mercredi 30 juillet 2008

Des écrans dans le métro de Shanghai

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Le métro de Shanghai (11 lignes) installe 292 écrans de 42 pouces sur deux de ses lignes (8 et 9, soit 271 000 passagers / jour). VisionChina Media ( 华视传媒) qui a gagné l'appel d'offre obtient pour ces deux lignes la concession en exclusivité de l'ensemble du travail média : production, installation, mediaplanning, régie publicitaire). Les messages (15 s) sont diffusés durant 16 ou 17 heures par jour. A terme, l'ensemble des 11 lignes touchant plus de 26 millions de personnes (CTR Research, fin 2007) sera couvert par VisionChina Media.

Cette société est déjà présente dans plusieurs agglomérations chinoises avec près de 50 000 écrans installés dans les bus et trains de banlieue (Beijing, Changchun, Chengdu, Dalian, Harbin, Nanjing, Ningbo, Shenzhen, Suzhou, Wuhan, Wuxi, Zhengzhou). Elle collabore pour les contenus avec les stations locales de télévision.
Après Focus Media (分众传媒,ascenseurs, cf. "Focus Media : la publicité prend l'ascenseur", AirMedia (航美传媒, aéroports, coté au NASDAQ depuis novembre 2007), VisionChina est à son tour coté au Nasdaq (VISN) depuis décembre 2007.

Un nouveau média publicitaire se met en place, puissant autant par la couverture que par la fréquence. Il cumule les avantages de la télévision pour ce qui est de la création et de la flexibilité en médiaplanning, donc de l'impact. La rupture avec l'affichage papier est radicale, irrésistible. Média de la mobilité urbaine, gratuit, qui informe et fait passer le temps, il accompagne dans sa vie quotidienne la plus grande partie de la population active. Audience prévisible, modélisable.
Ce média est en phase avec les inéluctables transformations de l'économie et de l'urbanisme. Moins de papier et d'impression (à la différence de l'affichage), associé à un moyen de transport que ne menacent ni l'enchérissement de l'énergie ni la lutte contre la pollution, il est lié vertueusement à la restriction du transport individuel dans le centre des villes.
De plus, sa modernité lui permet de disposer d'une mesure passive des audiences et des contacts comme aucun autre média. Et l'on est loin d'avoir entrevu toutes les possibilités d'interactivité qu'il peut susciter grâce à la téléphonie portable et à l'Internet mobile.
Tous les indicateurs convergent pour faire du numérique dans les transports l'un des grands médias de l'avenir.

Plusieurs chantiers doivent encore s'ouvrir pour donner à ce média de masse sa pleine dimension : une création et une créativité adaptées aux conditions de réception et qui maximisent la mémorisation et l'intérêt (agrément, likeability), un marketing innovant qui construit des cibles adaptées aux annonceurs (rythme et durée des voyages, typologie d'itinéraires, horaires, point de départ / d'arrivée, etc.), son marketing peut aller bien au-delà des variables socio-démographiques, souvent réductrices.
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dimanche 27 juillet 2008

Quand Internet compense la TV : vers un marché média unifié

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Lorsqu'une régie TV garantit une audience à son acheteur (client direct, agence média), elle prévoit des mécanismes de compensation pour le cas où le niveau garanti ne serait pas atteint. La procédure est courante dans l'achat TV américain depuis des décennies (N.B. Seul l'achat upfront est assorti de garanties, l'achat scatter n'en prévoit pas).

La mécanique commerciale des compensations se propage désormais d'un marché publicitaire à l'autre, de la TV à Internet.
On a déjà connu des cas où une audience insuffisante sur les écrans de la chaîne généraliste donnait lieu, faute d'espace disponible sur cette chaîne, au transfert des compensations sur des chaînes thématiques du même groupe. Il est de l'intérêt commercial de la régie de mainterir une offre en scatter (généralement un tiers de l'offre totale) ; or les compensations assèchent cette offre publicitaire, provoquant une diminution de chiffre d'affaires que ne compense pas la hausse des prix de cet espace devenu plus rare (ce qui incite les annonceurs à acheter d'avantage sur le marché upfront l'année suivante, etc.).

La régie publicitaire de ABC (Disney), le network américain, met en place une garantie qui prévoit d'effectuer les compensations éventuelles (make-goods) sur les sites de streaming du groupe. Exemple (fictif) : une chaîne a garanti n GRP sur une cible 25-49 pour une émission du jeudi soir ; l'audience réalisée s'avère inférieure à cette garantie, la chaîne compense avec de l'espace publicitaire dans les écrans de streaming du groupe (sites du groupe, plateformes diverses).
On passe donc d'une gestion mono-support de l'inventaire publicitaire à une gestion pluri-support (ou multi-plateforme), intra-groupe. Car on peut aussi imaginer des compensations d'Internet en TV ou sur des réseaux d'écrans dans les hypermarchés, les transports (digital signage). Le marché publicitaire devient ainsi plus dynamique et flexible donnant davantage d'espace à la créativité commerciale.
  •  Cette pratique confère à la diversification  multiplateforme des groupes médias une importance stratégique.
  • Discrètement, un système d'équivalences entre différents supports de publicité se dessine, définissant implicitement un "équivalent général" entre actions publicitaires ("cristal qui se forme spontanément dans les échanges", comme l'appelait Marx). La compensation devient monnaie publicitaire courante. A terme, se profile un marché où seraient cotées les monnaies publicitaires, définissant des parités et permettant toutes les opérations monétaires usuelles. La métaphore peut mener loin : quid d'une banque centrale, de réserves obligatoires, etc. Un marché média unifié se profile.

mardi 22 juillet 2008

Réponse à DS sur la mesure multiplateforme

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Suite au post du 17 juillet sur la mesure multiplateforme, DS s'étonne de la difficulté à mesurer l'audience des nombreux sites retransmettant l'émission de CBS (CBS Audience Network) : "Je suis étonné que la mesure dédupliquée d'un même contenu diffusé sur des centaines de sites soit si problématique".

En fait, cela tient à l'hétérogénéité des supports :
  • une chaîne de télévision nationale mesurée avec un audimètre individuel (du type people meter) et tenant compte de la consommation différée à J+3,
  • des sites Internet de streaming mesurés par des panels en ligne (Nielsen et comScore), et mesurés aussi par divers outils dits Webanalytics (pas de standard commun) ; les mesures obtenues par les uns et par les autres diffèrent grandement,
  • des services de vidéo à la demande sur le câble faisant l'objet d'une mesure particulière,
  • des chaînes sur téléphone portable avec des outils de mesure spécifiques.

Dans ces conditions, il est impossible de dire si un téléspectateur regardant l'émission sur la chaîne a aussi regardé les mêmes messages publicitaires sur Internet (répétition), autrement dit, quelle est le duplication internautes / téléspectateurs / mobinaute (duplication). La discontinuité est absolue entre ces 4 plateformes techniques.
A cela s'ajoutent plusieurs problèmes techniques qui alentissent la mise en place d'un standard pour la mesure de la vidéo, indifféremment au support.
  • Quel laps de temps prendre en compte pour totaliser les contacts (GRP) ? Il aura fallu des mois pour dégager un consensus sur la prise en compte de l'audience différée sur le téléviseur (effet des enregistreurs numériques, DVR et autres TiVo). L'accord sur un standard commun on et off line sera long car tout le médiaplanning télé reste fondé sur un principe suranné, celui de la diffusion unique et simultanée de l'émission : il faut aligner le médiaplanning TV sur celui d'Internet, qu'il en acquiert la flexibilité et la richesse.
  • Comment sommer des contacts provenant de supports hétérogènes ? On cuisine alors, comme l'on dit, des choux et des navets ... ce qui peut être une bonne recette, mais on ne peut donner de distribution de ces contacts globale. Ceci ne sera possible que lorsqu'une source unique alimentera en ligne téléviseur, ordinateur, console, téléphone (n tuple play). Une innovation de télé-achat comme celle de TiVo avec Amazon qui associe un site Internet avec une connection TV (mot de passe, identificateur communs) va dans ce sens. De même, l'association sous l'égide d'une filiale de Comcast (ThePlatform, la bien nommée) d'un service offrant les vidéo on-line pour les plus grands opérateurs du câble américain (Time Warner, Cablevision et Cox Communications, plus Comcast) va aussi dans ce sens. Dans ces deux exemples, la continuité télévision / vidéo en ligne est possible, donc la déduplication.
  • Enfin, peut-on admettre sérieusement l'équivalence, du point de vue de l'impact publicitaire, de contacts réalisés sur grand écran (téléviseur), sur petit écran (ordinateur) ou sur très petit (téléphone) ? La notion de contact doit être remise en chantier pour le médiaplanning du numérique : les contacts sont inégaux.
Pour finir, signalons, qu'une étude ad hoc publiée aujourd'hui par Magid Media Labs (menée pour CBS auprès de 50 000 streamers) établit que nombre d'internautes spectateurs de l'émission en ligne vont ensuite la regarder sur le téléviseur. Cette enquête établit aussi que l'âge moyen des spectateurs on line (38 ans) fait baisser l'âge moyen de l'audience de la chaîne TV (54 ans). 46% des internautes téléspectateurs de CBS regardent les émissions en ligne : l'audience Internet devient donc décisive pour la chaîne qui distribue les émissions comme elle l'est pour les scénaristes et les acteurs (d'où la grève de cet hiver). La distribution en ligne ne concurrence guère la distribution traditionnelle (câble, satellite, terrestre, télécoms), au contraire.
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samedi 19 juillet 2008

Baidu : l’exception culturelle 百度更懂中文

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Baidu est le premier moteur de recherche de l’Internet chinois : 60 % des recherches en Chine sont effectuées avec Baidu. La Chine est le premier pays au monde pour Internet, devant les Etats-Unis.
Comment Baidu a-t-il résisté à Google alors qu’en France, par exemple, Google détient plus de 90% de part de marché, ne laissant que des miettes aux moteurs issus de cultures européennes ?
Pour expliquer cette réussite, la direction de Baidu rappelle l’origine de la marque "Baidu" : mot à mot, Baidu signifie « très nombreuses fois », (百度 évoque un poème classique de la dynastie Song ("青玉案·元夕", 960-1279), écrit par 辛弃疾 (Xin qiji). Le poème décrit la recherche de l’âme sœur par un jeune homme, qui finit par la retrouver, après de nombreuses recherches, dans le chaos de la vie et de la ville. Imaginons un moteur de recherche européen qui devrait son nom à Du Bellay ou Pétrarque...

百度更懂中文 : "Baidu sait mieux le chinois" 


Baidu sait mieux le chinois que les Américains : c’est le thème d’un message publicitaire de Baidu diffusé à la télévision chinoise et sur Internet. Ce message illustre un tournant symbolique dans les rapports de forces culturels. 
Dans ce message, un jeune lettré du XVème siècle (Tang Bohu, (唐伯虎 de la dynastie Ming) s’oppose à un Américain. Le duel littéraire consiste à ponctuer un texte en vue d’une récompense. Ce duel de lecteurs suppose une maîtrise parfaite de la segmentation. Google et Baidu se sont affronté sur la question du segmenteur.
L’Américain, tout droit sorti d’un western, propose une lecture simpliste ; le jeune lettré entre en scène, s’esclaffe et administre, pinceau à la main, une leçon de segmentation : la segmentation est un problème clé pour un moteur de recherche en chinois où le même espacement sépare les "mots" et les caractères qui composent les mots (中文分词技术). Le texte affiché juxtapose trois fois en quatre colonnes les expressions "Je sais / Tu ne sais pas" (我知道你不知道). Avec ces caractères, sans changer leur disposition, on peut former nombre d'énoncés différents, selon la segmentation : "Moi, je sais ; toi tu ne sais pas. Je sais que tu ne sais pas, etc."
Baidu revendique la tradition culturelle au service du numérique, la culture particulière plutôt qu'une méthode universelle. Résistance culturelle et positionnement marketing vont de pair.

Universalité et uniformité
Comme l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert fondait les Lumières, les moteurs de recherche, outils de classement et d’exposition (indexation), universalisent l’accès aux cultures. Mais une culture ne peut être séparée ni de son organisation ni de sa langue. Un moteur de recherche ne peut se penser hors d'une langue et d'une culture, culture qui ne peut sans dommage être réduite à un stock lexical, tout comme le font également les outils de traduction automatique associés aux moteurs de recherche.

La solution : multiplier les moteurs au service de la diversité langagière. Dans ce domaine, comme l'établit François Jullien : "le châtiment de Babel, c'est la nécessité de traduire qui met au travail les cultures entre elles"(De l'universel, de l'uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures, p. 248). Cette affirmation vaut pour les moteurs de recherche dont l'objectif n'est pas d'effacer les différences mais plutôt d'en rendre compte (de même que traduire doit faire valoir les différences et non les abolir).

La part de marché de Google dans les recherches effectuées par les internautes est un symptôme : un même moteur de recherches, hégémonique, applique à des langues différentes une seule et même méthode, issue d'une seule langue. Le châtiment de Babel s'avère ainsi une bénédiction, une opportunité. Il invite l'organisation sociale à construire la concertation des différences plutôt que l'uniformité.

谢谢,岚
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jeudi 17 juillet 2008

You're watching "Big Brother"

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CBS diffuse l'épisode estival de Big Brother depuis le 13 juillet. Les téléspectateurs américains ne manquent pas de choix pour regarder cette dixième édition du reality show de Endemol. Le network a mis en oeuvre une stratégie multiplateforme tous azimuts :
  • la chaîne nationale (network), bien sûr
  • son site national cbs.com
  • la chaîne payante parente Showtime pour "Big Brother After Dark" (après minuit et demi) sur laquelle il y aura un talk show ("House Calls") et un streaming vidéo continu en direct (avec RealNetworks).
des plateformes de distribution vidéo sur Internet :
  • AOL, Microsoft, CNET Networks, Yahoo, Comcast (câblo-opérateur) Joost, Bebo, Netvibes, Sling Media, Veoh, entre autres
  • Automattic, Brightcove, Clearshipring, DAVE Networks, Goowy Media, meebo, MeeVee, Musestorm, Ning, RockYou, Slide, ViedoEgg, Voxant et vSocial.
et puis encore les sites Internet de médias locaux :
  • ceux des 29 stations de CBS (O&O), des 183 stations affiliées au network et de 144 stations radio
et la téléphonie :
  • sur le téléphone portable avec CBS Mobile Network ou MediaFloTV avec un jeu interactif en direct mis en place par CBS et AirPlay permettant la participation au Big Brother Live TV Challenge (gagnant un voyage pour la finale à Los Angeles). Sur les sites des partenaires publicitaires, des produits dérivés de toutes sortes : vidéo, photos, alertes, papier peint, sonneries, résumés, ...
Au total, près de 400 plateformes de distribution.

Quelques conclusions
  • Dispersion, émiettement des offres et sans doute, des audiences. Contrepartie logique d'une télévision offerte à la demande, omniprésente. Dispersion et omniprésence sont inséparables. Leur affecter séparément un signe, négatif à la dispersion, positif à l'omniprésence est sans intérêt.
  • Sans doute aussi, augmentation de l'audience globale (non mesurable actuellement).
  • Offre linéaire et délinéarisation totale coexistent (et ne s'excluent pas, comme on le rabâche parfois) et sont peut-être en synergie.
  • Notons l'absence de quelques plateformes dont Hulu, iTunes, YouTube (où pourtant se trouvent des extraits du même reality show diffusés dans d'autres pays).
  • Le plus complexe est bien sûr la commercialisation de l'espace publicitaire, de cette audience aux contacts multiples, dont il est difficile d'évaluer les GRP, faute d'une mesure d'audience multiplateforme capable d'observer les répétitions.
  • Et des contacts de nature variable, tant sociale que physique.

Voici l'avenir. Ce n'est pas l'enfer mais il faut pour l'instant laisser ses illusions statistiques en entrant dans cette nouvelle ère.
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lundi 14 juillet 2008

La TV publique et le Web : quel financement

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Les impôts (redevance, etc.) doivent-ils, peuvent-ils servir à payer les développements de la télévision publique sur le Web ? Est-ce la lettre et l'esprit de la loi ?
  • PBS.org, le site du network de la télévision publique américaine semble dépasser en audience les grands networks commerciaux. Selon Hitwise, PBS.org aurait une part d'audience hebdomadaire de 24% des visites (Semaine 3, juin), devant ABC (19%), NBC (18%), CBS (18%) et Fox (17%). Le network de secteur public attribue ce succès aux nombreuses heures de vidéo mises à disposition ainsi qu'à la qualité sans cesse améliorée de son référencement naturel.
  • La BBC programme un investissement de 85 millions d'€ d'ici 2013 pour la réalisation de 65 sites Internet couvrant la totalité des régions de Grande-Bretagne, BBC Local. La BBC prédit pour la vidéo locale une audience cumulée hebdomadaire de plus de 11% des foyers d'ici 2013. La BBC déclare qu'elle ne concurrencera pas les sites commerciaux et mettra ses contenus vidéo à disposition des autres médias locaux.
  • En Allemagne, les médias commerciaux (presse, TV) demandent au législateur de limiter le développement des chaînes publiques (ARD, ZDF) sur Internet : ils y voient une concurrence déloyale (distorsion de concurrence, Wettbewerbsverzerrung) de médias financés par l'impôt ("Rundfunkgebühr", cf. l'article du quotidien Handelsblatt).
Internet, média des médias, brouille les frontières entre médias et invite à un redéploiement à 360° du débat politique sur les financements publics des médias (télévision et radio publiques mais aussi "aides à la presse").

NB : Hitwise (groupe Experian) recourt à une méthodologie dite "network centric" pour évaluer les audiences à partir des données transmises par les FAI (Fournisseurs d'Accès Internet).
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mercredi 9 juillet 2008

L'avenir média de la météo

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On attribue au romancier américain Mark Twain la phrase qui donne la clé du succès médiatique de la météo : "Everybody talks about the weather but nobody does anything about it" (tout le monde parle de la météo mais personne n'y change rien). La météo est l'un des contenus les plus recherchés par les médias (Weather.com a une audience voisine de celle de CNN.com). Aux informations et prévisions, s'ajoute un aspect documentaire et vulgarisateur : réchauffement climatique, incendies de forêt, tremblements de terre, environnement, etc. Comme le sport et la bourse, la météo se repaît de statistiques mais aussi de cartographie, contenus automatisables, personnalisables, localisables. De plus, les événements météorologiques, presque toujours dramatiques, ne manquent pas et les présentateurs de la télé ont quelque chose de romantique : "Levez-vous orages désirés !" D'ailleurs, la météo a ses stars : James Cantore (The Weather Channel), Catherine Laborde sur TF1.

Aux Etats-Unis, la bataille pour la première chaîne météo, The Weather Channel (TWC), s'achève. Le groupe NBC (General Electric) l'acquiert auprès de Landmark Communications pour 3,5 milliards de $, associé à la Deutsche Bank, General Electric et des hedge funds de Bain Capital et The Blackstone Group. CBS, Comcast et Time Warner qui avaient fait connaître leur intérêt se sont désistés (mais Comcast rachètera NBC). Le prix de 35 $ par abonné est supérieur à celui de l'acquisition, par NBC, de Bravo (chaîne culturelle, 22 $ en 2002) et de Oxygen (chaîne Femmes, 12 $ en 2007). Sundance Channel (chaîne cinéma) a été achetée en 2008 par Cablevision Systems pour 19 $ / abonné (NBC en détenait un tiers).
L'acquisition comprend la chaîne TVC (crée en 1980, 97 millions de foyers abonnés), le site Weather.com (35 millions de visiteurs uniques en juin, selon comScore), Weather Services International (services de prévisions, 5 500 clients), Electronics Corporation (radars météo) et une participation dans Pelmorex (météo canadienne).
Quelle évolution après l'acquisition ? Trois évolutions semblent primordiales :
  1. Les contenus météo pourront être exploités par toutes les chaînes d'infos de NBCU (NBC, CNBC, MSNBC, stations O&O et affiliées, etc.) et par Internet. Cette acquisition consolide la puissance de NBC sur Internet et en téléphonie au moment où se cumulent les audiences tous médias.
  2. En 2004, NBC avec ses stations affiliées avait lancé NBC Weather Plus, qui décollait difficilement (la chaîne est toujours dans le rouge). Une fusion des moyens semble inévitable.
  3. NBC devra augmenter progressivement la contribution des réseaux câblés et opérateurs satellite qui ne versent que 11 c pour retransmettre TWC (selon les standards du marché, on attendrait 25 c).
TWC n'aura qu'un seul grand concurrent sur le marché américain, The Local AccuWeather Channel souvent présent en marque blanche dans les stations TV, les réseaux câblés et leurs sites. Signalons une initiative qui devrait inspirer des imitations : le Denver Post, quotidien de Denver, publie une comparaison des prévisions météo, après coup, le Weather-O-Meter.

Et en France ? Lagardère a vendu La Chaîne Météo (bénéficiaire) en 2006 au groupe Meteo Consult (Prosodie)... stratégie mystérieuse.

Mises à jour octobre 2008
  • Gulli et Tiji, deux chaînes TV pour enfants de Lagardère, mettent en place une météo adaptée à leur public.
  • Le Groupe Figaro acquiert Meteo Consult (10,2 millions de VU /mois selon Nielsen Netratings.
La météo est aisément multimédia et multi-support : pas de média sans météo, pas d'info sans météo. Elle est présente sur les téléphones, encadre le prime time, trône dans les portails. Chaque pays a sa chaîne météo, chaque région, chaque agglomération l'aura. La météo se combine au sport, à l'agriculture et à la pêche, au jardinage, aux vacances, au voyage, au tourisme. La météo, c'est du quotidien, du local de chaque instant, pour les loisirs et pour le travail. Montesquieu avait raison de voir dans l'homme un être du temps qu'il fait et des climats.
L'avenir média de la météo est au beau fixe !
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mercredi 2 juillet 2008

Football : audiences TV et construction de l'Europe


Demi-finale Coupe du Monde 2006 (France-Portugal) : 22,2 millions de téléspectateurs (audience mesurée) pour TF1
Finale Euro 2008 (Espagne-Allemagne) : 11 millions de téléspectateurs (audience mesurée) pour TF1
Finale Coupe du monde 2006 (France-Italie) : 22,1 (audience mesurée) pour TF1

Source : Mediamat, audience mesurée car une importante partie de l'audience, différée, sur ordinateur, hors foyer n'est pas mesurée
  • Les 11 millions de téléspectateurs en direct pour une finale sans l'équipe de France indiquent le nombre des passionnés de foot en France. Ce noyau dur rassemble licenciés et anciens licenciés (FFF, scolaires, etc.), pratiquants et anciens pratiquants, passionnés sans carte (loisisrs, vacances, etc.), sports voisins (beach soccer, foot de rue, etc.), grossis de fans quelque peu chauvins...
  • Les 11 millions manquants indiquent les téléspectateurs d'occasion, ceux qui ne viennent au football que stimulés par un événement débordant le foot. Pour un rendement optimum, l'événement doit réunir plusieurs conditions : une finale + une équipe nationale qui peut gagner + des joueurs idolâtrés (type Zidane). Formule rare. Achetée 50 millions € par les deux grandes chaînes commerciales, la Coupe d'Europe n'a sans doute rapporté que la moitié de cette somme (seuls les chiffres d'affaires bruts étant publiés, il s'agit d'une approximation). Le manque à gagner traduit le déficit d'événementialité. Il reste encore trop d'incertitude sur l'audience ; cela inquiète les grands annonceurs dont l'aversion au risque freine les investissements publicitaires.
Si l'on compare cet événement avec le Super Bowl américain, la différence majeure consiste en l'absence de compétition publicitaire en Europe, de spectacle publicitaire (notre post du mardi 5 février 2008 "Super Bowl, super pubs"). Un annonceur ne prend pas de risque avec le Super Bowl alors qu'il en prend avec une compétition européenne comme l'Euro (UEFA). S'il est bon pour le spectacle et l'audience, le supsense ne l'est guère pour le marché publicitaire. Où se manifeste l'inadéquation des mécanismes de ce marché.

L'Europe n'est qu'un patchwork politique et administratif : on y est de "sa" région (Allemagne, Grèce, France, etc.) avant d'être Européen. "Son" pays éliminé, un téléspectateur sur deux déserte les retransmissions. Les audiences de l'Euro 2008 constituent un indicateur inattendu de l'intégration européenne, de l'écart entre l'Europe "légale" et l'Europe "réelle", "vécue".
D'ailleurs, il n'y a pas d'équipe européenne de football. Erreur politique ! Alors que beaucoup parmi les sélectionnés jouent durant l'année dans un club européen "étranger", ils regagnent leur "région" d'Europe d'origine pour la Coupe du monde.
Qu'est-ce qu'un pays qui n'a pas d'équipe de football ?