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vendredi 18 janvier 2019

STIRR : Sinclair remue la télévision locale américaine (OTT)


Sélection de la ville. La station qui fournit les
 informations est indiquée : exemple, Powered by
WLUK-TV pour Green-Bay (Wisconsin, Midwest).
Appli iOS. January 2019.
La télévision linéaire accomplit sa mutation vers le streaming, OTT. Le mouvement avait été lancé au début de  2015 par CBS avec CBS All Access. "OTT everywhere. A paradigm shift ?", demandions-nous alors. Avec le passage au streaming des stations locales, le noyau dur de la télévision américaine, le nouveau paradigme se confirme : programmes à la demande, accessibles partout, à tout moment, sur tout support, télévision nouvelle génération dont les modalités sont  énoncées par le standard ATSC 3.0.

Pourquoi STIRR ? Du verbe to stir : remuer, mélanger appartient au vocabulaire de la cuisine (cf. stir-fry) ; to stir, c'est aussi donner une impulsion, provoquer.

Jouant sur toutes les connotations dynamiques du terme, Sinclair Broadcast Group (SBG) lance un service OTT : STIRR. Le service, qui sera financé entièrement par la publicité, est accessible via une application (iTunes, AppleTV, Android, Amazon Fire TV, Roku).
STIRR offre les contenus du linéaire à la demande tout en proposant également du direct. Les émissions disponibles proviennent de toutes les ressources du groupe : les programmes linéaires des stations (locales) ainsi que des émissions en VOD. STIRR contribue au plein emploi de ses moyens. Rappelons que Sinclair Broadcasting Group qui compte 191 stations (la plupart étant affiliées à des networks traditionnels) est présent dans 89 des 210 marchés américains (DMA). Sinclair a tenté en 2017-2018 d'acquérir le groupe Tribune Media, en vain (la FCC avait fait part de ses doutes).

Avec l'appli, il est possible de sélectionner sa ville de préférence (ou plutôt une station parmi toutes celles que contrôle SBG) et d'accéder à l'information locale de ce DMA y compris celle concernant le sport et styles de vie (Stirr City Channel) ; en sélectionnant Washington D.C., on accède à un programme d'information nationale (via la station WJLA-TV). Evidemment, STIRR ne retransmet pas le programme du network auquel une station est affiliée ; ce qui est mis dans le pot commun de STIRR, ce sont uniquement les productions des stations, "owned and operated", de Sinclair (information, plateau).

STIRR propose également une vingtaine de programmes aux thématiques spécialisées, dont quatre multicasts qui lui appartiennent (en italiques) : BUZZR • Charge! • Cheddar • Comet • CONtv • Dove Channel • DUST • FailArmy • Futurism • Gravitas • Mobcrush • MovieMix • NASA TV • Outdoor America • The Pet Collective • SOAR • StadiumTBD • The T • World Poker Tour (source : SBGI).

Le lancement de STIRR par Sinclair s'inscrit dans une stratégie globale privilégiant l'accès numérique au local et la mobilité (mobile-first) ; en même temps, le groupe investit dans la next-gen TV (ATSC 3.0) avec des chips adaptés (System on a Chip, SoC). D'autre part, Sinclair s'est associé à Tru Optik (DMP TV) pour le ciblage publicitaire hybride, linéaire et numérique. Sinclair a acquis en 2015 un SSP, ZypMedia.
Comment la télévision terrestre traditionnelle, celle des groupes de stations locales (broadcasting), peut-elle s'adapter au nouvel environnement numérique et s'y développer en tirant profit du streaming et de la télévision connectée ? Dans cette perspective, la taille et la concentration sont décisives (scaling) pour que survive la télévision locale (y compris l'information locale).
Malgré tout, ces mouvements de concentration suscitent la critique qui souvent se drape dans la défense généreuse et légitime du localisme ; la situation est d'autant plus complexe que les propriétaires de SBG et la ligne éditoriale de certaines stations ne dissimulent pas leur sympathie pour la politique de l'actuel président.

jeudi 3 janvier 2019

Télévision américaine : la concentration n'en finit pas


2019 commence avec une fusion dans la télévision américaine. Gray Television a acquis Raycom Media pour 3,6 milliards de dollars. L'une et l'autre entreprise sont des groupes de stations de télévision locale. La FCC et le ministère de la justice (DoJ, Department of Justice) ont approuvé la fusion qui donne naissance à un groupe touchant 24% des foyers TV américains (17% avec UHF discount) soit 142 stations (full power). Après négociation avec la Division antitrust du DoJ, la fusion s'accompagnera d'une revente de stations dans certains DMA pour éviter de créer des monopoles pour la vente de publicité locale (conclusion des études d'impact : competitive impact).
Sont concernées par cette revente (divesting) les stations affiliées suivantes (entre parenthèses le network auquel elles sont affiliées) : WGPX Panama City, WDFX Dothan, WFXG Augusta, WTNZ Knoxville (Fox), WTOL Toledo, WSWG Albany (CBS), KXXV Waco, WTXL Tallahassee (ABC), KWES Odessa (NBC). L'ensemble demeure toutefois un groupe de taille modeste en comparaison de Nexstar et de ses 216 stations.

Cette réglementation de la télévision terrestre (broadcasting), que l'on peut qualifier de tatillonne, est à mettre en regard avec l'étonnant laisser-aller législatif qui permet aux grands groupes de s'attaquer sans vergogne au marché de la publicité locale américaine, Facebook et Google notamment (en attendant Amazon et Microsoft avec LinkedIn). La puissance de la concurrence provenant des plateformes vidéo Netflix et Amazon Prime Video est également à prendre en compte.
Les groupes de télévision locales et la réglementation de la concentration qui les concerne sont le produit des débuts de l'histoire de la télévision et de la radio américaine (legacy) ; les networks, ne l'oublions pas, ne sont que des groupes de stations locales. Sans accroissement de la concentration, ces groupes ne peuvent affronter à armes égales les nouveaux groupes publicitaires issus du numérique.

L'objectif déclaré de la FCC est de préserver le localisme des médias tout en assurant la diversité des points de vue qu'ils diffusent. Mais qu'en est-il du contrôle de la diversité des points de vue émis sur Facebook ou sur YouTube ? Le maintien du localisme et de la diversité dépend de la compétitivité économique et technologique des médias locaux, donc des possibilités de scaling : le président de la FCC ne cesse d'ailleurs de souligner que la réglementation doit s'adapter à la réalité nouvelle du marché ("Our rules must keep pace with the modern media marketplace”).
Comme tous les quatre ans, à la demande du Congrès, la FFC doit passer en revue l'état du marché des médias américains et apprécier l'efficacité des règles de concentration en vigueur ; la FCC peut être amenée à remettre en question certaines des règles qui brident le développement des networks commerciaux nationaux (ownership rules), y compris, notamment, la règle dite "dual TV network ownership",  qui vise les quatre networks historiques (ABC, CBS, Fox, NBC) et interdit toute fusion de deux d'entre eux.