente des titres courants. Avec moins de 30 000 exemplaires vendus en France (source : ACPM 2019) pour un lectorat de 342 000 (LDP, ACPM, 2020) : plus de 10 lecteurs par numéro vendu. Des numéros contestés (dont certains traitent positivement d'un assassin bien connu) mais, pour l'essentiel, le titre est attentif à sa bonne réputation. Il lui faut certes se distinguer, mais pas trop.

De toutes les personnes évoquées, je ne mentionnerai que quelques unes : Björk et sa Finlande qui l'habite et qu'elle habite, Philip Roth, le romancier américain, 78 ans, rencontré à New York un peu las ("On passe tout son temps à se dire : ça, ça ne va pas, il faut recommencer ; ça, ça ne pas non plus, et on recommence. Je suis fatigué de tout ce travail"), Quentin Tarantino, Jean-Luc Godard qui a 88 ans ("je n'ai rien contre les rêves ; ça fait partie de soi. Je ne sais pas si ça sert à faire des films"), David Lynch, Toni Morrison, la romancière, fan de Barack Obama, Patrice Chéreau, Agnès Varda, Patti Smith terriblement modeste, et qui aime Nadja d'André Breton, Virginie Despentes, Michel Houellebecq, David Bowie, Catherine Deneuve avec Patrick Modiano, Pierre Bourdieu... Citons encore le cinéaste chinois, Wong Kar-wai, lucide : "Je crois que Hong Kong va changer et aller vers le modèle chinois, mais très lentement ". Bien vu (en 1997) ! Et il y a bien d'autres interviewés, plus ou moins certains, plus ou moins étonnés.
Tous bavardent, analysent un peu de l'air de leur temps. C'est assez curieux de voir, bien des années après, les problèmes qui les préoccupaient alors. Chacun voyait son temps à sa manière, plus ou moins éloignée.

25 ans d'une époque, de notre époque, de nos idées, semaine après semaine.

N.B. : Selon moi, fatiguant, et bien peu utile, l'écriture inclusive, omniprésente : dire que telle personne est "l'un des penseur-ses déterminant-es du XXème siècle" n'apporte rien sinon un peu de maladresse et de lourdeur dans l'expression.
N.B. : Ma fille trouve que c'est bien là le sentiment d'un homme, âgé...

jeudi 23 juillet 2020

KoKo, un excellent mook franco-japonais



KoKo. La première revue interculturelle bilingue fançais - japonais,  "L'art  urbain", avec P'tit KoKo. "Koko et Nina à la découverte du street art"15€, trimestriel, abonnement : 55 €, 144 p + 32 p. Conseils de lecture et Conseils cinéma.

C'est un mook original, rare, bien construit. Un vrai livre. Tout d'abord, parce qu'il est bilingue et, comme tel, il intéressera d'abord tous ceux et celles qui apprennent le japonais, ou qui envisagent de l'apprendre. Ou ceux et celles qui apprennent le français. Parfait manuel. Mais on peut se satisfaire de l'une des deux langues, si, comme moi, l'on n'a pas appris le japonais à l'école. Ensuite, le magazine, un véritable mook avec ses 144 pages, est accompagné d'un petit magazine (de 32 pages) pour jeunes enfants (5 à 10 ans) : P'tit Koko. Ce magazine est consacré au même thème que le magazine adulte et comporte deux pages de vocabulaire pour que les enfants, qu'ils apprennent le japonais ou le français comme seconde langue, s'y retrouvent et... apprennent leur vocabulaire. Parents, à vous de jouer !

Koko se considère comme "une passerelle entre la France et le Japon", selon l'introduction de Eventhia Moreau (ancienne élève de l'INALCO à Paris) qui veut faire de Koko un "espace de dialogue interculturel entre les cultures françaises et japonaises". L'équipe est entièrement féminine (https://revuekoko.com/index.php/qui-sommes-nous/).

Le magazine commence par un article introductif de Lord K2 qui montre que la place de cet art urbain n'est pas encore gagnée au Japon, même si Shibuya, quartier branché de Tokyo, peut nous en donner une idée. Le second article est né d'une inspiration, venue de la cinéaste Agnès Varda ("Mur Murs", son film consacré à l'art mural à Los Angeles, sorti en 1982) ; l'auteur, Kool Killer, qui enseigne à l'université de Tokyo, retrace l'histoire de l'art urbain à Tokyo. Ensuite, nous sommes confrontés à divers articles consacrés à l'art urbain dans différents environnements : Okinawa (par l'artiste Denpa), Paris où deux graffeurs, Lek et Sowat, s'emparent d'un supermarché désaffecté au Nord de la ville, "Le Mausolée". Rackgaki (i.e. graffiti japonais) décrit la scène japonaise de la "street culture". Stew raconte son "Héron bleuté" qui, du haut de ses 50 mètres, domine le XIIIème arrondissement de Paris... Et puis, il y a de nombreux portraits et interviews : Mina Hamada, Shiro, Da Cruz, Mademoiselle Maurice, Dragon 76, K12 One, C215 et son chat haut de six étages dans le XIIIème arrondissement (à l'angle de la rue Nationale et du boulevard Vincent Auriol - si vous voulez aller le saluer !), Sasu, etc. Le magazine s'achève par un retour dans Shibuya et puis encore des interviews de Native et Simon qui parlent du samouraï noir, Yasuke.

Le magazine comprend également des "conseils ciné" et des "conseils lecture", alimentés de références bibliographiques "pour découvrir les scènes urbaines" japonaises et françaises.
Koko fait changer l'air culturel que nous respirons, et il faut l'encourager, car il y a du travail ! Après ce numéro sur "l'art urbain", j'attends la suite, impatiemment.

Câble américain : un abonné sur trois en promotion !


Un tiers des abonnés au câble souscrit à une promotion (enquête conduite auprès de 1021 abonnés) : ce chiffre est pour Altice de 45%, pour Comcast de 42%, et pour Charter de 32%. 20% d'entre eux bénéficient d'un type d'abonnement s'achevant dans moins d'un an.
Un nombre croissant, dépassant la moyenne, de ces abonnés, est également abonné à un service OTT, Amazon et hulu, et, bien sûr, forcément, Netflix.
L'enquête ne dit pas ce qu'est la consommation actuelle des abonnés, ce qu'ils regardent aujourd'hui mais on peut parier que les abonnés à des services promotionnels risquent d'être nombreux à passer exclusivement à des services OTT et abandonneront le câble classique.



jeudi 16 juillet 2020

Des clés carto pour notre monde


"Les clés carto pour comprendre le monde", hors-série, l'éléphant. la revue de culture générale, 152 p. , ScriNeo, 16 €

Le titre dit tout : le magazine explique le monde à l'aide de la cartographie et ce principalement grâce à la collaboration de l'IGN (Institut national de l'information géographique). C'est donc globalement de géographie dont il est question. Cela commence par une excellente BD consacrée à Erathostène, qui dirigea la bibliothèque d'Alexandrie et entreprit de mesurer la circonférence de la Terre, avec succès (en 230 avant notre ère). Ensuite, Jacques Lévy, normalien et Professeur,  explique la notion de "capital spacial", notion qui renvoie à celle, voisine, de "capital culturel" (Pierre Bourdieu), et joue comme variable essentielle dans l'explication du vote (André Siegfried toujours !). Et l'auteur, interviewé, de conclure du rôle de l'école : "l'intérêt de la société tout autant que de ses membres est d'avoir des individus créatifs et agiles". Est-ce le cas en France aujourd'hui ? 

Remarquable article de Jean-Luc Arnaud (CNRS) sur le Service géographique de l'armée qui montre le retard pris par l'analyse géographique du territoire national, retard militaire : "De l'Ancien Régime à la IIIe République. Histoire d'un art au service du pouvoir". L'Institut national de l'information géographique et forestière, créé en 1940, est désormais devenu un outil indispensable à l'aménagement des territoires, à la surveillance des eaux, des sols, des forêts. Les dessinatrices gravent les cartes (ce sont des femmes, uniquement, jusqu'en 1970). La photographie aérienne quant à elle, doit beaucoup aux B-17, bombardiers de l'armée américaine, désarmés et recyclés pour la paisible cartographie ; ils sont remplacés aujourd'hui par des Mystères 20.
On apprend beaucoup de choses en lisant ce magazine : par exemple, qu'il n'y a pas d'accord franco-italien pour la carte définitive du mont Blanc, ou encore l'histoire de la sauvegarde difficile des temples d'Dabou Simbel en Egypte, la mesure de l'élévation du niveau des mers (3 mm par an en Méditerranée). Un article met aussi en relation le service commercial Google Maps et le Géoportail de l'IGN, service public qui crée la donnée, que Google se contente d'agréger.

L'article sur les forêts de France (un tiers de la surface du territoire national) part d'un constat : la forêt française est privée pour les trois quarts, situation qui freine la réalisation d'un inventaire. Qui donc possède les forêts français : dommage, on ne nous le dit pas ! La forêt française reste une richesse importante qui compte douze espèces d'arbres dominants (sans compter ceux de la forêt de Guyane) quand la Finlande n'en compte que deux.
Enfin, Marseille, avec son marégraphe, donne le niveau zéro de l'altitude et permet de dire que, depuis 1885, la mer a monté de 16 centimètres : réchauffement climatique !

Et puis, le magazine donne de nombreux autres éclairages liés à la cartographie : les zones à risques pour les prochaines épidémies, l'état de la concurrence russo-américaine, l'histoire de la guerre européenne en 1939-45, la "ruée vers l'Ouest" français, l'industrie minière en Australie, le méridien de Greenwich et les albatros qui, armés d'une balise, peuvent repérer les navires de braconniers... Et le magazine, dont je suis loin d'avoir tout dit, se termine par un article sur Julien Gracq, normalien et géographe, marcheur impénitent, surtout : "La description, c'est le monde qui ouvre ses chemins, qui devient chemin, où déjà quelqu'un marche ou va marcher". Très bel article de Sophie Doudet, qui nous prend pour ce que nous sommes : des humains qui parcourent un petit bout de notre monde, avant de le quitter. Signalons encore, en fin de magazine, une bibliographie, bien faite, "pour aller plus loin", pour les lecteurs curieux (enseignants, étudiants, parents ... vous, lectrice et lecteur).

Voici un magazine qui donne une idée de ce que peut apporter une presse bien conduite : une introduction aux savoirs qui joue avec tous les éléments du style journalistique, y compris des éléments de jeux ("jouer pour retenir"), des photos, des histoires, des cartes, des quiz, des articles de longueurs différentes, des dessins, des images de satellites artificiels. Cette revue de culture générale met donc tout en oeuvre pour le plaisir et le savoir de ses lecteurs. Sans publicité, elle-mérite d'être gardée, parcourue à nouveau, et encore. C'est une belle réussite de presse et d'édition et qui commence par une formidable question de sa direction: " Combien de données faudra-t-il encore produire avant que les hommes ne se décident à réagir collectivement face à l'urgence écologique ?"

4 de couv du magazine


mardi 14 juillet 2020

WPXI-TV (New-York) et Stitcher vendus par E.W. Scripps


Mission Broadcasting achète WPXI-TV, la station indépendante de New-York, au groupe E.W. Scripps qui l'avait rachetée en 2019 au groupe Tribune Broadcasting. Après cette vente (pour 75 millions de dollars), E.W. Scripps reste un important groupe de stations de télévision : 59 stations, réparties dans 41 marchés (DMA), dont la majorité est affiliée au network ABC (qui appartient au groupe Walt Disney). Cette vente a lieu dans le cadre de l'opération du rachat de Tribune Media par Nexstar.

E.W. Scripps a également vendu son activité de podcast, Stitcher, à SiriusXM, le groupe de radio par satellites, pour 325 millions de dollars, incluant Midroll, la régie publicitaire de Stitcher. 

L'ensemble des opérations vise à réduire l'endettement de Scripps.



samedi 11 juillet 2020

Beau, bon et utile pour cuisiner l'été



Saveurs Green. Le magazine naturellement responsable, bimestriel, juillet-août 2020, 124 p.

Voici nouveau un magazine qui tient ses promesses : il est bourré de recettes "végétariennes et équilibrées", accompagnées de conseils (l'"avis de la nutritionniste"). Il y en a pour tous les goûts, pour les grands et pour les enfants, pour ceux qui veulent "se dépolluer" (les "assiettes détox"), pour les sportives, et de nombreux plats plus sérieux aussi... et enfin des desserts glaces et des sorbets.
Dos carré, excellentes photos, le magazine est beau et facile à feuilleter. Et il y a des menus rapides - "à table dans 20 minutes"- et des plats plus lents qui demandent une préparation plus sophistiquée. Mais pourtant tout à l'air facile, à portée de la main !
Enfin le magazine donne envie de partir, mais pas nécessairement loin, à Troyes "en Champagne", par exemple. Carnet d'adresses en fin de magazine, sommaire des recettes. Et il y a des trucs pour nettoyer sa cuisine, un régime pour démarrer des moments de running, des idées sur le sucre, pour y démêler le vrai du faux. Bien sûr, il y a de la publicité, mais si bien placée qu'elle passe presque inaperçue d'autant qu'elle retient l'attention des lecteurs et lectrices (beau contrat de lecture). En début de magazine, il y a des "actus green", des idées pour l'apéro... Bon, vous avez compris, il y a tout ce dont on peut rêver pour cuisiner l'été. Et le magazine est fait pour être lu et gardé, collectionné même.

Excellent magazine. Bien équilibré, bien conduit. Du travail de professionnel-le-s. On a tellement envie de goûter tant de plats, que l'on va finir par s'abonner.

mercredi 8 juillet 2020

IREP. Le marché publicitaire français 2019 : Internet 36%, télévision 22,6%


Le marché publicitaire français 2019, mai 2020, 104 p.

Les résultats annuels sont positifs pour l'ensemble : +2,8%. Tout va bien donc !
Mais à lire le tableau synthétique qui détaille les performances de chaque média, il semble que pour chacun d'eux, le bilan annuel est négatif sauf pour la radio (+ 1,7%), la publicité extérieure (+3,6%) et le minuscule cinéma (+ 8,3%). 

Seuls les revenus numériques sont nettement positifs : 
+   8,9% pour le search
+ 20,9% pour le social 
+ 12,7% pour le display
Tout d'abord, la télévision ne représente plus que 22,6% du marché publicitaire total (à quoi sert de donner la part de la télévision parmi les médias dits historiques ?). Elle est désormais devenue un support publicitaire minoritaire, bien loin d'Internet qui dépasse 36% (cf. tableau ci-dessous).
Quant à la presse quotidienne nationale, elle atteint 1,2% du marché : si elle disparaît, qui s'en rendra compte ?

La comparaison internationale confirme ce point de vue : en Amérique du Nord, Internet dépasse 56% quand la presse atteint 6% et la télévision 27%.

Très beau travail de l'IREP qui réussit à donner à chaque média sa place, son importance dans  l'évolution globale du marché publicitaire français. Outil de référence, indispensable. Bien sûr, il faudra maintenant attendre les résultats du marché pour 2020 et mesurer l'effet de la crise sanitaire. Quels changements provoquera cette crise sur les médias, changements définitifs et changements conjoncturels des investissements ?

Source : IREP, Le marché publicitaire français en 2019


dimanche 5 juillet 2020

Le déconfinement de la presse française : premier bilan


La presse française repart
Après le confinement, les marchands de journaux mettent les unes en avant pour de nouveaux titres, principalement des hors-séries (nous n'avons compté que 9 nouveaux titres pour 308 titres hors-série). Sur neuf semaines, c'est une très bonne moyenne, surtout pour le début du mois de juillet ; on compte donc plus de 30 nouveaux titres par semaines.

Ce sont les titres touchant à l'histoire, au sens large, histoire contemporaine ou plus ancienne, qui dominent l'innovation : "50 ans d'amour à l'anglaise" (sur l'automobile), "Vauban", les "Vikings : de la Scandinavie à la Normandie", Emile Zola, "30 femmes d'exception", "1870 : la disparition d'un monde", le tracteur Renault, "L'Egypte antique", "Les Trente Glorieuses" par Spirou (!), "le Mirage 3", "Gainsbourg" et les femmes de sa vie, "Pompéi, etc. L'histoire est très diversifiée.

La presse pour enfants suit, puis viennent la santé et la vulgarisation scientifique. Que dira le mois de juillet, à peine commencé ? Nous verrons... en mettant cette statistique à jour régulièrement. Toutefois, il ne s'agit que de l'offre : comment ira la demande ?



jeudi 2 juillet 2020

On est bien à la campagne en été



Bien à la campagne. Jardin, cuisine, maison... inspirations pour une nouvelle vie, trimestriel, Reworld Media, 4,95 €, 116 p.

Comment mieux profiter de la vie à la campagne cet été : tel est le programme de ce trimestriel. Le magazine prétend donner des "inspirations pour une nouvelle vie" : après cette période de confinement, il fallait nous redonner le moral, nous redonner des envies, de la joie de vivre.
Des envies de cuisiner des confitures maison (cerises, de rhubarbe avec gingembre, de figues avec citron et pignons), des envies aussi de melon cuits par le soleil (c'est l'étymologie : μήλων + π ε ́ π ω ν !) et de figues (le magazine en signale huit variétés !), des envies de fleurs, de cuisine au barbecue, et de Bourgogne blanc pour l'accompagner (Saint-Véran, Rully, etc.).

Et puis, il y a l'agenda de l'été : quand semer, arroser, récolter, désherber, tailler ... Quelles plantes supportent la sécheresse ? Quels conseils donnent les expert(e)s pour que le jardin n'ait pas soif ? Brumiser de l'eau sur les plantes, biner le sol s'il n'est pas paillé, conserver les boutures de vacances... Un article est consacré aux ruches, un autre aux hortensias japonais, un autre aux animaux du jardin ("accueillir une chouette dans son jardin", ou bien un hérisson). Et puis, il y a l'herbe à Robert, ce géranium sauvage qui, entre autres, dissuade les moustiques mais dont la tisane est bienfaisante. Les tomates ? Comment et quand les planter, puis les cueillir ?
La Provence au pays des ocres invite à voir le Luberon à vélo. Enfin, peut-on encore : vivre à la campagne, randonner dans le Jura, visiter le Gévaudan (pour saluer les loups) ou Granville en Normandie. Et le magazine se termine par deux pages d'invitations à la lecture.
Beau magazine qui offre de la lecture utile, des idées. La publicité ? Il y en a peu et celle pour le train suffit à convaincre de partir. Le magazine tient la promesse de son titre : on doit être bien à la campagne, en été. Et il nous convainc d'en tirer tout le profit possible.