lundi 26 novembre 2012

Le Web : fonctions régaliennes et souveraineté nationale

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Photo d'actualité politique, il y a quelques jours, à la une de nos journaux. Elysée. Autour de la table : le Président de la République française, deux ministres du gouvernement français, la Ministre de la culture et de la communication et la Ministre chargée de l'économie numérique ; en face du Président français, l'Executive Chairman de Google.

Il est question de la presse française. En fait, l'enjeu va bien au-delà des difficultés de gestion de la presse ; la télévision est également concernée, et tous les médias. Il y a problème fiscal aussi puisque certaines entreprises du Web très actives en Europe n'y paient guère d'impôt.

Il y a une dimension culturelle. Des entreprises collectent en Europe des données qui sont revendues à fin publicitaire (géolocation, données comportementales, données personnelles, etc.). Données précieuses dont on affirme qu'elles sont la nouvelle richesse des nations connectées.

Ces entreprises qui exploitent des moteurs de recherche, des réseaux sociaux, des navigateurs, entre autres, menacent-elles l'indépendance et la souveraineté nationales ? C'est ainsi sans doute que le conçoivent d'autres Etats, ce qui explique que la Chine ou la Russie, par exemple, encouragent le développement d'entreprises nationales puissantes travaillant en langue nationale (Baidu, Tencent, Vkontakte, Yandex, Alibaba, etc.), capables de tenir les entreprises étrangères à distance et de limiter leur emprise économique et culturelle.

Indépendance, souveraineté, diable ! Comme vous y allez ! Mais il y va de la langue française ou allemande. Il y va de l'accès aux savoirs, à l'information et à l'éducation. Il y va de la sécurité aussi.

Le développement international du Web, son omnipotence invitent à reconsidérer la liste des fonctions régaliennes, celles qui sont à la fois des "marques de souveraineté" et qui relèvent du devoir de l'Etat.
Traditionnellement, ces fonctions comprennent la sécurité intérieure ou extérieure, les finances, la justice. Faut-il y ajouter le numérique ?

N.B. L'Executive Chairman de Google confirme les images diplomatiques que les groupes numériques internationaux aimeraient donner d'eux-mêmes : L'Executive Chairman de Google estime qu'ils doivent être gérés comme des nations ("to run it more like a country", cf. The Wall Street Journal, Dec. 4, 2012). Image entretenue par la sémiologie implicite de la photographie ci-dessus.
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12 commentaires:

Stéphanie Micheloud a dit…

L’Etat ne doit pas intervenir directement sur le contenu d’internet comme il l’a fait pour la radio-télévision. Il doit par contre s’assurer que le site du gouvernement et ceux des radios-télévisions publics soient impeccables tant au niveau de la qualité, que de la pluralité de l’information. Mais il ne doit pas chercher à contrôler le reste des contenus disponibles sur le Web car internet est le média de la liberté et l’Etat se doit de la perpétuer.

Si l’on craint pour la souveraineté nationale et la défense de la culture, il serait bien d’encourager le développement d’entreprises nationales du Web. Mais pour la France (et je pense l’ensemble des pays qui ne l’ont pas fait jusqu’à présent), il est trop tard pour concurrencer les géants d’Internet.



Finalement la principale mission du gouvernement dans le domaine d’internet est d’intervenir dans la régulation et législation. En France il y a déjà la loi HADOPI qui sanctionne le téléchargement illégal. L’Etat doit continuer sur cette lignée et tenter de légiférer au sujet de la protection des données, la pornographie sur internet, la vente via internet de produits illégaux en France… Mais la réglementation d’internet sera délicate et compliquée car il faut aussi collaborer au niveau international à la vue de l’audience mondiale que génère le Web.

François Aubagnac a dit…

Faut-il y ajouter le Web ?
Il s'agit là d'une question à laquelle il est bien difficile de répondre !
Il faut s'interroger sur ce que doit être Internet pour notre société tout en ayant à l'esprit que lorsque nous prônons un Internet libre et accessible à tous, d'autres en décident autrement.
Or, force est de constater qu'aujourd'hui, le web est majoritairement américain. Les serveurs des plus grosses sociétés sont aux États Unis, de même que les décisions en émanent. Il faut garder à l'esprit que c'est l'ICANN qui décide de la politique des noms de domaine sur Internet et que notre malheureuse AFNIC n'a qu'une force anecdotique.
Certains estiment que la situation actuelle est la moins mauvaise solution car les États Unis "dominent le monde" et sont à ce titre les plus enclins à contrôler Internet.
Cependant, une réflexion se doit d'être menée pour que chaque État ait son mot à dire.
Plutôt que de donner un pouvoir distinct à chaque État, il me semble qu'il faudrait envisager la creation d'une institution internationale composée des ministres en charge du numérique de chaque État, qui se réuniraient en Assemblée régulièrement afin de prendre des décisions. Internet étant mondial, cette solution irait dans le sens de son ADN.
Quand aux États, ils devraient promouvoir le développement d'entreprises sur internet.
Ce qui paraît certain, c'est qu'il est nécessaire de revoir le fonctionnement des institutions du web.

Bird_face a dit…

Outre la question d'un pouvoir régalien supplémentaire se pose la question du périmètre de l'action politique. Les états actuels sont les dignes descendant des Etats-nations nés pendant la deuxième moitié du 19e siècle de la cristallisation d'une adhésion à un certain vivre ensemble par des personnes partageant un territoire et un espace commun. Or, Internet en tant qu'espace ne recoupe pas les mêmes logiques territoriales et idéelles que les Etats. Dans son livre "Internet, changer l'espace, changer la société" Boris Beaude appelle de ses voeux un insertion du politique dans le web mais via de nouvelles modalités adaptées à cet espace qui ne recouvrent plus une seule nation. La politique ne pourra pas appliquer au web les vieilles recettes applicables à un territoire national circonscrit, l'Etat ne pourra rivaliser avec les utilisateurs qu'ils soient individuels ou géants commerciaux que s'ils remet en question les modalités de son action.

Nastassja a dit…

Je pense qu'avant tout l'Etat français doit se charger de la sécurité de ces citoyens sur internet. En effet, l'Etat devrait avoir le droit et le devoir de protéger les données de ses citoyens. Par exemple, plusieurs états européens sont intervenus dans le cas polémique des streetviews Google Map.

Unknown a dit…

En France, les ministères régaliens sont la Défense, les Affaires étrangères, la Justice, les Finances et l'Intérieur.
La principale caractéristique du web est qu'il est un réseau mondial. Certes il y a plusieurs contraintes qui en découlent comme la question de la protection des données privées, de la concurrence envers des médias traditionnels (notamment la presse et la radio...), la culture du gratuit... L'état pourrait intervenir mais avec des limites. La Russie et la Chine sont des exemples à suivre mais avec un certain recul. Ces deux puissances ont pu développer des moteurs de recherches nationaux. Ce qui a bénéficié à promouvoir leur langues maternelles, les startups locales. Ces états ont également une main mise sur la protection des données des citoyens. Ceci est bénéfique au niveau national, mais peu au niveau international... Rares de nous sont ceux qui utilisent ces moteurs de recherche et peu en connaissent l'existence !
Par contre, la langue française est fortement parlée au niveau mondial (3,2% de la population mondiale parle le français dans les cinq continents, source : http://www.souffle.asso.fr/fr/france-monde.htm ). Il y a donc de fortes chances qu'un moteur de recherche 100% français puisse remporter un franc succès comme Baidu...

Unknown a dit…

Quel pouvoir pour un Etat tel que la France face à un géant tel que Google ?
A l’heure actuelle, Internet ne peut plus être considéré comme un cas d’exception. Le web a pris une telle place dans notre quotidien qu’il est impensable désormais que cet espace virtuel échappe à la loi. La protection des citoyens est un devoir étatique - sur internet aussi. La sécurité, la protection des données, le respect des droits d’auteurs ou encore la protection des mineurs par exemple : ces domaines sont touchés par les activités sur Internet. Il est donc nécessaire que l’Etat règlemente et légifère les comportements sur Internet. Mais dans la mesure où Internet est par définition international, l’échelle nationale ne suffit. Il faut absolument qu’une institution internationale soit créée afin de mettre en place à la fois une autorité supranationale et un cadre de négociation entre les différents Etats.

CélineBUNIFR a dit…

Une réglementation du World Wide Web semble devenir nécessaire alors que son omniprésence se fait de plus en plus forte, que ce soit au niveau de son nombre d’utilisateurs dans le monde qu’au niveau de son contenu toujours plus varié et important. Mais il est vrai que ce web, qui ne connait pas de frontières (il est justement "world wide") a une étendue qui devient de plus en plus imperceptible. Chaque Etat devrait respecter la liberté du web (socle sur lequel ce dernier est bâti) mais tout Etat a également un devoir de protéger ses citoyens et leur garantir la liberté de leur vie privée. Les données de plus en plus importantes qui sont échangées et qui circulent sur le web posent surtout le problème de leur protection et de leur confidentialité. C’est sur ce point qu’il semble nécessaire de légiférer mais pour que des règles soient efficaces et applicables, il faudrait que celles-ci s’appliquent à tous les pays car le web ne connait pas de frontière. Dans ce sens l’idée de Monsieur Aubagnac de créer une “institution internationale composée des ministres en charge du numérique de chaque État, qui se réuniraient en Assemblée régulièrement afin de prendre des décisions” me semble être une idée très pertinente. En effet la mondialisation et notre monde de plus en plus connecté nécessite que des solutions soient appréhendées au niveau global mais applicables au niveau de chaque pays pour atteindre finalement, une efficacité globale.

J. V. Jones a dit…

Les fonctions régaliennes devraient elles inclure la gestion du Web? Question délicate. Le web s'apparente à un enfant trop fougueux pour obéir à une maman aussi sévère que l'Etat. La liberté qu'offre le web aux utilisateurs se verrait sans doute entravée par l'Etat, friand de règles, interdiction et buts lucratifs. Le post explique comment la Chine et la Russie ont choisi de développer leurs propres moteurs de recherche pour tenir les entreprises étrangères à distance, mais l'auraient-ils fait aussi pour contrôler l'information que lisent et reçoivent leurs peuples? Ne parlons même pas de la Corée du nord.
Mais pour autant, nous voilà insatisfaits de l'absence d'intervention de l'Etat quand les choses ne vont pas. La société est choquée de certains aspects de la pornographie, agaçée par les pirates ou hackers informatiques qui inventent les virus les plus ennuyants, diffamations, exposition de la vie privée... Il semblerait que le web soit un univers contenant sa part de criminalité, donc pourquoi l'Etat ne créerait-il pas une police adaptée?
Finalement, peut-être que l'enfant, c'est l'humain: peu enclin à se laisser priver de la liberté que représente le web, mais paniqué à l'idée que maman l'Etat n'impose pas de règles pour le protéger.

Gallois 14 a dit…

Tout à fait d'accord pour réformer à ce niveau...Dans le cas de la taxation de la publicité en ligne et du e-commerce proposé par le sénateur Marini (mais rejeté en début de semaine), il était nécessaire de ne pas négliger les petits du e-commerce par rapport aux géants du Net comme Amazon accusé aujourd'hui d'évasion fiscale. En effet comme l'a précisé Marc Lolivier délégué général de la FEVAD « Le e-commerce n’est pas un eldorado financier pouvant supporter le poids d’impôts destinés à compenser les baisses de recettes fiscales » avant d'ajouter que cette proposition de loi s'était trompée de cible. Le Web demeure un univers compliqué dans lequel il sera difficile d'imposer de nouvelles règles.

Bird_face a dit…

La question est d'autant plus d'actualité avec l'ouverture de la CMTI de l'UIT à Dubaï, première renégociation d'un traité de 24 ans, donc qui ne contenait aucune disposition sur Internet...Le combat entre un Internet libre et régulé commence.

MEunierH a dit…

"Les données personnelles sont le nouveau pétrole de l'internet" , pourquoi pas aussi l'occasion d'une nouvelle taxe en France ! La mission chargée de réfléchir à la "fiscalité du numérique" s'oriente vers une imposition déterminée par la politique des entreprises en matière de données personnelles . Ainsi plus l'entreprise met à disposition les données qu'elle récolte et moins elle est taxé . Sous contrôleur de l'utilisateur bien sur "Smart disclosure" aux Etats Unis , mouvement visant à instaurer le partage des données personnelles . Un marché de données qui représente 28 milliards de dollars en 2012 et 36 milliards pour 2013 selon le cabinet GARTNER comme le précisait le Monde dans un article sur la "mine d'or du big data" . Créer une e TVA serait ainsi un moyen de faire contribuer les géants du net exploitants ces données à caractère personnelles .
Mais ce n'est pas gagné, en effet plusieurs problèmes se posent à l'instauration d'une telle taxe , les acteurs eux mêmes qui ne sont pas pret à payer et la CNIL qui n'a pas encore échangé avec la mission fiscalité du numérique !
Une fois de plus la France a un coup de retard dans le numérique..

Gallois 14 a dit…

Pour information, le rapport Collin & Colin qui portera sur la fiscalité du numérique entend bien lutter contre l'optimisation fiscale et taxer la détention par les géants du Net des données personnelles...Attendu fin janvier, ce rapport s'engage à poursuivre 3 angles d'attaque :un durcissement des contrôles fiscaux, l'accélération de l'harmonisation des règles entre les pays grâce à l'OCDE et la création je cite d'une "nouvelle dîme sur les données des internautes, source de richesse pour les géants du WEB" (cf. l'Expansion, le Fisc français à l'assaut des géants du Net, écrit par Emmanuel Paquette)