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jeudi 12 avril 2018

Roseanne et sa sitcom se rejouent les élections américaines


Hier soir mardi, soirée TV, dîner avec "Roseanne". A 20 heures, sur ABC, juste après "Jeopardy". Pas terrible, cet épisode : une histoire de mère porteuse (gestation pour autrui) qui ne porte plus et qui comptait s'acheter un chien avec la récompense. La commanditrice de l'enfant escompté, mère intentionelle, reprend l'œuf de Fabergé qu'elle avait offert à la mère porteuse. Quel humour... Plus tard, à 9 heures, la série "Black-ish", c'était moins déprimant, une histoire de chien. Un enfant, grâce à de très bonnes notes à l'école (straight As!) a gagné d'avoir un chien. Ses parents lui avaient promis, confiants dans ses habituelles mauvaises notes. La promesse est compromise car le père est décidément contre. Débat familial, campagne électorale, vote : le fils gagne l'élection grâce au swing vote de sa petite sœur... Beau joueur, le père rapporte un chien à la maison, tout blanc. Sitcom sympathique, comédie filmée avec une seule caméra, sans public (Warner Bros., 22 mn).
Entre les deux séries, au milieu, une autre série "The Middle" (middle class, middle age, etc.) ; mais les écrans publicitaires pour les voitures ainsi que le décalage horaire m'ont vaincu : j'ai somnolé.

Revenons à "Roseanne", la sitcom (21 mn). Elle est enregistrée en direct, ce qui nous vaut les ricanements du public invité. C'est le succès de la saison télévisuelle. Inattendu. Comme l'élection de Donald Trump aux présidentielles. Roseanne, l'actrice comme le personnage, ont voté Trump et en sont fièrs (cfRoseanne et son partenaire interviewés lors du talk show de Jimmy Kimmel) ; sa sœur a voté Clinton. Débat dès les premiers épisodes : la série ne craint pas la controverse.
Le monde de "Roseanne" est un monde modeste (working class, blue collar), sans "distinction", celui d'une partie de l'électorat, mésestimé, sous-estimé. La famille Conner habite dans le Mid-West, Rust Belt, terre électorale de Donald Trump : désindustrialisation, chômage, difficulté lancinante à joindre les deux bouts (Roseanne conduit un taxi pour Uber). Bob Dylan a déjà tout dit de cet univers. "Roseanne", c'est le retour du refoulé, et la nostalgie : revival, reboot, dit la presse. Un monde normalement absent de l'univers télévisuel américain, où règne l'aisance sociale, surgit en plein prime-time. "Misère du monde" télévisuel.

Pour les séries, il y a donc une vie après la mort. Vingt ans après sa mort, la série est de retour. Elle fut à l'antenne de 1988 à 1997, sur ABC déjà. Si possible, on a repris les mêmes acteurs, pour sa onzième année, renouvelée par ABC Disney, en mars 2018. Les audiences sont bonnes, nombreuses (25 millions de téléspectateurs, beaucoup de 18-49 ans, key demo pour les annonceurs), et encore, c'est sans compter le streaming d'ABC, la rediffusion du dimanche et celle de Hulu. Le Président a félicité Roseanne pour ces audiences. Selon Samba TV, une plateforme d'analytiques TV, la série sur-performe dans les régions de vote Républicain et parmi les téléspectateurs de Fox News.
Anticipation des prochaines présidentielles ? La TV ne fait sans doute pas l'élection (question éternelle pour un grand oral à Sciences-Po) mais elle l'explique peut être mieux que les politologues (cf. Oprah élue bien avant Obama). On parle, au moment du marché upfront de "l'effet Roseanne".

Mise à jour (29 mai 2018). ABC annule (cancel) l'émission en raison d'un "tweet raciste" de l'actrice Roseanne Bar.

lundi 18 septembre 2017

Concentrations à venir dans la télévision américaine ?


La question de la concentration est au cœur du débat télévisuel américain. Après l'administration démocrate qui freinait la concentration dans les médias classiques mais voyait d'un œil favorable l'émergence d'oligopoles numériques formidables (Google, Facebook, Amazon, Microsoft, notamment), l'administration républicaine semble prête à remettre en chantier les règles concernant la concentration dans la télévision traditionnelle (legacy media).
Le sujet passera probablement inaperçu en Europe car il s'agit de la concentration des groupes de stations de télévision (broadcast). Stations locales, bien sûr. Marché intérieur américain certes, mais qui fonde la puissance des acteurs américains sur le marché international.

Sinclair Broadcast Group est le plus important des groupes américains de stations ; il en possède 193 (source : SBGI). Il se propose de racheter le groupe Tribune Media Company qui en possède 54 (N.B. on compte 1 386 stations de télévision commerciale aux Etats-Unis). Une telle acquisition, pour 3,9 milliards de dollars, donnerait naissance à un groupe de télévision disposant d'une couverture technique de 72% des foyers TV américains (sans "UHF discount", mais 39% avec), présent dans 108 DMAs. (N.B. Une acquisition de même ampleur - Media General acquis par Nexstar / pour 4,6 milliards - a été approuvée par l'administration démocrate début 2017, mais elle se situait dans la limite légale des 39%). Concentrations horizontales.
L'audience de Sinclair est une audience locale pour des informations locales. En cas de fusion, sa puissance publicitaire totale (locale et supra-locale) ainsi que son poids dans les négociation des droits de retransmission (retransmission consent) avec les MVPD seraient déterminants. De plus, après la fusion ("post transaction"), le nouveau groupe Sinclair ("combined company") contrôlerait un grand nombre des stations affiliées au network FOX.
L'enjeu est donc significatif pour les médias locaux concurrents, presse, radio et télévision notamment. Comme Sinclair a la réputation d'être politiquement conservateur, les élus démocrates se sont mobilisés pour s'opposer à cette fusion. Une coalition d'acteurs économiques hostiles à la fusion s'est même créée (Coalition to Save Local Media).
Sinclair a déposé sa demande en juin 2017. La FCC a demandé le 14 septembre 2017 un complément d'information concernant les mesures envisagées pour se mettre en conformité avec les règles de concentration en cours (éventuelles reventes de stations, "divestiture"), les investissements (capital investments) que promet Sinclair pour améliorer la programmation des stations et la contribution de la fusion à la transition au standard ATSC 3.0. Qu'en est-il de l'intérêt général ("public interest") ?
La réponse de Sinclair est attendue pour le 5 octobre, à la suite de quoi le public pourra commenter.
  • Le débat enclenché pourrait conduire à la remise en cause de la limite imposée aux groupes en terme de taille (39% des foyers TV). Pour cela, la première étape consisterait à revenir sur le mode d'évaluation de la concentration et compter pour moitié seulement la couverture des stations UHF (principe dit "UHF discount"). Ce mode de calcul, mis en place en 1985, a été éliminé par l'administration démocrate en 2016, restauré par la FCC en février 2017 puis bloqué par le tribunal ("a stay of execution", D.C. Circuit Court of Appeals) en juin.
  • Cette acquisition pourrait déclencher d'autres mouvements ; on évoque un rapprochement entre le network FOX et Ion (qui pourrait reprendre les affiliations des stations Sinclair avec FOX). La discussion de l'interdiction dans un même DMA de contrôler une station de télévision et un quotidien régional (dite cross ownership rule de 1975) est également relancée. Enfin, la fusion AT&T / Time Warner (HBO, CNN, etc.) est toujours en cours d'examen au ministère de la justice (US Justice Department). Une acquisition dans les télécoms serait en cours : T-Mobile rachèterait la majorité des actions de Sprint à Softbank ; ensemble les deux entreprises compteront 130 millions d'abonnés (soit 28,8% du marché de la téléphonie mobile, mobile wireless market).
Ce débat, considéré avec quelque de recul, s'avère crucial pour l'économie nouvelle des médias, bien au-delà du marché américain.
La taille des groupes de télévision traditionnelle ne doit-elle pas être reconsidérée dès lors qu'il leur faut affronter la concurrence des Facebook, Google et Amazon ? Dans une telle perspective, la réflexion sur les concentrations dans les médias prend une nouvelle dimension. C'est aussi l'occasion de remettre en question la définition des taux de concentration et de l'univers de référence pour les médias, définitions souvent simplificatrices, sinon obsolètes, en période de mutation technologique.
Assistons-nous à une augmentation de la concentration dans le marché de la télévision ou, plus radicalement, à une adaptation de la réglementation de la concentration dans l'ensemble des médias à l'ère de la numérisation ? 

MàJ : septembre 2018. la fusion envisagée n'aura pas lieu ; Tribune Media poursuit Sinclair en justice pour avoir entamé des consultations de manière unilatérale (dont la FCC).


Sur l'évolution des périmètres de concurrence dans les médias :

mercredi 5 avril 2017

L'Amérique à lire dans un mook trimestriel innovant.


Mook est un mot valise pour désigner un objet média non clairement identifié. Vendu en libraire, plutôt épais, cher : c'est un livre. Son format, sa périodicité, trimestrielle, c'est un magazine. Donc un magalivre, ou un mook. Mot valise, portemanteau = mag + book (196 p., 19€). Le mook, vendu  en kiosques ou en librairies, reste plus longtemps présent sur les linéaires, il s'adresse à un public de lecteurs de livres, magazine de garde donc, comme on parle d'un vin de garde, il reste longtemps au domicile, on ne le jette pas, il compte donc de nombreuses reprises en main, il "circule" ; son format évoque les coffee table books....
Ce n'est pas le premier : on en compte au moins une vingtaine sur le marché (cf. Presse : les magalivres (mooks).

America s'annonce en sous-titre : "L'Amérique comme vous ne l'avez jamais lue". A la une : Toni Morrison, Moby Dick, F. Scott Fitzgerald... Il s'agit d'un magazine littéraire. Entretiens, reportages, enquêtes, photographies. Son site web est encore limité, quelques vidéos seulement. Pas de publicité sauf, en page 4 de couverture, pour une émission littéraire de télévision de France 5. Le magazine appartient au même groupe que l'hebdomadaire Le 1.

Le lancement d'America profite de la conjoncture politique américaine et de l'inquiétude qu'elle suscite : que deviennent les Etats-Unis avec l'élection de Donald Trump, la remise en question presque systématique des décisions essentielles des deux présidences de Barack Obama ? Protection de l'environnement, politique de santé, neutralité du net, etc. ? Dans ces conditions, que peut la littérature ? La question avait-été posée à Jean-Paul Sartre en 1964. Elle est à nouveau posée par le magazine à Barack Obama, à Toni Morrison. Leurs deux  réponses constituent le cœur du numéro.
D'abord, la reprise en français d'un entretien donné par Barack Obama au New York Times, publié en janvier 2017 ("on what books mean to him"). Barack Obama, lecteur et écrivain, qui déclare inchangée, depuis ses années étudiantes, son admiration pour Shakespeare ("I would say Shakespeare continues to be a touchstone").
Ensuite et surtout, Toni Morrison. Prix Nobel iconoclaste, provocatrice, claire, libre : elle ose penser et dire ce qu'elle pense (à quand, une édition bilingue, voire la vidéo sur le site, de cet entretien ?). En 22 pages, Toni Morrison fait flèche de tout bois. Dénonçant les slogans, même et surtout, dit-elle, "Black is beautiful", selon elle "identitaire et macho". Toni Morrison soulignant que sa mère, elle, "jugeait les gens un par un, jamais en termes de groupe comme on le fait aujourd'hui en parlant des Noirs, des Hongrois, des Italiens, des Coréens". De l'importance de "se situer au-delà des convictions raciales". Toni Morrison rappelant que l'esclavage fut, entre autres, une histoire grecque et romaine, et russe...
Toni Morrison, touchante, à propos de l'écriture : "lorsque j'étais petite, je ne voulais pas devenir écrivain mais lectrice". A 86 ans, elle écrit pour la première fois un livre avec un ordinateur. Et, subtile, évoque ce qu'avait pressenti Friedrich Nietzsche : "J'aime le contact de la main sur le papier, lorsqu'elle écrit. Et de la gomme. Et du crayon qui barre, qui rature. J'ai l'impression que c'est la main qui guide l'ensemble du roman. La main autant que l'esprit". Habitus manuscrit d'écrivain, avant l'écriture à la machine, avant l'ordinateur. De la main aux doigts du digital (digitus). Ecriture, travail manuel.

L'ensemble du magazine est riche, divers, utilement annoté en marge des articles, pour éclairer le lecteur. Discours parfois conformiste. La tonalité est globalement obamaphile.
Notons encore la belle nostalgie qu'expriment les photographies de Vincent Mercier. Saluons le dossier Moby Dick, avec texte original, traduction et présentation. Convaincant et didactique. On regrettera une reprise graphique de la composition "ethnique" de la population des Etats-Unis, sans la moindre précaution méthodologique, sans le moindre doute minimum quant aux sources et catégories mobilisées. Un reportage sur les Sioux de Standing Rock ("voir dans la nature plus qu'une source d'énergie"), sur Los Angeles...
America secoue beaucoup de nos doutes et de nos certitudes, donne envie de lire, d'aller plus avant. A propos, qu'en est-il, à l'issue de cette élection, de l'Amérique si triomphante des GAFA, de Google, Twitter, Amazon, de Facebook, Microsoft, Apple ? Rien dans ce numéro sur l'avenir de la culture numérique de "l'ère Obama". Comment comprendre le slogan "America first" ? Devant qui ? Assiste-t-on à un retour de quel refoulé ?
Et si ce que révélait l'Amérique de Donald Trump, née d'un désenchantement, valait aussi pour la France, pour l'Europe à venir ? Le reportage stimulant sur les "petits blancs" (de Sylvain Cipel) peut être lu comme une mise en garde. Est-il une France de Donald Trump, de Steve Bannon ? Avons-nous aussi notre "poor white trash" ?

Le magazine s'essaie à un nouveau genre de presse, croisant littérature et sociologie, bilingue et didactique, photographie et interviews. L'articulation avec le site est encore floue. Attendons le numéro suivant pour voir l'évolution de cette innovation. L'avenir de la presse est dans l'innovation... Pour le traditionnel, il y a le magazine American Legend, historique et descriptif (trimestriel, 7,8€).

Le thème de l'Amérique au temps de Donald Trump est repris par la revue mensuelle Esprit en mai 2017 : "L'Amérique en dissidence" (20€). Repris aussi par un nouveau magazine consacré à la musique et au "son du monde", M & C Musique et Culture (5,5€) : "Cauchemar américain", "les artistes contre Trump".

mardi 24 janvier 2017

Un nouveau président pour la FCC américaine


Ajit Varadaraj Pai
La Federal Communications Commission FCC qui compte ordinairement 5 membres (3 en ce moment, 2 étant vacants) pilote à Washington D.C. la politique américaine de la communication (TV, radio, télécoms, Web, câble, satellite, etc.). La majorité actuelle est Républicaine (2-1).

Ajit Varadaraj Pai, le nouveau président de la FCC nommé par Donald Trump, n'est pas un nouveau membre de la FCC. Républicain, il y a été nommé commissaire par le Président Obama (7 mai 2012, à la suggestion de Républicains du Sénat) : la FCC doit respecter une partition 3-2 des Démocrates et Républicains, ce qui a conduit un Président des Etats-Unis Démocrate à nommer des membres Républicains et conduira un Président Républicain à nommer un membre Démocrate.
Républicain, Ajit Pai s'y est fait remarquer par des idées libérales, partisan d'une intervention minimale de l'Etat (free market).
Avocat de formation (Harvard puis Chicago Law School), fils d'une famille d'immigrants indiens, il a travaillé au ministère de la justice, à la FCC et a été conseiller pour Verizon Communication ; il est plutôt favorable aux concentrations (AT&T/Time Warner, Verizon/ Charter ?) aux entreprises de télécoms et plutôt hostile à la neutralité du net. Il se déclare soucieux de l'équipement broadband pour tous, du retard du monde rural, se promettant de s'attaquer en priorité au "digital divide".
On peut donc s'attendre à de prochains retournements importants sur le marché américain des médias : quelles conséquences pour Amazon, Apple, AT&T, Comcast, Google, Facebook, Microsoft, Netflix ? Quelles conséquences en Europe ?

Globalement, Ajit Paise déclare partisan d'une régulation légère (not "heavy-handed") et favorable à d'importants investissements d'infra-structure. Retenons trois affirmations directrices de Ajit Pai, mises en avant sur le site de la FCC (source : FCC) :
  • "Consumers benefit most from competition, not preemptive regulation"
  • "Particularly given how rapidly the communications sector is changing, the FCC should do everything it can to ensure that its rules reflect the realities of the current marketplace and basic principles of economics."
  • "Broadband is critical in modern American life. Especially when it comes to innovation, the Internet has leveled the playing field. It’s created a democratization of entrepreneurship. With a good idea and a broadband connection, entrepreneurs anywhere can compete in ways unthinkable a generation ago."