jeudi 1 mai 2008

L'espace et l'image de la presse







La presse a un problème d’image, et d'espace. Gratuite, elle déborde quotidiennement des poubelles du métro, s’entasse à l’entrée des universités. Piétinée, abandonnée sur place.
Dans les points de vente spécialisés, sur des linéaires souvent encombrés, des centaines de magazines s’empilent, attendant la relève et le chaland fouineur. Trop rares occasions de voir ! Malgré tous les efforts du réseau de vente (exemple : la "certification merchandising" des diffuseurs par les NMPP, en cours), une extraordinaire richesse reste méconnue, invisible. L’esprit de la loi Bichet (loi qui fonde le droit à la distribution depuis 1947) doit être mieux défendu : la liberté de la presse et de sa diffusion (son fameux Article 1), c’est aussi la capacité d’être vue et feuilletée avant d’être lue. Offrir impartialement des occasions de lire !
La presse a besoin d’espace pour être vue afin d'être lue. A-t-on déjà conduit des études Vu-Lu (ou plutôt Vu-Feuilleté) sur le point de vente pour les titres distribués ? A quoi rime le droit de distribuer sans le pouvoir d’exposer ? Et que l'on nous épargne le topo, fort suspect, sur une nécessaire réduction du nombre de titres distribués (à ne pas confondre avec le légitime "plafonnement des quantités"). Pour faire plus d’un heureux, il faut plus d’un journal !
Il arrive que la presse prenne toute sa dimension, que lui soit donnée l’occasion d'exposer sa profusion. Par exemple.
  • Premier cas. Quand la presse magazine est présentée dans l’environnement commercial qui lui convient. Affinité spatiale, logique : la presse maison et bricolage dans les magasins de bricolage et décoration, la presse de beauté dans les parfumeries, près des linéaires de maquillage, la presse de glisse dans les magasins vendant rollers et planches… Quelques titres seulement, voire tous les titres du secteur (et l’on retrouve l’esprit de la loi Bichet) mais dans un environnement favorable. Ciblage parfait qui ne peut que convaincre les annonceurs de ces titres, captifs ou non.
  • Deuxième cas. Quand la presse fait salon. Il est des lieux de détente, de rencontre et de socialisation où la presse trouve sa place, où elle est mise en valeur : certains cafés, par exemple. Où elle participe de l’attente, de la flânerie, de la rêverie. Où le lecteur qui feuillette est bien vu (N.B. l'audience qui "feuillette"dans le point de vente est prise en compte par les études de lectorat).
Voici (cf. photos en tête de ce post) deux illustrations américaines. Le News Cafe avec terrasse le long d’une grande rue passagère (Miami, Floride), et un café plus modeste dans un centre commercial (mall) de la même agglomération.
En revanche, photo ci-contre (prise aussi au téléphone, mal éclairée), l'avertissement donné aux clients d'un point de vente de l'Est de la France : sur l'affiche jaune, en haut du présentoir, on lit : "Réservés à la vente // Pas à la lecture".
Opposition édifiante de deux modes d'exposition.
On peut songer aux cabinets de lecture d’autrefois, « boutiques à lire » (cf. le beau travail de Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac). Mais, pour aujourd'hui, on devrait d'abord penser au renouvellement du marketing de la presse dans des points de vente qui pourraient être aussi des lieux de vie, d'aventure intellectuelle et de curiosité.
Dans le cadre de la réflexion sur l’évolution de la presse, les éditeurs et la distribution devraient repenser la publicité sur les points de vente et d'abord autour : à quoi riment ces affiches enchaînées devant le magasin (cf. photo de gauche au bas de ce post), inesthétiques voire vulgaires (on est sur le chemin d'écoles maternelle et primaire), que le point de vente se voit imposer contre une rémunération parfois humiliante (espace accordé par la mairie) ? Tout le merchandising doit être revisité par les nouvelles technologies. Par exemple, quelle place donner aux écrans dans cet univers (cf. tout au bas de ce post : un distributeur de presse quotidienne avec écran numérique, dans un point de vente près de Boston), comment optimiser la circulation des clients, les rapides et les flâneurs, quel rôle confier à la vitrine (en connaît-on l'efficacité ?), quelle place pour le Wi-Fi, quelle efficacité des linéaires, des présentoirs ?

Il faut des lieux efficaces pour des acheteurs pressés, décidés, et d’autres propices aux lectures rêveuses, heureuses, suscitant un achat d'impulsion lente. Des lieux mixtes aussi. La variété et la qualité des modes d'exposition sont une dimension de la liberté de la presse, liberté vécue au jour le jour. Elles constituent aussi une riposte dans la concurrence entre médias alors que la télévision s'apprête à la portabilité et s'infiltre dans tous les lieux de vie hors des domiciles (cf. notre post ci-dessous : "la télé n'est plus seulement au salon"). Elles participent enfin de l'ambiance de la ville et de la rue.

2 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Il y a en effet un constat à faire en France sur la façon dont sont agencés les points de vente de la presse écrite. Tout d’abord, le flux entre les personnes qui souhaitent prendre leur temps pour choisir leur magazine et celles qui savent déjà parfaitement ce qu’elles veulent est mal géré. Cela est très certainement dut à l’emplacement et parfois au manque de place dont disposent les kiosques. Donc l’aménagement des espaces de distributions de la presse écrite est très important. Dans ce cas, pourquoi ne pas faire comme aux Etats-Unis ou encore comme en France à la FNAC pour les livres, des magasins qui ne vendraient que de la presse écrite. Ils seraient suffisamment lumineux et auraient l’espace nécessaire pour donner envie de s’arrêter et de feuilleter (et d’acheter peut-être plusieurs magazines par la suite). Ce type de magasin aurait la place pour mettre des fauteuils et surtout proposer aussi bien de la presse spécialisée que de la presse dite « générale ». Cependant, je ne plaide pas du tout pour la disparition des kiosques car ils sont importants pour l’accessibilité de la presse.
Une autre idée me semble intéressante, si elle n’existe pas déjà : les éditeurs devraient distribuer gratuitement des magazines aux médecins qui ont leur propre cabinet. En effet, il n’est pas rare que les patients feuillètent les magazines qui se trouvent dans la salle d’attente. En ajoutant au fait que cela augmenterait le nombre de personnes qui feuillètent le magazine (qui sont des personnes intéressantes pour les annonceurs), cela pourrait aussi augmenter le nombre personnes l’achetant car il est souvent difficile de finir la lecture d’un magazine commencé dans une salle d’attente…
Par rapport à la question de la mobilité et de la concurrence entre les différents médias, il me semble important de regarder avec attention l’évolution du numérique. Prenons l’exemple de l’e-book qui va bientôt nous permettre d’avoir plusieurs livres dans un seul boîtier numérique. Ne serait-il pas possible que les magazines ou les journaux soient lus de la même façon ? Une personne achèterait sur internet les magazines qu’elle aime et les transférerait directement sur son lecteur de livres. Ainsi, en plus du site internet du magazine, le lecteur pourra avoir le contenu de celui-ci en numérique et non sous forme papier (ce qui serait un point positif pour le développement durable).
Ainsi, peut être que ces quelques idées pourraient aider à améliorer l’image de la presse écrite et les espaces qui lui sont dédiés.
F.B