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Un procès va s'ouvrir aux Etats-Unis à l'initiative de plusieurs chaînes de télévision contre l'un de leurs plus important distributeurs. La cible est Dish Network, opérateur de télévision directe par satellite qui propose à ses sept millions d'abonnés un enregistreur numérique (DVR), The Hopper, doté depuis peu d'une fonctionnalité qui permet d'éviter les messages publicitaires présents dans les chaînes retransmises en prime time : "
Auto Hop" dit parfois "
Ad Hopper", qui "saute" par dessus les pubs (mais qui n'efface ni ne détruit). Toutefois, cette fonction dite "
Primetime Any Time"ne peut être mise en oeuvre que le jour suivant la diffusion (à partir de 25H, ET). Les networks ont refusé de diffuser des messages publicitaires en faveur de cet appareil (refus de vente).
Mise à jour 31 mai 2012
Selon les chaînes, cet appareil remet en cause le modèle économique de la télévision commerciale et ne respecte pas le contrat de retransmission et les droits d'auteur. Fox, CBS et NBC portent le problème devant les tribunaux et demandent même des dommages et intérêts. Nous retrouvons une situation qu'ont connue, il y a une dizaine d'années, Replay TV et TiVo.
Les networks, à propos de Dish Network, parlent de VOD frelatée (
bootleg), malencontreuse (
wrongheaded) voire d'insulte. Et il s'est même trouvé un cadre d'agence média pour s'indigner que l'on ose mettre en question ("
trashing" !) le modèle économique de la télévision commerciale (à quel titre,
quid de la neutralité média qu'attend l'annonceur ?).
Dish Network contre-attaque : les networks par leur menace (
litigation) mettent en péril une innovation. Innovation limitée puisqu'elle ne fait que généraliser le principe du magnétoscope et de la télécommande. De plus, Dish Network paie les chaînes de télévision pour les retransmettre : cela donne aux abonnés le droit et la liberté de refuser ou d'accepter la publicité.
Public Knowledge, un groupe à but non lucratif qui milite pour l'ouverture publique du Web, la liberté et la transparence de l'innovation technologique prend le parti de Dish Network et de ses abonnés et lance une pétition de soutien à Dish Network par e-mail : "
Tell old media to keep their hands off your DVR".
- Le passage de la télévision au numérique secoue et remet en questions son modèle économique. Le décompactage (ou désagrégation, désarticulation) des programmes de télévision numérique - qui permet la VOD et la télévision de rattrapage - s'étend logiquement à la publicité qui est un programme parmi d'autres. Ce n'est qu'un début, cela touchera d'autres formes d'"encombrement" (clutter) des programmes : génériques, auto-promotion, séparateurs, etc. Progressivement, le téléspectateur reprend en main la programmation. D'ailleurs, sur la télécommande de Dish Netwrok, se trouve une touche pour avancer de 30 secondes, durée courante d'un message publicitaire.
- Plus ces outils d'autonomisation des téléspectateurs se développent, plus s'affine la qualité de la réception publicitaire. Les annonceurs iront de plus en plus vers la publicité voulue qui sera plus chère parce qu'elle est plus efficace.
Et si l'on traitait la TV comme le Web ?
Appliquons, pour voir, le raisonnement des networks américains au Web. Dans ce cas, faudrait-il interdire à l'internaute d'effacer les cookies, condamner les logiciels de filtrage publicitaire (
advert filtering) comme
Adblock ou
Fanboy ?
Mais il faut plutôt traiter la télévision comme le Web car la télévision tend inéluctablement vers le Web.Une fois connectée au Web, elle sera confrontée à la liberté constante et omniprésente des téléspectateurs. Il faut imaginer la publicité
opt-in et respectant la vie privée. Au lieu de manoeuvres de retardement, mieux vaudrait préparer la télévision et ses clients à ce virage : optimisation du ciblage,
capping, créativité des messages...