vendredi 24 novembre 2023

Les inégalités dans le monde, occidental surtout

 Le Monde et La Vie, L'Atlas des inégalités. 6000 ans d'histoires. 150 cartes & infographies, 184 p.

Voici un bilan social et économique de l'évolution des inégalités dans le monde. Vaste projet ! Le bilan est dressé moyennant force tableaux statistiques, cartes géographiques et histogrammes. L'essentiel est consacré au monde occidental, mais quelques pages sont consacrées au Japon ou à l'inde. D'une manière générale, le bilan dit peu de choses sur les responsabilités des religions dans la création et la perpétuation des inégalités : La Vie, hebdomadaire autrefois "catholique" illustré, est co-éditeur alors...

Le magazine se compose de cinq parties. Tout d'abord, de quoi parle-t-on ? Alors cela commence par des mots : guerre, violence, responsabilité, appropriation (donc la propriété ?), mais aussi écosystème ("personne ne tient debout tout seul"), l'exil, le colonialisme, le climat, l'âge et l'on pourrait en ajouter, des mots empruntés au vocabulaire juridique, notamment. Mais les juristes sont presque absents de la discussion...

Ensuite vient, ou devrait venir, l'histoire. Mais l'on n'y apprend peu de choses. Toutefois Anne Doustaly, normalienne, confronte l'Europe et le Japon féodal et souligne qu'est encore peu étudiée la situation des femmes. Jean-Louis Margolin, normalien également, est l'auteur d'un article sur le racisme et Pierre-Noël Giraud, économiste et polytechnicien met l'accent sur les "inégalités d'accès" (à la santé, à l'éducation, à la vie politique, etc.). L'utopie de l'égalité traite de l'uniforme scolaire et du service militaire (facteur de mixité ?). 

Le chapitre 4 traite des inégalités en France. Il commence par un entretien avec le démographe Hervé Le Bras qui, après avoir dressé un bilan réaliste des inégalités, conclut que la France reste un pays traditionnel où les changements sont lents. Les métiers invisibles (assistantes maternelles, livreurs, éboueurs, caissières, etc.) font l'objet d'un article, hélas trop court. Analysant les inégalités scolaires, Marie Duru-Bellat (ex. IREDU) rappelle des sujets qui peuvent fâcher : les élèves de 15 ans ont un niveau réel de connaissances souvent médiocre, car le diplôme ne dit pas tout et "l'école parallèle" est souvent inefficace pour les enfants dont les parents ne savent pas, ou ne peuvent pas, transmettre à leurs enfants ce qu'il leur faudrait savoir pour réussir à l'école. Les déserts médicaux croissent partout en France : les médecins généralistes se font rares, ils fuient les régions, les quartiers pauvres. Alors, que faire ? Intervenir pour modifier le marché médical, améliorer les rémunérations des médecins ?

La dernière partie est plus générale. Thomas Piketty souligne l'aggravation mondiale des inégalités patrimoniales, des inégalités liées au genre et des inégalités environnementales (les émissions de carbone). On notera la performance de l'Europe, encore insuffisante certes mais meilleure que celle du reste du monde (y compris des pays dont les chefs d'Etat, Chine ou Russie incluses, donnent des leçons !). Quant à la liberté de se déplacer, elle est certes favorable aux habitants des pays riches où le droit existe mais aussi, et surtout, elle est favorable aux riches et puissants des pays pauvres où ce droit n'existe pas. 

Et c'est toujours la même histoire que racontent, sur tous les tons et dans toutes les formes scientifiques, les auteurs de ce hors-série. Tout est décidément trop court mais devrait ouvrir, pour les lectrices et lecteurs, l'appétit de savoir mieux ce que chacun d'entre nous peut faire pour réduire ces inégalités. Et il y aurait tellement d'inégalités à distinguer, à dénoncer...


dimanche 12 novembre 2023

Noël magique et complet avec Modes & Travaux

Modes & Travaux, Noël magique, mensuel, 3.5 €, 124 p.

Rappelons tout d'abord qu'il y a toujours eu un "Cahier couture" dans Modes & Travaux. Ce patron, qui vise les tailles de 36 à 48, est inclus dans le numéro avec des conseils pour la coupe du tissu, les essayages et l'assemblage ("patron de la robe de fête"). Ce numéro de ce magazine féminin doit aider" ses lectrices à "préparer des fêtes de Noël inoubliables" : comment ? 

Il y a d'abord les cadeaux "créatifs"(37 idées cadeaux à offrir !), de 12 à 200 €, "pour les petits...  et les grands enfants". Ensuite vient la mode : 'Réveillon, on sort le grand jeu !". Le dossier mode propose tout un arsenal pour les fêtes de fin d'année : des robes et des tops, des bottines et des escarpins, des gilets et des jupes, des chemises accompagnées de toutes sortes de bijoux, bracelets, sacs, bagues et colliers. Et puis, il y aussi des patrons pour les lectrices couturières "expertes".

Le magazine propose également 3 pages sur les parfums à offrir, ou à s'offrir, pour les fêtes : une vingtaine de  marques dont la journaliste "décrypte" les "grandes nouveautés pour nous aider à faire notre choix" (pp.41-43). Ces 3 pages sont suivies de 2 pages sur les mascaras.

"15 idées pour mettre la maison à l'heure de Noël" : décorer la table, le sapin, les escaliers, les fenêtres, les paquets cadeaux. Décorer le lieu de vie avec du papier, un calendrier de l'Avent, les étoiles, les lampions, les sapins. 

Le magazine montre aussi comment décorer un chalet à Mégève. Il s'agit de faire rêver, bien sûr, car très rares sont les lectrices qui disposent d'un chalet à Mégève !

Le menu de réveillon est appétissant, et facile à réaliser, de la bûche framboise chocolat blanc à la couronne poire-chocolat, du jambon de Noël aux épices au rôti de dinde farci aux fruits secs, des poires au foie gras et au pain d'épices jusqu'aux sablés apéritif aux pommes ; le menu est complet en 6 pages, bien illustré, auxquelles s'ajoutent de petites gourmandises et surtout de délicates mignardises : sablés, truffes en chocolat, financiers, macarons, tuiles aux amandes et, pour finir, "un gâteau féerique" avec chocolat, ganache...

Et la publicité ? Ah ! Il y en a, et même, d'une certaine manière, on peut dire qu'il n'y a que cela : de la 4 de couv pour L'Oréal aux jouets Lego offerts par Leclerc ou à la publicité pour la radio Nostalgie ou au nouveau magazine marmiton. et, bien sûr, il y a les auto-promo de Modes & Travaux : " Mon Cahier créatif" pour les enfants (les lectrices sont des parents et des grands-parents), les fiches abonnement avec la montre cadeau, le hors-série "Mon dressing d'hiver" avec 10 patrons exclusifs. D'une manière générale, pour tous les produits mentionnés, le magazine indique le prix et le moyen de l'acheter (avec en fin de magazine, les "adresses internet du numéro". Dans nos sociétés, tout est à acheter, alors ce magazine est franc.

Et puis, pour finir ou pour commencer, il y a aussi les 30 étiquettes cadeau et les "100 étoiles pour illuminer vos fêtes !" 

Voici un magazine qui se veut utile à ses lectrices, sur tous les plans.

dimanche 5 novembre 2023

L'Express a eu soixante dix ans

L'Express. Le numéro de nos 70 ans. 1953-2023, 220 p., novembre 2023, 12,9 €

Cela commence par deux pages consacrées à Cartier (une montre) suivies par par deux pages pour Dior (parfum), suivies par deux pages de Kering (diverses marques), suivies par deux pages de Bucellati (des bagues), suivies par deux pages de Jaguar (automobile), suivies par deux pages de Glenfiddich (whisky), suivies par une page de DS (automobile)... Et alors, enfin, vient un sommaire - d'une page... Et l'on pourrait poursuivre l'inventaire publicitaire sur plus d'une centaine de pages... C'est le prix à payer pour lire le magazine, en plus des 12,9 € du prix facial...

Deux belles pages (pp. 164-165) montrent et résument l'histoire de la géographie du titre (l'emplacement des bureaux), l'évolution de la direction de la rédaction (seulement 3 femmes sur 14), mais des unes avec des seins nus (de femmes), l'évolution du logo. On aurait pu faire mieux et entrer dans les détails, analyser les déplacements géographiques dans Paris, la démographie des directions... Mais L'Express n'est pas sociologue.

Donc, c'était il y a 70 ans, le journal de JJSS paraît alors comme supplément des Echos du samedi (Les Echos est la propriété du père et de l'oncle de Jean-Jacques Schreiber). L'Express défend d'emblée la politique de Pierre Mendès-France qui devient président du Conseil (18 juin 1954) ; il met fin à la guerre d'Indochine (le Viet Nam), donne son autonomie à la Tunisie. Dans l'hebdomadaire écrivent François Mauriac (prix Nobel), Albert Camus, Jean-Paul Sartre et d'autres... Le magazine envoie Françoise Sagan (Bonjour Tristesse) à Cuba (1960). Jean Daniel (Bensaïd) est recruté, il quittera L'Express pour créer France-Observateur (qui deviendra Le Nouvel Observateur). L'Express dénonce la torture, demande à l'IFOP un sondage sur les jeunes de 18 à 30 ans qui lui permet d'annoncer "la nouvelle vague". En 1956, Françoise Giroud dénonce la législation anti-avortement. L'Express est censuré, de nombreuses fois. Brigitte Bardot est victime d'une demande de rançon de l'OAS, qui pose des bombes aux domiciles (Françoise Giroud, Jean Daniel, etc.). En 1954, Madame Express voit le jour avec Christiane Collange (la soeur de JJSS !). 

Voilà, c'est le début de l'histoire. L'histoire, les petites histoires qui suivent sont celles de la France. C'est un beau numéro que l'on aura plaisir à feuilleter, à lire aussi pour retrouver toutes ces années passées, ces célébrités politiques dont on ne sait plus rien aujourd'hui, et ces pages de publicité que déjà on oublie.