Le e-commerce n'a pas tué le télé-achat. Leur coexistence pacifique pourrait même devenir féconde, élargissant leur public et leur clientèle.
La fin des années 1980 a connu le développement de chaînes de télévision consacrées au télé-achat.
HSN (Home Shopping Network) fut la première à diffuser aux Etats-Unis, en 1985, suivie de QVC en 1986. Trente ans après, le télé-achat est toujours là.
HSN et QVC sont présents dans presque tous les foyers TV américains. QVC Group détient 38% du capital de HSN, 100% de QVC, 18% de Expedia (
cf.
Liberty Interactive Corporation Investment Summary, juin 2015).
Un grand écran de plus
La seule différence entre un groupe de télé-achat comme QVC ou HSN, d'une part, et un pur acteur de
e-commerce Amazon, d'autre part, c'est le mode d'exposition des produits. D'une certaine manière, on peut considérer que le télé-achat dispose d'un écran de plus que le
e-commerce classique.
HSN se définit ainsi justement comme distributeur interactif multiplateforme ("
interactive multichannel retailer") recourant à la télévision (câble, satellite, ADSL) et au Web.
Avec la télévision, le télé-achat dispose de linéaires et de points de vente spectaculaires : les émissions. L'enjeu stratégique pour le télé-achat consiste à maintenir son avantage télévisuel historique tout en l'intégrant dans le
e-commerce, désormais pour plus de moitié le fait du
mobile. Le téléspectateur demande au télé-achat un grand écran, une mise en scène des produits, une histoire à raconter, des présentateurs ; comme sur le Web, bien sûr, l'acheteur attend des produits, des prix bas en permanence (
Every Day Low Price, EDLP), des délais de livraison...
Mise à jour : mai 2017 En mai 2017, Amazon stoppe son émission de type télé-achat, "Style Code live", qui avait été lancée pour samrtphone en mars 2016.
La logistique et les données, clés de voûte du modèle économique du télé-achat
La clé de voûte commune à ces entreprises est la logistique. Leur modèle économique leur impose de développer l'automatisation de la distribution. Le
recours ostentatoire aux robots par Amazon est symbolique.
L'expertise dans la logistique et la prise de commandes, la recherche et la découverte de produits - sont communes au
e-commerce et au télé-achat ; elles peuvent déboucher sur des économies d'échelle au plan européen.
Le télé-achat rassemble et traite des données riches, multiplateforme, au croisement de la télévision et du Web, du mobile et de l'interaction TV. Synergies. Nul doute qu'une DMP tirera le meilleur profit de ces données massives pour la partie éditoriale : choix des produits, recommandation, personnalisation, retargeting... La publicité n'est pas essentielle dans cette partie.
Déjà présent en Allemagne et en Grande-Bretagne (300 millions de foyers dans le monde, réalisant 8,8 milliards de $ de chiffre d'affaires en 2014),
QVC se lance en France (Liberty Media) simultanément sur le câble, le satellite et le Web. On prévoit une initialisation d'un foyer français sur deux sur ce marché où TF1 (
Téléshopping) et M6 sont actifs dans le télé-achat (
M6Boutique & Co,
Best of Shopping, ex. Canal Plus repris à 51% par M6). QVC annonce déjà le recrutement de 250 personnes, sans doute prioritairement pour les plateformes logistiques. Pour l'instant nul ne saurait prétendre connaître la réaction des publics français à ce nouveau canal commercial.
QVC est présent dans le
e-commerce en Chine (
j.v.), au Japon et en Italie. Près de la moitié de son chiffre d'affaires global provient du Web, dont la moitié à partir du mobile.
En 2016, le modèle du télé-achat a inspiré à
Packagd (incubée par Kleiner Perkins) une application permettant d'acheter des produits vendus par un présentateur sur une chaîne YouTube (
cf.
Unboxed, lancée en juin 2017).
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Copie d'écran du site de QVC effectuée le 4 août 2015 à 17 heures |
Références
Mindy Grossman, "HSN’s CEO on Fixing the Shopping Network’s Culture",
Harvard Business Review, December 2011
QVC,
Investor Fact Sheet FY 2014
François Mariet, "Télé-achat", chapitre 8 de
La télévision américaine. Média marketing et publicité, Economica, pp. 398-411