Affichage des articles dont le libellé est Dailymotion. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Dailymotion. Afficher tous les articles

lundi 23 septembre 2013

La langue française, avenir des médias français ?

.
La langue française peut-elle constituer une "opportunité de marché", un avantage compétitif pour les entreprises françaises de média ? Certainement, écrit un analyste financier...

Le marché intérieur français de l'anglais
Les générations récentes et prochaines auront toutes été formées à l'anglais, plus ou moins bien, généralement depuis l'enseignement primaire, soit durant une dizaine d'années, au moins. Lorsqu'il s'agit de domaines professionnels et techniques (sciences, finance, médecine, technologie, etc.), l'essentiel de l'information des cadres et techniciens est déjà en anglais et leur compétence en anglais est souvent suffisante pour y accéder (compréhension écrite, passive).
Les universités, se pliant aux demandes du marché, proposent de plus en plus de cours en anglais. Phénomène accentué par les offres des universités en ligne (comme Coursera, qui, d'ailleurs, est en cours de traduction en chinois par Guokr -  果壳...). Sur le marché de l'emploi en France, nombre de profils de postes demandent désormais un "anglais courant".
L'anglais devient langue "professionnelle" sur des marchés où se rencontrent, en un dialogue - inégal -, des anglophones (native speakers) et des locuteurs qui n'ont d'anglais que scolaire. Ainsi, par exemple, Rakuten, entreprise japonaise, en s'internationalisant, est amenée à faire de l'anglais la langue de l'entreprise.
Pour le français, la bataille de la langue professionnelle internationale semble perdue.
Cette tendance globale affecte également la consommation de divertissement. Beaucoup, parmi les nouvelles générations, téléchargent et regardent des films et des séries en anglais, joignant l'utile à l'agréable, l'amélioration de la compréhension orale et le plaisir du média. Par voie de conséquence, la compétence générale de consommation média des nouvelles générations (compréhension orale, bilinguisme passif) est de plus en plus tournée vers l'anglais. Le "français langue des pauvres", fulmine Miche Serres qui appelle à la grêve de l'anglais.
En même temps, les autres langues européennes souffrent d'une sérieuse désaffection scolaire, même si elles acquièrent des bénéfices de rareté et de distinction (allemand, russe, notamment) que n'accorde plus l'anglais. Notons qu'en Chine, on réduit la part de l'anglais et retarde le début de son enseignement.

Industrie linguistique / ingénierie linguistique
Le Web est devenu une industrie linguistique. Les moteurs de recherche, le ciblage commercial reposent essentiellement sur l'analyse du lexique, la sociologie des mots l'emportant de plus en plus sur les socio-démos, ces dernières étant reconstituées à l'aide d'analyses linguistiques reposant davantage sur des statistiques lexicales que sur des études socio-linguistiques ou sémantiques.
Le ciblage fait appel au traitement automatique des langues naturelles (Natural Language Processing), la traduction automatique aussi (AI-complete problem) : parti du test de Turing, on arrive au "deep learning" que pratiquent Google, Facebook, Baidu et Microsoft. Indispensables à l'analyse des contenus des pages Web, des réseaux sociaux ("sentiment analysis"), ces techniques d'intelligence artificielle sont essentielles. A terme, l'abaissement des barrières langagières est probable sous le coup des entreprises qui ont fait de la traduction automatique une priorité. L'avenir du français se joue-il en Chine, aux Etats-Unis ? En Europe, seule la langue russe semble résister à l'hégémonie américaine, avec, par exemple, Yandex (moteur de recherche) et vKontakt (réseau social).

La francophonie est-elle un marché d'avenir ?
Autrement dit, verra-t-on, comme l'imagine l'étude Natixis (o.c. infra), se substituer les marchés linguistiques aux marchés territoriaux ?
On compterait 220 millions de francophones dans le monde (selon l'Organisation Internationale de la Francophonie qui définit comme francophone toute personne "sachant lire et écrire en français"). Les groupes média produisant des contenus en français pourraient en tirer profit : contenus de divertissement, d'éducation, entre autres, dès lors que ces médias se numérisent. Canal Plus, Lagardère, Vivendi, notamment, sont évoqués. On pourrait ajouter Dailymotion aussi, Orange... On mentionne la croissance d'une francophonie africaine, mais quid de la présence chinoise en Afrique ?
Un anglais appauvri, devenu une sorte de koiné, souvent à base de créolisations (spanglish, chinglish, 中式英语, singlish, denglish, franglais), peut-il fonder une consommation média mondialisée ? Manifestement, oui. En tout cas, le doublage y suffit (où l'on retrouve l'ingénierie linguistique). En revanche, le français comme l'allemand et le russe gardent des atouts dans le cadre de modèles médiatiques alternatifs au modèle hollywoodien. Mais ne s'agit-il pas surtout de marchés de distinction, plutôt que de marchés de masse ? Enfin, quel sera dans vingt ans le statut du chinois et des médias numériques chinois ?


Références
Organisation Internationale de la Francophonie, La langue française dans le monde, Paris, Editions Nathan, 2010, 384 p. Bibliogr, Index.
Natixis, "La francophonie, une opportunité de marché majeure", 11 septembre 2013.
.

mardi 30 avril 2013

La TV dans la tourmente du Web

.
Les revenus de la télévision commerciale font rêver les plus grandes entreprises publicitaires du Web. On peut observer aux Etats-Unis les stratégies qu'elles mettent en oeuvre afin de conquérir le marché publicitaire TV... en attendant que l'expansion de la télévision connectée leur en ouvre grand les portes.
  • Google entre sur le marché de la télévision par la mesure, mettant en place un panel de foyers qui permet de suivre simultanément l'audience de la télévision et celle du Web. Cette mesure unique permet de transférer une partie des investissements télé sur le Web en optimisant le total GRP (couverture, répétition, vitesse de cumulation). Moins de télévision, plus de YouTube, vidéo toujours. 
  • Yahoo! propose aux annonceurs d'affecter une partie de leur budget télévision (5 à 10%) à son portail. La proposition est assortie d'une garantie de ROI, sans doute du type de celle qui se pratique sur l'upfront market. Sur Yahoo!, les messages pourront être diffusés dans un environnement d'émissions originales produites par Yahoo! en synergie avec les chaînes de télévision (mêmes castings, etc.) et de rediffusions ("Saturday Night Live", NBC), etc. Globalement, Yahoo! veut ressembler à la télévision mais avec des formats publicitaires plus engageants (interactivité, rich media, native ads, multi-plateforme, etc.). Et l'on comprend son intérêt déçu pour Dailymotion...
  • Facebook annonça son intention de se positionner contre la télévision dès la présentation de son dossier d'entrée en bourse. Ses atouts sont impressionants : puissance nationale et pluri-nationale avec couverture et répétition largement au niveau de la télévision (GRP), couverture supra-nationale pour les annonceurs internationaux, relation aux points de vente (association on-et off-line), ciblage riche et subtile grâce à son réseau au maillage fin (fine-grained), ciblage géographique allant jusquà l'hyper-local, pénétration de l'univers mobile.
Ce qui se passe aux Etats-Unis permet d'entrevoir les menaces s'accumulant à l'horizon des télévisions européennes alors que s'ouvre le marché de la data et que l'automatisation généralisée des transactions publicitaires Web, et télé bientôt, se met en place (ciblages et enchères en temps réel, RTBanalyticsprogrammatic buying, etc.). Les grandes entreprises américaines du Web y préparent les plus grands annonceurs, qui sont pluri-nationaux. 
Avec des outils mathématiques et algorithmiques conçus et produits en Californie (coûts fixes), ces grandes entreprises américaines du Web visent les marchés européens où elles recrutent tranquillement leurs forces commerciales locales dans les régies télé et les agences média.
L'ère des mondes télévisuels nationaux prospérant à l'abri de la concurrence internationale semble s'achever. Les télévisions nationales sont-elles prêtes pour cette formidable évolution ?
.

dimanche 23 janvier 2011

Vidéo en Europe

.
Pour faire suite au post sur la video aux Etats-Unis, revenons à l'achat de LoveFilm - sous réserve d'autorisation - par Amazon. L'histoire n'est pas nouvelle : Amazon détenait 42% du capital depuis 2008 et LoveFilm avait acquis le service de location de DVD d'Amazon ... Cet achat valoriserait LoveFilm à près de 320 millions de $.
LoveFilm, lancé en 2002 fonctionne selon un modèle mixte, identique à celui de Netflix : location de DVD par courrier + streaming (on a parlé de "Netflix of Europe"). Streaming sur PC et PS3 avec le LoveFilm Player). Certains programmes sont gratuits et comportent des messages publicitaires. LoveFilm compte plus de 1,4 million d'abonnés répartis dans le Nord de l'Europe (Grande-Bretagne, Scandinavie, Allemagne). Pour l'instant, comme aux Etats-Unis, la location de DVD l'emporte sur la VOD en ligne. Mais sans doute le DVD (films, jeux vidéo) distribué par courrier n'est-il, à moyen terme, qu'une propédeutique à la VOD par streaming, une solution de transition, une rampe de lancement. Pour l'instant l'offre de programmes est 30 fois plus importante que celle du streaming (au total, 70 000 programmes selon LoveFilm). Le streaming représenterait le cinquième des locations de LoveFilm.
Enfin, notons que LoveFilm est repris par la distribution (Tesco, CDwow, Odeon, etc.), parfois en marque blanche.
Comment comprendre cet achat ?
  • Hypothèse la plus courante, la stratégie défensive : freiner le développement éventuel de Netflix en Europe. Netflix n'est présent qu'en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada). Au Canada, Netflix ne propose pas la location de DVD.
  • Hypothèse plus structurelle, celle d'une offensive qui se prépare. LoveFilm constitue une base pour développer les services de VOD d'Amazon en Europe (DVD + streaming). Car passer du VOD au streaming, c'est changer de marché, venir sur des territoires où déjà interviennent de grands opérateurs de télévision (Sky Digital, Virgin, BBC, etc.). Amazon dispose d'atouts : son image de marque, sa réputation numérique (Kindle), son portefeuille de clients issu du marché du livre, sa capacité de cloud computing... 
Par ailleurs, en France, dans un coup qui évoque celui de Google avec YouTube (5 ans après), Orange rachète une partie de Dailymotion. On attendait TF1, ce fut Orange... La valorisation de Dailymotion serait de 150 millions d'Euros. Dailymotion a passé un accord pour la diffusion de la Coupe de la ligue (football) pendant trois ans. Tiens ! On dirait de la télé !

Ces deux coups, des ouvertures assurément, ne se jouent-ils pas dans la même partie ? Attendons, les joueurs ne sont pas encore "sortis de la théorie"...
.

mardi 7 décembre 2010

Les enfants de la télévision et du CSA

.
Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) publie un dossier composite sur les enfants et la télévision, "La protection des mineurs à la télévision". Ce dossier comporte son "Bilan de la protection du jeune public en 2009-2010". Exercice annuel, figures imposées. La partie consacrée à l'application de la loi et du réglement prête peu à discussion. En revanche, la notion de protection des mineurs en matière de télévision invite à quelques remarques générales. Nous en retiendrons trois.

Définition de la télévision
Le CSA retient celle qu'en donnent les diffuseurs patentés (les "grandes chaînes"). Il vaudrait mieux partir d'une observation des pratiques des enfants et construire une définition réaliste. Parions que pour nombre d'enfants de 11 à 14 ans (l'une des cibles standard du marché TV), YouTube, Dailymotion et la vidéo regardée via Internet sont "de la télévision". De même que les DVD dont le taux de circulation parmi eux est élevé. Télévision incontrôlable.

Variables explicatives
On s'en tient commodément à la variable "âge" alors que l'on sait bien quelles variables seraient autrement discriminantes : le capital culturel et linguistique de la famille (de la mère, notamment), la filière éducative de l'enfant et sa réussite scolaire, l'habitat, la place du domicile sur la carte scolaire, la taille de la fratrie, etc. Variables moins faciles à mobiliser et qui conduiraient à des explications dérangeantes.
Pour l'analyse de la durée de consommation, on pourrait reprendre la distinction entre télévision passion (choix positif), télévision tapisserie (média d'accompagnement) et télévision bouche trou (consommée faute de mieux, faute d'un environnement culturel, sportif, familial porteur). Cette distinction permettrait de dé-psychologiser l'analyse et de situer la consommation en fonction de la situation socio-économique des foyers : elle prend en compte les degrés de liberté dont disposent les enfants pour leurs loisirs.

Les ados
Il y a manifestement un flottement d'une dizaine d'années dans la perception de la classe d'âge et de ses pratiques sociales. Le "petit guide à l'usage des parents et des enfants" comporte des aspects gaguesques. Exemples :
  • "Evitez que vos enfants ne pratiquent trop le zapping d'un programme à l'autre". D'où sort une telle recommandation ? Sur quoi est-elle fondée ? Et surtout, comment fait-on ? On cache la télécommande ? 
  • Une signalétique à respecter par des adolescents ? Sérieusement, qui sait, qui peut faire respecter une signalétique par des adolescents ("moins de 18 ans") ? 
  • Autre recommandation du même tonneau : choisir avec un ado ce qu'il / elle va regarder à la télé ! Sur quelles planètes vivent les rédacteurs de tels paragraphes ? Sûrement, ils n'ont jamais vécu avec des ado en France ou alors il y a très, très, très longtemps. Regarder la télé avec des ados, c'est carrément contre-productif : presque toujours les ado veulent regarder entre eux. Et si des parents s'en mêlent, ils vont ailleurs. "Pas cool, tes parents". D'ailleurs, quels parents voudraient regarder la télé avec des ados sans y être invités ?
La vision implicite de la télévision qu'exprime ce dossier est celle de la télévision dans une famille de la petite bourgeoisie d'autrefois. Il est temps de remettre tout cela en chantier. Les recommandations valent surtout pour des élèves de maternelle et d'école primaire. Les bonnes intentions éducatives sont servies par une approche désociologisante des problèmes et une apparente méconnaissance de l'adolescence.
A priori, la télévision reste suspecte de corrompre la jeunesse. A qui donner la cigüe ?
.        

jeudi 3 décembre 2009

Marché Télévisuel Unifié - Suite

.
Les données de consommation vidéo en France publiées par la société américaine comScore recoupent la situation que nous avons décrite pour les Etats-Unis. La consommation vidéo sur Internet s'accroît fortement ; elle est dominée parYouTube (33,5%) ; Dailymotion, très loin de YouTube est avec 7,3% largement devant le reste du marché. Seul groupe télévisuel présent parmi les 10 premiers sites de téléchargement vidéo, TF1, avec 3% des visiteurs, est encore loin de la part du marché de l'audience dont elle bénéficie dans la télévision traditionnelle (26%). Cet écart entre les deux marchés mesure le rattrapage à effectuer par le premier des groupes télévisuels français s'il veut tenir sa place sur le marché télévisuel unifié. Ensemble, les deux premiers distributeurs, YouTube et Dailymotion, représentent plus de 40% du marché de la vidéo en ligne, le reste se répartit selon une très longue traîne. Le format court domine : la moyenne se situe à 4 mn 30.

Bien sûr, la statistique de cette consommation reste, comme aux Etats-unis, délicate à apprécier (représentativité du panel, notamment pour les lieux de travail et d'étude, prise en compte des internautes à partir de 15 ans seulement, étude jusqu'à présent non auditée par le CESP).
Néanmoins, on peut retenir quelques leçons de l'évolution de ce marché. Tout d'abord, en face de la pauvre performance des médias vidéo traditionnels, la performance exceptionnelle de Dailymotion. Cette performance explique sans doute la part de marché plus modeste de YouTube en France : ainsi, la présence d'une entreprise française ou européenne dynamique fait plus pour contre-balancer la puissance de Google que les démagogies politiciennes et les exclamations indignées.
Il y a là une leçon de politique difficile à entendre, manifestement : qu'il s'agisse de ciblage comportemental, d'édition numérique, de moteur de recherche, la solution d'indépendance nationale - qui ne se confond pas avec le protectionnisme - passe par l'innovation,  la  R et D et la création qu'il faut encourager, aider à toutes les étapes et en tous lieux de la vie économique, en commençant par les institutions éducatives.
.

mardi 27 octobre 2009

YouTube, c'est de la télé

.
Comment (se) mentir avec des statistiques ?
YouTube ne serait pas de la télé. YouTube et la télé ne joueraient pas dans la même catégorie statistique, ce seraient des médias différents. Donc l'audience de YouTube n'existe que comme celle d'un "site" Internet. Ainsi, la méthodologie de mesure définit le média. Hors panel audimétrique, point de télé.
Et c'est tant mieux pour la part de marché TV de chaque chaîne dans chaque marché national, tant pis aussi pour l'évaluation de la concentration des médias. Car il y a de la télé qui se perd : 1 milliard de streams / jour (YouTube représenterait 5% de l'ensemble du trafic Internet, selon sandvine) !

Et ce n'est qu'un début. La vidéo voit sa part d'audience globale, sa part d'attention augmenter considérablement, grâce à YouTube, Dailymotion et aux réseaux sociaux. Progressivement, toute la télé vient à Internet. Tout est sur YouTube, des concerts, des sketches, des matchs, des reportages, des clips... Et tout y est à la demande.
Et la télévision terrestre y vient, ainsi Channel 4 qui y délivrera bientôt gratuitement pour le marché anglais toute sa catch-up TV, toute sa VOD, moyennant un partage des revenus publicitaires (30% pour YouTube). Channel 4 y gagnera en notoriété, en couverture, en durée d'écoute, en inventaire publicitaire et en GRP TV. Mais pas encore en audience TV, pas en part de marché TV !

Révisons la définition de la TV. Cessons de la définir par son écran, par sa diffusion terrestre ou sa mesure. YouTube, c'est de la télé, une porte de plus ouverte à la création, à l'innovation et à son financement (cf. vidéo parrainnée). Que la mesure suive.

Ce n'est pas l'aspect le moins stimulant de la transformation du marché média que de voir se décomposer et se dissoudre dans le numérique les catégories qui président aux divers classements professionnels, laissant émerger dans un discret effondrement un univers dessiné et pensé autrement, un paradigme nouveau.
.

mardi 23 juin 2009

Les dialectiques de la durée


La durée est un critère constant de l'analyse de l'audience des médias audio-visuels : durées d'écoute (DEA, DET, DEI), assiduité, répétition. Elle est indispensable au marketing pour quantifier les contacts avec un produit en magasin. En télévision, on mesure aussi l'assiduité : pour une émission donnée, pour un écran publicitaire, c'est la part de la durée totale diffusée qui en a été regardée. Ensuite, vient la répétition (nombre d'épisodes vus au cours d'une saison, par exemple), indicateur de fidélité. La vraie durée, c'est ce qui recommence. Tout analytique d'Internet devrait être une "rythmanalyse".
Dans tous ces cas, la durée constitue un indicateur pertinent : si l'émission déplait, si la concurrente est meilleur, le téléspectateur zappe, la DEA, la DEI, l'assiduité moyenne baissent. L'assiduité indique le taux d'intérêt observé ex-post. La durée choisie par l'annonceur ex-ante participe de l'établissement de la marque (branding).

Avec Internet, média plus complexe, on observe deux types de situations types, de plus en plus souvent combinées sur une même page.

Sur tous les sites à forte composante vidéo, l'accroissement de la durée est un signe positif, comme en TV. Les sites des chaînes de télévision, tous les sites avec vidéo (YouTube, Dailymotion, etc.) et leurs régies mettent en avant, à juste titre, la durée d'écoute par internaute pour vanter leur attractivité. On pourrait y ajouter l'assiduité et la répétition. Voyez, par exemple, Canal Plus, ZDF ou ESPN : pour eux, la "page vue" n'a pas grand sens pour évaluer la vidéo, la télé.

Hors vidéo, l'accroissement de la durée de visite d'un site ou d'arrêt sur une "page" (en fait, un écran) est rarement un signe positif.
Sur les sites d'information (commerciale, générale, etc.), une ergonomie médiocre allonge la durée du parcours d'achat, de la décision d'achat, de la recherche d'information. Et si l'internaute n'est pas satisfait, il ne revient pas. Une durée trop élevée, un site compliqué entraînent une diminution de la répétition et du nombre des re-visites. Mais, si l'internaute revient souvent, il se familiarise alors avec l'organisation du site, va droit à l'essentiel et y reste moins longtemps. La durée est fonction, inverse, de l'habitude, de la lisibilité. La durée fait rarement partie du contrat de "lecture" sauf au titre de la brièveté (Google en a fait un dogme, et une clef de ses succès).

Dans l'analyse, les indicateurs de durée doivent donc être combinés à la fréquentation (i.e. répétition) du site ou de la page concernés (cf. on sait l'importance des habitudes média, question à la base de toute modélisation). La fréquence des visites est généralement liée au renouvellement régulier du site, à la vitesse d'obsolescence des contenus exposés, à la qualité de la création, aux services rendus, etc. La fréquence est une variable primordiale, robuste, alors que, définie comme produit du nombre de visites par la durée des visites, la "stickiness" reste un indicateur ambigü, voire trompeur. Mal conçu.

Dans les sites mixtes, combinant vidéo et images fixes, se juxtaposent nécessairement deux mesures : la durée pour la vidéo, la "page vue" pour les éléments publicitaires placés autour de l'écran vidéo. Pour des images fixes, qu'apporte la durée d'exposition ou de visibilité, qu'il s'agisse d'affichage urbain ou d'affichage Internet puisque la durée d'exposition de ces éléments dépend strictement de l'attention portée à la vidéo. Qu'apporte la "durée de visibilité" à l'audience cumulée ? A débattre (cf. les travaux de Alenty pour le SNPTV).
La question concerne ici Internet et la vidéo ; elle concerne aussi l'audio, mais surtout la TV lorque sur l'écran du téléviseur est découpé en multiples fenêtres (à la Bloomberg) et fait défiler des cours de bourse ou des résultats sportifs, etc.

Dans un point de vente - et presque tous les sites sont plus ou moins des points de vente - la durée de la visite constitue un indicateur faible, fragile de la performance marketing. Seuls comptent la visibilité du produit, son identification immédiate, génératrice d'un contact avec le produit (effets du facing), sa prise en main, sa mise dans le caddy et le passage à la caisse (taux de transfo). La combinaison de ces variables successives étant maximisée (suite de probabilités conditionnelles), il faut minimiser la durée du parcours, tant dans l'intérêt du point de vente (désencombrer, fluidifier le trafic aux caisses) que dans celui du client à la recherche du temps gagné. L'indicateur clé, après la valeur du panier, c'est la fidélité (répétition). Sur Internet, de nombreux sites ressemblent à des magasins : les bandeaux y sont PLV, "stop-rayon", kakémono, théâtralisation du linéaire. Sur le site réel comme sur le site virtuel, la durée n'est pas positive. D'où la nécessité de concevoir un digital signage diffusant des créations de quelques secondes à forte lisibilité pour ne pas ""distraire" de l'achat et ralentir le flux des clients dans l'espace de vente.

Internet n'est pas UN média, il en propose de multiples, parfois simultanément, souvent hétérogènes. C'est le média des médias et le média des métiers (d'où le titre de ce blog). Il y a de la télé sur Internet et il y a du marketing direct, de l'affichage et de la PLV, du digital signage et du linéaire. A chaque métier, à chaque média sa mesure.

Vous y croyez, vous, sérieusement, à la panacée d'une mesure universelle, pour tous types de sites, de toute audience Internet ? Etrange alchimie, non ?