vendredi 31 janvier 2014

Portable et Wearable

Tablette de cire et stylet (Pompei)


La portabilité, dans la communication, est affaire ancienne et a fait l'objet d'une recherche constante. La tablette de cire, le stylo-plume (avec réservoir), la machine à écrire, la radio, le tourne-disques, le carnet, l'agenda en papier, le livre de poche...
D'abord, le PC est devenu portable, moins lourd, et, surtout, doté d'une batterie le libérant des branchements, de Wi-Fi pour le Web...
Puis le téléphone, à son tour, est devenu portable ; sans fil, avec batterie, tenant dans la poche, emportant avec lui, compacte, une bureautique de base : agenda, carnet d'adresses, montre.
Puis, de plus en plus intelligent, l'iPhone : le premier smartphone emporte des applis, allant bien au-delà de la bureautique rapprochée : messagerie, courrier, photo, météo, bourse, musique, plans, jeux, notes, dictionnaires... La téléphonie a ses librairies (appstores) qui comptent des millions d'applis à télécharger, plus ou moins utilisées... Portabilité généralisée à la demande.

Et voici les montres, nec plus ultra de la portabilité.
Prenons l'exemple de la montre la plus avancée et la plus reconnue actuellement, la Pebble, financée par crowdfunding avec kickstarter.
En plus de donner l'heure - on peut choisir son cadran parmi des centaines, une Pebble capte les signaux provenant du smartphone via Bluetooth : messages, courriers, appels téléphoniques, alertes diverses (notifications), alarmes, suivi d'activité sportive (RunKeeper). Pebble a désormais sa librairie d'applis (un millier), ses développeurs et son kit de développement (SDK). Parmi les applis annoncées pour la version 2.0, citons : ESPN Sportscenter (Disney), Yelp, Pandora (musique), GoPro (photo sportive), Foursquare, Mercedes-Benz, iControl (domotique)... Interactive, la montre interagit avec le smartphone pour sélectionner la musique, l'interrompre ; elle fonctionne comme une télécommande pour diverses applis domotiques, photo, etc.
Alerte courrier sur Pebble
La montre-bracelet portée au poignet est donc encore plus portable, plus proche que le smartphone qui est dans la poche ; elle dispose de fonctionalités réduites et simplifiées mais on l'oublie moins, on risque moins de la perdre. A l'extrême de la miniaturisation, elle est contrainte par des questions d'énergie et de batterie, et de lisibilité.

Le wearable conjugue donc deux modalités de portabilité : la légéreté et l'autonomie, le fait d'être sous la main ("Zuhandenheit"), d'une part, et, d'autre part, l'extrême proximité de ce que l'on porte sur soi, comme on porte un bijou, un vêtement (to wear a watch / to wear a jacket), que l'on a sous les yeux, qui nous touche (vibration).
La Pebble, smart watch, est un prolongement non autonome, et conçu comme tel, du smartphone, mais un prolongement commode, qui peut devenir indispensable.
  • Une montre bracelet peut-elle devenir une extension du système économique et technologique du smartphone ?
  • Une montre peut-elle remplacer un smartphone, être autonome sans devenir encombrante ? 
Les constructeurs de smartphones, et notamment Apple, ont à coup sûr ces questions en tête de leurs préoccupations. Les bijoutiers aussi, peut-être. Le "wearable" peut être assimilé par le luxe et la mode : montres, lunettes, tissus et vêtements (smart sensing).


N.B. On notera que l'on a pensé à une montre audimétrique pour enregistrer les comportements des auditeurs et téléspectateurs (cf. Telecontrol).

lundi 27 janvier 2014

Panels TV aux Etats-Unis : Rentrak bouscule Nielsen


Coup de tonnerre dans le marché publicitaire de la télévision nationale : le network américain CBS utilisera Rentrak pour la mesure de son audience nationale, entamant le monopole de Nielsen pour la première fois depuis la superbe mais vaine tentative de AGB dans les années 1980. CBS explique sa décision par le besoin d'aller au-delà des ciblages socio-démographiques vers une source unique associant données d'audience et données d'achats afin de pouvoir apprécier l'efficacité des campagnes publicitaires sur les ventes (ROI).
Pour cela, Rentrak recommande de combiner ses données de panel avec les données de l'annonceur (first-party) et des données tierces fournies (third party consumer behavior information) par Polk, Experian Simmons, Epsilon et MasterCard. Ces data de comportements d'achat permettent un ciblage publicitaire des affinités a priori plus précis.

Ces nouvelles informations produites par Rentrak seront mobilisées par CBS pour la négociation des espaces publicitaires et, notamment, pour le prochain upfront market. Le network utilisera les TV essentials de Rentrak qui combinent :
  • Les Advanced Demographics Ratings : taux d'audience calculés à partir d'un panel de 12 millions de foyers TV (plus de 10% des foyers TV) et de 25 millions de set-top boxes (STB de Cox et de DirecTV). Cette taille de panel, que Rentrak qualifie de census-like pour la distinguer, selon ses termes, de la sample currency de Nielsen, permet de gagner en granularité et de disposer d'informations d'audience sur plus de 240 chaînes.
  • L'Exact Commercial Rating (ECR) : pour l'analyse publicitaire, Rentrak évalue le taux d'audiences de chaque message publicitaire (commercial) et non, comme Nielsen, l'audience de l'émission (C3) où se trouve le message. Cette mesure (ECR) permet un achat d'espace plus précis et plus sûr, notamment pour le calcul des taux garantis et des compensations - make-goods - avant et après l'achat upfront.
Rentrak est implanté depuis plusieurs années sur le marché local de la mesure des audiences et de la publicité (210 DMA). Son StationView Essentials a pour clients des groupes de stations comme Gannett, Hearst, Sinclair, Tribune Co., Nexstar, Scripps... Nielsen NSI comme Rentrak recourent à des panels locaux mais ceux de Rentrak sont incomparablement plus importants : par exemple, à Dallas (DMA N°5), Nielsen compte environ 2 000 panélistes, quand Rentrak en compte plus de 500 000 (soit un foyer TV sur cinq). Dans de nombreux DMA, Rentrak compte déjà plusieurs clients ; dans celui de Springfield (Missouri, N°75), toutes les stations sont mesurées par Rentrak. TV Essentials et StationView Essential sont en cours d'audit par le MRC, d'où sortira sans doute un débat sur la représentativité.
Pour la mesure de la réception de la télévision locale sur des supports mobiles, Rentrak dispose d'un accord avec Dyle.TV (technologie proche de celle de Aereo et autres) présente dans 38 DMA. C'est le début d'une mesure locale multi-écran (cross device).

Mise à jour 14/2/2014
Rentrak a passé un accord de partenariat pour combiner ses données TV avec les données mobiles de comScore. L'ensemble sera mixé par Experian et vendu à Mediabrands qui en fera un outil mixte TV / Web.

Mise à jour 26/8/2014
28 stations de Fox Television souscrivent à Rentrak pour la mesure de l'audience locale. Rentrak déclare disposer désormais de 26 millions de foyers avec set-top box (soit 60 millions de téléviseurs).

Mises à jour 10/10/2014
Zenith Optimedia (groupe Publicis) passe un accord avec Rentrak pour l'achat d'espace TV local.
Quelques jours plus tard, le groupe publicitaire WPP, par l'intermédiaire de sa filiale Kantar, prend une participation de 16,7% dans Rentrak.

mercredi 22 janvier 2014

Netflix / HBO : le tournant ?


Le désabonnement commence-t-il à toucher HBO et Showtime ? L'effet Netflix se préciserait-il ?
Au cours des deux dernières années, HBO et les chaînes premium auraient perdu 6% des foyers américains abonnés tandis que Netflix et les SVOD comme Hulu ou Amazon Prime en gagnaient 4%. C'est la conclusion d'une étude de NPD Group (State of SVOD, janvier 2014).
Tous les désabonnements n'ont sans doute pas Netflix pour cause, d'autant qu'il n'y a pas nécessairement substitution ; la situation économique des ménages y est aussi sans doute pour beaucoup. La commodité (binge viewing), la notoriété de Netflix, tout semble contribuer à favoriser la vidéo à la demande (VOD).

Toutefois, sitôt publiés, les chiffres de NPD Group ont été contestés tant par HBO (Time Warner) que par Showtime (CBS Corporation) et Starz qui, au contraire, déclarent voir augmenter le nombre de leurs abonnés. Pour l'affirmer, les chaînes s'appuyent sur SNL Kagan qui s'appuie sur des données fournies par l'industrie tandis que NPD Group a eu recours à un échantillon représentatif de 7 500 personnes de 13 ans et plus, issues de foyers disposant d'un abonnement Internet et à l'analyse de 450 000 transactions.

Nous sommes confrontés à une difficulté courante en marketing : deux sources, deux méthodologies, des déclarations contradictoires, des hypothèses interprétatives mais pas de vérité, pas d'analyse méthodologique. Impossible de trancher d'autant que le comptage n'inclut pas l'explication par les personnes interrogées de leur stratégie d'abonnement.

En conclusion :
  • On peut croire, spéculer mais, finalement, on ne sait pas grand chose. Ni si la SVOD mord sur le marché des chaînes premium (HBO, Showtime, Starz), ni si ces dernières résistent, ni si les téléspecateurs combinent plusieurs modalités d'accès aux programmes de cinéma et de fiction, jusqu'à quel point. Il n'est pas d'arbitrage possible. Seule certitude vraisemblable, consensuelle en tout cas : même si aucune chaîne ne perd d'abonnés, même si elles en gagnent, Netflix et la SVOD en gagnent. Effectivement, Netflix a gagné 2,33 millions abonnés payants au dernier trimestre 2013 pour un total de 34,3 millions d'abonnés aux Etats-Unis (22 janvier 2014).
  • A quoi / à qui servent de telles études si elles n'acroissent pas la connaissance ? 
  • Pourquoi pas un audit comparé de ces deux études (MRC) ?
N.B. NPD Group semble s'être rétracté le jour même.
Voici son communiqué, cité par Broadbandtvnews : “The data used for the press release pertains to aggregate results for all premium TV channels and does indicate that the overall number of subscribers has declined, based on a representative sample of the US population. However, upon further examination of the results, there is data supporting the conclusion that individual subscribers are either subscribing to more channels, or adding channels over time. In that case, faithful premium channel subscribers are becoming more so – which would be consistent with the subscription increases being reported by individual channels".

dimanche 19 janvier 2014

Loisirs créatifs : La Maison Victor, magazine professionnalisant


La Maison Victor
"La plateforme créative d'idées à confectionner soi-même" (sous-titre)

Distribution : Presstalis (ce premier numéro n'est pas facile à trouver)
Bimestriel : 5 numéros par an
6,95 € le numéro
Publié en Belgique et en France. L'éditeur (groupe Sanoma) est basé à Malines (Pays-Bas). Le magazine et le site sont en français ; certaines notations sommaires sont bilingues, français / néerlandais : les images, les patrons disent l'essentiel.

Le magazine est présent sur Facebook et Pinterest.

La couverture donne le ton d'emblée : "Plus de 30 idées de DIY (do it yourself)", "100% résultat garanti à l'aide de dessins et vidéos".
La Maison Victor est un magazine pour "faire", un guide pratique de loisirs créatifs : tricoter, crocheter, coudre, réaliser des vêtements et des accessoires.
L'utile, le plaisir, le meilleur marché, à domicile, à la mode : on ressort la machine à coudre pour habiller la famille en suivant des patrons, pour confectionner soi-même. Et des mannequins aux tailles réalistes, qui ressemblent aux lectrices et à leur famille ("toutes les silhouettes").
Ce n'est pas un magazine à lire passivement, à feuilleter distraitement. L'engagement est total.
En cela, son positionnement est radicalement différent de la presse qui brasse des opinions, fait voter (enfin, le fait croire), presse assoiffée de people en tout genre, politique, sportif, cinéma, variété, médias voire business.

Le magazine publie son manifeste : "Nous sommes des créateurs" (cf. texte infra) : la valeur première affirmée par ce manifeste est la personnalité et la personnalisation qui s'en suit, de facto. Ensuite, une proclamation démocratique : "tout le monde est capable de créer", la création n'est pas un don exceptionnel.

Copie d'écran sur le site
L'objectif de l'éditeur est de réhabiliter et déringardiser la couture et les loisirs créatifs en ramenant leur image dans la modernité : les amateurs se professionalisent.

Emblématique, la composition photographique réaliste qui juxtapose une machine à coudre, des bobines de fil et un ordinateur (MacBook Pro), une page du site de La Maison Victor à l'écran avec une vidéo. Cf. Communiqué de lancement (décembre 2013).

En ligne, le magazine propose aussi une boutique où l'on peut acheter des patrons (papier) mais aussi des leçons en vidéo (de 8 à 13 €, livraison gratuite en période de lancement).

Le travail pédagogique est méticuleux : marche à suivre et patrons, cours de couture. La réussite est promise : est-elle tenue ? D'après les blogs spécialisés couture, il semble que cela soit probable.
Manifeste de la créativité : Copie d'écran sur le site

lundi 13 janvier 2014

5 Trends for 2014: the Year of the Sensor


What's changing in 2014? What do we feel is coming? An educated guess.
  • Sensors of all kinds are making things smart and producing lots of data
    • Wearables: bracelets or earbuds and even shirts automatically collect biometric data about us: quantified self, personal analytics. Fitness tracking is the major trend. Watches are popular but, for the time being, they are mostly repeating smartphone app notifications and they are not yet quite smart enough. Then there are also gadgets like toothbrushes, sensors to monitor newborns, to correct posture (against slouching), etc.
    • The wearables are often linked to personal health: they monitor sleep time, heart rate, weight, breathing, calories, footsteps. They send notifications about sunlight, air pollution, noise, temperature; it is like an intimate weather channel. 
    • With the Internet of things (home, car automation) sensors take command; with domotics, it is as if things of our house, the everyday things of our lives, were coming alive.
  •  Local advertising is still under-used: there is a high potential of advertising growth
    • Geo-targeting and location analytics are becoming more precise; micro-location even allows for spacial retargeting and mobile location panels. 
    • Now the store can track visitors - and not just customers - to learn about foot traffic in the aisle, attention to products, dwelling time... Since the store knows and recognizes you when you enter or just pass by, it might show its loyalty by sending you coupons, discounts, etc.
    • Digital e-commerce (e-tail) meets physical retail to synthesize in-store and out-of-store marketing : eBeacon, Presence Zone, etc. Sensors again.
    • DOOH is the new major local media, working in networks, national and local to build branding. Smart screens in venues, transportation, stores, malls, stadiums, multiplexes. New pools of data thanks to sensors. 
  • Disenchantment with the Web (Entzauberung). The Web has an image problem. The magic is almost gone and there is growing disappointment, a distrust of big imperialistic companies, flirting with spying, demonstrating arrogant behaviors such as disrespecting privacy or pillaging private data. These companies create a growing concern among users with regard to privacy and data leaks.
    • In many countries, and especially in Europe, people - and governments - are shocked to learn that major digital, meta media American companies do not pay taxes in Europe - or so little in comparison with their enormous advertising revenues.
    • Social networks and social messaging may be wearing out their welcome.
    • The GRP is back. Measurement and analytics are all over the advertising place; many panels compete to tell the truth about audience, engagement, reach...  Confronted with such disorder, the market will end up promoting a conservative order for assessing branding: the GRP.
    • Education "and its discontents" (Unbehagen). Education in schools and universities seems in dear trouble. It is in the front ranks facing digital change, and the so-called "destruction" has not been very "creative"... yet. Massive Open Online Courses (MOOC) are only a small part of the solution.
      • What is a textbook nowadays? What is homework? How should we teach in the digital context? How long should a class be? Should there be classes? Is teaching a full-time job? How to adapt university architecture to digital learning? Nothing should be taken for granted anymore... change is necessary.
      • Generally, universities are poorly equipped, they cannot adapt quickly enough to technological change. Students, as well as those who teach, feel this, experience it every single day. Parents suspect it. Not much is done. When will this be taken seriously?

    mercredi 8 janvier 2014

    Réseaux et studios américains : interdépendance et statu quo


    Les studios américains les plus importants (Hollywood) dépendent pour une grande part du revenu des chaînes qu'ils contrôlent ; elles représentent une composante essentielle de leur bénéfice d'exploitation (operating profit). Leurs revenus proviennent pour partie de la publicité, mais surtout du versement des câblo-opérateurs (monthly fees). Rappel : selon SNL Kagan, ESPN, par exemple, touche plus de 5,5 $ par abonné par mois (100 millions d'abonnés).
    On comprend, à la lecture de ces données, la sensibilité des relations studios / réseaux : les studios font tout pour ne compromettre en rien le modèle économique des principaux câblo-opérateurs (MSO) et, notamment, pour protéger l'abonnement groupé (bundling) contesté en faveur d'achats à la carte, ainsi que pour maintenir le principe de la rémunération négociée de la retransmission (retransmission consent, lutte contre Aereo, etc.).

    Données calculées pour les trois premiers trimestres 2013. Source : The Hollywood Reporter, January 10, 2014

    vendredi 3 janvier 2014

    TV en ligne : un network riposte


    Aux Etats-Unis, ABC, le network national grand public de Disney vient de décider que seuls les abonnés à certains distributeurs (MVPD, Multichannel Video Programming Distributor) pourront accéder en ligne à ses émissions le lendemain de leur diffusion sur la chaîne.
    Ces MVPD sont :
    - pour les télécoms : U-verse (AT&T) et FiOS TV (Verizon)
    - pour les opérateurs du câble : Cablevision Systems, Charter Communications, Comcast, Cox Communications,, Midcontinent Communications.
    - Google Fiber et Hulu Plus

    TV à deux vitesses
    Les abonnés devront s'authentifier à l'aide de leur code d'abonné pour accéder aux émissions de ABC.
    Quant aux abonnés d'autres opérateurs du câble comme Time Warner Cable ou du satellite (Dish Network, DirecTV), ainsi que les non abonnés, ils devront attendre une semaine ou s'abonner. Notons que Fox a déjà pris une mesure du même ordre pendant l'été 2011 (incluant Dish Network).

    De facto, telles mesures visent à protéger les distributeurs de télévision payante (réseaux câblés, satellite, télécoms) et les stations loclaes, à limiter les désabonnements (cord-cutting) et à maintenir le marché publicitaire traditionnel de la télévision (national et stations locales). Il s'agit d'une alliance manifeste entre des grands réseaux de distribution et certains networks.
    C'est peut-être l'amorce d'un tournant stratégique conservateur dans l'économie de la télévision et des programmes. Cette mesure se propagera-t-elle à d'autres networks et à d'autres MVPD ?