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lundi 30 août 2021

Histoire des regards d'André Malraux

 Jean-Yves Tadié, André Malraux. Histoire d'un regard, Paris, Gallimard, 2020, 229 p. suivi de "Repères chronologiques" (1919 -1977).

On connaît Jean-Yves Tadié par Marcel Proust dont il a édité la nouvelle collection des Pléiades. Mais, c'est par les oeuvres d'André Malraux qu'il a d'abord commencé, par La Condition humaine, lue en classe de troisième. Et Jean-Yves Tadié, qui retrouve ses goûts d'adolescent, a réuni dans un volume plusieurs de ses contributions. Malraux, qui commence et construit La Condition humaine comme un homme de cinéma, mais termine son livre sur la souffrance et la mort. "Tout art est un moyen de possession du destin", déclare Malraux dans un discours sur "L'héritage culturel" (1936). "Il voulait assembler, former un cortège, fondre le tout dans la grandeur de la France éternelle", note l'un de ses collaborateurs. Tout le travail de Jean-Yves Tadié consiste à essayer de caser l'oeuvre d'André Malraux tout en montrant qu'il s'agit là d'une tâche impossible. Malraux n'est pas romancier, il n'est pas historien, il n'est pas politicien non plus mais on comprend qu'il veut faire l'histoire, celle des maison de la culture, celle des missions dans l'étranger lointain, celle de la littérature, celle de la Résistance, celle de la vie politique, celle de son époque, celle de De Gaulle aussi... Car André Malraux nous obligera à relire De Gaulle.

 Le livre réunit plusieurs parties : les "Ecrits farfelus", son "Carnet d'U.R.S.S." (1934) et son "Carnet du Front populaire" (1935-1936). Puis, vient le plus gros morceau, les "Ecrits sur l'art" et l'ensemble se termine par les "essais littéraires". "Malraux pense l'ensemble, le tout, avant toute monographie. La planète, non un pays ; toute l'histoire, non une période : contre l'histoire, il veut faire sortir ce qui lui est étranger". "Mes maîtres sont Valéry ou Nietzsche ou Baudelaire ou même Diderot", déclare Malraux. On perçoit une continuité toutefois : " la lutte contre la médiocrité, la soumission ou l'effacement est une leçon toujours vivante". Alors Malraux autodidacte ? Oui, certes, mais, souligne Jean-Yves Tadié, "il vaut mieux savoir avec Malraux qu'ignorer avec tant de diplômés". Parole de Professeur !

Malraux fut aussi ministre, pas celui du rayonnement comme il l'aurait souhaité mais minsitre de la culture. Pour lui, qu'est-ce qui doit l'emporter ? "Non pas apprendre à connaître, mais apprendre à aimer", devise qui résume l'ambition des maisons de la culture. Et les expositions ? " La France n'a jamais été aussi grande que lorsqu'elle a été la France pour les autres". Alors ? "On admire comme chez Péguy, Bernanos, Mauriac, cette synthèse de la  culture, du lyrisme et du pamphlet". 
Voici un bel ouvrage, engagé, pour l'amour de l'oeuvre d'André Malraux, plutôt mal aimé mais tellement de son temps ou, peut-être, du nôtre.

mercredi 5 juillet 2017

Jane the Virgin. Telenovela pastiche


Diffusée par The CW pour le début de la saison 2014, "Jane the Virgin" s'inspire d'une telenovela vénézuélienne ("Juana la Virgen", diffusée par RCTV en 2002). Acclamée, nominée à de nombreuses reprises, récompensée plusieurs fois dont une d'un Golden Globe. Programmée en prime-time le lundi puis le vendredi. (N.B. The CW est un network national appartenant à Warner Bros. (50%) et CBS (50%.) ; son audience est plus jeune que celle des autres networks).
La série se consomme à deux degrés : au premier degré, l'intrigue est typique du genre, peu subtile mais délassante ; au second degré, "Jane the Virgin" se moque sans vergogne du genre telenovela, de ses clichés (playboys aux costumes rutilants, fans qui se pâment, décors et maquillage, larmes et cris, etc.). Mise en abyme : il y a un tournage de telenovela dans la telenovela... le père de l'héroïne s'avérant un acteur de telenovela adulé et fameux...
L'humour n'est pas absent : "Jane the Virgin" n'hésite pas à plaisanter avec certains aspects de la religiosité catholique (la virginité et la sexualité, le mariage, l'immaculée conception, etc.) et de la culture hispanic. Plus de 40 épisodes passent et Jane est toujours vierge, et elle est sans doute veuve... le suspense continue donc.
Dramedy, soap opera, sitcom ? Genre télévisuel hybride.

The CW a renouvelé la série pour une quatrième saison commençant en octobre 2017. Au total, la série comptera un ensemble de plus de 70 épisodes de 42 minutes chacun. En France, la série est diffusée par Téva et M6 (dont 6play).

L'action se déroule à Miami, en majorité dans deux lieux : la maison d'une famille hispanic et un hôtel de luxe. Trois femmes latina sont au cœur de l'intrigue, quatre générations "sous le même toit", la fille, la mère et la grand-mère qui partagent le même appartement et le nouveau-né (fils de Jane). Les rebondissements sont nombreux et, pour l'essentiel, improbables et loufoques.
La série est bilingue, l'espagnol étant sous-titré en anglais. En plus des personnages, il y a un narrateur, agissant comme un chœur qui commente et explique l'action en voix off, rappelant lors de chaque début d'émission les épisodes précédents ("it should be noted that..."). Il s'exprime aussi à l'aide d'éléments graphiques à l'écran, introduisant ainsi une sorte de distanciation (second degré).
La narration recourt sans cesse au smartphone, toujours à portée de la main des personnages ; omniprésent, deus ex machina portable, le portable préside aux retournements de l'intrigue ; il est partie prenante du jeu de chaque personnage, son prolongement. Les textos sont affichés à l'écran au fur et à mesure de la saisie, et l'action est parfois commentée à l'aide d'une série d'emoji. Construction de la narration évoquant l'anadiplose...

Avec sa diffusion par Netflix, la série accueille une audience élargie, internationale.


N.B. Le personnage de Jeanne dite la Pucelle hante l'histoire de la littérature et du cinéma. Appropriation par divers partis, revendiquée en France par les républicains laïques (héroïne combattante et résistante) mais aussi canonisée par l'église catholique ("Johanna nostra est") : de Friedrich von Schiller ("Die Jungfrau von Orleans" (1801) à Jules Michelet (1841), de Paul Claudel et Arthur Honegger ("Jeanne au bûcher", 1938) à Charles Péguy (1897) en passant par Bertolt Brecht ("Sainte Jeanne des abattoirs", 1930), le personnage de Jeanne d'Arc séduit les écrivains. De nombreuses œuvres cinématographiques lui sont consacrées : Georges Méliès (1900), Carl Dreyer, Robert Bresson (1962), Jacques Rivette (1994)...

Voir aussi : Jeane d'Arc et ses mythographes in MediaMediorum